L’Eglise de Lyon est connue pour sa tradition de catholicisme social, de quoi s’agit-il ?
Le catholicisme social, ou ce qu’on appelle aussi parfois christianisme social, est une conception de la justice sociale apparue en France au début du 19e siècle, donc au moment de la naissance de la société industrielle. Ce courant de pensée a été « adopté » par le magistère central de l'Eglise catholique qui, avec l'encyclique « Rerum Novarum » du pape Léon XIII, en a fait, en 1891, une doctrine : la « doctrine sociale de l'Eglise ». Lyon a été un des principaux foyers d'élaboration et de développement de ce courant. Celui-ci a compté des modes d’expression et des motivations théologiques et politiques extrêmement variés, parfois même antagoniques. Il y a eu, ainsi, un catholicisme social politiquement conservateur, penchant vers les valeurs de l’Ancien Régime, et un catholicisme social dont les tenants se sont enthousiasmés, au contraire, pour la République et pour le pouvoir rendu au peuple.
C’est donc une famille de pensée et d'action très « plurielle », et cela, je crois, a contribué à son succès. On note qu’à Lyon, comme à Lille, beaucoup de grands patrons, à l’instar des Gillet — entrepreneurs textiles du 19e siècle passés ensuite à l'industrie chimique —, en ont tiré une manière différente de pratiquer le capitalisme, avec plus de respect pour leurs ouvriers et plus d’humanité.
Qu’y a-t-il de commun à ces deux courants très différents du catholicisme social ?
Le souci des plus pauvres et de la dignité de chaque être humain est le fond commun. On peut dire, également, que les catholiques sociaux, qu’ils soient monarchistes ou républicains, se sont montrés réticents à l'égard du socialisme qui, à cette époque, apparaissait soit avec une dimension révolutionnaire, soit sous une forme libertaire, les deux cherchant à se défaire de la foi et de l'Eglise. Même les plus progressistes d'entre eux, tout animés par la justice sociale qu'ils étaient, n'ont jamais remis en cause le droit de propriété, mais ils ont affirmé que la propriété avait une vocation sociale. Une des grandes figures intellectuelles et « opérationnelles » du catholicisme social est Frédéric Ozanam (1813-1853), qui a passé toute une partie de sa vie à Lyon où il a été avocat. Celui-ci a voulu passionnément faire triompher la justice dans les relations sociales, dans l'organisation politique et dans la vie internationale. Partisan de la République au moment de la révolution de 1848, il n'en dénonce pas moins le socialisme qu'il qualifie « d'intervention dictatoriale du gouvernement » et qu'il renvoie dos à dos avec le libéralisme sauvage.
Ce n’est que plus tard, au début du 20e siècle, que certains vont évoluer vers le socialisme, comme le journaliste Marc Sangnier (1873-1950), issu d'une famille bonapartiste, animateur, à Paris, du journal « Le Sillon » qui militait « pour un christianisme démocratique et social ». Cependant, auparavant, avaient pu se distinguer des hommes comme Camille Rambaud ( 1822-1902 ), fondateur de « La Cité de l'Enfant-Jésus » à Lyon, une cité ouvrière qui se voulait « idéale ». Camille Rambaud ne cachait pas ses attaches avec la pensée du philosophe Charles Fourier (1772-1837), une des figures du « socialisme utopique » qui vécut lui-même plusieurs années à Lyon.
Le catholicisme social représente un grand progrès, dans ce sens qu'il applique le devoir chrétien de la charité à l'organisation de la vie économique et sociale. Il ne s'agit pas seulement de venir en aide aux pauvres: il faut aussi vouloir – et faire en sorte – qu'il n'y ait plus de pauvres ! Aux côtés des laïcs chrétiens que j'ai cités, il faut adjoindre quelques grandes figures ecclésiastiques. En particulier le dominicain Henri Lacordaire (1802-1861). A la fois religieux, journaliste et homme politique, il a restauré en France l'Ordre des Prêcheurs (dominicains) que la Révolution de 1789 avait chassé. Il ne dissociait pas sa foi de la croyance dans le progrès et dans la liberté humaine, et il peut être regardé comme l'un des fondateurs du catholicisme moderne.
C'est à Oullins que, en 1852, il a créé un « Tiers-Ordre » enseignant, à partir du Collège Saint-Thomas d'Aquin-Veritas qui existe toujours. Il faut aussi savoir que, durant trente ans, Lyon a eu pour archevêque le cardinal Maurice de Bonald (1787-1870), un homme de l'aristocratie qui, cependant, s'est montré particulièrement soucieux du sort des ouvriers et a pris leur défense au lendemain des révoltes des canuts. Il a, ainsi, encouragé l'œuvre de présence aux familles ouvrières impulsée par le père Antoine Chevrier (1826-1879), le fondateur du Prado qui voulait former des prêtres pauvres pour les pauvres.
L’une des premières figures de ce qu’on n’appelle pas encore le catholicisme social peut être trouvée, au 12e siècle, chez Pierre Valdo et les « Pauvres de Lyon ». Y-a-t-il un lien avec ce que d’autres ont fait, plus tard au 19e siècle, comme le père Antoine Chevrier ?
Je ne suis pas certain que le père Chevrier ait jamais entendu parler de Pierre Valdo (1130-1217) ! Il me semble que cette grande figure du « pré-protestantisme » a plutôt été redécouverte à Lyon à la fin des années 1960, période où les Eglises chrétiennes, dans la foulée du Concile Vatican II, se sont montrées soucieuses de refaire leur unité. Quand on cherche à guérir un passé douloureux et qu'on remonte pour cela l'échelle du temps, il est bon de découvrir des personnages qui peuvent, aujourd'hui, faire l'unanimité.
Un siècle avant saint François d’Assise, Pierre Valdo, riche marchand lyonnais, a tout quitté pour vivre la pauvreté que l'Evangile donne en modèle. Refusant d'être ordonné clerc, lui le laïc, et voulant rejoindre le peuple qui ne parlait pas latin, il s'est mis à prêcher l'Evangile dans la langue provençale qui était alors celle des Lyonnais, ce qui lui a valu sa condamnation et celle de son mouvement par les autorités ecclésiastiques. Les « Pauvres de Lyon », comme on les appelait, ont alors essaimé dans toute une partie de l'Europe, de l'Italie à La Bohème. Cette histoire de Pierre Valdo a le mérite de nous rappeler que Lyon a toujours été un grand « chaudron » où le christianisme n'a cessé de s'inventer. Un christianisme qui ne veut pas oublier ses racines évangéliques.
Qu’y a-t-il de particulier à Lyon, pour que cela ait fait « milieu » au point qu’émerge ce catholicisme social et qu’il évolue vers une telle ouverture ? Est-ce la présence des ouvriers en soie ? L’existence de formes ouvrières de solidarité comme le mutualisme ?
Il y a, d'abord, l'ancienneté du christianisme. Il ne faut pas oublier que Lyon est une des toutes premières cités d'Occident à avoir accueilli l'Evangile. Avec le récit des martyrs de Lyon et de Vienne de l'an 177 ( Blandine, Pothin et les autres ), on sait de façon certaine qu'il y avait des chrétiens dans notre cité dès le deuxième siècle de notre ère. Ensuite, ce christianisme peut se prévaloir d'une ascendance prestigieuse : celle de saint Jean, « le disciple que Jésus aimait », puisque le premier évêque de Lyon, Pothin, a été envoyé en Gaule par Polycarpe de Smyrne, lui-même disciple direct de Jean ! Le deuxième évêque de Lyon, saint Irénée, originaire lui aussi de Smyrne, a été et reste un des « fondements » de la théologie chrétienne. Dans les siècles suivants, Lyon n'a jamais cessé d'être une des grandes métropoles chrétiennes. Deux conciles (réunions exceptionnelles des évêques du monde entier ) s'y sont tenus, en 1245 et en 1274. Aux 15e et 16e siècles, l'Eglise de Lyon a été totalement impliquée dans l'essor extraordinaire – intellectuel, avec l'imprimerie, autant qu'économique – du « Lyon de la Renaissance ».
La ville et l'Eglise ont été meurtries, ensemble, par les guerres de religion qui ont vu s'affronter de manière sanglante catholiques et protestants, puis par les violences issues de la Révolution de 1789. Mais au 19e siècle, l'Eglise catholique de Lyon a retrouvé une formidable vigueur, qui a eu pour conséquence un vaste dynamisme missionnaire, en direction de l'Afrique en particulier. Cela au moment où la révolution industrielle, venant s'ajouter aux bouleversements politiques, entraînait de douloureuses mutations. L'Eglise a été obligée de faire face aux défis qui se présentaient. Les mouvements révolutionnaires, en particulier les mouvements anarchistes puissants à Lyon, dénonçaient avec véhémence les collusions de l'Eglise avec les puissants (le « père de l'anarchisme », Joseph Proudhon, a vécu à Lyon, comme l'activiste russe Michel Bakounine). Avec des hommes déjà évoqués tels que le cardinal de Bonald, Camille Rambaud, Antoine Chevrier, mais aussi la généreuse bourgeoise Pauline Jaricot (1799-1862), l'Eglise lyonnaise a su prendre en compte la souffrance des masses populaires, et encourager les associations de travailleurs et les caisses de solidarité.
Il y a un second mouvement d’ouverture du catholicisme social français qui nait à Lyon à la fin du 19e siècle, qui est celui de la Chronique Sociale. Y a-t-il une filiation avec le père Chevrier et le Prado ?
La Chronique Sociale (appelée à ses débuts « Chronique des comités du Sud-Est ») a été créée à Lyon, en 1892, par un ancien employé en soierie, Marus Gonin (1873-1937), et par un grand bourgeois, Victor Berne, en vue de diffuser la doctrine sociale de l'Eglise définie par l'encyclique « Rerum Novarum » du pape Léon XIII. Bâtis sur des cercles d'études, le mouvement et sa revue condamnent l'individualisme bourgeois et contestent le libéralisme économique. Dans le contexte anticlérical très important de cette époque, les initiateurs de la Chronique Sociale se montrent autant soucieux de la condition des ouvriers que de la défense de l'Eglise. Mais ils ont aussi pour préoccupation l'organisation de la société et la situation des hommes à travers le monde. « On ne nait pas citoyen : on le devient par l'étude et la réflexion », proclame une de leurs premières publications. En 1901, les cercles d'études, au nombre de soixante-cinq, rassemblent déjà près de 2500 adhérents, répartis de Lyon jusqu'à Marseille en passant par la Loire et l'Isère.
En 1904, Marius Gonin lance les « Semaines Sociales », sortes « d'universités populaires » se déroulant sur quelques jours chaque année et destinées à l'éducation citoyenne. La Chronique Sociale a été le creuset lyonnais d'un catholicisme de l'ouverture qui a rayonné dans toute une partie de l'Eglise universelle. Elle a compté parmi ses animateurs des intellectuels d'envergure tels que les philosophes Joseph Vialatoux (1880-1970) et Jean Lacroix (1900-1986), ainsi que le journaliste et essayiste Joseph Folliet (1903-1972). Surtout, à partir de l'année 1925, elle a bénéficié de la collaboration des jésuites qui avaient réinstallé leur scolasticat à Fourvière. Parmi ces jésuites se trouve le père Henri de Lubac (1896-1991), un des plus grands théologiens catholiques du 20e siècle, et le père Pierre Chaillet (1900-1972), fondateur, durant l'Occupation allemande, des « Cahiers du Témoignage Chrétien », organe de la résistance spirituelle chrétienne. C'est ainsi que la Chronique Sociale n'a pas été étrangère à tout ce que le Concile Vatican II (1962-1965) a produit comme pensée et comme spiritualité ouvertes sur le monde. Y a-t-il un lien entre ce mouvement et l'œuvre du père Chevrier ? Marius Gonin ne pouvait pas ignorer l'œuvre de ce prêtre dont la grandeur d'âme a marqué durablement l'Eglise de Lyon. Par ailleurs, le journaliste Joseph Folliet, qui a animé longtemps la Chronique Sociale, a terminé sa vie comme prêtre du Prado. S'il n'y a pas forcément « filiation », il y a au moins une connivence !
Le scolasticat jésuite de Fourvière, qui a joué un rôle dans l’ouverture de l’Eglise et au concile de Vatican II, a fermé ses portes; les Semaines Sociales, initiées pas la Chronique, n'ont plus leurs siège à Lyon mais à Paris; l'œuvre de la Propagation de la foi, fondée par Pauline Jaricot, est aujourd’hui à Rome, etc. Que reste-t-il à Lyon ? Est-ce encore une place vivante de l’Eglise ou cela appartient-il à l’histoire ?
Il y a encore les éditions de la Chronique Sociale à Lyon, et le diocèse compte une « Antenne sociale ». Mais beaucoup de ces belles constructions ont, effectivement, quitté Lyon pour s'épanouir autrement ailleurs. L'Eglise de Lyon ne rayonne certainement plus autant, aujourd'hui, qu'elle n'a rayonné au 19e siècle et dans la première partie du 20e siècle. Probablement parce que, à Lyon comme ailleurs en France et dans toute une partie de l'Europe, le christianisme s'affaiblit, ses effectifs diminuent, son influence sur la société s'amoindrit.
Cependant, l'Eglise catholique à Lyon, même de plus en plus en situation de minorité, témoigne encore d'une vitalité non-négligeable. L'Institut Catholique de Lyon, avec notamment sa faculté de théologie, demeure un lieu fort de production et de diffusion du savoir, et cela dans un esprit d'ouverture et un souci de l'innovation qui ne déplairaient pas aux « pères » du catholicisme social. Lyon reste une des « capitales » de la solidarité, et l'inspiration chrétienne n'est pas étrangère à plusieurs des initiatives qui sont prises. Ainsi, le Foyer Notre-Dame des Sans Abri, créé il y a soixante ans par Gabriel Rosset (1904-1974), vient chaque année au secours de plusieurs centaines de personnes qui se sont retrouvées à la rue. Il compte mille cinq cents bénévoles! Il est considéré comme une des institutions les plus performantes, en France, en matière d'accueil et de réinsertion.
C'est aussi à Lyon que le père Bernard Devert, prêtre du diocèse, a créé, en 1985, le mouvement Habitat et Humanisme, qui a ouvert de nouveaux chemins pour le logement social. Quant aux jésuites, comme les dominicains et les assomptionnistes, ils gardent une présence lyonnaise qui n'est pas sans influence. L'un d'entre eux, le père Jean-Noël Gindre, a lancé ces dernières années une association : « Coup de pouce-Université », qui apporte un précieux soutien aux étudiants étrangers qui doivent apprendre à survivre chez nous. Enfin, il me paraît important de relever que Lyon a été, depuis au moins soixante dix ans, le berceau de nombreuses initiatives en matière d'œcuménisme entre les Eglises chrétiennes et en matière de dialogue interreligieux. Là est née la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, à l'initiative du père Paul Couturier (1881-1953). Là ont été écrites de belles pages d'amitié et de solidarité entre croyants juifs, chrétiens, musulmans. Un des grands pionniers du dialogue interreligieux dans le monde est d'ailleurs un Lyonnais, le père Jules Monchanin (1895-1957), un brillant ecclésiastique parti vivre l'enfouissement en Inde au milieu des hindous. Notre ville reste un des lieux du globe parmi les plus dynamiques dans ces domaines.
Il y a moins de bouillonnement et d’effervescence dans l’Eglise de Lyon, mais aussi moins de divisions ?
L’idée que l’Eglise pourrait être sans divergences internes me semble fausse. Les groupes, les sociétés, progressent aussi grâce aux conflits, grâce à la confrontation d'idées, et même grâce aux blessures qu'on s'occasionne les uns les autres. Je crois, d'ailleurs, que le génie du catholicisme tient, depuis des siècles, dans sa capacité à faire vivre ensemble des approches intellectuelles, spirituelles et politiques très diverses, voire antagonistes. Mais les clivages ne sont pas les mêmes selon les époques. Lorsque j’étais jeune prêtre, il y a trente ans, il y avait, dans l’Eglise de Lyon, un partage très net entre ceux qui ne juraient que par les mouvements d'Action catholique, particulièrement l'Action catholique en milieu ouvrier, et ceux qui défendaient la primauté du rassemblement autour de la paroisse. Cette frontière s'est effacée avec l'effondrement progressif du sentiment d'appartenance des ouvriers à une culture ouvrière, et du fait des effets conjugués du chômage et de la montée des individualismes.
D'autres clivages ont pris le relais. D'abord entre ceux qui, dans l'esprit du Concile Vatican II, restent des partisans d'un christianisme enfoui discrètement dans le monde comme le levain dans la pâte, un christianisme du service des hommes et de la confiance dans les évolutions du monde ; et ceux qui considèrent que la foi doit être hautement proclamée, que les institutions de l'Eglise doivent être fortes et visibles. Les catégories de pratiquants les plus jeunes et les plus « militantes » se situent plutôt aujourd'hui dans ce deuxième groupe. En face de la déchristianisation massive de la société, ces catholiques prônent la mise en œuvre de nouvelles méthodes « offensives » d'évangélisation et ne craignent pas de se positionner en opposition « avec le monde ». Les courants dits « charismatiques » se situent majoritairement ainsi. Beaucoup de jeunes prêtres sont dans cette conception des choses. Certains parmi eux montrent un vrai souci d'affirmation identitaire. Les uns et les autres ne manquent pas de générosité, mais ils sont davantage préoccupés par le salut individuel des âmes que par la transformation du monde dès aujourd'hui. Personnellement je crois que les deux doivent aller ensemble.
A quoi tient ce repli ? A une concurrence religieuse exacerbée ?
Certes, les chrétiens, en France, doivent désormais apprendre à vivre avec l'islam, ce qui n'est pas toujours confortable, d'autant plus que l'islam a son point de vue sur le christianisme considéré comme une déviation de la « vraie » religion donnée par Dieu. Mais c'est essentiellement la déchristianisation de notre pays, chaque jour un peu plus réelle, qui alerte et provoque des raidissements et des replis communautaires et identitaires. La déchristianisation, en fait, est un mouvement qui a déjà une histoire de plusieurs siècles dans notre pays. Dans le Sud-Ouest, elle a commencé dès le 13e siècle, avec l'anéantissement des cathares !
Surtout, le christianisme porte en lui-même la possibilité de la déchristianisation, tant il appelle à la pleine reconnaissance de l'individu. Comme l'a écrit le philosophe Marchel Gauchet: « Le christianisme est la religion de sortie de la religion » ! D'aucuns pensent que c'est par la prédication que nous referons chrétiens nos frères », comme disaient les jeunes de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne dans les années 1930. En ce qui me concerne, je crois que c'est par le témoignage concret de l'amour et de l'engagement solidaire avec les hommes que le christianisme s'avère fécond. Regardez Mère Teresa ! Regardez Sœur Emmanuelle ! Regardez l'abbé Pierre ! Ils ont plus fait pour le rayonnement de l'Evangile que des millions de processions !
Quel est aujourd’hui, pour vous, l’enjeu majeur de l’Eglise ?
Comme toutes les autres grandes religions, le christianisme va continuer de connaître, dans les prochaines années, de grands bouleversements. Il est impossible de dire quel sera son visage dans trente ans. Comment se répartiront catholiques et protestants évangéliques. Comment l'Eglise catholique aura fait davantage place, ou pas, aux femmes dans ses instances de pouvoir. Ce que sera la papauté. Ce que seront les relations entre chrétiens et musulmans à l'échelle de la planète. Mais je crois que l'Evangile restera un message fort, essentiel pour le monde. Pour moi, l'important est de pouvoir maintenir des communautés vivantes, même très minoritaires, capables de témoigner et d’être utiles à l'humanité.
Votre regard sur l'avenir de l'Eglise à Lyon ?
L'histoire de Lyon est, depuis dix-huit siècles, intimement liée à l'existence du « phénomène chrétien » en son sein. Ce lien entre le christianisme et Lyon reste une force pour la ville, parce que c'est une riche histoire, et que le meilleur du christianisme y a été (et demeure) un facteur de développement, tant par sa dimension intellectuelle et sociale que grâce à son rayonnement international. Je crois que les chrétiens ont encore beaucoup à offrir à leur ville, en cultivant avec « les autres » — ceux qui pensent ou croient « autrement » — de vraies relations d'amitié. A Lyon nous avons appris à pratiquer un catholicisme de paix.