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Tourisme urbain : quel positionnement pour Lyon ?

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Portrait de Hugues Béesau
Directeur de l'ingénierie de Rhône-Alpes Tourisme (MITRA)

Interview de Hugues Béesau

<< Face à la concurrence, la principale problématique c'est exister, être soi, être singulier >>.

Dans cette interview, Hugues Béesau évoque les opportunités offertes par l’essor du tourisme urbain en Europe et les enjeux que cela soulève du point de vue de la stratégie touristique de la métropole lyonnaise. 

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Date : 12/05/2013

Rhône-Alpes Tourisme a pour mission première d’assurer la promotion touristique de la région Rhône-Alpes, notamment en mettant à la disposition des touristes français et étrangers, toutes informations et tous renseignements touristiques relatifs à la région. La spécificité de Rhône-Alpes Tourisme est de s’être dotée d’une Direction de l’ingénierie et du développement de Rhône-Alpes Tourisme (MITRA). Celle-ci a pour mission d’accompagner la performance de l’économie touristique rhônalpine en apportant aux professionnels et institutionnels des contenus, des savoir faire, des méthodes et des outils. Elle est structurée en deux parties, avec un Pôle ressources – ingénierie, qui produit et recueille des informations qualifiées en lien avec les préoccupations des acteurs, et un Pôle stratégie – ingénierie tourné vers l’innovation.

 

Le tourisme urbain est aujourd’hui en plein essor. Selon vous, est-ce un épiphénomène ou ce dynamisme vous parait-il durable ?

Plusieurs évolutions montrent clairement que le développement du tourisme urbain devrait se poursuivre à l’avenir. Rappelons tout d’abord que jusqu’à l’apparition des congés payés, le phénomène touristique était presque exclusivement urbain. Avec la démocratisation du tourisme, nous avons assisté à une sorte d’éclipse du tourisme urbain, l’attrait de la campagne et du littoral devenant plus prégnant lors des vacances estivales. Plus récemment, on a progressivement redécouvert les villes à la faveur de l’essor des courts séjours. Les touristes expriment de plus en plus leur désir de répartir leur temps de vacances tout au long de l’année. Ceci conduit à privilégier des destinations facilement accessibles et concentrant suffisamment d’activités. En résumé, il s’agit de pouvoir faire un maximum de chose en perdant un minimum de temps dans le voyage. Or, d’un côté les modes de transports rapides, comme le TGV et les lignes aériennes, se sont largement développés et ont pour caractéristique d’être localisés dans ou à proximité directe des villes. De l’autre, les villes apparaissent comme les lieux où se concentre la plus grande diversité d’activités dans un périmètre réduit : le patrimoine, les musées, les évènements culturels, le shopping, l’animation des quartiers, etc. Des activités qui, pour certaines, fonctionnent aussi la nuit. Les conditions sont ainsi réunies pour faire des villes des destinations touristiques de plus en plus attractives : un week-end à Londres, à Barcelone, à Prague, etc. D’ailleurs, même pour les touristes en provenance d’autres continents, il est devenu de plus en plus facile d’organiser un long séjour combinant plusieurs destinations urbaines, en faisant des sauts de puces entre les villes européennes.

J’ajoute que les villes elles-mêmes jouent un rôle moteur dans l’essor du tourisme urbain. Elles ont notamment fait des efforts considérables ces dernières décennies pour rénover le cadre urbain, valoriser ses attraits. Elles ont également développé de multiples évènements susceptibles d’attirer des touristes. Songeons par exemple à l’exposition Keith Harring organisée en 2008 au Musée d’Art Contemporain de Lyon dont on a beaucoup parlé à l’extérieur et qui a attiré beaucoup de visiteurs à Lyon.

 

Aujourd’hui, comment voyez-vous évoluer la concurrence entre métropoles au sein du marché européen ?

 La concurrence est de plus en plus forte. En premier lieu parce que de plus en plus de destinations sont rendues facilement accessibles grâce au développement des lignes low-cost : l’offre proposée aux touristes est de plus en plus large. En deuxième lieu parce que les grandes métropoles touristiques que sont Londres, Paris, Barcelone, etc. confirment leur attractivité. Troisièmement, certaines villes retrouvent leur dynamisme touristique d’antan : Berlin en est un exemple spectaculaire. Enfin vous avez de nouveaux entrant comme Bilbao, Glasgow, Göteborg, Milan, etc. dont le succès est incontestable. D’une manière générale, même si elles en sont éloignées au départ, l’ensemble des villes investissent le champ touristique. Aujourd’hui, à l’heure de la compétition économique mondiale, elles ont toutes besoin d’exister, d’être visibles. Et le plus évident est d’essayer de devenir une destination touristique. C’est par le tourisme qu’une ville peut apparaitre sur la carte, exister dans l’imaginaire collectif : elle apparait dans les aéroports, dans les médias, etc. Autrement dit, le tourisme est le premier levier de notoriété pour une ville, il renvoie une image positive qui constitue un accélérateur pour les autres dimensions de l’attractivité : économique, résidentielle, etc.

 

Selon vous, comment se situent les métropoles françaises sur la scène touristique européenne ?

La situation française est quelque peu déformée puisque Paris concentre entre 70 et 80% de la clientèle internationale qui se rend en France. En Rhône-Alpes, la fréquentation annuelle de l’ensemble des musées des beaux-arts, d’art moderne et d’art contemporain est comprise entre  650 000 et 700 000 visiteurs alors que le Louvre attire à lui seul 12 millions de personnes. On ne joue pas dans la même cour. En dehors de Paris, il n’y a pas de destinations mondiales en France, c’est-à-dire des destinations qui constituent un motif de long séjour. Nous avons toutefois quelques villes qui disposent d’une certaine attractivité à l’échelle européenne. Il y a celles qui bénéficient d’une localisation avantageuse comme Nice et Cannes. Il s’agit aussi de villes qui bénéficient d’un label et qui le cultivent. Lyon est un bon exemple de cela avec son quartier renaissance inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Lille et le label « capitale européenne de la culture » en est un autre exemple. Certaines villes ont acquis une plus grande notoriété grâce à certains événements forts. On pense à Nantes et ses « Folles journées », ses installations d’œuvres le long de l’estuaire de la Loire, les géants de Royal de Luxe etc. Quoi qu’il en soit, à la différence de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, le poids écrasant de Paris fait que nous n’avons pas véritablement de destinations secondaires reconnues et fortes à l’échelle européenne.

 

Dans un pays hautement touristique comme la France, n’a-t-on pas oublié que les villes pouvaient elles-aussi contribuer à l’attractivité touristique du pays ?

Oui et non. Une caractéristique spécifique importante de notre pays au plan touristique réside dans le fait que nous disposons d’une extraordinaire mosaïque de très beaux territoires qui ont chacun leurs particularités. Sur 100 km on peut changer complètement d’univers. Cela n’est pas le cas en Allemagne par exemple. De plus, sur cette base, nous avons développé un ensemble d’offres touristiques particulièrement séduisantes. Nous avons la mer avec la Cote d’Azur et l’Atlantique, la montagne et ses stations, la campagne et ses multiples terroirs. Il parait donc logique, naturel, que les touristes aient d’abord privilégié ces espaces qui sont ceux qui les dépaysent le plus par rapport à leur vie quotidienne. Si on est un peu schématique, l’été c’est le littoral, l’hiver c’est le ski. Forcément, la ville est un peu passée à l’arrière-plan. Comme je le disais précédemment, les choses sont en train de changer, parce que les villes sont en phase avec certaines évolutions des aspirations touristiques et parce qu’elles ont-elles-même fait beaucoup d’efforts pour se rendre plus désirables.

 

Sur un plan économique, a-t-on une idée des retombées du tourisme urbain sur les territoires, et notamment en Rhône-Alpes ?

Il est difficile de répondre à votre question parce que le phénomène touristique reste principalement mesuré, du fait de sa définition même, par le nombre de nuitées marchandes. Or, le problème c’est qu’en ville la plus grande partie des visiteurs ne sont pas des touristes en hébergement marchand. Le principal des touristes qui séjournent dans les villes sont les amis et la famille qui viennent rendre visite aux habitants. Autrement dit, chaque logement est un lieu d’hébergement potentiel pour les visiteurs. De plus, les villes sont des lieux d’excursionnisme, c’est-à-dire de visites à la journée ou la demi-journée. Par exemple, de nombreux genevois viennent à Lyon pour la journée. Ces visites de courte durée ne sont pas comptabilisées. Et pourtant, elles contribuent fortement à l’activité touristique, avec les musées, les restaurants, le shopping, etc. D’une manière générale, la mesure de l’économie du tourisme urbain est donc compliquée. Pour bien faire, au-delà des nuitées marchandes, il faudrait réaliser des sondages pour estimer le montant et les lieux de dépenses de chacune de ces catégories de visiteurs. Quelques villes ont eu cette démarche d’évaluation, comme Québec, Amsterdam, Barcelone ou Lille. D’ailleurs, ces estimations ont parfois été rendues nécessaires par le fait que la fréquentation touristique peut susciter le mécontentement des habitants. Montrer le poids économique du tourisme permet alors de rappeler l’intérêt de cette fréquentation pour le territoire et donc de justifier les efforts déployés en sa faveur.

En ce qui nous concerne, nous avons réalisé une enquête pour l’année 2010 permettant d’estimer les dépenses journalières de chaque touriste français séjournant en Rhône-Alpes : pour les espaces urbains, ce montant s’élève à 41€. Mais ces estimations ne concernent que les dépenses directes, c’est-à-dire celles relevant directement de la pratique touristique : hébergement, restaurants, alimentation, activités culturelles et de loisirs, transport, agences de voyage, etc. Elles ne prennent pas en compte les dépenses indirectes, c’est-à-dire les dépenses auprès d’activités ordinaires comme les pharmacies, les coiffeurs, les banques, etc. De plus, ces données laissent de côté les excursionnistes.

Sur cette question, j’ajoute que nous avons travaillé il y a quelques années avec l’Insee pour mettre au point un indice de touristicité des communes. Quatre critères avaient été pris en compte : la capacité d’hébergement (hôtellerie et campings) et la capacité en restaurants rapportées à la population (ratios pour 1000 habitants), la densité de résidence secondaire et la présence de sites touristiques. Cet indice permet d’estimer la part du chiffre d’affaire des activités du territoire qui découle de la fréquentation touristique.

 

Quel regard portez-vous sur l’appréhension de l’enjeu touristique par l’agglomération lyonnaise ?

A Lyon, le tourisme d’agrément a longtemps été considéré comme quelque chose de « pas très sérieux ». La culture lyonnaise est celle du travail, des affaires, de la discrétion. La prospérité, le plaisir, l’émotion ne s’affichent pas spontanément. Le touriste, c’est un mal nécessaire. Il est là, donc il faut bien s’en occuper. On peut ajouter que Lyon est restée une ville dynamique au plan économique. Lyon n’est pas Lille ou Saint-Etienne. Il n’y a pas eu le même enjeu de trouver des palliatifs au déclin des mines et des industries traditionnelles, du textile par exemple. Bref, jusqu’à récemment, le tourisme d’agrément  n’a jamais été une priorité à Lyon, contrairement au tourisme d’affaires, celui-ci étant fortement accompagné.

Les choses ont cependant sensiblement évolué ces dernières années. Par rapport aux années 1980, la ville s’est embellie de façon spectaculaire : les espaces publics, la lumière, le Vieux Lyon, la reconquête des berges, etc. Lyon a redécouvert sa propre beauté ! Après s’être intéressés au tourisme d’affaires, jugé particulièrement porteur en termes de retombées économiques, les acteurs du tourisme à Lyon ont pointé le fait que le tourisme d’agrément pouvait être un bon complément du tourisme d’affaires qui s’arrête à la fin de la semaine. Cette prise de conscience a donné une nouvelle dimension à l’Office de Tourisme. Il s’est engagé dans une stratégie marketing ambitieuse pour promouvoir la destination Lyon. Autre élément, les acteurs des grands sites ou événements culturels commencent à intégrer la notion de rentabilité. Parce que l’argent public se fait rare et parce que la fréquentation touristique apparaît comme un levier de financement de la culture. Ceci amène ainsi à penser un peu différemment la programmation des événements, en essayant de concilier exigence du contenu et succès auprès du public, en communiquant beaucoup plus en amont auprès des tour operator. Enfin, la question touristique prend de plus en plus d’importance à Lyon parce que les touristes sont, de fait, de plus en plus nombreux. L’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco notamment, a constitué un véritable accélérateur de la fréquentation. La question de l’accueil des touristes s’est aussi imposée d’elle-même. Du reste, en écho à ce que je disais précédemment, Lyon ne peut se permettre de laisser de côté la question touristique. En tant que métropole européenne, elle se doit de cultiver ses attraits touristiques, de se penser en tant que ville touristique. Toutefois, il me semble que l’ambition touristique peut, encore plus, être affirmée et explicitée.

 

Que voulez-vous dire ?

Prenons l’exemple de Prague. Dans les années 1990, la ville a affirmé très clairement sa volonté de se positionner comme une destination touristique et de valoriser ses quartiers classiques et renaissances. Prague a conduit la rénovation de son centre autour de cette ambition et a développé ses capacités d’accueil et l’offre d’activités touristiques, en mettant en place par exemple des bateaux pour visiter la ville. On pourrait multiplier les exemples de ce type qui expriment une volonté de construire un positionnement touristique fort et d’être constant dans la durée pour le cultiver, l’enraciner, l’enrichir.

Objectivement, on ne retrouve pas exprimée - sauf très récemment - la même logique de positionnement structurant à Lyon. Si Lyon a su développer de beaux événements emblématiques et de grande qualité comme la Fête des Lumières, les Biennales de la danse et d’art contemporain, on ne perçoit pas aujourd’hui de fil directeur. Quel est le sens de tout cela ? Quelle est la cohérence ? C’est la ville festive ? Il n’y a pas de positionnement fédérateur de la destination Lyon. L’inscription du vieux-Lyon au patrimoine mondial de l’Unesco est certes un superbe étendard, mais cela ne fait pas un positionnement différenciant. Quelle résonance cela a-t-il avec les événements dont je viens de parler ? Aujourd’hui, aucun imaginaire touristique fédérateur ne se dégage de Lyon me semble-t-il, à part peut-être la gastronomie. Regardez Marseille qui a choisi de se positionner comme la capitale de la Méditerranée. Voilà un positionnement que l’on peut décliner dans de multiples domaines, les arts, la culture, la visite de la ville. Aujourd’hui, il manque à Lyon ce positionnement structurant et la volonté de le cultiver dans la durée et d’agréger les acteurs et les projets autour de celui-ci. L’Office de Tourisme a une stratégie marketing très forte pour vendre la destination autour de la marque OnlyLyon. En revanche, à ma connaissance, le Grand Lyon n’a pas formulé de vision stratégique du positionnement de la destination Lyon à moyen terme et du programme d’investissement et d’animation que cela implique. On n’a pas répondu à la question de savoir quelle place veut-on occuper dans l’imaginaire touristique en 2025.

 

Quel pourrait être le fil directeur du positionnement de la destination Lyon ?

Il se trouve que nous avons conduit une réflexion de cette nature à l’occasion de la démarche prospective Lyon 2020 conduite il y a quelques années par la direction prospective du Grand Lyon. Le travail sur les emblèmes de Lyon avait permis de mettre en évidence quelques idées qui me paraissaient extrêmement intéressantes. Celle qui m’était apparue comme la plus riche, la plus cohérente et la plus susceptible de faire sens face aux enjeux de demain est l’idée de Confluence. Lyon est située à la confluence de deux fleuves. Lyon est une ville où se rencontre le Nord et le Sud de l’Europe mais aussi l’Est et l’Ouest. A Lyon sont venus les banquiers italiens. C’est à Lyon que la rencontre s’est faite entre la soie et les techniques de tissage venues du nord. Et j’en passe. Le concept de confluence a une résonance très forte à Lyon. La confluence c’est la rencontre, la convergence, l’hybridation, la diversité, le métissage, le dialogue, etc. Le patrimoine, l’histoire, la culture sont autant de champs dans lesquels on peut puiser pour faire vivre cette idée de confluence à Lyon. Le futur musée des Confluences pourrait en être la figure de proue. Elle pourrait ainsi permettre de renforcer l’identité de nos grands événements. Par exemple, la Fête des Lumières pourrait se dérouler sur une période beaucoup plus importante en mobilisant d’autres approches de la lumière présentes sur le territoire : celles issues de la recherche, des artistes, de l’industrie, du cinéma, etc. Bref, voici une manière d’envisager un positionnement véritablement affirmé pour Lyon.

 

En quoi ce travail de positionnement peut-il permettre de répondre à la concurrence des autres métropoles européennes ?

 Face à la concurrence, la principale problématique c’est exister, être soi, être singulier. Aujourd’hui, le touriste urbain n’attend plus seulement de la ville qu’elle lui donne accès à un patrimoine et à une culture préservés. Il ne veut pas d’une ville muséifié. Il veut de la vie, il veut ressentir la pulsion de la ville, sa vitalité. Il veut qu’elle lui donne des émotions, il veut rencontrer ses habitants, participer à des choses collectives. La dimension relationnelle, intime du rapport à la ville devrait prendre plus d’importance encore à l’avenir. Or, le risque est que la massification du tourisme urbain entraine une banalisation, une homogénéisation des villes. C’est l’écueil dans lequel sont tombées la plupart des stations touristiques dans lesquelles l’offre proposée est peu différenciée d’une station à l’autre. Autrement dit, la facilité est de se contenter du marketing de la demande, c’est-à-dire de suivre au jour le jour ce qui attire les touristes urbains et de reproduire ce qui marche bien chez les autres. C’est une logique de « coups » qui pousse au copié-collé. Au niveau du shopping, c’est assez évident : on retrouve les mêmes enseignes à Hong-Kong, Paris ou New-York. C’est aussi le cas au niveau de événementielle. Aujourd’hui, la fête des lumières n’est plus une exception lyonnaise, de nombreuses villes ont adopté l’idée. D’une manière générale, le copié-collé tend à transformer les atouts d’hier en standards, en attributs que chaque métropole se doit de posséder. Des attributs qui ne font plus la différence sauf à s’engager dans une fuite en avant pour faire toujours plus, toujours mieux que les concurrents.

C’est là où l’affirmation d’un positionnement propre apparaît comme le socle de toute ambition touristique. Le positionnement permet de construire une différenciation dans la durée. Il permet de valoriser l’existant tout en étant un moteur de créativité pour imaginer de nouvelles choses. Il faut donc concevoir des événements qui résonnent pleinement avec l’identité de la ville, qui en révèlent les différentes facettes de façon sensible et originale. Pensons aux folles journées de Nantes ou au festival des grands voyageurs de Saint-Malo. Il faut éviter les événements désincarnés, qui pourraient être ici comme ailleurs. S’ils ont du succès, ils pourront être facilement copiés, puisqu’il n’y a pas d’enracinement dans la spécificité du lieu. De plus, le risque c’est qu’il y ait un décrochage des habitants par rapport à un événement qui peut leur paraître artificiel car à visée uniquement touristique.

A cet égard, l’idée d’un positionnement qui reflète l’identité du territoire prend tout son sens. On peut concevoir un positionnement très fort sur le papier, mais si celui-ci ne fait pas écho à une réalité territoriale, à l’ambiance de la ville, on court à l’échec. Un positionnement n’est authentique que s’il fait aussi sens aux yeux des habitants, à ceux qui vivent le territoire au quotidien : qu’est-ce qu’on est ? Qu’est-ce qu’on veut être ? Qu’est-ce qu’on veut transmettre ? C’est en étant soi-même que l’on est unique et c’est en cultivant cette identité que l’on est attractif ! Cela incite à trouver une convergence entre le projet que la ville a pour ses habitants et celui qu’elle destine aux visiteurs. Le positionnement doit révéler l’état d’esprit de la ville aux touristes autant qu’aux autochtones. On a réussi lorsque les habitants et les touristes partagent le même plaisir à fréquenter les mêmes endroits, les mêmes événements, etc. Le succès des « greeters » est un bon indicateur de ce désir d’expériences authentiques : visiter la ville en étant accompagné par ses habitants constitue une demande de plus en plus forte.

 

Le développement de la destination lyonnaise ne se joue-t-il pas aussi à l’échelle de la région urbaine ?

Cela me parait évident. Lyon se situe dans un écrin de terroirs exceptionnels. Des terroirs qui, historiquement, convergent vers la ville de Lyon. Mettre en résonance la ville et les terroirs constitue un véritable atout. Cela enrichit considérablement l’offre. Cela donne la possibilité de proposer des hébergements qui ne soient pas seulement urbains, de proposer une pratique touristique mixte, réunissant les attraits de la ville et de la nature. A cet égard, Turin est un bon exemple. A partir des années 1980, ils ont valorisé les terroirs alentours. Puis, avec les Jeux Olympiques, le lien a été fait avec le Piémont. Aujourd’hui, Turin est le centre d’une destination qui comprend également la plaine du Pô et la montagne. Le même changement d’échelle a été réalisé au Québec où l’on est passé de la ville à la province : La Métropole de Québec est devenue le centre d’une destination qui compose désormais avec les différents territoires de la province. Si l’on revient à Lyon, le travail que conduit actuellement l’association Région Urbaine de Lyon permet de faire avancer cette approche élargie de la destination lyonnaise en identifiant des thématiques transversales aux différents territoires. L’enjeu n’est pas de parvenir à un positionnement unique à l’échelle de la région urbaine, mais de connecter, de relier le positionnement de chaque territoire, de faire en sorte que les destinations se renforcent entre elles.