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Atténuation du changement climatique : quelles empreintes carbone selon les CSP, âges, genres et territoires

Dossier

Afin de préserver le climat, la France s’est engagée aux côtés de nombreux autres pays à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cela signifie que, d’ici là, l’empreinte carbone de chacun d’entre nous devra être divisée par 5. Même si cet objectif ne questionne pas uniquement la responsabilité des individus, atteindre un tel objectif oblige néanmoins chacun d’entre nous à adapter son mode de vie.

Partant du constat que l’empreinte carbone des individus est le résultat d’une multitude de choix et de contraintes qui façonnent leurs modes de vie, cette synthèse bibliographique essaie d’identifier les facteurs sociodémographiques qui influencent les comportements les plus émetteurs de gaz à effet de serre — comme le logement, l’usage de la voiture, le transport aérien ou encore la consommation de viande.

Les articles essaient également d’analyser si ces facteurs sociodémographiques influencent nos perceptions du changement climatique ou de la transition énergétique.

Chacun correspond à une caractéristique sociodémographique donnée : l’âge, les revenus, le lieu de vie, le genre ou encore la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance. Ils utilisent des données disponibles publiquement (sondages, enquêtes, articles scientifiques, etc.).

Un tableau de synthèse permet de résumer la manière dont chaque caractéristique sociodémographique impacte l’empreinte carbone ou les représentations du changement climatique. Enfin, une synthèse est proposée en fin de document, pour montrer certains effets cumulatifs propres aux injustices climatiques.
Date : 08/10/2024

Sommaire :

 

 

Clés de lecture

 

Qu’est-ce que la neutralité carbone?

 

La neutralité carbone consiste à équilibrer les émissions d’origine humaine et les capacités de stockage des puits de carbone, afin qu’aucun surplus de GES ne s’accumule dans l’atmosphère. Le chiffre de 2 tonnes de CO2e/hab/an est souvent cité pour donner un ordre de grandeur des capacités de séquestration disponibles, et donc de l’objectif à atteindre pour la neutralité carbone. Ce chiffre est toutefois très approximatif, et il peut varier en fonction des incertitudes scientifiques, mais aussi du fait de certaines hypothèses qui posent parfois des questions d’ordre éthique.

Faut-il, par exemple, considérer les capacités de séquestration mondiales ou nationales (par exemple à l’échelle de la France) ? Faut-il considérer les capacités actuelles, ou celles qu’on imagine pouvoir développer à l’avenir (par exemple à l’horizon 2050) ? Étant donné que les gaz à effet de serre restent longtemps dans l’atmosphère, faut-il prendre en compte les émissions émises par le passé, afin de rééquilibrer les inégalités historiques entre individus ou entre nations dans la dégradation du climat mondial ? Faut-il prendre comme objectif les capacités de séquestration du carbone, ou n’est-il pas plus pertinent de considérer la quantité de carbone qu’il est encore possible d’émettre pour atteindre un objectif de réchauffement global (par exemple +1,5 ou +2 °C) ?

En fonction des réponses apportées à ces questions éminemment politiques, et donc en fonction de notre éthique de la justice climatique, les valeurs obtenues peuvent grandement varier. Pour la France, elles peuvent aller de plus de 2 tonnes de CO2e/hab/an à des valeurs négatives (donc inférieures à zéro tonne de CO2e/hab/an). La valeur de 2 tonnes est donc à considérer comme une approximation, le plus important étant en réalité de tendre vers zéro. [1]

 

[1] Rankovic et coll. 2018. « La neutralité carbone, défis d’une ambition planétaire », Pour une approche plus synthétique, voir : Wagner T., 2023. « Objectif 2 tonnes : vrai défi ou mauvaise cible ? ».

 

Qu’est-ce que l’empreinte carbone?

 

L’empreinte carbone d’une personne équivaut aux émissions de gaz à effet de serre (GES) incorporées dans ce qu’elle consomme pendant une période donnée — en général une année. Elle prend en compte les différents gaz à effet de serre, et est exprimée en équivalents CO2 (notés CO2e). L’empreinte carbone d’un Français est aujourd’hui légèrement inférieure à 10 tonnes de CO2e/hab/an, répartis comme suit [2] : 

 

Empreinte carbone moyenne en France en 2019. 9.9 tCO2eq/personne. Par personne, les manières de se déplacer représente 2650 kg dont 2030 kg de CO2 en voiture. Les manières de manger représente 2350 kg dont 920 kg de CO2 en viande. Les manières de se loger représente 1900 kg par personne dont 1180 kg de CO2 en Gaz et fioul. Les achats représente 1600 kg dont 530 kg de CO2 pour une maison. La dépense publique représente 1400 kg dont 310 kg de CO2 pour l'administration et défense et 300 kg en enseignement

 

[2] Ledoux R., et coll., 2022. « Empreinte carbone française moyenne : comment est-elle calculée ? »,

 

Quelle est la responsabilité des individus dans leur empreinte carbone ? 

 

Le principe de l’empreinte carbone consiste à imputer la responsabilité des émissions au consommateur final des biens et des services produits. Ce principe permet de comprendre en quoi le mode de vie d’une personne ou d’une société est générateur de gaz à effet de serre, en prenant en compte toutes les étapes de production qui ont lieu en amont de la consommation. Pour autant, cela ne signifie pas que le consommateur est responsable de ces émissions : celles-ci impliquent bien entendu les entreprises qui sont intervenues en amont. 

Réduire notre empreinte carbone nécessite certainement de la part des individus de consommer moins et mieux ; mais cela suppose également de décarboner la production, c’est-à-dire de modifier les modes de production pour les rendre moins émetteurs de gaz à effet de serre. Tout l’effort ne repose donc pas sur les épaules du consommateur, et la part de responsabilité entre producteur et consommateur peut grandement varier selon les postes de consommation. 

Par exemple, il est difficile de décarboner la production de viande ou l’aviation : pour ces postes de consommation, la sobriété est de mise. Mais dans d’autres secteurs, des solutions techniques peuvent parfois être mobilisées pour décarboner la production ou proposer des alternatives moins polluantes. Dans ce cas, la responsabilité est également collective : elle implique donc les entreprises et les acteurs publics [3]. 

 

[3] Dugast C., Soyeux A., 2019. Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique, Carbone 4, Paris.

 

Quel lien avec l’adaptation ? 

 

Le réchauffement climatique est en cours, et il ne fait que commencer. S’adapter à ces évolutions est donc primordial. Toutefois, de plus en plus de publications scientifiques alertent sur le fait que, une fois certains « points de bascule » franchis, le climat de la Terre pourrait dévier de sa trajectoire et rendre l’adaptation très difficile, voire impossible. 

Certains de ces points de bascule pourraient advenir dès 1,5 °C ou 2 °C de réchauffement global [4], et mener à un régime climatique dont l’équilibre se situerait alors probablement au-delà de +5 °C, ce qui rendrait invivables des régions du monde aujourd’hui peuplées par plusieurs milliards de personnes [5]. Pour s’assurer d’éviter ces points de bascule, il faut atteindre la neutralité carbone au plus vite — probablement beaucoup plus rapidement que ce que prévoient les engagements actuels. 

 

[4] Rockström J. et coll., 2023. « Safe and just Earth system boundaries »,  OECD, 2022. Climate tipping points. Insights for Effective Policy Action.
[5] Xu C. et coll., 2020. « Future of the human climate niche ».