Quels liens entre le lieu de vie et les enjeux climatiques ?
Article
Pour atténuer les effets du changement climatique, les collectivités doivent envisager à long terme la transformation de leurs infrastructures et de leurs réseaux.
< Retour au sommaire du dossier
Article
|
Dans le détail :
Contrairement à d’autres facteurs, comme les revenus ou le lieu de vie, l’âge ne semble pas un facteur très déterminant pour ce qui concerne la taille de l’empreinte carbone des Français. Une enquête menée en 2023 auprès d’un échantillon représentatif de Français montre que c’est aux deux extrémités de l’âge adulte que les niveaux d’empreinte carbone moyenne sont les plus importants.
Les 18-24 ans et les plus de 65 ans sont en effet ceux qui ont l’empreinte carbone la plus forte, avec 8,4 tonnes de CO2e par personne et par an. Les 35-49 ans sont, au contraire, ceux en moyenne l’empreinte carbone la plus faible, avec 7,9 tonnes de CO2e par personne et par an. L’écart maximal entre les cinq catégories d’âge considérées est donc faible, avec seulement 0,5 tonne de CO2e par personne et par an, ce qui montre que cette caractéristique sociodémographique n’est pas déterminante dans le profil carbone des individus.
On notera également que c’est au sein de la population des 18-24 ans que les écarts entre individus semblent être les plus marqués — ce qui se traduit notamment par un écart entre moyenne et médiane un peu plus élevé que dans les autres catégories d’âge.
L’empreinte carbone des 18-24 ans et celle des plus de 65 ans ont beau être équivalentes en volume, elle est toutefois assez différente dans sa structure, comme nous allons le voir. En particulier, les plus jeunes se caractérisent par une forte empreinte carbone de déplacement et une faible empreinte liée au logement ; à l’exact opposé des plus de 65 ans (OpinonWay, 2023 ; Boutang, 2024).
|
Dans le détail :
L’âge est un marqueur assez important de l’empreinte carbone du logement, puisque les plus jeunes ont en la matière, et en moyenne, un impact environ deux fois moindre que les plus âgés. L’empreinte carbone du logement est en effet de 1,1 tonne de CO2e par personne et par an chez les 18-24 ans, ce qui représente 13 % de leur empreinte totale. Chez les 65 ans et plus, cette empreinte carbone du logement monte en moyenne à 2,1 tonnes de CO2e par personne et par an, soit 25 % de leur empreinte carbone totale.
Ces écarts s’expliquent probablement par différents facteurs connexes, comme l’évolution des revenus au fil de la vie, l’accès à la propriété et/ou à des logements plus importants à partir d’un certain âge (arrivée des enfants), mais aussi la structure des ménages. L’augmentation nette de l’empreinte carbone après 50 ans correspond ainsi à l’âge où les enfants commencent à quitter le foyer dans de nombreuses familles, ce qui réduit la taille du ménage sans modifier la structure du logement occupé.
Or l’empreinte carbone du logement est très impactée par la structure familiale : les ménages d’une personne ont, en moyenne, une empreinte carbone liée au logement plus de deux fois supérieure à celle des personnes vivant dans un ménage de 4 personnes ou plus (OpinonWay, 2023 ; Boutang, 2024).
|
Dans le détail :
Même s’il ne s’agit pas d’un facteur aussi important que le lieu de résidence, les enquêtes sur les déplacements montrent que l’âge influe sur la mobilité du quotidien. En particulier, pour les trajets courts, les distances parcourues en semaine ou en week-end évoluent avec l’âge : comparativement aux jeunes et aux personnes âgées, les personnes en âge de travailler effectuent plus de kilomètres et passent plus de temps à se déplacer au quotidien.
Dans le même temps, la dépendance automobile augmente également fortement durant cette période d’activité. Pour leurs déplacements de courte distance en semaine, les 18-24 ans utilisent la voiture dans 57 % des cas. Mais ce pourcentage monte ensuite 65 % chez les 25-34 ans, puis à plus de 70 % chez les 35-54 ans, avant de redescendre peu à peu chez les personnes plus âgées (SDES, 2020).
Parce qu’ils opèrent des trajets quotidiens plus nombreux et réguliers, mais aussi parce qu’ils dépendent plus de la voiture, ce sont donc très probablement les 25-54 ans qui ont l’empreinte carbone la plus importante pour leurs déplacements du quotidien. Les études d’empreinte carbone des Français ne fournissent toutefois pas de données détaillées sur ce point (OpinonWay, 2023 ; Pottier et coll., 2020 ; Malliet, 2020).
|
Dans le détail :
À l’exception des enfants et des plus de 75 ans, l’âge influe assez peu sur le taux de départ en voyage pour raisons personnelles. Ainsi, en 2022, les 15-34 ans étaient 84 % à déclarer être partis en voyage, soit un peu moins que les 35-49 ans (86 %) et un peu plus que la moyenne des Français (82 %) (Gleizes, Solard, 2023).
En revanche, les enquêtes de déplacement montrent que les jeunes se déplacent différemment. Ils utilisent moins la voiture : celle-ci ne représente que 57 % des déplacements de longue distance des 20-24 ans, contre plus de 75 % pour les plus de 35 ans. Les jeunes utilisent également davantage le train pour ces déplacements de longue distance. Mais les jeunes utilisent également davantage l’avion : presque 12 % des voyages de longue distance des 20-24 ans et 14 % des voyages de longue distance des 25-34 ans se font en avion — contre une moyenne de 9,4 % pour l’ensemble de la population.
Si ce pourcentage peut paraître assez faible, il faut se souvenir que l’avion permet d’effectuer de grandes distances en très peu de temps, si bien que ce mode de déplacement représente en réalité plus de la moitié des kilomètres parcourus par les jeunes de 20 à 34 ans (SDES, 2020).
L’avion est donc davantage utilisé par les jeunes que par les autres catégories de population pour leurs déplacements de longue distance. Cela explique sans doute en grande partie pourquoi, malgré un usage plus faible de la voiture et une utilisation plus importante des modes de déplacement bas carbone, les jeunes ont une empreinte carbone de mobilité plus importante que la moyenne.
Comme une minorité seulement prend l’avion régulièrement, cela explique également pourquoi l’empreinte carbone des déplacements semble particulièrement inéquitable parmi les jeunes — ce dont témoigne un écart entre moyenne et médiane assez marqué parmi les 18-24 ans (OpinionWay, 2023). Une enquête menée en 2022 auprès des jeunes de 18 à 34 ans montre par exemple que la moitié d’entre eux ne prend jamais ou presque jamais l’avion, tandis que, au contraire, un tiers prend l’avion tous les ans (Obsoco, 2022).
|
Dans le détail :
Les enquêtes ou études menées pour estimer l’empreinte carbone des Français ne montrent pas de différence importante d’empreinte carbone liée à l’alimentation en fonction de l’âge. Seule une légère baisse apparaît au fil du vieillissement des personnes : ainsi, les 18-24 ans ont une empreinte alimentaire de deux tonnes de CO2e par personne et par an, tandis que celle des 25-49 ans est de 1,9 tonne, et celle des plus de 50 ans tombe à 1,8 tonne (OpinionWay, 2023).
Il est probable que cet écart, assez modeste, s’explique par la consommation plus importante de produits carnés par les jeunes. La production de viande a en effet un fort impact climatique et explique la majorité de l’empreinte carbone de l’alimentation d’un Français. Or l’évolution de la consommation de viande au gré de l’âge est sensiblement la même que celle de l’empreinte carbone de l’alimentation : elle tend à baisser avec l’âge. Les 18-24 ans sont ainsi ceux qui consomment le plus de viande, avec près de 150 grammes par jour, soit au-dessus de la moyenne de 135 grammes par jour pour la moyenne des adultes français.
Cette consommation tombe à 113 grammes par jour pour les 75 ans et plus (Talouvaris & Sauvage, 2018). La consommation de viande des jeunes est notamment caractérisée par une consommation plus importante de plats préparés (dont surgelés) et de sandwichs (Talouvaris & Sauvage, 2018 ; FranceAgriMer, 2022).
|
Dans le détail :
L’âge ne semble pas être un facteur important de différenciation de l’empreinte carbone liée à la consommation des autres biens et services susmentionnés (c’est-à-dire « autres que la mobilité, le logement et l’alimentation »). Comme pour l’alimentation et la viande, il semble que l’impact carbone de ce poste de consommation baisse très légèrement avec l’âge.
L’enquête d’OpinionWay menée pour l’Ademe en 2022 montre par exemple que l’empreinte carbone des consommations « autres » est d’environ 1,3 tonne de CO2e par Français et par an. Elle serait légèrement plus élevée pour les 18-24 ans (1,4 tonne) et légèrement plus faible pour les 65 ans et plus.
On notera que les consommations « autres » représentent une très grande variété de biens et services. Il est probable que les types de biens et services consommés varient sensiblement avec l’âge, mais les données fournies par les enquêtes ou études sur l’empreinte carbone des Français ne permettent pas de l’identifier (OpinonWay, 2023 ; Pottier et coll., 2020 ; Malliet, 2020).
|
Dans le détail :
Des études sur l’écoanxiété ont été menées auprès des jeunes dans de nombreux pays du monde : elles montrent que ce sentiment est aujourd’hui largement partagé par les jeunes générations, partout autour du globe. Les 16-25 ans interrogés dans dix pays du Sud comme du Nord, dont la France, se déclarent à 70 % très inquiets ou extrêmement inquiets du changement climatique. 75 % d’entre eux jugent le futur effrayant, et 56 % estiment que l’humanité est condamnée (Hickman et coll., 2021).
Pour autant, une étude menée en France montre que les jeunes ne sont pas forcément beaucoup plus écoanxieux que la moyenne des Français, et que seuls les plus âgés (les retraités) sont vraiment moins écoanxieux (Obseca, 2023).
Tout aussi intéressantes, les enquêtes sur le climatoscepticisme montrent en France que ce phénomène n’est pas moins présent parmi les jeunes générations, comme on aurait pu s’y attendre — notamment parce que certaines enquêtes montrent que les jeunes sont plus engagés que la moyenne dans les mouvements en faveur de l’environnement, et plus préoccupés par le sujet (Koschmieder et coll., 2019).
Au contraire, en s’appuyant sur les chiffres de l’Observatoire Climat et opinion publique (Obs’Cop, 2022), Sacha Bentolila et ses collègues rappellent que « Loin du discours médiatique et militant ambiant, les plus jeunes sont en réalité la classe d’âge la plus touchée par une forme de négationnisme climatique : les 16-24 ans sont 42 % à tomber dans la catégorie des climatosceptiques, un chiffre qui ne fait que baisser jusqu’à 44 ans avant de remonter à un niveau quasi similaire (40 %) au-delà de 55 ans. » (Bentolila et coll., 2023) Ainsi, les deux seules catégories d’âge à être davantage climatosceptiques que la moyenne sont les plus jeunes (16-24 ans) et les plus âgés (55 ans et au-delà).
On notera également que le révisionnisme (l’idée qu’il y a un changement climatique, mais pas d’origine humaine) est la forme de climatoscepticisme qui domine particulièrement parmi ces catégories de population particulièrement climatosceptiques. Au contraire, les négationnistes (ceux qui nient carrément l’existence du changement climatique) sont quasiment absents parmi les 25-34 ans (4 %).
|
Dans le détail :
Les effets du changement climatique vont davantage concerner les plus jeunes, durant davantage de temps (tout au long de leur vie). Les Français en sont conscients, puisque leur première motivation à agir pour l’environnement est de « laisser aux générations futures un environnement de qualité » (davantage que « protéger la nature » ou « préserver sa santé », par exemple, cf. MTECT, 2022). Ceci étant dit, les personnes âgées étant parmi les plus fragiles face aux canicules, elles sont également celles qui peuvent en subir les conséquences les plus pénibles à court terme.
Les jeunes sont plus nombreux à se déclarer impliqués dans les mouvements pour le climat ou l’environnement, même si ceux qui le font sont en réalité très minoritaires (12 %, cf. Koschmieder et coll., 2019). Ils se disent également davantage prêts à le faire, et 54 % d’entre eux envisageraient même de participer à une action de désobéissance civile, contre 34 % des 65 et plus (Ademe & OpinionWay, 2023).
Lorsqu’il s’agit d’envisager la transition écologique, les jeunes sont, en moyenne, un peu plus nombreux à croire qu’il est encore temps de faire face : seuls 6 % des moins de 35 ans pensent qu’il n’y a plus rien à faire pour limiter le changement climatique, contre 15 % des 60 ans et plus.
Pour ce qui concerne les actions à mener à titre individuel, on constate que les jeunes sont plus nombreux à déclarer qu’ils seraient prêts à changer leurs habitudes pour le climat. Cette volonté d’agir décroît avec l’âge. Après avoir calculé leur empreinte carbone, seuls 8 % des 18-24 ans n’envisagent pas de changer d’attitude, contre 18 % des 65 ans et plus.
Les jeunes semblent également plus enclins à agir sur leur alimentation pour réduire leur impact climatique : c’est le premier secteur de consommation cité par les 18-24 ans pour réduire leur empreinte carbone, au contraire des 65 ans et plus qui envisagent rarement un tel changement de manière prioritaire (OpinionWay, 2023).
Les jeunes sont un peu plus nombreux à croire en la capacité de l’État, des entreprises et des individus à agir ; mais ils croient moins en l’efficacité des instances internationales (IPSOS, 2023 ; Ademe & OpinionWay, 2023). L’adhésion à la taxe carbone baisse avec l’âge : les 15-24 ans sont 80 % à être favorables à son augmentation, tandis que les 65 ans et plus sont 69 % à le vouloir (Ademe & OpinionWay, 2023).
La volonté de changer radicalement de modèle économique semble évoluer quant à elle en fonction de l’implication dans la vie active : les jeunes (67 %) et les retraités (65 %) sont ainsi un peu plus nombreux que les actifs (62 %) à réclamer une réorientation en profondeur de l’économie pour soutenir les activités qui préservent l’environnement et la cohésion sociale (Ademe & OpinionWay, 2023).
Article
Pour atténuer les effets du changement climatique, les collectivités doivent envisager à long terme la transformation de leurs infrastructures et de leurs réseaux.
Article
Comment amener les citoyennes et les citoyens les plus riches à se tourner vers une plus grande sobriété ?
Article
Constate-t-on une différence marquée entre les empreintes carbone de personnes d’âges différents ?
Article
Les femmes se révèlent bien plus vertueuses, tant au niveau de leurs déplacements que de leur alimentation.
Article
Quand il faut se battre chaque jour pour joindre les deux bouts, peut-on encore trouver l’énergie de se préoccuper de son empreinte carbone ?
Article
Ouvert aux citoyens, la Convention métropolitaine pour le climat a pour mission de réfléchir à une stratégie d’adaptation du territoire au réchauffement climatique.
Interview de Julie Roussel
Docteure en aménagement et urbanisme
Article
il ne suffit pas de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, il faut également mener de front des politiques d’atténuation et d’adaptation.
Qu’est-ce que le changement climatique va changer dans notre rapport à la ville et au territoire que nous habitons ?
À quels basculements devons-nous nous préparer ?
Article
Comment incarner les « modes de vie » dans des situations du quotidien ? Cette fiche propose des éléments de définition, de tendance, de benchmark et liste des enjeux sur les liens entre modes de vie et façons d’habiter un territoire.
Étude
Dans le cadre du déploiement de la ZFE, 20 foyers-pilotes ont testé des alternatives à la voiture : comment cette expérimentation a-t-elle bousculé leur quotidien et dans quelles mesures sont-ils prêts à abandonner leurs habitudes liées à l’utilisation de la voiture ?
Interview de Vivian Dépoues
responsable de la thématique Adaptation au changement climatique au sein de l'Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE)