Du dualisme entre nature et culture à une pensée du vivant
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Cet article appelle à s'extraire du dualisme nature/culture et donne à voir d'autres manières d'être au monde.
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Convient-il de pluraliser les Lumières, et/ou de basculer de l’universalisme à un « pluriversalisme », comme nous invitent à le faire certains courants de pensée ? La nécessité d’un basculement de l’universalisme abstrait à un universalisme pluralisé n’est pas forcément une évidence. Ce qui l’est, c’est qu’on ne peut sans doute pas se passer d’un universalisme pour penser notre commune humanité, et affronter les défis planétaires qui viennent.
Un universalisme réactualisé est un moyen d’échapper à la compétition des identités, de repenser l’émancipation individuelle et collective, de faire face aussi aux nouvelles formes de déshumanisation qui se produisent dans notre monde mondialisé (nouvelles formes de manipulation, d’asservissement, d’exploitation) et finalement de poursuivre un travail d’humanisation, comme développement des potentialités proprement humaines.
L’universalisme, pour offrir les conditions de son appropriation, doit être constamment soumis à la réflexion, voire à la critique. Ce texte nous amène du côté de la philosophie politique, mais on ne doit pas perdre de vue que les implications d’un basculement peuvent être très concrètes, en matière de droits effectifs, de fonctionnement des sociétés, de rapports entre individus.
La perception de l’universalisme diffère radicalement en fonction des cadres théoriques et idéologiques mobilisés. Dans le cadre du débat français, très polarisé, l’universalisme désigne, à un pôle, un idéal d’émancipation par la raison, une promesse d’égalité entre tous les êtres humains. Au pôle opposé, il incarne l’impérialisme culturel de l’Occident et le refus des différences. Dans le premier pôle, il s’agit de le défendre, au nom de ce qu’il permet, et parce qu’il est menacé par le communautarisme, voire « l’identitarisme » (Heinich, 2021).
Quand le communautarisme s’érige en idéologie politique, les communautés culturelles deviennent les briques élémentaires de la société. Le communautarisme (voir par exemple les écrits de Nathalie Heinich ou Dominique Schnapper) limite la liberté des individus en les assignant à un groupe ; il exacerbe les particularismes aux dépens de ce qui unit ; il essentialise des identités ; il conduit à des formes de citoyenneté différenciées, menaçant la cohésion sociale à l’échelle de la nation ; il menace l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le second pôle, on oscille entre un rejet pur et simple de l’universalisme (position « anti-Lumières ») et une aspiration à le renouveler radicalement (Policar, 2023). Au sein de la société française, la mouvance identitariste décoloniale a ainsi développé des pratiques militantes « ethnodifférentialistes » hostiles à l’universalisme. « Refuser l’universalisme » peut alors être un mot d’ordre.
Dans cette controverse universalisme/communautarisme, relancée régulièrement (par exemple après les manifestations qui ont suivi la mort de Georges Floyd), chaque camp tend à caricaturer l’adversaire. Chez les « décoloniaux », on critiquera par exemple l’« universalisme intégriste » (expression de l’économiste Serge Latouche), « l’universalisme assimilationniste », la « fureur universaliste » (expression du socioanthropologue italien Claudio Marta). Pour penser l’universalisme, il faut échapper aux termes de ce débat hyperpolarisé qui pousse à choisir entre des solutions duales, l’universel ou le particulier, la société ou la communauté (Rancière, 2003, Jullien 2011, Wieviorka, 2021, Lilti, 2019), et déjà identifier les registres de l’universalisme.
La revendication d’universalité, est l’idée selon laquelle la validité, l’autorité, la légitimité de certaines idées ou de certaines pratiques, ont une portée universelle, c’est-à-dire s’étendent, de droit ou de fait, au monde entier. L’universalisme a plusieurs registres, souvent confondus dans le débat public (Lilti, 2023-2024) : l’universalisme épistémologique, qui s’oppose au relativisme, affirme qu’il est possible de tenir un discours universellement vrai sur le monde réel. Il peut renvoyer à de l’intangible, comme les lois universelles en matière de physique.
L’universalisme moral soutient que certaines normes morales possèdent une validité universelle, ou sont susceptibles de vérité ou de validité universelle. Il porte sur la pluralité des valeurs et la possibilité de juger ou de critiquer une culture à partir de principes et de règles qui lui sont extérieurs. Enfin, l’universalisme politique est une philosophie politique, indissociable des Lumières et de la Révolution française, ayant pour finalité d’octroyer à tous les citoyens d’une même nation des règles, des valeurs, des principes communs, sans distinctions relatives à des particularités culturelles, religieuses ou philosophiques. Les penseurs de l’universalisme défendent la conception selon laquelle le peuple est la communauté politique des citoyens, contre ceux qui, en général partisans d’un nationalisme, le définissent par ses caractères culturel et ethnique.
L’abstraction des particularités justifie la terminologie d’« universalisme abstrait », qui qualifie souvent l’universalisme des Lumières. Elle se comprend comme une construction historique : en effet, lors de la Révolution française, les législateurs, occupés à unifier la nation, ont condamné les particularismes corporatifs, religieux, régionaux, linguistiques et énoncé le principe d’une République « une et indivisible ».
La critique de l’universalisme a pris une ampleur sans précédent en l’espace d’une trentaine d’années à l’échelle de la planète. L’universalisme des droits de l’homme en particulier s’est vu fortement rejeté dans un contexte lui-même en forte recomposition, avec un Occident qui a perdu en leadership. Les tentatives de repenser l’universalisme en le sortant de la stricte référence à l’Europe, voire de sortir de l’universalisme, sont intimement liées à une volonté du « Sud global » de s’affranchir des normes et des grammaires de pensée occidentale (Burgorgue-Larsen, 2021).
Dès les années 1990, l’Asie a ainsi défendu des « valeurs asiatiques », une rhétorique qui repose sur trois prémisses. Le refus de se voir imposer des droits de l’homme ainsi que la démocratie, décrits comme des constructions, non universelles, des sociétés occidentales ; la prééminence des valeurs communautaires et d’autorité sur l’individualisme et les valeurs de liberté ; une conception de l’État et la société comme des composantes d’une seule unité holistique. De cette philosophie politique, il découle que les droits de l’homme et la démocratie sont des obstacles à la stabilité collective qui suppose, à l’inverse, des pouvoirs autoritaires. Cette rhétorique a pu légitimer des politiques répressives (Singapour, Philippines, Chine, etc.).
La prétention à l’universalité de la Chine actuelle sert sa stratégie de la « Grande Chine » et de transformation en sa faveur du rapport de force avec l’Occident (Cheng, 2020). Elle s’appuie sur le confucianisme présenté à la fois comme essence nationale et comme humanisme, sur une représentation de la Chine comme centre civilisationnel, et sur le soutien aux concepts alternatifs venant des pays du Sud (celui d’Ubuntu cité plus loin, par exemple). Au-delà de l’Asie, nombreux sont les pays à être entrés en opposition avec le corpus normatif de l’universalisme. Ce n’est pas une surprise.
Dans son ouvrage De l’universel (1991), François Jullien avait mis en évidence l’écart qui sépare les visions du monde de l’Inde, de la Chine, de l’Europe, source obligée de quiproquo et de désillusions : affirmer que tous les hommes naissent libres et égaux est incompatible avec la pensée indienne, qui ignore le primat de l’individu, ou avec la recherche de l’harmonie qui inspire la pensée chinoise, etc. La surprise est davantage dans la rapidité du renversement¹.
Ces pays utilisent le multilatéralisme pour modifier les rapports de force au sein des organisations internationales. « Obtenir un changement de rapports de force au sein des organisations et institutions de la famille des Nations unies, au sein de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, de l’Union africaine, de l’ASEAN, etc., a pour dessein, in fine, de faire valoir et, si possible, de faire triompher une nouvelle doxa : un nouveau discours alternatif à l’Universalisme. Tantôt les particularismes culturels et religieux vont en constituer l’alpha et l’oméga ; tantôt, le rejet de l’impérialisme (universel) en sera la matrice ; tantôt, une identité historique et politique sublimée sera brandie en étendard d’un nouveau rapport au droit international » (Burgorgue-Larsen, 2021). Les rapports de force à l’échelle internationale ayant profondément changé, le contre-discours « anti-droits » prend de l’ampleur et tend à modifier les rapports entre les individus au sein de nombreuses sociétés, occidentales et non occidentales.
Laurence Burgorgue-Larsen prédit que la bipolarisation va s’étendre à l’échelle internationale et pourrait donner lieu à une « guerre des valeurs ». D’autant que les valeurs de l’universalisme sont également refusées dans les sociétés occidentales par des groupes qui revendiquent leur appartenance religieuse. On observe ainsi le succès des discours religieux conservateurs anti-universalistes dans des populations de confession musulmane. Dans ce cas comme dans d’autres, la confrontation oppose les droits individuels à des traditions culturelles appréhendées sous l’angle religieux. Au sein du monde arabo-musulman, l’Arabie saoudite a œuvré au sein de l’Organisation de la Conférence islamique à faire adopter la Déclaration sur les droits de l’homme en Islam (1990), qui donne une place centrale à la Ummah islamique et à la Sharia. Le christianisme orthodoxe russe s’est doté d’une Déclaration des droits et de la dignité de l’homme (2006), alternative à la Déclaration universelle de 1948.
L’universalisme fait l’objet de critiques récurrentes : européanocentré, il a imposé, y compris par la violence, une conception particulière du monde. Il porte aussi une responsabilité dans la colonisation et dans les rapports de domination qu’il assoit et invisibilise.
Au 18e siècle, la manière dont est élaborée une histoire universelle par les philosophes des Lumières (Voltaire notamment) est ouverte aux grands empires asiatiques, mais elle fait de l’Europe un modèle et pense la différence sous la forme du retard. Elle raisonne en termes de hiérarchies, entre l’Europe civilisée et le reste du monde. L’universalisme en tant que pensée de la civilisation introduit alors des frontières entre les composantes de l’humanité, certaines se retrouvant infériorisées. L’universalisme a alors servi de justification à la colonisation, ce qui est une critique majeure faite à l’universalisme européen, notamment par les études postcoloniales².
Dans le cadre de la colonisation, les droits tels qu’exprimés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (liberté, égalité, droit de propriété, citoyenneté) n’ont pas été mis en œuvre, ou l’ont été de manière partielle. Les études postcoloniales n’ont aucune difficulté à démontrer que, dans l’expérience coloniale, les valeurs dites universelles ont été systématiquement transgressées.
Selon Achille Mbembe (2006) par exemple, « on apprend ainsi comment ce qui passait pour l’humanisme européen chaque fois apparut, dans les colonies, sous la figure de la duplicité, du double langage et du travestissement du réel ». Les auteurs postcoloniaux parlent systématiquement de « duplicité » et de « mensonge universaliste ». De manière plus générale, l’écart entre « des principes généraux superbes, et le domaine de l’application qui se fait alors mal, ou ne se fait pas » fonde la critique de l’universalisme (Wieviorka, 2021).
Selon une critique qui s’inscrit dans une histoire longue, puisque formulée dès la pensée contre-révolutionnaire, les Lumières sont à l’origine d’un universalisme hostile à toutes les différences culturelles et religieuses, rejetant les identités particulières au nom de la citoyenneté. L’effacement des différences nourrit la critique contre l’universalisme politique, selon trois grandes raisons selon la philosophe Magali Bessone (2023) : la construction d’une identité nationale par référence à l’universalisme a eu tendance à broyer les identités, alors que ces identités auraient pu enrichir l’identité commune ; cet effacement ne permet pas réellement d’accéder à l’objectif de cet universalisme politique, à savoir une égalité effective, ce que démontrent tant la colonisation que le présent des sociétés occidentales, avec la persistance des discriminations par exemple ; enfin, il dissimule les rapports de domination : en partant de l’idée que l’universel existe quand on rend invisibles les qualités personnelles, on tend à penser comme étant la norme les caractéristiques du groupe dominant, alors qu’il tire bénéfice de la façon dont les rapports sociaux sont organisés. Cette abstraction invisibilise finalement les rapports de domination qui continuent de s’exercer malgré tout (Mazouz, 2013).
La norme formulée de façon générale et impersonnelle l’est en vérité en fonction d’un individu correspondant à un modèle dominant, à savoir : de sexe masculin, blanc, chrétien, hétérosexuel, en bonne santé physique et mentale. C’est là une des thèses principales de la critique féministe du droit, à savoir qu’un des ressorts par lesquels le droit légitime la domination masculine réside dans sa capacité à faire apparaître comme neutre et universel ce qui correspond en fait à un point de vue masculin sur le réel (Lochak, 2023). Selon une critique fréquente, défendre l’universalisme revient donc à privilégier une vision du monde qui est le fruit d’une histoire et de rapports de force.
Ces limites nourrissent une critique de l’universalisme, qui elle-même est contestée ou relativisée. Ainsi l’affirmation selon laquelle l’universalisme nie les différences occulte le fait que les Lumières ont porté une attention considérable au défi de penser l’altérité dans la perspective d’une commune humanité. L’universalisme politique appliqué à la France garantit l’existence du pluralisme et la diversité des identités religieuses, en refusant de privilégier certaines catégories de citoyens par rapport à d’autres. Cet universalisme est ainsi inséparable, en France, du principe de neutralité de l’État ou de laïcité, tel qu’énoncé dans la loi de 1905, dont les implications sont toutes à faites concrètes.
Le législateur sait par ailleurs que l’uniformité des règles ne suffit pas à garantir l’égalité, et qu’en appliquant le même traitement à tous et toutes, le risque est de conforter les inégalités préexistantes. Il a mis en place des correctifs, certes parfois tardivement³. Cela signifie que la critique selon laquelle l’universalisme ne serait que « formel » n’est pas juste, parce qu’il a fondé des droits qui ont été effectivement mis en place (droits à la Sécurité sociale, droits sociaux, etc.) et que l’universalisme, comme la démocratie d’ailleurs, justifie sans cesse un effort voire des combats pour rapprocher la réalité de l’idéal (combats pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, contre les discriminations dans le travail ou le logement, par exemple).
Face à ces critiques ou contradictions, quelles sont les recompositions à l’œuvre, quel est le champ des alternatives ? Nous mettons l’accent sur deux approches qui semblent les plus étayées. Non antinomiques, l’une appelle à une « pluralisation des Lumières », l’autre à un « pluriversalisme ».
Antoine Lilti, historien et titulaire de la chaire « Histoire des Lumières, XVIIIᵉ-XXIᵉ siècle » au Collège de France, auteur de L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité (2019), a, dans une série de douze cours sur l’universalisme des Lumières (2023-2024), déconstruit un certain nombre d’idées reçues, participant à la production d’un nouveau regard sur les Lumières. L’idée générale est qu’il est indispensable de s’affranchir de la vision fantasmée et réductrice des Lumières produite par les débats actuels, pour rendre compte du caractère ouvert et toujours en construction de l’universalisme.
À rebours d’un premier lieu commun, les Lumières n’ont pas le monopole de l’universel. La revendication d’universalité a une longue histoire, qui remonte à l’apparition des religions monothéistes et aux principales formations impériales du monde antique. Il y a des universels multiples (zoroastrisme iranien, confucianisme chinois, christianisme et islam, universalisme médiéval européen, etc. : voir François Julien, De l’universel, 2021), dont certains portent l’idée d’unité du genre humain. La modernité n’a pas davantage le monopole de l’universalisme.
Contrairement à un second lieu commun, l’universalisme n’est pas univoque, il est au contraire pluriel et pétri de contradictions dans ses arguments. Les Lumières peuvent être appréhendées comme une scène de débats, de controverses, d’interrogations suscitées par l’ébranlement des sociétés traditionnelles, autour d’un certain nombre de points communs, mais sans unité doctrinale. En réponse à la crise de l’universalisme chrétien hérité du Moyen Âge, les philosophes des Lumières ont cherché à élaborer une morale universelle, mais ils n’ont pas développé un universalisme univoque.
Antoine Lilti identifie trois langages concurrents, et parfois contradictoires de l’universel. Le premier, surtout juridique, pose l’égalité abstraite des individus. Le second, historique, réfléchit aux conditions de développement de la « civilisation ». Le troisième, critique, prend en compte les situations de domination et prône l’affranchissement et l’émancipation. Avec la Révolution française, ces langages se sont redéployés sur le plan politique de la citoyenneté, ouvrant alors à de nombreuses questions et controverses, théoriques et politiques⁴.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1789, posant que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » est généralement considérée comme le sommet de l’universalisme des Lumières. Défendre l’universalisme revient ainsi à défendre l’idée qu’il existe une essence commune à tous les êtres humains, indépendante de tout ancrage particulier, et permettant de proclamer leur égalité en dignité et en droits.
Cette évidence est, selon Antoine Lilti, que nous suivons dans sa démonstration dans les prochaines lignes, une « illusion d’optique ». En étudiant les débats de l’été 1789, explique-t-il, on découvre que cette déclaration est prise dans une contradiction entre l’affirmation de droits naturels, donc universels, et l’édification d’une souveraineté nationale. La déclaration est alors moins universelle qu’on ne le pense, puisqu’elle visait, avant tout, à construire la souveraineté de la nation face à celle du roi, et à affirmer l’égalité des citoyens en détruisant le système inégalitaire et hiérarchique de l’ancien régime.
Pour sortir d’une structuration sociale figée, où le sang et l’héritage faisaient le statut social, et pouvoir atteindre une égalité de condition et de traitement entre les citoyens, il fallait pouvoir s’assurer que l’État soit aveugle aux origines de chacun. Mais elle n’affirmait nullement l’accès de tous à la citoyenneté, et donc à l’égalité. Plusieurs catégories de personnes allaient être écartées de l’égalité politique, et des droits civils et politiques garantis, les femmes, les pauvres considérés comme des citoyens passifs, les esclaves.
L’esclavage ne sera aboli qu’en 1794, sous la pression de la Révolution de Saint-Domingue, et il faudra attendre 1848 pour son abolition définitive par la France. La raison en est que le cas des colonies était ambigu du point de vue des députés, parce qu’il n’était pas évident qu’elles appartiennent au même espace politique que la France, ce qui montre à nouveau que ce qui était en jeu était avant tout la définition d’une citoyenneté dans le cadre de l’État-nation. Il reste qu’en « hallucinant l’humanité dans la nation » (formule du philosophe Jean-François Lyotard), les députés ont introduit une tension inhérente aux droits de l’homme, pris dans une double intention universaliste et contextuelle/nationale.
Une telle tension explique pourquoi leur extension à d’autres États-nations se heurte à des difficultés, pourquoi aussi elle a servi de point d’appui aux grands combats pour l’émancipation et la liberté depuis lors. L’universalisme proclamé des droits de l’homme et du citoyen et les droits afférents ont fourni aux esclaves, dans les colonies, les arguments pour obtenir leur émancipation. Il a ouvert la voie à des débats sur l’élargissement de la citoyenneté durant tout le 19e siècle (élargissement du suffrage universel, accès des femmes au vote).
Partout dans le monde, des mouvements d’émancipation et d’indépendance se sont basés sur cet universalisme pour réclamer l’égalité, le droit à la reconnaissance et à l’autodétermination. C’est le paradoxe de l’universalisme des Lumières, conclut Antoine Lilti, avoir transmis leur héritage dans le monde à travers des situations de domination, et avoir fourni par ailleurs les ressources pour dénoncer et surmonter ces situations de domination. Aujourd’hui, en Iran, à Hong Kong et dans les régimes illibéraux, des mouvements se réapproprient le corpus des Lumières et le mot d’ordre de la liberté individuelle.
Rejoignant un postulat des études postcoloniales, Antoine Lilti estime que le problème de l’universel, c’est qu’il s’énonce depuis un lieu particulier, alors que la validité universelle de valeurs ne peut pas être un acte d’autorité prononcé depuis l’Europe. Elle doit résulter d’actes d’appropriation à partir d’une pluralité d’expériences locales, et/ou d’une démonstration de la capacité de certaines idées à s’épanouir dans des contextes historiques différents.
Justement, dès le départ, le potentiel d’universalisation du discours d’émancipation des Lumières a été démontré (C. L. R. James, Les Jacobins noirs, 2017 [1938]), puisqu’il a servi aux révoltes d’esclaves dans les colonies. Depuis lors, cette universalisation s’est inscrite dans d’innombrables luttes sociales et politiques. Les textes des Lumières ont, depuis le 18e siècle, circulé, été traduits, été adaptés à des contextes différents, faisant des Lumières un héritage qui échappe à la seule Europe (Lilti 2019, Zahra 2022).
Les révolutionnaires sud-américains, au tournant des 18e et 19e siècles, traduisaient et lisaient le Contrat social, qui fut une des principales sources du républicanisme à travers le continent. Des réformateurs japonais, ottomans (Mustafa Kemal), Chinois (Sun Yat Sen), persans, ont pensé la modernité et les droits du peuple en recourant aux auteurs européens, tout en adaptant leur pensée à leurs propres objectifs et traditions.
L’ère du Meiji modernise le Japon avec une série de mesures, comme l’abolition des fiefs en 1871, l’école obligatoire en 1872 (dix ans avant les lois de Jules Ferry en France), etc., le tout sur la base d’un travail doctrinal de fond. Le succès des Lumières de Meiji ne tient en effet pas seulement à l’appropriation du savoir occidental, mais à l’existence d’une modernité intellectuelle japonaise, qui, avait déjà entamé la critique de la tradition. Les Lumières non occidentales ont fait leur propre usage de la raison, de l’égalité, de la liberté, etc. Cette « pluralisation » des Lumières est alors la condition de leur universalisation (Lilti, 2020, 2023-2024).
La pertinence actuelle des Lumières réside dans leur pluralité. De ce fait, selon Antoine Lilti, parmi les trois adversaires de l’universalisme des Lumières (la critique réactionnaire, le post-colonialisme, la conception rigide de l’héritage des Lumières), ce sont les conceptions qui évacuent la dimension sceptique et critique des Lumières, et les figent alors dans des conceptions réductrices, qui lui font le plus de mal. De telles conceptions (culte du progrès, optimisme scientiste, rationalisme dogmatique), présentes par exemple dans le best-seller de Steven Pinker (Le Triomphe des Lumières, 2018), se retournent en effet contre les Lumières elles-mêmes. L’universalisme perd également son potentiel d’universalisation lorsqu’il devient un leitmotiv de l’identité nationale (Policar 2023, Wieviorka, 2021, Lilti, 2019).
À l’inverse, une partie de la critique postcoloniale, souvent présentée comme un défi lancé aux Lumières, est plutôt une occasion de repenser et d’enrichir l’universalisme des Lumières. Elle est alors replacée dans le temps long des luttes émancipatrices qui se sont déployées dans tous les continents. En procédant ainsi, Lilti positionne une partie de la critique des Lumières comme faisant partie de son héritage, et comme un point d’appui possible à sa réactualisation.
Dans le même ordre d’idée, les réflexions menées depuis les années 1990 sur les « Lumières radicales » visent également une relecture des Lumières. Dans son ouvrage monumental, Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750) (2005), Jonathan Israel défend la thèse suivante : les Lumières ont vu s’opposer deux courants antagonistes, d’un côté, les « Lumières modérées » (dans la lignée de Locke, Newton, et Voltaire) qui visaient à un compromis politique entre la religion et la philosophie, et entre cette dernière et l’aristocratie ; de l’autre, les « Lumières radicales » fondées philosophiquement sur un matérialisme affirmé, des valeurs antireligieuses, et politiquement sur la nécessité de la démocratie.
Cette relecture des Lumières est fondée sur la réévaluation de l’impact de l’œuvre de Spinoza, en particulier le refus du dualisme cartésien entre le corps et l’esprit et ses conséquences quant à l’adoption du matérialisme philosophique. Cette thèse a été largement remise en cause, par l’usage que fait l’historien des sources, et parce que cette coupure entre penseurs modérés et radicaux renvoie pour l’essentiel aux contradictions internes à chacun d’entre eux. Mais la mise en évidence d’une « radicalité » au cœur des Lumières a rappelé l’hétérogénéité/la pluralité des Lumières, et a pu servir de point d’appui pour proposer de nouvelles voies, ce que fait par exemple Marina Garcés Mascareñas dans son essai Nouvelles Lumières radicales (2020).
Ce courant peut aussi faire l’objet de critiques. Charles Taylor lui reproche par exemple d’avoir inséré dans les Lumières une vision contradictoire de la morale, puisque la psychologie hédoniste et égoïste des philosophes matérialistes est incompatible, selon lui, avec leur éthique, qui vise le plus grand bonheur du plus grand nombre (Spector, 2020).
Le pluriversalisme est une notion qui suscite l’intérêt, parce qu’elle propose de sortir d’un « universalisme abstrait » au profit d’une universalité concrète et plurielle. Elle s’inscrit dans une volonté de dépassement de modèles jugés incapables de nous aider à surmonter les crises systémiques actuelles et à venir, et à inventer des modèles démocratiques, écologiques, économiques, sociaux alternatifs.
Le terme pluriversalisme est travaillé par les intellectuels décoloniaux d’Amérique latine et des Caraïbes dont les plus connus sont Enrique Dussel, Aníbal Quijano et Ramón Grosfoguel. Le pluriversalisme repose sur une critique de l’universalisme dit abstrait, et sur un certain nombre de propositions et de concepts. Il trouve chez Aimé Césaire une critique pionnière de l’universel abstrait moderne, décrit comme un « faux universalisme », ainsi qu’une aspiration à définir autrement l’universel, en le réconciliant avec le particulier et la différence. Sa lettre de démission du Parti communiste français en 1956 (« Lettre à Maurice Thorez », (Ngal, 1994) fait figure de référence : « Provincialisme ? Non pas. Je ne m’enterre pas dans un particularisme étroit. Mais je ne veux pas non plus me perdre dans un universalisme décharné. Il y a deux manières de se perdre : par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans “l’universel”. Ma conception de l’universel est celle d’un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers ».
La critique de l’universalisme est précisée par le Mexicain Enrique Dussel, l’un des fondateurs, dans les années 1960, de la philosophie de la libération. Pour Dussel, dans le concept émancipateur de la modernité se cache un mythe d’occultation de l’autre basé sur deux concepts étroitement liés : l’« eurocentrisme », défini comme l’imposition violente à d’autres particularismes (Amérique latine, Afrique, Asie) du particularisme européen à prétention universelle, et la « tromperie développementiste », position par laquelle on croit que le développement qu’a suivi l’Europe devra être suivi unilinéairement par toute autre culture.
Dussel définit à partir de là le concept central de « colonialité », qui fait référence à un type de pouvoir qui, né du colonialisme, a survécu à sa fin et s’applique à toute une série de domaines. Ainsi, la « colonialité du savoir » fait référence au fait que les connaissances liées aux traditions culturelles non européennes sont vues comme une étape antérieure et inférieure de la connaissance humaine, et sont minorées ou invisibilisées.
La notion de pluriversel revient à penser l’universalité depuis une perspective nouvelle, de manière à rendre possible un universalisme plus authentique, concret et pluri-versel. Cette notion exige de reconnaître des droits égaux d’argumentation à toutes les traditions philosophiques, de faire droit à une « diversité épistémique ». Elle implique de s’affranchir d’une philosophie de l’histoire eurocentrée, ce que tente Dussel dans son livre, 1492. L’occultation de l’Autre (1992). Le « pluriversalisme transmoderne » se présente alors comme un véritable universalisme, mettant à égalité les différentes rationalités et universalités existantes niées par la modernité coloniale (Dussel, 2009). Il est aussi une alternative au dilemme universalisme européanocentré/particularismes : « La question n’est pas Différence ou Universalité, mais Universalité dans la Différence et Différence dans l’Universalité » (Dussel, cité par Hurtado Lopez, 2023).
Sur le plan politique, cela amène une redéfinition de la citoyenneté, de la démocratie, des droits humains, en tenant compte d’expériences et de savoirs locaux. Certaines expériences s’appuient sur ces principes, tel le zapatisme, utopie et mouvement révolutionnaire au Mexique, qui depuis 1994 s’inscrit dans un horizon post-capitaliste, et cherche à mettre en œuvre ce qui a pu être qualifié d’« universalisme des multiplicités » (Baschet, 2021, Grosfoguel, 2010). L’universalisme est dans le postulat d’une unicité du monde, la planète Terre, dont l’habitabilité est la condition des multiples mondes possibles, et dans l’horizon d’un commun à construire à travers l’hétérogénéité des expériences, par la coopération, la rencontre et l’interpénétration des mémoires.
Le pluriversalisme est également à l’œuvre quand il est question de réhabiliter les cultures et savoirs endogènes non occidentaux (Bancel, 2022), quand sont recherchées, dans les savoirs locaux marginalisés, des solutions face à la crise générée par le modèle occidental dualiste, séparant nature et culture. Les pratiques des communautés indigènes, afro-descendantes et paysannes peuvent contribuer à édifier un modèle de civilisation alternatif, écrit ainsi l’anthropologue colombien Arturo Escobar. Le plurivers serait composé de plusieurs ontologies, qu’il nomme « mondes ». Ces mondes multiples, ensemble, composeraient le « plurivers » (Escobar, 2018). Cette notion suggère aussi que les peuples premiers et les communautés indigènes ont édifié par le passé des modèles alternatifs de civilisation.
La notion de « diversalité » comme mise en relation harmonieuse des diversités (Bernabé, 1993) est une variante du pluriversalisme qui s’appuie sur la notion d’identité comme relation d’Édouard Glissant (1990). On peut aussi mentionner le projet d’une communauté terrestre transpécifique porté par l’historien camerounais Achille Mbembe, dans son essai La Communauté terrestre (2023). Ce projet d’un nouvel universalisme animiste afrocentré se démarque de l’ontologie naturaliste occidentale. Il se double d’un désir de reformuler un humanisme à travers des concepts issus des cultures africaines. Ce projet a pu être critiqué par l’idéalisation qu’il produit de l’Afrique et des sociétés africaines, artificiellement dissociées des emprunts externes dont elles se sont pourtant nourries au cours de l’histoire, et parce qu’il occulte l’esclavage que beaucoup d’entre elles pratiquaient (Formoso, 2024). Cela rappelle toute la difficulté de produire un universalisme non centré sur la culture de ceux qui l’énoncent.
En 1958, Maurice Merleau-Ponty oppose à un « universalisme de surplomb », qui se traduit toujours par une injonction à la conformité, un possible « universel latéral », auquel on accède par « l’incessante mise à l’épreuve de soi par l’autre, et de l’autre par soi ». L’expression a été reprise, et enrichie, par le philosophe Souleymane Bachir Diagne qui y voit « l’inscription du pluriel du monde sur un horizon commun » et le compare au fait d’apprendre à parler d’autres langues.
Ce pluralisme est détaché du relativisme : « Ce pluralisme n’a rien à voir avec le relativisme qui consisterait à se complaire dans cette idée qu’« à chacun sa manière de voir. Au contraire, il s’agit de confronter les points de vue, les langues elles-mêmes et les concepts venus de ces langues dans la perspective d’un horizon d’humanité que nous avons tous en commun et dans une vision universelle de voix diverses, pas seulement venues d’Occident, mais aussi de Chine, d’Afrique ou d’ailleurs, que nous partageons et que nous avons besoin de réentendre, en particulier aujourd’hui, car un des problèmes actuels est que nous vivons dans un monde fragmenté et tribalisé dans lequel la parole de l’autre est niée, voire absente » (Diagne, 2019).
Mireille Delmas-Marty semble assez proche d’une telle construction avec sa proposition d’un « pluralisme ordonné », soit « un pluralisme qui rapproche les différences sans les supprimer, harmonise la diversité sans la détruire et pluralise l’universel sans le remplacer par le relatif : pour qu’il y ait du commun, il faut qu’il reste des différences, mais qu’elles soient compatibles » (2020). Elle note que les valeurs éthiques ne sont pas d’emblée universelles, mais peuvent devenir universalisables à condition que le droit international entre en vigueur au croisement des cultures et des savoirs (par exemple, avec le droit international des droits de l’homme, les biens publics mondiaux ou les biens communs mondiaux).
Cela suppose selon elle d’articuler des briques de l’universalisme des Lumières à des apports issus de sociétés non modernes, « réactiver l’humanisme de la relation des sociétés traditionnelles (principes de fraternité et d’hospitalité) sans renoncer à celui de l’émancipation venu des Lumières (égalité et dignité) », pour accueillir aussi « l’humanisme des interdépendances, né des écosystèmes (solidarité sociale et écologique) et pour promouvoir « l’humanisme de la non-détermination préservant le mystère de l’humain (responsabilité et créativité) ».
On peut aussi considérer qu’une valeur est universelle dès lors qu’elle est présente dans différents héritages culturels et éthiques. On parle alors d’« universel concret », en tant qu’universel présent dans les différents héritages. C’est le cas de la règle d’or de l’humanisme, « Ne fais pas à autrui le mal que tu ne voudrais pas qu’il te fasse, fais à autrui le bien que tu voudrais qu’il te fasse », soit un commandement de fraternité qui reconnaît l’autre comme un semblable (Abdennour Bidar, Lilti, conférence).
À ce titre, la réflexion de Raimon Panikkar (1918-2010), vulgarisée en France par Serge Latouche (2024) qui nous tient lieu ici de guide, est un point d’appui. Ce philosophe et théologien indo-catalan s’intéresse à la coexistence des systèmes de pensée, de vie et d’action qui, pris dans leur ensemble, sont incompatibles entre eux. Il part du constat que les systèmes de pensée et les cultures sont incommensurables. Il ne peut y avoir alors une « culture de toutes les cultures ». Il existe certes des invariants humains (tout homme mange, dort, parle, établit des relations, etc.), mais le mode selon lequel chacun de ces invariants humains se vit et s’expérimente dans chaque culture est distinct. Les découvertes d’une culture ne sont valides et légitimes qu’au sein d’une culture déterminée et à l’intérieur des paramètres admis par celle-ci.
En conséquence, il n’y a pas d’universaux culturels donnés, et parler de « culture humaine » voire d’unité du genre humain ne sont que des abstractions. De même, les Droits de l’Homme ne sont qu’une des fenêtres à travers lesquelles une culture particulière se donne la vision d’un ordre humain juste pour les individus qui y participent. En revanche, il existe, selon Panikkar, dans chaque culture des « analogies fonctionnelles existentielles » qui rendent la traduction et l’échange possible jusqu’à un certain point. Elles ont une fonction équivalente à celle qu’exerce la notion originelle dans la cosmovision correspondante. Ainsi, chaque culture a produit une certaine vision de la dignité humaine. On peut ainsi trouver des équivalents des droits de l’homme dans la notion de dharma en Inde. Cela permet d’échapper à un relativisme radical, et donne des bases au dialogue interculturel et à la critique transculturelle.
Ce dialogue permet aussi le métissage culturel, qui n’est pas une déculturation provoquée par l’occidentalisation, mais enrichit chaque culture par les apports de l’autre, qui conserve son identité à travers les échanges. Cette réflexion laisse la possibilité de s’entendre sur des valeurs communes, tout en étant très en deçà de l’universalisme occidental, puisque l’horizon est celui d’une coexistence pacifique dans un monde pluriversaliste, appréhendé comme une mosaïque de sociétés et de cultures autonomes, différentes, mais égales, chacune ayant une fenêtre ouverte sur les autres. Serge Latouche, dans son commentaire de Raimon Panikkar, ne se leurre pas sur la très grande difficulté de l’exercice, renvoyant au destin de Gandhi, assassiné par des hindouistes fanatiques, alors qu’il avait théorisé les moyens d’une coexistence pacifique des cultures pour l’Inde.
Face aux défis qui s’annoncent, notamment climatiques, on perçoit l’importance de rechercher un commun, et la nécessité de réactualiser l’universalisme. À ce titre, on a vu la nécessité de désamorcer, ce qui, dans l’universalisme, proclame la nécessité d’une mission civilisatrice d’une partie du monde sur une autre, phénomène qui a nourri le sentiment d’infériorité de peuples et de citoyens « à civiliser », donc de découpler l’universalisme des phénomènes de domination qu’il peut justifier ou engendrer. La pluralisation des Lumières ouvre des pistes, en déplaçant la focale, nous extrayant d’approches qui ont trouvé leurs limites (dualisme raison/émotion, nature/culture, etc.), de même que le paradigme pluriversaliste, qui s’ouvre à d’autres ontologies que l’ontologie moderne (Paveau, 2023).
On comprendra que dans ce basculement possible entre l’universalisme des Lumières et un autre universalisme, il reste beaucoup à construire, et que l’incertitude domine sur la possibilité même de le produire, dans un contexte quasi mondial de polarisation idéologique, de recul des démocraties libérales et du corpus normatif des Lumières. Incertitude aussi, parce que l’universalisme est une quête peut-être propre à l’Occident (Jullien, 2011), qui ne peut que subir le basculement du rapport de force en sa défaveur.
Les philosophes des Lumières cherchaient à penser l’universalisme dans une perspective de bien commun et se demandaient comment utiliser le pouvoir de la raison pour améliorer les conditions de vie humaine, et assurer le bonheur collectif et individuel. Malgré toutes les limites et les pratiques que l’universalisme a justifiées (colonisation, etc.), il a rendu possibles un pluralisme et des avancées considérables en matière de droits individuels et d’égalité dans les sociétés dans lesquels il s’est appliqué. Les États qui, dans le monde, entretiennent aujourd’hui la critique de l’universalisme, entendent moins fonder un universalisme renouvelé, que s’affranchir de principes d’égalité et de droits humains qui ne leur conviennent pas. Tout l’enjeu est donc que le chantier de réactualisation ou reconstruction de l’universalisme ne soit pas le prétexte de sa dissolution.
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