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Veille M3 / Le travail : la « pierre angulaire des transitions » en quête de modalités d’adaptation

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Le travail, c’est peut-être la santé, mais sûrement pas au-dessus de 40°…

Quels sont les nouveaux risques professionnels auxquels le changement climatique va confronter les travailleurs des différents secteurs ?

Comment changer de paradigme par rapport aux perceptions actuelles ?

Comment et avec qui imaginer le futur de la sécurité au travail ?

C’est notamment à ces questions que tâchait de répondre un rapport de l’Anses publié en 2018.

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Date : 19/09/2024

Mandatée par la Direction générale de la Santé et la Direction générale du Travail pour évaluer les risques professionnels liés au changement climatique, dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), l’ANSES publiait en 2018 un rapport intitulé « Évaluation des risques induits par le changement climatique sur la santé des travailleurs ».

 

Dans la perspective du changement climatique, changer de regard sur les risques professionnels

 

Bien que les projections climatiques soient aujourd’hui précises, les effets et les mécanismes d’impact sur la santé humaine restent encore peu documentés. Les principaux facteurs de risque identifiés sont la hausse des températures, l’évolution de l’environnement biologique et chimique, ainsi que la modification de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques :

  • Hausse des températures

Impacts directs sur les risques professionnels (malaises, déshydratation, coups de chaleur, etc.), mais aussi indirects : risques psychosociaux dus aux situations de tension, risques accidentels liés à une altération de la vigilance, risques chimiques liés à l’inhalation de substances volatiles, et risques liés aux agents biologiques (maladies infectieuses, pollens, etc.). Les travailleurs du BTP, de l’agriculture, et ceux opérant dans des « îlots de chaleur urbains » (déménageurs, livreurs, ouvriers d’entretien des trottoirs) sont particulièrement vulnérables.

 

  • Évolution de l’environnement biologique et chimique

Les agriculteurs, éleveurs, personnels d’entretien des espaces verts, des cours d’eau, et des forêts, et travailleurs de l’agroalimentaire (mycotoxines lors des récoltes et du stockage, notamment les aflatoxines, classées cancérogènes) sont exposés à de nouveaux agents infectieux et toxines.

 

  • Modification de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques

Les professionnels des secours et les équipes de réparation des réseaux risquent une surcharge de travail due à la répétition des aléas climatiques impliquant des risques physiques et mentaux accrus, incluant le stress post-traumatique et des troubles cardiovasculaires. Les agriculteurs peuvent subir des pertes de récoltes et des destructions dues aux incendies et à la sécheresse, affectant leur santé mentale et augmentant également leur risque de maladies cardiovasculaires.

 

L’ANSES a procédé à un état de l’art des rapports institutionnels et de la littérature scientifique et propose d’étudier les risques et les impacts en fonction des circonstances d’exposition, davantage qu’en fonction des catégories de métiers, telles que celles de la Nomenclature d’activités française (NAF).

Les résultats présentés dans un tableau de synthèse en annexe du rapport reprennent les indicateurs climatiques impliqués, les processus d’impacts sanitaires, les facteurs aggravant le risque et les circonstances d’expositions professionnelles associées. Ce tableau intègre également les risques spécifiquement liés aux aléas climatiques, qui ne sont pas des risques professionnels au sens de la liste de l’INRS, mais qui entraîneront des conséquences sur la santé des travailleurs.

 

Type de risques professionnels concernés : Risques de trébuchements, heurts ou autres perturbations du mouvement, Risques liés aux chutes de hauteur, Risques liés aux effondrements et aux chutes d'objet, Risques liés à la manutention mécanique, risques routiers en mission, risques liés aux circulations internes de véhicules, accidents avec un produit chimique, équipements de travail, risques liés à l'électricité.

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Malgré des données datées, des repères transversaux

 

Le lien entre dérèglement climatique et risques professionnels n’a jusqu’à présent été que peu traité. Cette étude, datée de 2018, permet ainsi de disposer d’un état des lieux relativement exhaustif des problématiques à anticiper.

On notera que les accidents liés à la chaleur pour les travailleurs en extérieur sont plus marqués lors des premiers épisodes de chaleur de l’été, ce qui prouve l’effet bénéfique de l’acclimatation. En outre, bien que fortement exposées à des contraintes thermiques importantes, sources de morbidité élevée, certaines populations professionnelles (pompiers, militaires) présentent une moindre mortalité, ce qui tend à prouver l’intérêt préventif de l’entraînement et d’une bonne condition physique.

Les enjeux sont donc :

  • De promouvoir la sensibilisation aux effets du changement climatique sur la santé, par le biais de l’information et de la formation ;
     
  • Et d’inciter l’ensemble des acteurs concernés de la santé au travail à intégrer, dès à présent, les impacts du changement climatique déjà perceptibles ou anticipables dans leur évaluation des risques : recensement des personnes potentiellement impactées, évaluation spécifique de chaque poste de travail et des expositions réelles en fonction de la zone géographique concernée, etc. ;

 

Les études et données disponibles étant encore peu nombreuses, l’ANSES préconisait de créer un observatoire, ainsi que d’inscrire ces enjeux comme thématique prioritaire de la Convention d’Objectifs et de Gestion entre l’État et la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). La nouvelle convention validée en 2023 intègre la dimension santé environnementale dans toutes les campagnes de gestion du risque et de promotion de la santé, et expérimentera avec les partenaires conventionnels des actions de prévention en santé environnementale.

Le sujet, bien qu’encore en retrait par rapport aux risques plus routiniers, est la troisième priorité de ce document-cadre, invitant à Faire de la prévention, des enjeux de la transition écologique et de la santé publique un marqueur de l’engagement de l’Assurance Maladie.

 

Un monde du travail en pleine mutation, amplifiée par la crise climatique

 

L’augmentation notable du nombre de travailleurs indépendants pourrait compliquer la gestion de la prévention des risques, en raison de la difficulté d’assurer le respect des consignes de sécurité par des prestataires isolés.

L’évolution de la santé globale des populations, marquée par la sédentarité, l’obésité croissante, et l’augmentation des prises médicamenteuses, accentue les impacts potentiels des vagues de chaleur et d’autres conditions climatiques sur les travailleurs.

Les transitions sociétales rendues nécessaires par le changement climatique vont amplifier l’évolution du travail et des métiers. Comme le souligne Vincent Mandinaud de l’Agence nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT), dans un entretien en 2023, « Le travail est la pierre angulaire des transitions ».

Les impacts sur le travail ne sont donc pas simplement liés aux risques, mais dans une très grande mesure ont trait à l’évolution des métiers et de la façon de travailler.

 

Pour s’adapter, par où regarder et sur quoi agir ?

 

Au-delà d’un état des lieux exhaustif des risques actuels, les recommandations du groupe de travail de l’ANSES permettent de se doter de pistes opérationnelles concernant l’adaptation du travail face aux risques et aux évolutions liés au changement climatique :

  • Intégration des paramètres climatiques dans l’évaluation des risques professionnels, les fiches d’entreprise et les documents de gestion des risques. Cette intégration doit tenir compte des spécificités de chaque poste de travail et de la zone géographique concernée.
     
  • Prévention des effets sanitaires de la chaleur, qui doit inclure des aspects techniques, organisationnels et comportementaux dès la formation initiale.
     
  • Conséquences économiques et organisationnelles, qui peuvent entraîner des pertes économiques et diminuer la productivité en affectant la qualité et la quantité du travail. Il est crucial pour les entreprises de développer des solutions novatrices pour préserver la santé des travailleurs, tout en maintenant la performance socio-économique.

 

Pour y parvenir, il conviendra de se doter d’une stratégie globale d’adaptation des métiers et des formations, afin de répondre aux nouveaux besoins d’évolutions structurelles : évolution du salariat, du monde agricole, transformation du mix énergétique, besoin massif de rénovations, nouvelles mobilités, réindustrialisations, etc.

Des acteurs publics territoriaux tels que la Métropole de Lyon réunissent des zones d’activités, des secteurs complémentaires et des bassins d’emplois cohérents. Ils peuvent ainsi être considérés comme situés aux bonnes échelles géographique, climatique et économique pour associer les différentes parties prenantes, des employeurs jusqu’aux représentants des salariés, à ces exigences de transformation, d’harmonisation et d’anticipation.