Du dualisme entre nature et culture à une pensée du vivant
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Cet article appelle à s'extraire du dualisme nature/culture et donne à voir d'autres manières d'être au monde.
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Interview de Nawel Bab-Hamed
Nawel Bab-Hamed a suivi un parcours universitaire en littérature et histoire de l’art, puis en sociologie appliquée au développement local.
Elle a travaillé ensuite dans le secteur culturel dans des communes de l’agglomération lyonnaise, a été élue en charge de la culture dans le 1er arrondissement de Lyon, et depuis 2022 est chargée d’études à l’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise (UrbaLyon), avec pour mission d’infuser la question culturelle dans les projets développés par l’agence.
Cette même année, Nawel Bab-Hamed a publié Plaidoyer pour une culture (ré)humanisante, un essai qui nous met en garde contre une déshumanisation rampante de nos sociétés et propose une nouvelle matrice des politiques culturelles dont l'objectif serait l'humanisation.
Dans cet entretien, nous cherchons à comprendre son diagnostic, à savoir comment elle envisage la réhumanisation de la société, et comment les politiques publiques pourraient nous engager sur ce chemin.
Avec Nawel Bab-Hamed, demandons-nous si la réhumanisation pourrait devenir un paradigme pour la transformation des politiques publiques dans les années qui viennent.
Comment avez-vous découvert ce concept d’humanisation, ou de réhumanisation ?
Dans le cadre de mes études, j’avais découvert les travaux de l’anthropologue Réné Girard sur les origines de la violence des êtres sociaux qu’il résume en trois fondements : la peur, le désir et le besoin de reconnaissance. Ces affects fondamentaux expliquent en partie la facilité avec laquelle on peut déshumaniser des sociétés quand elles ne développent pas des artefacts humanisants pour les canaliser. Ces artefacts peuvent être par exemple des droits érigés en valeurs universelles, qui ont pour but d’élargir le « nous, humains », et des droits sociaux pour préserver le « nous, humains ».
Quand j’ai commencé à écrire et à effectuer des recherches, j’ai découvert le mouvement Humanisation de l’universitaire canadien Gaston Marcotte, dont la raison d’être est de promouvoir un droit des enfants non seulement à l’éducation, mais surtout à une éducation humanisante. C’est aussi l’objet de réflexion des droits culturels du collectif de Fribourg et de la santé culturelle de la psychologue et psychanalyste Sophie Marinopoulos. Il ne s’agissait pas tant pour moi de revisiter le concept de l’humanisation, que de rassembler un corpus autour de lui, de sa remise en chantier, la « (ré) humanisation », et de réfléchir à son portage par l’ensemble des politiques publiques qui régissent notre bien commun. De ce point de vue, il y a une urgence à faire revivre le mouvement Humanisation pour sortir d’un certain « humansime washing ».
Dans votre essai, Plaidoyer pour une culture (ré)humanisante, vous jugez indispensable de se réhumaniser, par la culture. Pourquoi est-ce si nécessaire ?
Justement, Sophie Marinopoulos a remis au ministre de la Culture en 2019 un rapport, Lutter contre la malnutrition culturelle. Une stratégie nationale pour la Santé Culturelle. Promouvoir et pérenniser l’éveil culturel et artistique de l’enfant de la naissance à 3 ans dans le lien à son parent.
Elle constate que les enfants des pays développés, y compris au sein des familles de CSP+, manifestent une « malnutrition culturelle » : appauvrissement du langage et de la pensée, faible sécurité émotionnelle, perte d’estime de soi, baisse de la résistance à la frustration, excitabilité relationnelle… Elle y voit un enjeu de santé publique, et préconise une politique ciblée sur les 0-3 ans pour nourrir leur éveil culturel à partir d’activités artistiques.
Plus largement, je pense qu’il est temps de reconnaître que nous, adultes compris, souffrons de malnutrition culturelle, et qu’il est temps de repenser la nourriture culturelle indispensable à une société en bonne santé. La question qui me semble la plus urgente à décortiquer est la suivante : qu’est ce qui permet de (se) réshumaniser ? Ensuite, comment pouvons-nous réactiver des mécanismes de ré-humanisation dans le cadre de nos politiques publiques, particulièrement en temps de crise ?
Comment définiriez-vous le processus d’humanisation, et son contraire, celui de déshumanisation ?
Gaston Marcotte, dans son ouvrage Le droit de l’enfant à une éducation humanisante, a défini ainsi ce qu’est un processus d’humanisation : « une démarche intentionnelle au cours de laquelle l’individu apprend à connaître et à actualiser les potentialités humaines qui lui permettent de découvrir et de satisfaire toujours davantage les besoins individuels et collectifs de son être, dans le respect des droits de la personne ».
S’humaniser implique donc de développer des facultés proprement humaines pour s’épanouir. L’être humain est prédisposé à être singulier, flexible, sensible, donc créatif. La créativité se nourrit de l’expérience, et l’expérience se nourrit des ressources auxquelles il nous est possible d’accéder.
L’expérience nourrit à son tour un bagage cognitif. L’humanisation évolue donc en colimaçon. Privé de ce processus, l’humain se déshumanise. J’insiste sur la cognition. La cognition est un ensemble très vaste de processus mentaux, qui mettent en interaction la mémoire, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, l’intelligence, la résolution de problèmes, la prise de décision, la perception, l’attention et aussi les émotions.
Les cognitions sont mentales (apprentissage, langage, jugement, créativité, intelligence), morales (valeurs, éthique, respect), émotionnelles (attachement, sentiment de compétence, estime de soi et de l’autre), sociales (relations interpersonnelles, responsabilité sociale) et physiques (santé physique et mentale, hygiène de vie). Pour stimuler l’humanisation, il me semble fondamental d’agir sur les cognitions humaines, depuis la naissance de l’enfant et tout au long de la vie.
Pourquoi parler de réhumanisation plutôt que d’humanisation ?
Je parle de réhumanisation, dans le sens où le processus d’humanisation n’est pas naturel, loin d’être un acquis définitif, il s’entretient, collectivement. Dans certains pays, on enseigne l’empathie, alors que nous avons tendance à penser, à tort, que c’est une compétence naturelle de l’être humain, donc inaliénable et pour cette raison, que nous n’avons pas à en prendre soin.
À travers nos modes de vie, ou en prêtant une attention à certains médias, il est possible de perdre notre capacité empathique. La montée du complotisme dans le monde, dont le fonctionnement échappe au débat public, interroge sur la rapidité avec laquelle peut arriver un effondrement cognitif, culturel, d’humanité, y compris dans des pays considérés comme hautement civilisés.
L’humanité, comme l’amour, comme la haine sont alimentés par des contextes et par des choix politiques. Nelson Mandela rappelle que personne ne naît en haïssant un autre pour sa couleur de peau, son origine ou sa religion, donc la haine est une construction culturelle. Entretenir notre humanité est un choix politique. Nous sommes capables de le faire, y compris en temps de crise.
Qu’est-ce qui dysfonctionne à vos yeux dans nos sociétés, sur quoi faut-il revenir ?
Ce que nous appelons « crises » depuis la révolution industrielle, et qui se succèdent (économiques, environnementales, sociales, sanitaires) sont, avant tout, des conséquences d’une crise culturelle, une crise de sens, de valeurs, une crise des liens, des repères symboliques. Par exemple, la représentation occidentale du progrès, du modernisme, de l’émancipation, de la liberté, de la réussite mérite d’être remise en chantier.
C’est donc un rapport de causalité qu’il convient de renouveler, mais aussi la façon de distinguer, de classer, de catégoriser le monde. Il me semble important de réassocier ce que nous avons dissocié — les humains et les autres vivants, qui peuvent être aussi des êtres sociaux. Il me paraît important (en tenant compte des erreurs du passé) de réassocier les sciences naturelles et les sciences sociales, et ainsi de suite — de manière à renouveler nos regards et le sens de nos pratiques.
C’est le travail qu’entreprend Bernard Lahire dans son dernier ouvrage Les structures fondamentales des sociétés humaines. Le fait de s’essayer aux différentes ontologies que décrit Philippe Descola à travers des jeux, des temps d’exploration, de l’art, du débat, c’est déjà une façon intéressante de nous décentrer et voir les choses autrement. La réhumanisation est un projet culturel, au sens le plus large.
Pourquoi cette réhumanisation passe-t-elle forcément par la culture ?
Dans un moment si confus, il est important de rappeler que la culture est une façon de rêver, de se projeter, de produire, de ritualiser, de célébrer, et de faire humanité ensemble — je me réfère là encore à la Déclaration de Fribourg de 2007 sur les droits culturels. La culture est la façon de construire un rapport aux autres humains, à l’animal, au ciel, à la terre, au matériel et à l’immatériel. C’est l’élément fédérateur, qui définit la manière dont nous coopérons pour répondre à nos besoins. La culture a une dimension opérationnelle, intéressante dès lors qu’il convient de mettre à contribution tout le monde pour faire culture ou civilisation ensemble.
Si je m’en réfère à Clair Michalon, la culture peut aussi être définie comme la façon dont un individu ou un groupe trouve des solutions aux défis de son temps. Une réponse opérationnelle à un besoin culturel, pour une collectivité, réside dans la façon de produire et répartir les richesses d’un territoire pour viser la justice sociale et spatiale. Elle prend corps dans la conception des espaces publics, dans des choix comme le retour aux régies publiques de l’eau et des sols pour préserver ces biens communs, la préservation de la ressource air que l’on respire, les politiques de scolarité, de solidarité, de mobilité, d’alimentation, de santé, etc.
Comment convaincre nos concitoyens de s’engager dans cette voie de la réhumanisation ?
Déjà, nous pouvons nous poser la question : de quoi sommes-nous nourris émotionnellement ? Sommes-nous capables de définir aujourd’hui un idéal collectif ? Que faisons-nous pour l’atteindre collectivement ? Se projeter dans le futur est extrêmement compliqué, d’autant que la défiance envers le politique est très forte, que l’injonction à l’urgence et dans la crise nous empêche de prendre du recul, et que nous avons perdu en capacité à penser la complexité du monde. Tout cela nous pousse au repli, à la pensée binaire, et favorise la fabrique de l’ignorance et du consentement, d’où la nécessité de déconstruire et de reconstruire, un exercice de Lego qui demande un effort politique particulier, certes.
Convaincre nos concitoyens commence par mettre en récit et en débat un projet de société et le coconstruire. Nous sommes des réceptacles à histoires. Nous avons besoin de nous raconter des choses qui nourrissent notre créativité. Pour cela, il y a l’éducation : éducation à l’empathie, l’enseignement de la philosophie dès le plus jeune âge, plus de place aux débats des idées. Questionner notre « rapport à » (par exemple le rapport à la pauvreté, pourquoi la pauvreté existe-t-elle dans un pays riche ?) permet un peu plus de comprendre où nous en sommes de nos perceptions collectives.
Cela permet d’observer les transitions des comportements potentiels : comportement fiscal, comportement d’achat, d’alimentation, de santé, de scolarisation des enfants, de relations sociales, de mobilités, de loisirs et de voyage, de choix professionnels, etc. Parmi les boîtes à outils disponibles pour commencer le chantier de la (ré)humanisation, il y a les travaux de Sophie Marinopoulos que j’ai cités, ils nous stimulent pour repenser la nourriture culturelle indispensable à une société en bonne santé culturelle.
Comment cet enjeu d’humanisation se situe-t-il par rapport aux questions identitaires, très prégnantes et clivantes aujourd’hui ?
Nous avons beaucoup travaillé la question culturelle par la question identitaire en France, en défendant les identités, mais malheureusement chaque échéance électorale nous offre le spectacle de leur rivalité. La construction de l’imaginaire politique doit se déplacer des questions d’identité aux questions d’humanité, d’autant plus que l’identité déconnectée de l’humanité crée du communautarisme, de l’intégrisme, etc.
Pour un projet de territoire, je trouverais intéressant de convoquer les gens en leur demandant quel humain ils ont envie d’être, plutôt que leur demander en quelle identité ils ont envie de se reconnaître. Cela positionne différemment le sujet. On a beaucoup trop mis en avant le droit à la différence et pas suffisamment le droit à la ressemblance en tant qu’humain. Je trouve que cela pourrait être davantage amené dans nos politiques publiques. Je propose dans mon essai une méthode : travailler à l’échelle d’un territoire et de façon collégiale et opérationnelle des Objectifs d’Humanisation Durable (OHD), par référence aux Objectifs de Développement Durable.
On peut imaginer plusieurs champs d’application dans ce qui fait territoire. Pour commencer, on pourrait demander aux gens leur perception de ce qui, au quotidien, les humanise et les déshumanise. Le résultat pourrait être une mine d’or pour renouveler une conscience collective.
Aujourd’hui en France, nous sommes appelés à nous réunir autour des principes républicains. Vous invitez à nous réunir autour d’un autre socle, celui de notre commune humanité. Est-ce une manière de s’affranchir des débats idéologiques qui entourent la question républicaine ? De situer ce projet à l’échelle de l’humanité tout entière ?
Quand on se réfère à la République, on se réfère nécessairement à un projet national, au territoire national, à l’identité nationale. La question de prendre soin ensemble de notre humanité me semble être une entrée plus naturelle, plus large, plus importante, en tout cas c’est celle qui m’anime : comment traduit-on notre besoin d’humanité commune en projet culturel national ?
Reliez-vous le projet de réhumanisation à la mouvance de l’écospiritualité, qui met en avant la nécessaire reconnexion au vivant, à soi, au sensible, allant parfois jusqu’à relier la nature au sacré ?
Ces mouvances traduisent un besoin profond. Il est important de faire usage collectivement de notre connaissance sensible et émotionnelle, et de la mettre au service de la réhumanisation. Mais le risque de tels courants, c’est de reproduire des erreurs du passé.
À vouloir sacraliser la nature, on pourrait interdire la relation de l’homme à des espaces naturels, produire de nouvelles formes de déconnexion à la nature. Ou pire encore, créer des logiques de bonus-malus qui s’apparentent à des conceptions religieuses du rachat de ses actes. C’est un point de vigilance que de rester dans une pensée laïque, au sens qu’elle soit basée sur les bases scientifiques et qu’elle envisage la laïcité comme un outil de pensée.
Par exemple, la répartition des richesses est une pensée laïque là où la charité est une pensée religieuse, idem sur l’égalité sociale vs égalité des chances. Il est toujours intéressant de comprendre comment des civilisations passées ont fait face à leurs crises culturelles. Mais c’est surtout le processus qui compte, moins le résultat, car puiser dans le passé pour récupérer un résultat s’apparente à une lecture fondamentaliste (le retour à un supposé âge d’or) et non à une lecture fondamentale (puiser dans les archives du monde pour penser l’avenir). Et c’est précisément ce fléau fondamentaliste, aux apparences parfois inattendues, qui avance à grands pas partout en Europe et dans le monde.
Identifiez-vous des points d’appui ou des éléments de méthodes, pour que les politiques publiques puissent se saisir de cet enjeu de la réhumanisation ?
Toute politique publique qui réduit le rapport de domination des plus vulnérables et qui augmente la part d’appropriation et l’amélioration de la dignité de tous (habiter, se mouvoir, se nourrir, rêver, se projeter, s’éduquer, se libérer, etc.) est une politique qui tend vers plus d’humanisation. Pour toute action, décision, politique publique, il me semble intéressant de se poser la question : induit-elle un rapport de domination ? Participe-t-elle à un processus de déshumanisation ou au contraire de réhumanisation ?
Si je prends appui sur ce qui se passe localement, le retour à la notion de bien commun pour l’eau, le sol, l’alimentation, la santé est important dans les politiques publiques. Les démarches pour faire évoluer les postures professionnelles comme le développement du pouvoir d’agir insufflent plus de confiance et réduisent les rapports de domination. Qu’il s’agisse de l’inscription de l’hospitalité dans une politique publique, de l’accompagnement scolaire, de la mobilité, de l’habitat modulable, tout cela mérite d’être éclairé par le prisme de l’humanisation des parcours de vie.
Pourquoi cette attention à la vulnérabilité ?
Quand on est vulnérable, on développe davantage son instinct de survie que son instinct de vie, on est dans l’urgence, notre situation ne tient à rien, elle peut basculer d’un instant à l’autre. Quand on se sent continuellement agressé dans sa dignité, son humanité, quand on vit un cumul de violences physiques ou symboliques, on n’a pas d’espace-temps pour se requinquer, décompresser, maintenir son humanité et affronter le monde.
Il est compliqué de faire société ensemble parce que la vulnérabilité créée de la déconsidération, de la frustration, du mal être, on peut se retourner contre soi-même ou contre les autres et dans certains cas développer un esprit de vengeance… Comment en vouloir à une personne qui cumule des difficultés au quotidien de ne pas s’intéresser à la survie d’un humain à l’autre bout de la planète ou à celle d’un insecte en bas de chez lui ? On en revient au processus émotionnel du début de notre échange.
Pour penser la société, je trouve qu’il est intéressant d’avoir un référentiel, un « modulor ». Je propose que le modulor pour nos projets de société, ce soit le plus vulnérable. Si nous pensons des projets par le plus vulnérable, l’enfant, la personne âgée, handicapée, discriminée, défavorisée, ils bénéficieront de facto à tous. L’inverse n’est pas vrai. Si l’on pense les politiques publiques par les plus vulnérables, cela permet de maintenir une humanisation pour l’ensemble.
Je trouve extrêmement intéressant, à l’époque du Conseil national de la Résistance (CNR), que des gens aient acté que nous vivons des moments de vulnérabilité dans nos vies, que la vulnérabilité est consubstantielle à l’être humain, et qu’ils l’aient traduit politiquement dans un modèle de solidarité. La mise en place de la Sécurité sociale, en 1945, est un exemple concret, extrêmement fort, de l’utilisation de ce modulor de la vulnérabilité.
Le CNR a su transcrire la fluctuation d’un parcours de vie en un budget national permanent et solidaire. C’est ce modèle qui nous a permis de tenir dans la crise sanitaire de 2020. Prendre conscience que nous partageons la vulnérabilité, cela permet de relier la condition du plus aisé et du plus modeste, de générer un nouveau regard, d’assembler différemment les choses… Plus que jamais, un tel modèle est source d’inspiration pour les politiques publiques.
Comment, concrètement, dans la déclinaison de politiques publiques, prendre en compte les plus vulnérables, réduire les rapports de domination ?
Affaiblir les rapports de domination qui traversent la société passe à la fois par l’éducation, le changement de perceptions et d’imaginaire, et par des lois et des politiques publiques. Par exemple, avancer vers l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est une manière de réduire les phénomènes de domination, déjà par une moindre dépendance financière des femmes envers les hommes. C’est un travail politique que de réduire des rapports de domination, dans l’alimentation, la mobilité, l’habitat, l’éducation…
Nous sommes dans un processus de réhumanisation quand nous changeons notre façon de parler au plus vulnérable (un enfant, une personne âgée, un étranger) ; quand nous construisons la ville à partir du plus vulnérable (une personne démunie physiquement ou psychiquement) ; quand nous pensons l’accès à l’alimentation pour le plus vulnérable (un étudiant, une famille précaire), avec par exemple l’accès à la cantine à des tarifs très bas, pour que les enfants de familles précarisées puissent se nourrir convenablement, être en meilleure santé, être plus concentrés à l’école, etc.
Nous allons dans le sens de la réhumanisation quand on met en place une sécurité sociale alimentaire et des circuits alimentaires vertueux entre les agriculteurs et les consommateurs. La réhumanisation nous engage à plusieurs niveaux de conscience et d’interaction, donc à plusieurs échelles. Jusqu’à notre façon de cohabiter avec les autres vivants. Quand l’enjeu du vivant intervient dans la manière de dessiner des schémas de cohérence territoriale (SCOT), ou quand on lance des programmes de renaturation, nous affaiblissons la domination de l’humain sur le reste.
Dans notre société culturellement capitaliste donc basée sur la domination, la réhumanisation passe par l’acceptation de la fragilité, la non-linéarité, la non-disponibilité, la non-immédiateté, un ensemble de comportements qui pourraient, peut-être, nous rendre plus humbles et plus vertueux, car nous sommes tous vulnérables à un moment de notre vie. Et la réponse ne se trouve pas dans l’autosuffisance ou l’isolement. Je renvoie aux travaux d’Olivier Hamant pour prolonger la réflexion.
Pour aller plus loin :
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Interview de Olivier Hamant
directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture (INRAE)
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Interview de Michel Desmurget
directeur de recherches en neurosciences à l'INSERM, à l'Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod
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Chargée d'études sociologiques, culture & modes de vie à l'agence d'urbanisme de l'aire métropolitaine lyonnaise (UrbaLyon)
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