Quels liens entre le lieu de vie et les enjeux climatiques ?
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Pour atténuer les effets du changement climatique, les collectivités doivent envisager à long terme la transformation de leurs infrastructures et de leurs réseaux.
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Dans le détail :
Toutes les études démontrent que le genre est un déterminant pertinent pour expliquer les disparités d’émissions de carbone au sein d’une population parmi d’autres variables explicatives (lieu de résidence, âge, état de santé), mais le niveau de revenu joue un rôle souvent plus important.
Les femmes sont plus vertueuses vis-à-vis du climat et leur empreinte carbone est meilleure que celle des hommes. Elles émettent 16 % de CO₂ en moins. Elles se déplacent moins et moins loin. Elles se passent plus souvent de viande. Elles consomment davantage de produits et services à faible empreinte environnementale (Carlsson-Kanyama et coll., 2021). Et les sondages d’opinion montrent qu’elles sont également plus enclines que les hommes à passer à l’action pour réduire leur empreinte carbone (Odoxa, 2021).
Qu’elles soient réalisées par des sociologues ou des économistes, les études démontrent que les femmes ont une vision plus durable de la gestion des ressources. Au quotidien, parce qu’elles s’occupent encore de 71 % des tâches ménagères, elles sont les moteurs de l’adoption d’habitudes écoresponsables dans les foyers (alimentation durable, sobriété énergétique…).
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Les femmes, ainsi que les personnes âgées, accordent plus d’importance au confort que les hommes et les personnes plus jeunes dans le domaine de l’habitat auquel les femmes ont été historiquement associées (Hansen et coll., 2019). Les différences dans la manière dont le confort à la maison est valorisé peuvent être liées aux aspects thermiques et aux normes sociales concernant les habitudes vestimentaires et les différences biologiques d’adaptation aux températures ambiantes. Ainsi, les femmes ne sont pas « frileuses », mais ont des besoins thermiques différents des hommes et, à ce titre, augmentent la consommation d’énergie liée au chauffage : le dépassement de la norme est un dépassement genré. Il l’est d’autant plus que les femmes en tant que groupe passent plus de temps à la maison, compte tenu de la répartition inégale des responsabilités pour les travaux domestiques et de soins non rémunérés. Si elles s’intéressent plus au confort, elles sont aussi plus fortement génératrices de dépenses énergétiques domestiques que les hommes compte tenu des mêmes responsabilités : cuisine, ménage, accompagnement des enfants, travail de soin non rémunéré, etc. (Palm et Ellegård, 2011).
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Dans le détail :
Le choix du mode de transport varie en fonction du genre. Pour se déplacer, les femmes utilisent moins souvent les modes de transport motorisés (voiture ou deux-roues) ou le vélo, et davantage les transports en commun ou la marche que les hommes. La marche représente 25,8 % des déplacements chez les femmes contre 21,5 % chez les hommes (INSEE, 2019). Les femmes utilisent plus souvent les transports en commun : ils représentent 10,1 % des déplacements des femmes contre 7,9 % de ceux des hommes. Elles utilisent également moins souvent le vélo : 1 % contre 4 % pour les hommes.
Si la part des femmes et des hommes utilisant leur voiture en France est relativement égale, les différences femmes-hommes de mode sont plus accentuées pour les familles monoparentales ou en milieu urbain et notamment pour les déplacements pendulaires. En ce qui concerne les déplacements domicile travail, à Paris, les hommes utilisent nettement plus souvent la voiture ou le deux-roues motorisé (52 % contre 39 % à Paris). Ce fait est aussi différemment selon la situation familiale Les femmes en charge de familles monoparentales se démarquent par une faible utilisation de la voiture (77 %), par comparaison aux hommes dans la même situation (84 %) ou aux femmes en couple avec enfants (82 %).
Les femmes parcourent également moins de distance que les hommes : 12,5 % des déplacements des femmes font moins de 5 km contre 9,3 % chez les hommes. Les femmes travaillent plus près de leur domicile avec une distance moyenne de 14,8 km (contre 18,5 km pour les hommes). Ainsi, même à catégorie sociale égale, les hommes utilisent moins les transports collectifs que les femmes et effectuent des trajets plus longs (INSEE, 2023).
Le nombre de déplacements est relativement similaire, mais diffère en nature. Les déplacements pour le motif domicile-travail représentent 27 % du total chez les hommes contre 20 % chez les femmes. En 2011, 18 % des déplacements des femmes ont pour motif « l’accompagnement » contre 11 % pour les hommes. Les femmes réalisent en dehors de leur trajet domicile-travail davantage de déplacements de proximité parce qu’elles assument davantage de responsabilités dans l’organisation de la vie familiale. Elles sont donc plus dépendantes d’une bonne infrastructure de marche et de vélo. Et nombre de ces déplacements sont invisibilisés, car une part considérable de leur travail n’est pas rémunérée et n’est donc pas prise en compte par l’enregistrement classique des données sur les moyens de transport.
Au niveau des représentations, le changement de comportement des hommes au volant d’une part et une émancipation de la femme dans le rapport à l’automobile tendent à réduire les écarts (Blum, 2004). Pour autant, la perspective masculine et technique domine toujours la mobilité d’aujourd’hui et notamment le rapport à la voiture (Rouillet, 2021). En Allemagne, par exemple, 62 % de toutes les voitures sont immatriculées par des hommes. Cette perspective masculine se prolonge dans les secteurs des transports et de la planification, qui sont fortement dominés par les hommes (seulement 22 % de tous les employés du secteur des transports sont des femmes).
Côté loisirs :
Côté tourisme/voyage :
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La façon dont les gens choisissent d’occuper leur temps libre par différentes activités a des conséquences sur la consommation des ressources et sur l’impact environnemental. Or en matière de temps libre (lecture, promenade, télévision, sport, etc.) : les femmes consacrent en moyenne 2 h 45 par jour à leurs loisirs contre 3 h 20 pour les hommes. Mais nous ne disposons pas de données permettant de relier ces pratiques genrées à une empreinte carbone.
Au niveau du tourisme, une étude sur les ménages suédois montre que les femmes célibataires ont une empreinte carbone moindre dans leurs pratiques touristiques que les hommes si l’on considère les modes de déplacement utilisés. Elles empruntent moins souvent les transports aériens et partent moins souvent en vacances en utilisant uniquement leurs voitures (Carlsson-Kanyama et coll., 2021). Il a ainsi été démontré dans plusieurs pays (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Grèce, etc.) que les chances sociales d’accéder au transport aérien sont moindres pour les femmes (Demoli, Subtil, 2019).
Pour autant, si les écarts dans l’accès au transport aérien étaient importants dans les années 1970, ils se resserrent progressivement. Ainsi, la féminisation des passagers aériens renvoie à la part croissante des voyages de loisirs parmi les trajets aériens — 43 % des voyages ont un motif professionnel en 1974, contre 24 % en 2008. À cette date, les voyages professionnels étaient encore très masculins (en 2008, sur 100 voyageurs d’affaires, 73 sont des hommes). Mais la dernière enquête de la DGAC (2017) montre que, là aussi, les choses changent : 53 % des passagers sont des hommes et 47 % des femmes, mais les femmes sont plus nombreuses pour les déplacements professionnels (53 % contre 47 %). Détail important, 57 % des passagers et passagères déclarent ne pas avoir d’enfant à charge.
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Des travaux ont établi le fait qu’une alimentation moins carnée engendre une plus faible quantité d’émissions. Or, le choix du régime alimentaire présente une corrélation avec le critère du genre. D’une part, il existe une association viande-force puis viande-masculinité fortement observée dans les cultures occidentales (Arsel et Abolenien, 2022).
Les imaginaires qui façonnent les attitudes de consommation perdurent. Ils sont à la fois incorporés et renforcés par le marché où la viande est généralement commercialisée et présentée comme un aliment masculin (Rogers, 2008). Les hommes sont alors soumis à des attentes en raison de leur genre et doivent manger de la viande pour affirmer leur masculinité (Nakagawa et Hart C., 2019). Dès lors, les menaces perçues comme pesant sur cette masculinité renforcent les préférences des hommes en matière de viande. Et de cette réaction découlent des disparités en matière de santé liées à la surconsommation de viande (ANSES, 2017).
D’autre part, en France, en 2020, 2,2 % de la population déclarait adopter un régime sans viande, et 24 % se considéraient flexitariens. Parmi ces catégories, les femmes représentent 67 % des personnes végétariennes et 65 % des flexitariennes (IFOP, 2021). Elles le sont par conviction, mais une part importante de femmes, financièrement contraintes (célibataires ou mère seule) évoquent un prix de la viande trop élevé comme raison d’un tel régime. Pour autant, parce que les femmes prennent encore majoritairement en charge l’alimentation au sein des ménages (achat et préparation des repas), elles sont au cœur des enjeux de changement des habitudes alimentaires.
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Des enquêtes montrent que les femmes ont une plus grande propension à acheter des produits sans emballage ou avec moins d’emballage (Odoxa, 2021) et à acheter ou vendre des vêtements d’occasion (Odoxa, 2021) que les hommes. Cette dernière pratique s’expliquant en partie par la recherche d’un complément de revenu. Ainsi, les femmes sont surreprésentées dans ce que l’Ademe a identifié comme le groupe des « alternatifs ».
Ce groupe est constitué de consommateurs qui achètent fréquemment des objets d’occasion et rarement des objets neufs. Il se caractérise par un score très faible de matérialisme et un intérêt très important pour l’environnement ainsi que de nombreuses compétences pour faire soi-même (jardinage, bricolage, réparation/Ademe, 2023). À ce titre, si les hommes sont plus nombreux à pratiquer la réparation pour les appareils électroménagers et électroniques, les femmes réparent plus que les hommes, les meubles, les objets de décoration et les vêtements (Ademe, 2020).
Enfin, le lien entre la consommation et le genre est traversé de normes puissantes. D’une part, la consommation est influencée par la division genrée du travail domestique. Par exemple, les femmes sont largement responsables des achats alimentaires ou de l’achat de vêtements pour les autres membres de la famille. D’autre part, elle est aussi influencée par la construction sociale du genre.
La mode, avec les cosmétiques, est devenue un moyen d’expression de l’identité, en particulier de la féminité, et les femmes en tant que groupe sont en sont de plus grandes consommatrices que les hommes. Ainsi, les postes de consommation les plus émetteurs de GES sont aussi socialement construits.
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Le genre n’exerce aucune influence sur la priorité accordée au climat lorsqu’il leur est demandé de classer les sujets qui les préoccupent le plus par rapport à la situation de la France : 31 % des hommes et 32 % des femmes placent le climat parmi leurs trois priorités, mais derrière le pouvoir d’achat et la santé. Le genre n’influence pas non plus l’opinion en matière d’impact de l’effet de serre sur le changement climatique contrairement à l’âge ou le positionnement politique. Il n’influence pas plus l’opinion sur la confiance dans les travaux scientifiques sur le sujet (Ademe, 2020).
En revanche, le genre est un critère différenciant pour certaines perceptions. En matière de secteurs émetteurs de GES, les femmes ont une propension plus grande à identifier comme problématique le secteur des bombes aérosol (86 % contre 77 %), le traitement des déchets (83 % contre 78 %) ou encore le nucléaire (72 % contre 37 %) que les hommes. En matière d’impacts redoutés, les hommes sont plus sensibles aux conflits politiques et sociaux dus au changement climatique (32 % contre 26 %) et les femmes davantage inquiètes des impacts en matière de santé et nouvelles maladies (38 % contre 26 %).
Enfin, les femmes sont proportionnellement plus enclines à être préoccupées par les impacts du changement climatique sur la sécurité personnelle et économique que les hommes (OCDE, 2020), étant elles-mêmes plus souvent enclines à être dans une situation d’insécurité climatique.
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Plusieurs études montrent que les femmes en tant que groupe perçoivent davantage les effets sanitaires du changement climatique au niveau physiologique que les hommes. Elles sont plus sensibles aux variations de température et donc aux épisodes extrêmes (canicules et grands froids). Cela s’explique par des raisons hormonales et mécaniques (Yang et coll., 2021). Lors de la canicule de 2003, la mortalité chez les femmes a ainsi été 15 % supérieure à celle des hommes (Ademe).
Cela s’explique aussi par des choix de société. Les normes thermiques et réglages des appareils (climatisation, chauffage, etc.) sont faits par des hommes pour des hommes alors que la température de confort est différente pour les femmes (Le Monde, 2023). D’autre part, les femmes ont plus de risque d’être en situation de précarité et donc de vulnérabilité face aux dérèglements climatiques : salaires moindres que les hommes, temps partiel plus fréquents, arrêt de travail pour s’occuper des enfants. Elles représentent aussi 80 % des parents isolés (Ademe).
Dans le monde, d’autres facteurs expliquent leur plus grande vulnérabilité : précarité de leurs droits à la propriété foncière, difficulté d’accès aux ressources naturelles ou limitation de leur participation à la prise de décision. De plus, la mortalité des femmes est supérieure à celle des hommes lors de grandes catastrophes climatiques (ouragan, canicule, tsunami, etc./Nations Unies) [1] : parce que dans ces événements, elles sont plus nombreuses à avoir fait passer la sécurité des membres de leur famille avant la leur et qu’elles disposent de moins de moyens pour se protéger.
Du côté des solutions, la gestion des alternatives à un mode de vie carboné sera plutôt l’affaire des femmes :
Le changement climatique est plus souvent vu comme une opportunité de changer la société par les femmes qu’une contrainte relativement aux hommes (60 % contre 53 %). La manière d’y parvenir diverge aussi quelque peu. Les femmes ont moins confiance (43 %) que les hommes (57 %) dans l’idée que la technologie peut faire face aux problèmes environnementaux et climatiques (49 % de la population totale) (Obsoco, 2022).
Cette différence est socialement construite autour des différences de genre. La masculinité est associée à un rapport à la nature en termes de rationalité instrumentale tandis que la féminité reposerait davantage sur une position éthique axée sur les soins qui favoriserait la durabilité (Yudina et Grimwood, 2016).
De l’autre côté, il y aurait aujourd’hui un lien entre féminité et responsabilité environnementale. Aux États-Unis, l’orientation vers des considérations environnementales est plus souvent liée dans les représentations à la féminité sur le plan cognitif. Les consommatrices qui adoptent des comportements écologiques sont stéréotypées par les autres comme étant plus féminines et, en outre, elles se considèrent comme plus féminines (Brough et coll., 2016). Ainsi, la consommation responsable s’explique plus souvent, chez les femmes, par une autoperception en tant que quelqu’un qui se soucie de l’environnement alors que, pour les hommes, ce sont les efforts investis pour assimiler les informations sur le produit et ses propriétés, qui a la plus grande valeur explicative.
Cette construction genrée est devenue un levier de redéfinition des luttes féministes. La notion de care s’inscrit dans la construction sociale du genre et est associée à la division des tâches d’un travail domestique (éducation des enfants, tenue de la maison, etc.). Elle est dévolue aux femmes par les hommes et largement invisibilisée (Laugier, Falquier, Molinier, 2015).
Cette notion qui a en partie façonné la construction sociale des femmes est aujourd’hui reprise en main et redéployée dans des éthiques féministes du care. Elles permettent d’explorer de nouvelles relations entre féminismes et environnement, en mettant au centre des rapports de genre la vulnérabilité, avant les questions d’égalité et de pouvoir. La vulnérabilité ne renvoie plus aux femmes à qui une attention spécifique serait due, et qu’on néglige habituellement.
La vulnérabilité est commune aux humains, animaux, et ce qui dans notre environnement est fragile, à protéger (biodiversité, eau, air, etc.). Cette perspective peut être le support d’une politisation de l’action : un féminisme environnemental mettant la valeur du Care et de la reconnaissance des vulnérabilités au centre de l’action environnementale face aux notions plus masculines du risque et de la force.
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responsable de la thématique Adaptation au changement climatique au sein de l'Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE)