Veille M3 / L’adaptation au changement climatique représente-t-elle un test pour les capacités de résilience de la démocratie ?
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Pour piloter la transition écologique, sur quelle forme de démocratie s’appuyer ?
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Mandatée par la Direction générale de la Santé et la Direction générale du Travail pour évaluer les risques professionnels liés au changement climatique, dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), l’ANSES publiait en 2018 un rapport intitulé « Évaluation des risques induits par le changement climatique sur la santé des travailleurs ».
Bien que les projections climatiques soient aujourd’hui précises, les effets et les mécanismes d’impact sur la santé humaine restent encore peu documentés. Les principaux facteurs de risque identifiés sont la hausse des températures, l’évolution de l’environnement biologique et chimique, ainsi que la modification de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques :
Impacts directs sur les risques professionnels (malaises, déshydratation, coups de chaleur, etc.), mais aussi indirects : risques psychosociaux dus aux situations de tension, risques accidentels liés à une altération de la vigilance, risques chimiques liés à l’inhalation de substances volatiles, et risques liés aux agents biologiques (maladies infectieuses, pollens, etc.). Les travailleurs du BTP, de l’agriculture, et ceux opérant dans des « îlots de chaleur urbains » (déménageurs, livreurs, ouvriers d’entretien des trottoirs) sont particulièrement vulnérables.
Les agriculteurs, éleveurs, personnels d’entretien des espaces verts, des cours d’eau, et des forêts, et travailleurs de l’agroalimentaire (mycotoxines lors des récoltes et du stockage, notamment les aflatoxines, classées cancérogènes) sont exposés à de nouveaux agents infectieux et toxines.
Les professionnels des secours et les équipes de réparation des réseaux risquent une surcharge de travail due à la répétition des aléas climatiques impliquant des risques physiques et mentaux accrus, incluant le stress post-traumatique et des troubles cardiovasculaires. Les agriculteurs peuvent subir des pertes de récoltes et des destructions dues aux incendies et à la sécheresse, affectant leur santé mentale et augmentant également leur risque de maladies cardiovasculaires.
L’ANSES a procédé à un état de l’art des rapports institutionnels et de la littérature scientifique et propose d’étudier les risques et les impacts en fonction des circonstances d’exposition, davantage qu’en fonction des catégories de métiers, telles que celles de la Nomenclature d’activités française (NAF).
Les résultats présentés dans un tableau de synthèse en annexe du rapport reprennent les indicateurs climatiques impliqués, les processus d’impacts sanitaires, les facteurs aggravant le risque et les circonstances d’expositions professionnelles associées. Ce tableau intègre également les risques spécifiquement liés aux aléas climatiques, qui ne sont pas des risques professionnels au sens de la liste de l’INRS, mais qui entraîneront des conséquences sur la santé des travailleurs.
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Le lien entre dérèglement climatique et risques professionnels n’a jusqu’à présent été que peu traité. Cette étude, datée de 2018, permet ainsi de disposer d’un état des lieux relativement exhaustif des problématiques à anticiper.
On notera que les accidents liés à la chaleur pour les travailleurs en extérieur sont plus marqués lors des premiers épisodes de chaleur de l’été, ce qui prouve l’effet bénéfique de l’acclimatation. En outre, bien que fortement exposées à des contraintes thermiques importantes, sources de morbidité élevée, certaines populations professionnelles (pompiers, militaires) présentent une moindre mortalité, ce qui tend à prouver l’intérêt préventif de l’entraînement et d’une bonne condition physique.
Les enjeux sont donc :
Les études et données disponibles étant encore peu nombreuses, l’ANSES préconisait de créer un observatoire, ainsi que d’inscrire ces enjeux comme thématique prioritaire de la Convention d’Objectifs et de Gestion entre l’État et la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). La nouvelle convention validée en 2023 intègre la dimension santé environnementale dans toutes les campagnes de gestion du risque et de promotion de la santé, et expérimentera avec les partenaires conventionnels des actions de prévention en santé environnementale.
Le sujet, bien qu’encore en retrait par rapport aux risques plus routiniers, est la troisième priorité de ce document-cadre, invitant à Faire de la prévention, des enjeux de la transition écologique et de la santé publique un marqueur de l’engagement de l’Assurance Maladie.
L’augmentation notable du nombre de travailleurs indépendants pourrait compliquer la gestion de la prévention des risques, en raison de la difficulté d’assurer le respect des consignes de sécurité par des prestataires isolés.
L’évolution de la santé globale des populations, marquée par la sédentarité, l’obésité croissante, et l’augmentation des prises médicamenteuses, accentue les impacts potentiels des vagues de chaleur et d’autres conditions climatiques sur les travailleurs.
Les transitions sociétales rendues nécessaires par le changement climatique vont amplifier l’évolution du travail et des métiers. Comme le souligne Vincent Mandinaud de l’Agence nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT), dans un entretien en 2023, « Le travail est la pierre angulaire des transitions ».
Les impacts sur le travail ne sont donc pas simplement liés aux risques, mais dans une très grande mesure ont trait à l’évolution des métiers et de la façon de travailler.
Au-delà d’un état des lieux exhaustif des risques actuels, les recommandations du groupe de travail de l’ANSES permettent de se doter de pistes opérationnelles concernant l’adaptation du travail face aux risques et aux évolutions liés au changement climatique :
Pour y parvenir, il conviendra de se doter d’une stratégie globale d’adaptation des métiers et des formations, afin de répondre aux nouveaux besoins d’évolutions structurelles : évolution du salariat, du monde agricole, transformation du mix énergétique, besoin massif de rénovations, nouvelles mobilités, réindustrialisations, etc.
Des acteurs publics territoriaux tels que la Métropole de Lyon réunissent des zones d’activités, des secteurs complémentaires et des bassins d’emplois cohérents. Ils peuvent ainsi être considérés comme situés aux bonnes échelles géographique, climatique et économique pour associer les différentes parties prenantes, des employeurs jusqu’aux représentants des salariés, à ces exigences de transformation, d’harmonisation et d’anticipation.
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