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Le comte de Chardonnet (1839-1924)

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Illustration représentant des fils de soie

Étude

Louis Marie Hilaire Bernigaud, comte de Chardonnet, est né à Besançon le 1er mai 1839, dans une famille royaliste légitimiste.

La famille a été anoblie sous la Restauration pour services rendus à la monarchie pendant la Révolution.

Son éducation lui est dispensée par une préceptrice allemande qui l’initie à cette langue, mais surtout par son père, esprit cultivé, poète et homme de foi, qui a refusé, lui sous-préfet, de continuer à servir la monarchie de Juillet par attachement aux Bourbons.

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Date : 02/01/2007

Un aristocrate légitimiste

Le jeune Hilaire est un esprit brillant, qui obtient le baccalauréat en 1855, puis entre à Polytechnique en 1859. A sa sortie de l’école, il n’entre pas au service des Ponts et chaussées, car, fidèle aux Bourbons, il refuse de prêter serment à Napoléon III. Alors rentier, il part en Autriche pour se mettre au service d’Henri, comte de Chambord, dernier des Bourbons français. Là, en tant que chambellan de sa majesté, il évolue dans le cercle restreint de l’aristocratie légitimiste émigrée, mais il a aussi l’occasion d’apprendre l’italien, l’espagnol et l’anglais.

Chargé par l’héritier légitimiste d’une étude sur l’état de la sériciculture dans la vallée du Rhône, il fait un premier séjour à Lyon en 1865 où il découvre le métier à tisser et le travail de la soie et poursuit son enquête chez le baron de Ruolz, châtelain éleveur de cocons dans l’île Crémieu où il rencontre, outre le ver à soie et ses mystères, Marie-Antoinette Camille, fille du baron et nièce de l’inventeur de la dorure galvanique, Henri de Ruolz, que le jeune Hilaire admire depuis son enfance. Hilaire épouse Camille l’année suivante en l’église St-François-de- Sales à Lyon Le voyage de noce se passe en Autriche et en Bavière où le couple rencontre Don Carlos d’Espagne dont il épouse la cause. Lors de l’épopée carliste entre 1872 et 1876, Hilaire de Chardonnet finance son ami, lui procure des armes et des uniformes pour ses troupes.

Les années 1875-1883 sont capitales pour Hilaire de Chardonnet. Il y a d’abord la défaite carliste, puis avec la mort de son beau-père et de son père, il devient héritier de leurs fortunes, entamées certes, par les déboires espagnols, mais aussi d’un titre de noblesse, puisqu’en tant que fils aîné, il accède au titre de comte de Chardonnet. De plus, la mort du comte de Chambord en 1883 le fait définitivement renoncer à l’engagement politique pour se consacrer à la science.

 

Un touche-à-tout de génie

Il a alors 44 ans, de l’argent, du temps et du génie. Il est à la fois chimiste, physicien et physiologiste. Il ne cesse, dans les laboratoires qu’il a installés depuis quelques années dans ses châteaux, de faire des expériences de science pure ou appliquée. Il fréquente aussi le laboratoire de la faculté des sciences de Besançon, dont il est membre de l’Académie. A cette époque, il est maire du Vernay-de-Charette en Isère, commune de sa belle-famille. Ses recherches portent sur les rayons ultra-violets et sur les lois spectrales.

Il entre en contact avec Antoine Lumière pour essayer de trouver le procédé de la photographie en couleurs. Il s’intéresse au téléphone. Par la suite, après l’invention de la soie artificielle, au tournant du XIXe et du XXe siècles, il s’intéresse à la T.S.F., aux moteurs d’avion et au pneumatique. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cesse de chercher des applications pratiques de la science pour les transformer en procédés industriels.

 

Sa grande invention, la soie artificielle

Les Anglais diront en 1914 de cette invention : « It is more than invention, it is an absolute creation ». Ses premiers fils de soie sont obtenus en 1883 à Gergy en Saône-et-Loire, puis il ne cesse, non sans problèmes, dans son château de l’Isère, de perfectionner son invention, aidé par un personnel fidèle, jusqu’à l’exposition universelle de Paris en 1889, où il obtient un grand succès.

Toute sa vie durant, il ne va cesser d’améliorer les procédés de fabrication qui démarre de façon industrielle avec la création en 1890 de la Société anonyme pour la fabrication de la soie Chardonnet avec le manufacturier Weibel dans l’usine de Prés-de-Vaux près de Besançon. Cette usine entre en fonctionnement en 1892 et connaît de nombreuses difficultés de mise au point qui ruinent Chardonnet, même si le succès industriel est enfin obtenu en 1900, date qui voit également les concurrents se multiplier et la reconnaissance nationale et internationale enfin se manifester. Après la Grande Guerre, il devient membre de l’Institut en tant que membre de l’Académie des Sciences, officier de la Légion d’honneur.

Les soyeux lyonnais s’intéressent très vite à cette soie artificielle, dénommée plus tard rayonne, qui peut apporter une réponse à la crise du ver à soie, mais aussi à la consommation de tissus de soie devenus trop chers. Certes, des oppositions à cette soie factice sont nombreuses entre Rhône et Saône. Elle est traitée de « soie de belle-mère » car, selon une histoire qui se colporte à Lyon, vous donnez une robe en soie de Chardonnet à votre belle-mère qui, s’approchant du feu, brûle et ainsi vous vous en débarrassez ! Malgré ces critiques, Chardonnet obtient à l’exposition internationale et coloniale de Lyon en 1894 deux grands prix, celui du tissage et celui des produits chimiques.

 

Épilogue

Le comte de Chardonnet et sa famille, vivant médiocrement sur la fin de leur vie, reçoivent en hommage de la part des chimistes lyonnais, en particulier de la famille Gillet, une pension annuelle. Bien après sa mort survenue le 11 mars 1924, Charles Gillet, président du syndicat des textiles artificiels, dira : « Lyon et les textiles artificiels sont devenus deux éléments inséparables. Ces textiles ont sauvé Lyon et Lyon leur a donné leur brevet de noblesse et de beauté ». La municipalité d’Herriot a déjà compris que le devenir d’une ville réside dans sa capacité à innover et, dès 1928, elle donne le nom de Chardonnet à une place sur les pentes de la Croix-Rousse, la colline des canuts. Le comte de Chardonnet, pour tout cela, a dû se retourner de bonheur dans sa tombe de Francheville-le-haut.

 

Bibliographie :
■ Auguste Demoment, Un grand inventeur, le comte de Chardonnet, Editons du Vieux Colombier, Paris, 1953.