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Le rôle précurseur de Grame

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© Grame

Interview de Pierre-Alain Jaffrenou et James Giroudon

<< Historiquement, les promoteurs de la rencontre art/technologies sont les musiciens >>.

Pierre-Alain Jaffrennou et James Giroudon sont les fondateurs et directeurs artistiques de Grame, un des tout premiers centre de recherche et de création musicale installé en région. Ils relatent 25 années d’activité conduite par une investigation pratique, artistique et analytique des relations entre art et science, musique et technologie. Ils évoquent aussi dans cet entretien les relations entre musique savante et musique populaire, musique contemporaine et arts vivants, questions qui mettent en avant le rôle précurseur de Grame.

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Date : 31/08/2006

Quelles sont les origines du projet artistique de Grame ? 

Pierre-Alain Jaffrennou : James Giroudon et moi-même avons fondé Grame en 1981, en ayant pour objectif de travailler l’axe faisant le lien entre recherche et création. Nous pensions alors, et nous n’étions pas les seuls d’ailleurs, qu’à cette période du siècle, il n’y avait pas de création possible sans une réflexion liée aux technologies. Toutes les avant-gardes musicales du XXe, qui ont toutes eu leur importance, ont été basées sur des processus formels qui nous paraissaient, à l'époque, piétiner.

À partir de l’après-guerre, avec les travaux de Pierre Schaeffer, avec l’arrivée de la musique électronique en Allemagne, etc., les technologies ont commencé à entrer dans la musique… Nous sommes inscrits dans cette filiation : nous sommes tous deux passés par des enseignements du Groupe de recherches musicales ( GRM ) un centre de recherche musicale dans le domaine du son et des musiques électroacoustiques créé en 1958 par Pierre Schaeffer, qui rejoint deux ans plus tard le Service de la Recherche de l'Office de Radio Télévision Française ( ORTF ).
Personnellement, je suis ensuite entré au service de la recherche de l’ORTF, où j'ai mis en place une mission d’informatique musicale pour développer un centre d’informatique musicale. Ce centre a été le premier en France, rien de comparable n’existait ailleurs. Nous étions donc très intimement liés à ce mouvement-là, qui cherchait à savoir comment les nouvelles technologies allaient pouvoir influencer l’écriture et la réalisation musicale. C’est dans ce contexte que nous avons fondé un département de recherche à Lyon, au début des années 80.

 

Quelle est la « fiche d’identité » de Grame aujourd’hui ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Grame emploie 17 salariés, dont 5 pour la partie administrative et 3 chercheurs. Le service artistique est assuré par deux directeurs artistiques, une assistante, un régisseur général, un ingénieur du son, un assistant de studio, un responsable des moyens informatiques …

 

Avez-vous fondé Grame en tant que compositeurs ? Y-a-t-il eu des démarches similaires dans d’autres régions ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Oui, c’était un projet d’artiste. J’étais déjà salarié du GRM, une institution où j’avais en charge les innovations technologiques. J’avais aussi une assez bonne connaissance du Ministère, ce qui m’a aidé à démarrer les choses. Il faut souligner que toutes ces initiatives ont été le fait de compositeurs. Mais il y a vraiment eu un mouvement général sur cette « tendance », qui a été soutenue au départ par des radios publiques En Allemagne, le compositeur Stockhausen initialise la musique électronique au sein de la radio de Baden. En France, Pierre Schaeffer invente la musique concrète au sein de la radio française.

Ces grandes figures ont formé de jeunes compositeurs à ce type d'approches et à une réflexion art / technologie. Tout d’abord à Bourges, Vierzon, Marseille, Nice. Ces initiatives ont eu des difficultés à survivre, ont connu différentes phases de croissance, certaines structures, comme Vierzon, ont disparu. Outre les problèmes structurels, il y eut des clivages esthétiques entre une vision de musique électroacoustique pure et une option plus ouverte, envisageant les nouveaux moyens de production du son, comme un complément à l'instrumentarium traditionnel et élargissant profondément le champ de vision du compositeur.

Lorsque nous avons fondé Grame avec James Giroudon, nous avons clairement choisi cette deuxième option. Nous cherchions à ce que ces technologies, faisant appel à du matériel lourd, permettant difficilement de travailler en temps réel, puissent servir à des concerts en public et en mixité avec l’instrumentarium traditionnel. Nous avions donc une vision beaucoup plus large et complémentaire entre technologie et instruments identifiés.
Nous avons défendu ce point de vue par une manifestation, une "nuit des Musiques en Scène" qui préfigurait la biennale du même nom. Le titre résume notre ambition : nous ne faisions pas des musiques "en laboratoire" mais des musiques "en scène".

 

Quel était alors votre projet esthétique ?

James Giroudon : Notre propos avec la technologie n’était pas de créer de nouvelles formes esthétiques en soi, qui auraient été portées par une technologie spécifique. Contrairement à tout ce qui s’est passé dans la première partie du XXe siècle, où l'on a beaucoup inventé d’instruments, mis en œuvre dans le cadre d'un langage musical connu, notre idée était plutôt de transformer, par l'apport des nouvelles lutheries et des relations inédites qu'elles impliquaient vis-à-vis de l'instrumentiste comme l'instrument, la conception musicale. Tout d’abord parce que cela permet l'élaboration de nouveaux matériaux sonores. Les outils informatiques offrant la possibilité de capter le son, de le transformer, permettant ainsi très vite, d'élargir considérablement le vocabulaire sonore. Nous sommes donc dans un rapport de moyen à la technologie, elle n’est pas une fin en soi.

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le geste du musicien. Que produit le geste du musicien ? Que va-t-il déclencher ? Cette interrogation permet d’enrichir l’écriture, mais aussi l’usage de l’instrument lui-même. Cette attention à la présence du geste est un fil conducteur, que l’on retrouve sous différents aspects, depuis une cinquantaine d’années.

Cela correspond aussi à l’idée, de plus en plus partagée par les compositeurs, de mettre en espace leur projet musical. Or l’espace est sonore, mais il est aussi visuel, tactile, etc. Ces mises en situation spatiales impliquent aussi la théâtralité, parce que la production de la musique passe par le geste. Ce processus général d’élargissement caractérise l'ensemble des créateurs, quelle que soit leur discipline. Et aujourd'hui les moyens disponibles ont permis d'accélérer ce mouvement, de créer de nouveaux désirs.

 

Quels ont été vos premiers travaux ?

Pierre-Alain Jaffrennou : D’emblée nous avons démarré nos recherches, en 1982-83, sur la spatialisation du son et sa mise en espace. Cette question a été posée dès la Renaissance par certains compositeurs qui s’interrogent sur la provenance des sons. Puis il y a eu les expérimentations portant sur la disposition des orchestres symphoniques. Mais ce n’est véritablement que dans la deuxième partie du XXe siècle, lorsque apparaissent les haut-parleurs, que ces questions prennent une dimension nouvelle. Le GRM, par exemple a inventé l’acousmonium, qui est un ensemble de haut-parleurs permettant de spatialiser la musique, de considérer les sources sonores comme des éléments d’un orchestre, avec des qualités distinctes de timbres, et de les répartir ainsi dans l’espace.

Nous nous sommes dit que l’informatique devrait pouvoir suppléer aux outils que nous utilisions à l’époque. Nous détournions alors des tables de mixage de leur usage. Nous avons initié un projet de recherche, qui a abouti à la maquette de laboratoire appelée SINFONIE. Avec ce prototype, nous sommes allés voir l’ANVAR. Nous avons alors gagné un concours national organisé par le Ministère de la culture, en 1984. Nous avons aussi fait un concert inaugural en 84 dans le Grand Théâtre de Fourvière, qui était la première manifestation publique du dispositif.
En résumé, notre dispositif permettait au compositeur, au diffuseur, de déplacer le son dans l’espace par le geste. Ce geste était capté par des moyens informatiques. Il y avait aussi un système de mise en mémoire, qui permettait de créer des plans sonores. L’aide de l’ANVAR devait nous aider à industrialiser, c’est-à-dire à en faire une maquette susceptible d’intéresser un industriel. Nous sommes allés jusqu’à la réalisation du produit. Puis nous sommes passés à la phase de commercialisation sur laquelle nous nous sommes heurtés à des difficultés que nous n’avons pu surmonter, pour deux raisons principales à mon avis.

La première est due à notre manque de compétence et d'expérience en ce domaine : nous sommes des compositeurs, pas des commerciaux. La seconde vient du fait que nous étions vraiment trop en avance sur l'air du temps. Les professionnels qui écoutaient étaient sidérés, mais ils ne franchissaient pas le pas. Aujourd’hui, le rock, la variété, le spectacle vivant ont généralement intégré des stratégies de diffusion et de spatialisation du son. Il a donc fallu une quinzaine d'années pour que l’idée de travailler les sons dans l'espace s'impose.

 

Est-ce que la technologie n’influence pas tous les arts, les arts visuels et la danse au premier chef ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Historiquement les promoteurs de ce mouvement de rencontre art / technologies sont les musiciens. La musique était ainsi très en avance, par rapport aux autres champs artistiques comme les arts visuels par exemple. Cela s’explique en partie parce que la musique est un art de l’abstraction, qui n’est pas en imitation de la nature, il est dans l’abstraction dès l’origine. Ensuite ces technologies se sont progressivement développées, jusqu'à la mise au point de langages au caractère qui tend à l'universel. Maintenant, ces langages ne sont plus réservés aux seuls compositeurs, leur usage s'est répandu dans les arts plastiques, la vidéo, etc, produisant ainsi une convergence des disciplines par le biais de ces outils.

Nous sommes spécialistes de cette approche et nous participons au développement de ces nouveaux concepts et outils parfois en lien, en aval, avec l’industrie. C’est très naturellement que Grame entretient des rapports de production avec des plasticiens, des vidéastes, etc., pour offrir des connaissances, des compétences, ainsi que des dispositifs développés par les chercheurs. Grame constitue un environnement matériel et humain, un pôle de compétences, adéquates au développement de leur projet. Cela s’est beaucoup concrétisé à travers les productions de la Biennale Musique en Scène, ou encore via les résidences d'artistes. Ces derniers, qui ne sont pas nécessairement compositeurs, viennent à Grame, pour développer un projet musical, souvent en connivence avec d'autres disciplines.

 

Comment ces choix esthétiques ont-ils été traduits localement ? Quelle est la nature des liens entre Lyon et Saint-Étienne via l’Ensemble orchestral contemporain ( EOC ) ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Ces centres étaient pour la plupart liés à l’État par le biais du Ministère de la Culture, qui en assurait tant bien que mal les besoins en équipement et en fonctionnement. En termes de production, le coût de réalisation musicale d'une œuvre électroacoustique d'un compositeur en résidence relevait uniquement des frais de fonctionnement supportés par le studio. L’option que nous défendions, différente, nous conduisit rapidement à nous lier, par convention, avec un ensemble musical –l’EOC, Ensemble orchestral contemporain dirigé par Daniel Kawka, basé à Saint-Étienne–. La présence d'interprètes induit alors naturellement des coûts importants de financement des répétitions et des représentations dans le cadre de concerts, de tournées, etc. Le coût de réalisation musicale d'œuvres mettant en jeu des interprètes et des dispositifs technologiques est de ce fait beaucoup plus important que dans le cas d'une musique électroacoustique. Malgré cela nous avons poursuivi la construction d'un centre dédié à la réalisation d'œuvres mixtes mettant en jeu à la fois les nouvelles sources sonores et l'instrumentarium hérité de la tradition classique.

James Giroudon : Les liens avec l’EOC sont contractualisés par une convention qui lie l’EOC à Grame. L’Ensemble orchestral contemporain est un orchestre qui a une activité importante sur la Loire et l’agglomération stéphanoise, mais qui a trouvé, ici à Lyon, une logistique indispensable pour mener une politique de création. La spécificité de l’EOC porte sur les musiques et les répertoires dits mixtes. Ce mélange entre instruments de lutherie traditionnelle et les dispositifs informatiques et électroniques est une importante dimension de la création contemporaine. Nous y explorons l’espace sonore par l’interprétation d’œuvres dont la complexité des systèmes de diffusion, accroît le confort acoustique de l’auditeur et apporte une dimension visuelle inédite au concert. Les concerts mixtes sont réalisés en partanariat avec le GRAME, car ces réalisations nécessitent une forte logistique technique.
 L’Ensemble orchestral contemporain et Grame sont associés par convention dans le but d’affirmer en région Rhône-Alpes, la présence d’un ensemble instrumental dédié à la musique de notre temps, autour d’un projet artistique reliant activité compositionnelle, interprétation et diffusion. Ils sont associés par convention depuis 1995. Cette association a permis la rencontre d'une communauté de compositeurs, de chercheurs et d'interprètes faisant ainsi naître un répertoire dense, riche et fécond d'œuvres musicales mixtes.

Je pense qu'il faudrait trouver de nouveaux liens, beaucoup de choses sont à créer entre Lyon et Saint Etienne, du moins dans notre domaine. Nous menons aussi de nombreuses actions de formation et de sensibilisation sur Saint Etienne. Cela devrait se développer dans l’avenir, en sachant qu’il y a aussi, au-delà, un vaste territoire régional, un niveau national et international. Nous sommes sur beaucoup de fronts à la fois.

 

Lorsque vous parlez de chercheur, on voit bien ce que ça peut être en sciences sociales par exemple, mais pour la musique… Que fait-il ? Quelles sont les différences entre un chercheur et un compositeur ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Il y a pourtant une distinction, que même le Ministère de la culture ne faisait pas autrefois, assimilant le travail du compositeur à celui d'un chercheur, au sens où le compositeur cherche son œuvre, et non dans l’acception scientifique du terme. Les chercheurs de Grame et les stagiaires que la structure accueille, le plus souvent en provenance de grandes écoles scientifiques, sont insérés dans le milieu scientifique en publiant dans les revues spécialisées, au niveau national et international, en participant aux congrès, etc.

Que font-ils ? Et bien, ils développent à la fois des concepts et des connaissances. Ils conçoivent aussi des outils, qui peuvent être des produits de recherches très personnalisés conçus pour Grame autour de certaines thématiques ou bien insérés dans des programmes européens de recherche. Le premier programme européen auquel nous avons participé portait sur la télématique, particulièrement sur le télétravail. Notre contribution consistait à évoluer les potentialités du travail à distance dans le cas très singulier et très exigeant de la direction d’orchestre. Nous avons placé un chef dans une ville et l'ensemble des musiciens dans une autre. On a alors évalué cette situation au travers de protocoles scientifiques.

Le second projet européen, intitulé IMUTUS (Interactive Music Tuition System) avait pour objectif principal le développement d'un système multimédia interactif pour l'enseignement à distance de la pratique instrumentale. Ce projet, a été réalisé avec des partenaires grecs, italiens et Suédois dans le cadre du programme IST (Information Society Technologies) de la Communauté Européenne.

Nous travaillons actuellement sur un autre programme d’assistant musical informatique intitulé VEMUS, qui a lui, pour objectif le développement et la validation d'un système ouvert et interactif d'apprentissage de la pratique instrumentale. Nous avons d’abord travaillé sur la flûte à bec, via un réseau : chaque élève équipé d’un PC tactile joue en réseau. Le jeu est alors analysé et critiqué par l’ordinateur. Ce sont là des programmes lourds, qui demandent investissements importants en termes de temps de travail et d’équipe et faisant appel à plusieurs pays, la Grèce, l’Italie, les pays nordiques…

 

Et dans ces cas-là, est-ce Grame qui rédige le logiciel informatique ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Oui, en partie. Ce sont les chercheurs de Grame, éventuellement accompagnés de stagiaires de grandes écoles ou de chercheurs en CDD ou encore des intermittents qui viennent épauler l’équipe de recherche. Nous produisons des logiciels en « open source » : tous les programmes informatiques développés ici sont libres de droit, et sont publiés sur Internet. En retour, chacun peut participer au développement de ces sources à partir du moment où il y a l’accord de l’équipe initiatrice.

C’est aussi la limite de notre travail, nous fonctionnons un peu comme un laboratoire universitaire. Notre vocation n’est pas de développer des produits, destinés à un grand public et dont il faudrait assurer une maintenance permanente en fonction de l'évolution des systèmes d'exploitation sur Macintosh, PC ou Linux. Nous développons prioritairement des concepts et des connaissances, même si souvent cela se traduit par la rédaction de programmes sophistiqués.

Ainsi, nous avons produit MidiShare, système musical temps réel qui a été primé de longue date, et maintenu depuis des années sur différentes plateformes. C’est un produit phare utilisé dans plusieurs applications industrielles et de recherche. Nous poursuivons actuellement le projet FAUST (Functional AUdio STream) visant à développer un ensemble de techniques et d'outils permettant de décrire des algorithmes de synthèse et de traitement du signal dans un langage de spécification de haut niveau tout en bénéficiant d'une compilation efficace, comparable à du code C optimisé. Nous maintenons ces produits mais nous n’avons pas les moyens d’aller plus loin en termes d’industrialisation, ce qui ne correspond pas d'ailleurs à notre vocation.

 

Et si un de vos logiciels, se trouve avoir une application beaucoup plus large que celle que vous avez imaginée au départ, est-ce que vous avez la possibilité d’en recevoir les royalties ?

Pierre-Alain Jaffrennou : Nous sommes liés à plusieurs laboratoires, dont celui de Sony par exemple, qui utilise dans ces produits des briques logicielles développées à Grame. L'entreprise se conforme à la charte des logiciels open source : nous sommes cités, mais il n’y a pas de royalties. Donc économiquement parlant, l’intérêt pour nous est égal à zéro. Nous fonctionnons comme la recherche universitaire.

 

Plus largement, est-ce que le champ culturel n’est pas en train d’évoluer, est-ce que ces distinctions entre musique savante contemporaine et autres productions ne s’affaissent-elles pas ? Dans le domaine des arts plastiques, on constate que la distinction entre art contemporain et design s’amenuise, la reconnaissance du design s’amplifie. En va-t-il de même pour la musique savante ? Quelle est la place des musiques électroniques et que pensez-vous de Nuits Sonores ?

James Giroudon : Les Nuits Sonores procèdent d'une logique très différente de celles des musiques écrites, tant dans les pratiques du métier, dans l'économie et des modalités d’écoute En forçant les traits, on pourrait dire que l'écoute des musiques actuelles peut se faire généralement dans un certain type d'ambiance, tandis que nous défendons des musiques qui sont faites pour être écoutées avec beaucoup d'attention, pas pour que les gens discutent. Concrètement on n’est pas dans le même champ, même si plusieurs musiciens ou groupes se situent à des points d'intersection de ces champs.

Pierre-Alain Jaffrennou : Oui, l’économie est très différente ! Combien de revues, d’émissions de radio ou de télé abordent les musiques actuelles ? Pour les musiques savantes, il n’y a peu ou prou que "Le Monde de la Musique", et quelques articles trop rares dans les grands quotidiens. Il n’y a quasiment plus aucun critique musical en province et de moins en moins au niveau national.

Les éditeurs de disques n’éditent plus que les grands classiques de la musique du XXe siècle. Tout un champ économique a disparu, au profit d’une inflation de musiques actuelles, qui elles brassent des sommes considérables. Il peut cependant y avoir des passages, avec des artistes, on peut réaliser des voisinages. Mais un DJ qui va faire un disque qui va marcher, il va le vendre à 100, 200, 300 000 exemplaires, et ça, ça n’existe pas en musique