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Quels liens entre les questions de genre et les enjeux climatiques ?

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Selon les études faisant autorité sur le sujet, le genre occupe une place de choix dans les profils de chacun en matière d’empreinte carbone.

En parallèle de l’analyse des revenus et des lieux de résidence, la distinction entre femmes et hommes permet de comparer des comportements et des perceptions substantiellement différents.

Les enquêtes montrent que les femmes se révèlent bien plus vertueuses, tant au niveau de leurs déplacements que de leur alimentation par exemple.

Malgré ce satisfecit, celles-ci restent par ailleurs les plus exposées aux conséquences du réchauffement climatique, principalement du fait de leurs situations bien souvent plus précaires que celles des hommes.

Dans cette fiche, nous vous proposons un décryptage de tendances qui, faute d’une prise en compte rigoureuse, pourraient être à l’origine d’une amplification d’inégalités déjà prégnantes, malgré les progrès en cours en matière d’égalité femmes-hommes.

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Date : 10/10/2024

Empreinte carbone

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Le genre est l’une des variables qui influence les choix des individus en matière de transport, d’alimentation ou de loisirs ;
     
  • Ces différences s’expliquent par des variables secondaires. Le niveau de revenu joue un rôle important sur les émissions de GES et les femmes ont plus de risques d’être en situation de précarité (monoparentalité, temps partiel, salaires moindres, etc.), elles sont en moyenne moins émettrices de GES que les hommes ;
     
  • Toutes choses égales par ailleurs, les femmes ont des modes de vie et de consommation moins émetteurs de GES que les hommes : moins de viande, moins de longs déplacements, plus de marche et de transports en commun, moins d’objets à forte empreinte carbone (essence) ;
     
  • Cela est largement lié aux stéréotypes de genre qui pèsent encore sur la répartition du travail domestique et les activités de soin non rémunérées qui, majoritairement féminines (soin des enfants et/ou des aïeux, propreté et cuisine domestique, etc.), impactent les activités émettrices ;
     
  • Au-delà des contraintes spécifiques entraînant des émissions de GES plus faibles, les femmes sont plus sensibles que les hommes aux arguments visant à changer les usages pour des questions écologiques.
     

 

Dans le détail :

Toutes les études démontrent que le genre est un déterminant pertinent pour expliquer les disparités d’émissions de carbone au sein d’une population parmi d’autres variables explicatives (lieu de résidence, âge, état de santé), mais le niveau de revenu joue un rôle souvent plus important.

Les femmes sont plus vertueuses vis-à-vis du climat et leur empreinte carbone est meilleure que celle des hommes. Elles émettent 16 % de CO₂ en moins. Elles se déplacent moins et moins loin. Elles se passent plus souvent de viande. Elles consomment davantage de produits et services à faible empreinte environnementale (Carlsson-Kanyama et coll., 2021). Et les sondages d’opinion montrent qu’elles sont également plus enclines que les hommes à passer à l’action pour réduire leur empreinte carbone (Odoxa, 2021).

 

équivalent Kg GES en 2021 : individu moyen environ 7000, Homme célibataire environ 10 0000, Femme célibataire environ 8200
Total des émissions annuelles de gaz à effet de serre liées à la consommation de trois types de ménages en Suède en 2016© Carlsson-Kanyama et coll., 2021

 

Moyenne en tonnes. Femme : 6 tonnes, Hommes : 8 tonnes
Calcul de l’empreinte carbone selon le genre© Ademe, OpinionWay

 

Qu’elles soient réalisées par des sociologues ou des économistes, les études démontrent que les femmes ont une vision plus durable de la gestion des ressources. Au quotidien, parce qu’elles s’occupent encore de 71 % des tâches ménagères, elles sont les moteurs de l’adoption d’habitudes écoresponsables dans les foyers (alimentation durable, sobriété énergétique…).

 

Logement : chauffage et mobilier

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Les normes de confort sont construites autour de considérations techniques et physiologiques moyennes qui ne prennent pas en compte les sensibilités thermiques différentes entre les genres
     
  • Les différences de consommation énergétique entre les genres sont le fait de la répartition inégale des responsabilités pour les travaux domestiques et de soins non rémunérés.
     
  • Les femmes sont souvent écartées des considérations énergétiques entendues comme un domaine fortement technique et essentiellement masculin
     

 

Les femmes, ainsi que les personnes âgées, accordent plus d’importance au confort que les hommes et les personnes plus jeunes dans le domaine de l’habitat auquel les femmes ont été historiquement associées (Hansen et coll., 2019). Les différences dans la manière dont le confort à la maison est valorisé peuvent être liées aux aspects thermiques et aux normes sociales concernant les habitudes vestimentaires et les différences biologiques d’adaptation aux températures ambiantes. Ainsi, les femmes ne sont pas « frileuses », mais ont des besoins thermiques différents des hommes et, à ce titre, augmentent la consommation d’énergie liée au chauffage : le dépassement de la norme est un dépassement genré. Il l’est d’autant plus que les femmes en tant que groupe passent plus de temps à la maison, compte tenu de la répartition inégale des responsabilités pour les travaux domestiques et de soins non rémunérés. Si elles s’intéressent plus au confort, elles sont aussi plus fortement génératrices de dépenses énergétiques domestiques que les hommes compte tenu des mêmes responsabilités : cuisine, ménage, accompagnement des enfants, travail de soin non rémunéré, etc. (Palm et Ellegård, 2011).

 

Mobilité quotidienne — voiture et déplacements

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Les femmes utilisent davantage les modes décarbonés et collectifs que les hommes, exception faite du vélo, mais utilisent autant la voiture que les hommes (enquête INSEE)
     
  • Les femmes ont une empreinte carbone moins élevée que les hommes, car elles se déplacent moins et moins loin (accompagnement et proximité),
     
  • Une perspective masculine et technique domine toujours la mobilité d’aujourd’hui dans le rapport à la voiture (vitesse, efficacité, technique, maîtrise, etc.) et aux métiers du transport
     

 

Dans le détail :

Le choix du mode de transport varie en fonction du genre. Pour se déplacer, les femmes utilisent moins souvent les modes de transport motorisés (voiture ou deux-roues) ou le vélo, et davantage les transports en commun ou la marche que les hommes. La marche représente 25,8 % des déplacements chez les femmes contre 21,5 % chez les hommes (INSEE, 2019). Les femmes utilisent plus souvent les transports en commun : ils représentent 10,1 % des déplacements des femmes contre 7,9 % de ceux des hommes. Elles utilisent également moins souvent le vélo : 1 % contre 4 % pour les hommes.

Si la part des femmes et des hommes utilisant leur voiture en France est relativement égale, les différences femmes-hommes de mode sont plus accentuées pour les familles monoparentales ou en milieu urbain et notamment pour les déplacements pendulaires. En ce qui concerne les déplacements domicile travail, à Paris, les hommes utilisent nettement plus souvent la voiture ou le deux-roues motorisé (52 % contre 39 % à Paris). Ce fait est aussi différemment selon la situation familiale Les femmes en charge de familles monoparentales se démarquent par une faible utilisation de la voiture (77 %), par comparaison aux hommes dans la même situation (84 %) ou aux femmes en couple avec enfants (82 %).

Les femmes parcourent également moins de distance que les hommes : 12,5 % des déplacements des femmes font moins de 5 km contre 9,3 % chez les hommes. Les femmes travaillent plus près de leur domicile avec une distance moyenne de 14,8 km (contre 18,5 km pour les hommes). Ainsi, même à catégorie sociale égale, les hommes utilisent moins les transports collectifs que les femmes et effectuent des trajets plus longs (INSEE, 2023).

 

Hommes : 63% en voiture, 21% en marche, 8% en transports en commun, 4% Vélo. Femmes : 62% en voiture, 26% en marche, 10% en transports en commun, 2% en vélo
Déplacements des individus âgés de 6 ans ou plus résidant en France métropolitaine© SDES, Enquête mobilité des personnes 2018–2019 ; Insee

 

Le nombre de déplacements est relativement similaire, mais diffère en nature. Les déplacements pour le motif domicile-travail représentent 27 % du total chez les hommes contre 20 % chez les femmes. En 2011, 18 % des déplacements des femmes ont pour motif « l’accompagnement » contre 11 % pour les hommes. Les femmes réalisent en dehors de leur trajet domicile-travail davantage de déplacements de proximité parce qu’elles assument davantage de responsabilités dans l’organisation de la vie familiale. Elles sont donc plus dépendantes d’une bonne infrastructure de marche et de vélo. Et nombre de ces déplacements sont invisibilisés, car une part considérable de leur travail n’est pas rémunérée et n’est donc pas prise en compte par l’enregistrement classique des données sur les moyens de transport.

Au niveau des représentations, le changement de comportement des hommes au volant d’une part et une émancipation de la femme dans le rapport à l’automobile tendent à réduire les écarts (Blum, 2004). Pour autant, la perspective masculine et technique domine toujours la mobilité d’aujourd’hui et notamment le rapport à la voiture (Rouillet, 2021). En Allemagne, par exemple, 62 % de toutes les voitures sont immatriculées par des hommes. Cette perspective masculine se prolonge dans les secteurs des transports et de la planification, qui sont fortement dominés par les hommes (seulement 22 % de tous les employés du secteur des transports sont des femmes).

 

Mobilité de loisir : avion

 


Ce qu’il faut retenir :

Côté loisirs :

  • Les façons dont les gens choisissent d’occuper leur temps libre par différentes activités influent sur la consommation de ressource et sur leur empreinte carbone. Or, les structures du temps libre sont différentes pour les femmes et les hommes. 
     
  • Les femmes assurent plus souvent l’organisation des vacances et loisirs et, une fois à destination, les tâches à accomplir. En cela, elles sont, ici encore, les leviers d’un tourisme plus durable à venir.

 

Côté tourisme/voyage :

  • La composition des usagers de l’avion connaît une forte féminisation depuis les années 1970 jusqu’à arriver à une quasi-parité homme/femme dans le transport aérien ces dernières années. Cette tendance rejoint la convergence des taux de motorisation.
     
  • D’autant plus que les femmes sont plus sensibles à l’impact environnemental de leurs déplacements de tourisme et de leurs séjours touristiques sur les territoires locaux que les hommes. Elles sont aussi les plus mobilisées dans l’offre touristique durable, notamment dans les pays en voie de développement, en valorisant leurs savoir-faire issus du travail domestique et du soin non rémunérés.
     

 

La façon dont les gens choisissent d’occuper leur temps libre par différentes activités a des conséquences sur la consommation des ressources et sur l’impact environnemental. Or en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2 h 45 par jour à leurs loisirs contre 3 h 20 pour les hommes. Mais nous ne disposons pas de données permettant de relier ces pratiques genrées à une empreinte carbone.

Au niveau du tourisme, une étude sur les ménages suédois montre que les femmes célibataires ont une empreinte carbone moindre dans leurs pratiques touristiques que les hommes si l’on considère les modes de déplacement utilisés. Elles empruntent moins souvent les transports aériens et partent moins souvent en vacances en utilisant uniquement leurs voitures (Carlsson-Kanyama et coll., 2021). Il a ainsi été démontré dans plusieurs pays (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Grèce, etc.) que les chances sociales d’accéder au transport aérien sont moindres pour les femmes (Demoli, Subtil, 2019).

Pour autant, si les écarts dans l’accès au transport aérien étaient importants dans les années 1970, ils se resserrent progressivement. Ainsi, la féminisation des passagers aériens renvoie à la part croissante des voyages de loisirs parmi les trajets aériens — 43 % des voyages ont un motif professionnel en 1974, contre 24 % en 2008. À cette date, les voyages professionnels étaient encore très masculins (en 2008, sur 100 voyageurs d’affaires, 73 sont des hommes). Mais la dernière enquête de la DGAC (2017) montre que, là aussi, les choses changent : 53 % des passagers sont des hommes et 47 % des femmes, mais les femmes sont plus nombreuses pour les déplacements professionnels (53 % contre 47 %). Détail important, 57 % des passagers et passagères déclarent ne pas avoir d’enfant à charge.

 

Alimentation : produits carnés

  


Ce qu’il faut retenir :

  • Les femmes ont un régime alimentaire moins carné que les hommes et, à ce titre, ont une empreinte carbone moindre, mais elles consomment plus de produits laitiers et dérivés, eux aussi peu écologiques.
     
  • La consommation de viande est influencée par des normes de genre incorporées ou revendiquées et qui, reliant la masculinité à la viande, influencent négativement l’état de santé des hommes.
     
  • Les personnes qui assument les tâches alimentaires (cuisine, fourniture) au sein du ménage sont les moteurs de la transition de l’ensemble du ménage en matière d’alimentation durable. Or ce sont les femmes qui sont le plus souvent en responsabilité à ce poste.
     
  • Dans le monde agricole, les femmes exploitantes portent davantage des pratiques bio, circuits courts et ventes directes de produits alimentaires que leurs homologues masculins
     

 

Des travaux ont établi le fait qu’une alimentation moins carnée engendre une plus faible quantité d’émissions. Or, le choix du régime alimentaire présente une corrélation avec le critère du genre. D’une part, il existe une association viande-force puis viande-masculinité fortement observée dans les cultures occidentales (Arsel et Abolenien, 2022).

Les imaginaires qui façonnent les attitudes de consommation perdurent. Ils sont à la fois incorporés et renforcés par le marché où la viande est généralement commercialisée et présentée comme un aliment masculin (Rogers, 2008). Les hommes sont alors soumis à des attentes en raison de leur genre et doivent manger de la viande pour affirmer leur masculinité (Nakagawa et Hart C., 2019). Dès lors, les menaces perçues comme pesant sur cette masculinité renforcent les préférences des hommes en matière de viande. Et de cette réaction découlent des disparités en matière de santé liées à la surconsommation de viande (ANSES, 2017).

D’autre part, en France, en 2020, 2,2 % de la population déclarait adopter un régime sans viande, et 24 % se considéraient flexitariens. Parmi ces catégories, les femmes représentent 67 % des personnes végétariennes et 65 % des flexitariennes (IFOP, 2021). Elles le sont par conviction, mais une part importante de femmes, financièrement contraintes (célibataires ou mère seule) évoquent un prix de la viande trop élevé comme raison d’un tel régime. Pour autant, parce que les femmes prennent encore majoritairement en charge l’alimentation au sein des ménages (achat et préparation des repas), elles sont au cœur des enjeux de changement des habitudes alimentaires.

 

Publicité de 1948 vantant les mérites de la Sabena, compagnie belge d’aviation.© QDK01

 

Consommations (autres)

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Les liens entre consommation et GES sont fortement traversés des normes genrées associées à la consommation tout court.
     
  • Les femmes sont surreprésentées dans les pratiques de consommation durable et alternative et, dans certaines cultures (États-Unis), ces pratiques sont même associées à une forme de féminité, y compris si elles sont pratiquées par un homme
     
  • La voiture restant un « bien supérieur masculin » (Roy, 2006), la dimension carburant, achat et entretien du véhicule, impacte fortement l’empreinte carbone masculine
     

 

Des enquêtes montrent que les femmes ont une plus grande propension à acheter des produits sans emballage ou avec moins d’emballage (Odoxa, 2021) et à acheter ou vendre des vêtements d’occasion (Odoxa, 2021) que les hommes. Cette dernière pratique s’expliquant en partie par la recherche d’un complément de revenu. Ainsi, les femmes sont surreprésentées dans ce que l’Ademe a identifié comme le groupe des « alternatifs ».

Ce groupe est constitué de consommateurs qui achètent fréquemment des objets d’occasion et rarement des objets neufs. Il se caractérise par un score très faible de matérialisme et un intérêt très important pour l’environnement ainsi que de nombreuses compétences pour faire soi-même (jardinage, bricolage, réparation/Ademe, 2023). À ce titre, si les hommes sont plus nombreux à pratiquer la réparation pour les appareils électroménagers et électroniques, les femmes réparent plus que les hommes, les meubles, les objets de décoration et les vêtements (Ademe, 2020).

Enfin, le lien entre la consommation et le genre est traversé de normes puissantes. D’une part, la consommation est influencée par la division genrée du travail domestique. Par exemple, les femmes sont largement responsables des achats alimentaires ou de l’achat de vêtements pour les autres membres de la famille. D’autre part, elle est aussi influencée par la construction sociale du genre.

La mode, avec les cosmétiques, est devenue un moyen d’expression de l’identité, en particulier de la féminité, et les femmes en tant que groupe sont en sont de plus grandes consommatrices que les hommes. Ainsi, les postes de consommation les plus émetteurs de GES sont aussi socialement construits.

 

Chardin - Nature morte au carré de viande (1830)

 

Représentation du changement climatique — climatoscepticisme

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Le genre n’exerce aucune influence sur la priorité accordée au climat ni sur l’opinion relative aux constats posés par les scientifiques sur le réchauffement climatique.
     
  • Des différences s’observent dans les attentions portées aux raisons, mais aussi aux impacts du changement climatique, ainsi que sur les solutions possibles.
     

 

Le genre n’exerce aucune influence sur la priorité accordée au climat lorsqu’il leur est demandé de classer les sujets qui les préoccupent le plus par rapport à la situation de la France : 31 % des hommes et 32 % des femmes placent le climat parmi leurs trois priorités, mais derrière le pouvoir d’achat et la santé. Le genre n’influence pas non plus l’opinion en matière d’impact de l’effet de serre sur le changement climatique contrairement à l’âge ou le positionnement politique. Il n’influence pas plus l’opinion sur la confiance dans les travaux scientifiques sur le sujet (Ademe, 2020).

En revanche, le genre est un critère différenciant pour certaines perceptions. En matière de secteurs émetteurs de GES, les femmes ont une propension plus grande à identifier comme problématique le secteur des bombes aérosol (86 % contre 77 %), le traitement des déchets (83 % contre 78 %) ou encore le nucléaire (72 % contre 37 %) que les hommes. En matière d’impacts redoutés, les hommes sont plus sensibles aux conflits politiques et sociaux dus au changement climatique (32 % contre 26 %) et les femmes davantage inquiètes des impacts en matière de santé et nouvelles maladies (38 % contre 26 %).

Enfin, les femmes sont proportionnellement plus enclines à être préoccupées par les impacts du changement climatique sur la sécurité personnelle et économique que les hommes (OCDE, 2020), étant elles-mêmes plus souvent enclines à être dans une situation d’insécurité climatique.

 

Vulnérabilité et attitudes face à la transition postcarbone

 


Ce qu’il faut retenir :

  • Les femmes sont plus vulnérables que les hommes aux impacts du changement climatique. Elles ressentent davantage dans leur corps les effets sanitaires du changement climatique. 
     
  • Elles sont davantage exposées aux impacts, car elles sont plus souvent en situation de précarité que les hommes. Or si le genre est un critère pertinent pour expliquer les facteurs individuels différenciant les empreintes carbone, l’effet revenu l’est davantage.
     
  • Elles sont davantage exposées aux catastrophes naturelles (mortalité plus grande) parce qu’elles possèdent moins de moyens de protection et sont plus enclines à s’occuper de la sécurité des autres membres de la famille.
     
  • La construction sociale du genre est redéployée autour des questions environnementales : l’éthique du Care, inscrite dans l’histoire de la division de genre et de la domination masculine, devient un levier de politisation de la cause environnementale autour des notions de vulnérabilité plus que de domination de la nature.
     

 

Plusieurs études montrent que les femmes en tant que groupe perçoivent davantage les effets sanitaires du changement climatique au niveau physiologique que les hommes. Elles sont plus sensibles aux variations de température et donc aux épisodes extrêmes (canicules et grands froids). Cela s’explique par des raisons hormonales et mécaniques (Yang et coll., 2021). Lors de la canicule de 2003, la mortalité chez les femmes a ainsi été 15 % supérieure à celle des hommes (Ademe).

Cela s’explique aussi par des choix de société. Les normes thermiques et réglages des appareils (climatisation, chauffage, etc.) sont faits par des hommes pour des hommes alors que la température de confort est différente pour les femmes (Le Monde, 2023). D’autre part, les femmes ont plus de risque d’être en situation de précarité et donc de vulnérabilité face aux dérèglements climatiques : salaires moindres que les hommes, temps partiel plus fréquents, arrêt de travail pour s’occuper des enfants. Elles représentent aussi 80 % des parents isolés (Ademe).

Dans le monde, d’autres facteurs expliquent leur plus grande vulnérabilité : précarité de leurs droits à la propriété foncière, difficulté d’accès aux ressources naturelles ou limitation de leur participation à la prise de décision. De plus, la mortalité des femmes est supérieure à celle des hommes lors de grandes catastrophes climatiques (ouragan, canicule, tsunami, etc./Nations Unies) [1] : parce que dans ces événements, elles sont plus nombreuses à avoir fait passer la sécurité des membres de leur famille avant la leur et qu’elles disposent de moins de moyens pour se protéger.

 

[1] Le tsunami survenu en 2004 au Sri Lanka a illustré la manière dont les catastrophes naturelles peuvent interagir avec ces tendances structurelles : 70 % des victimes étaient des femmes, ce que des travaux expliquent notamment par le fait qu’elles ont été plus nombreuses à avoir fait passer la sécurité des membres de leur famille avant la leur, et qu’elles étaient souvent plus vulnérables et moins au fait des moyens de se protéger (Rahiem et al, 2021). Selon les Nations Unies, l’ouragan Katrina qui frappa les États-Unis en 2005 causa également davantage de décès parmi les femmes que les hommes (Nations Unies, 2016). De même, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes engendre des phénomènes de déplacement de population, parmi lesquels les femmes sont là aussi surreprésentées, à hauteur de 80 % de la population totale déplacée (Nations Unies, 2022). »

 

Cette décomposition des émissions des transports représente les 5 facteurs d'évolution des émissions du secteur, qui correspondent aussi à 5 leviers sur lesquels il est possible d'agir pour réduire les émissions des transports. La demande de transport, le report modal, le taux de remplissage, l'efficacité énergétique des véhicules, intensité carbone de l'énergie
Décomposition Kaya Transports - Les 5 leviers de décarbonation entre sobriété et technologie

 

Du côté des solutions, la gestion des alternatives à un mode de vie carboné sera plutôt l’affaire des femmes :

  • Sur le logement, les femmes sont les premières concernées, et peuvent être des leviers d’économie d’énergie. Mais la dimension technologique du rapport à l’énergie, considérée comme un domaine masculin, crée des obstacles à la participation des femmes.
     
  • Sur le tourisme, les femmes sont plus impliquées et sensibles que les hommes au rapport entre tourisme et réduction de l’impact environnemental. Or ce sont les femmes qui sont plus souvent à la manœuvre que les hommes dans l’organisation de ces voyages (IFOP, 2022). Elles sont plus susceptibles de se considérer comme une consommatrice durable, de choisir des formes alternatives de tourisme et donc de la responsabilité des pratiques touristiques sur la durabilité des territoires visités (Tasci et coll., 2021). Elles sont particulièrement disposées à contribuer à la protection des destinations touristiques, ce qui affecte leurs intentions d’achat lors de leurs déplacements (Barbier et coll., 2010). Par exemple, les efforts environnementaux des hôtels satisfont davantage les femmes que les hommes et les guident plus favorablement dans leur choix en matière d’offre hôtelière (Moïse et coll. 2021).
     
  • Au travail, les femmes qui occupent des postes de direction en entreprise font preuve d’une plus grande attention pour la dimension RSE (Boubaker et coll., 2020) et à des stratégies durables de développement de l’entreprise. La diversité de genre au sein des conseils d’administration a un effet bénéfique sur la consommation d’énergie renouvelable (Atif et coll., 2021).

 

Le changement climatique est plus souvent vu comme une opportunité de changer la société par les femmes qu’une contrainte relativement aux hommes (60 % contre 53 %). La manière d’y parvenir diverge aussi quelque peu. Les femmes ont moins confiance (43 %) que les hommes (57 %) dans l’idée que la technologie peut faire face aux problèmes environnementaux et climatiques (49 % de la population totale) (Obsoco, 2022).

Cette différence est socialement construite autour des différences de genre. La masculinité est associée à un rapport à la nature en termes de rationalité instrumentale tandis que la féminité reposerait davantage sur une position éthique axée sur les soins qui favoriserait la durabilité (Yudina et Grimwood, 2016).

  • D’un côté, la technologie associée à une certaine masculinité (automobile, bricolage, réparation, etc.) est envisagée comme un instrument permettant de dominer la nature. D’où le développement d’une éthique masculine d’une écomodernisation par le marché. La masculinité écomoderne permettant de présenter des produits techniques comme un choix éthique pour les hommes bons et soucieux de l’environnement.

 

De l’autre côté, il y aurait aujourd’hui un lien entre féminité et responsabilité environnementale. Aux États-Unis, l’orientation vers des considérations environnementales est plus souvent liée dans les représentations à la féminité sur le plan cognitif. Les consommatrices qui adoptent des comportements écologiques sont stéréotypées par les autres comme étant plus féminines et, en outre, elles se considèrent comme plus féminines (Brough et coll., 2016). Ainsi, la consommation responsable s’explique plus souvent, chez les femmes, par une autoperception en tant que quelqu’un qui se soucie de l’environnement alors que, pour les hommes, ce sont les efforts investis pour assimiler les informations sur le produit et ses propriétés, qui a la plus grande valeur explicative.

Cette construction genrée est devenue un levier de redéfinition des luttes féministes. La notion de care s’inscrit dans la construction sociale du genre et est associée à la division des tâches d’un travail domestique (éducation des enfants, tenue de la maison, etc.). Elle est dévolue aux femmes par les hommes et largement invisibilisée (Laugier, Falquier, Molinier, 2015).

Cette notion qui a en partie façonné la construction sociale des femmes est aujourd’hui reprise en main et redéployée dans des éthiques féministes du care. Elles permettent d’explorer de nouvelles relations entre féminismes et environnement, en mettant au centre des rapports de genre la vulnérabilité, avant les questions d’égalité et de pouvoir. La vulnérabilité ne renvoie plus aux femmes à qui une attention spécifique serait due, et qu’on néglige habituellement.

La vulnérabilité est commune aux humains, animaux, et ce qui dans notre environnement est fragile, à protéger (biodiversité, eau, air, etc.). Cette perspective peut être le support d’une politisation de l’action : un féminisme environnemental mettant la valeur du Care et de la reconnaissance des vulnérabilités au centre de l’action environnementale face aux notions plus masculines du risque et de la force.

Bibliographie