Santé psychique et logement : guide pratique
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Un guide construit pour être le support d’une mise en réseau de partenaires.
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Interview de Jacques HOUVER
<< Du fait d’un déploiement d’activités ambulatoires très développé, la psychiatrie doit être en relation avec toute la chaîne d’acteurs allant de l’hébergement d’urgence au logement banalisé >>.
Interview de Jacques Houver, cadre socio-éducatif, coordonnateur du Service Social, Centre Hospitalier le Vinatier, Direction des Relations avec les Usagers et du Service Social.
Le dispositif de proximité préconisé par la réforme de sectorisation psychiatrique de 1985 est-il devenu réalité ? Comment cela s’est-il développé dans le Rhône ?
Animé par des équipes pluridisciplinaires et activé par des actions de prévention, le dispositif de soins ambulatoires est actuellement très diversifié. Globalement, les possibilités d’accueil des Centres Médico-Psychologiques sont relativement importantes… même si un manque de personnel et une amplitude horaire trop étroite restent à déplorer. Concernant le développement local, il est nécessaire de savoir que le principe de la sectorisation psychiatrique, initié dès 1960, avait été appliqué de manière très inégale selon les départements. Par conséquent, tous ne démarraient pas sur un pied d’égalité en 1985. L’Ardèche, la Drôme ou la Haute-Loire, par exemple, ne disposaient que de quelques consultations dans les mairies. L’hôpital psychiatrique était parfois la seule offre de soins existante ! Le dispositif ambulatoire s’est déployé sous la pression des autorités de tutelle et au rythme du changement des mentalités…
Lyon possédait un existant déjà solide : tous les quartiers étaient dotés bien avant 1985 de dispensaires d’hygiène mentale. Au 1er janvier 1986, ils ont tout simplement été transformés en Centres Médico-Psychologiques (CMP) ! Des structures diversifiées ont ensuite été créées, notamment dans la partie historiquement défavorisée du département, le nord : les territoires rattachés au Vinatier et à Saint Jean-de-Dieu sont assez comparables, celui de l’hôpital de Saint-Cyr est moins équipé. L’effort se poursuit aujourd’hui : un gros centre de psychiatrie ambulatoire vient d’être ouvert près de Villefranche. Notre département dispose de la couverture sanitaire psychiatrique la mieux pourvue de la région Rhône-Alpes.
En fait, il est plus juste de raisonner en termes de « territoire de santé » que de département, car il est nécessaire de tenir compte des flux de population. Beaucoup d’habitants du Sud de l’Ain et du Nord-Isère sont tous les jours à Lyon, c’est là qu’ils accèdent aux soins ! C’est une des nombreuses données à intégrer dans la répartition des moyens et des équipements.
Comment la coordination entre psychiatrie et autres champs concernés s’est-elle articulée ?
Une circulaire du 14 mars 1990 a donné au secteur de psychiatrie une mission de coordination avec l’ensemble des acteurs et partenaires impliqués dans le dispositif de santé mentale : psychiatrie privée, professionnels du sanitaire, établissements et services sociaux et médico-sociaux, justice, éducation nationale, associations d’usagers… Par exemple, en matière de psychiatrie infanto-juvénile, l’éducation nationale est le partenaire n°1, notamment depuis la loi du 11 février 2005 qui rend obligatoire la scolarité pour tous les enfants, quelque soit leur handicap ou leur état de santé. Chez les adultes, les principaux partenaires sont les acteurs de l’hébergement, du logement et les services sociaux du Conseil Général. En effet, la question de l’autonomie se pose pour un grand nombre de patients souffrant de troubles sévères.
Prenons le cas, courant, d’une personne vivant chez ses parents, qui, après une décompensation entrainant une crise, est hospitalisée pour une durée assez courte. Si, à sa sortie, le projet est de l’aider à s’autonomiser, le suivi ambulatoire va comprendre une aide pour trouver un hébergement ou un logement, et un soutien pour s’adapter à son nouveau mode de vie. Concrètement, cela veut dire que la personne va être accompagnée dans ses soins, dans son accoutumance à la solitude, dans la régulation de ses relations sociales et la gestion de sa vie quotidienne (alimentation, hygiène, habillement, entretien de l’habitat, respect du voisinage…).
Autrefois, les personnes qui souffraient de pathologies lourdes passaient l’essentiel de leur existence à l’hôpital. Désormais, elles vivent au sein de la société.
Comment la transition s’est-elle opérée ?
Lorsque l’offre d’hospitalisation a commencé à être sérieusement réduite, les effets se sont directement fait sentir sur le dispositif d’hébergement social… et les prisons. Bon nombre de patients ont rencontré de grandes difficultés à intégrer le parc immobilier classique. Dans les années 70, il existait sur Lyon beaucoup de petits logements modestes et des meublés de piètre qualité. A partir du moment où ils étaient payés, les propriétaires n’étaient pas très regardants sur les locataires ! De nombreux patients au long passé hospitalier ont ainsi pu s’installer en ville.
A l’époque, faute de moyens financiers pour payer des cautions, il nous est même arrivé d’aider des malades à occuper des squats, notamment dans le quartier du Tonkin avant sa rénovation ! Les directeurs de la SERL nous indiquaient que tel et tel îlot étaient murés et ils nous remettaient les clefs. Nous aidions les malades à s’installer et à se meubler. La SERL acceptait ensuite de rétablir l’eau et l’électricité. Les conditions étaient très difficiles. Il n’existait aucune des associations d’insertion auxquelles il est possible de s’adresser aujourd’hui.
Avant 1975, les malades sans ressources pouvaient toucher une allocation d’aide sociale aux infirmes, à condition d’être sorti d’un hôpital depuis plus d’un mois et d’avoir des parents dont les revenus ne dépassaient pas un certain seuil. Les enfants des classes moyennes et aisées se retrouvaient complètement à la charge de leurs parents, les autres devaient se débrouiller un mois sans rien du tout…
Vous indiquiez précédemment que la principale partie des patients sortis des hôpitaux psychiatriques a été accueillie par le secteur social ?
L’hôpital quittant progressivement sa fonction de lieu de vie, beaucoup de patients se sont effectivement retrouvés dans des hébergements d’urgence. Composée de Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) et de Centres d’Hébergements d’Urgence (CHU), l’offre du Rhône est assez importante comparée à d’autres départements. L’afflux est néanmoins devenu suffisamment conséquent pour que, vers 1995, la DDASS se saisisse de la question : un processus de concertation sur l’articulation hébergement/santé mentale a été lancé lors de l’élaboration des schémas départementaux. Il a abouti à la signature d’une charte par l’ensemble des acteurs concernés : préfet, directeurs des hôpitaux psychiatriques, présidents et directeurs de tous les CHRS du Rhône… Cette charte affirmait des conventions de bonnes pratiques et d’appuis réciproques entre psychiatrie et secteur social, au bénéfice des usagers.
Quinze ans plus tard, tout est à reprendre à zéro ! Les décideurs et professionnels qui s’étaient engagés à cette période charnière ont changé de fonction ou sont partis à la retraite… Dans le cadre de la restructuration actuelle du dispositif des CHRS, la problématique des usagers souffrant de troubles psychiques suscite les mêmes débats. Une nouvelle organisation est en train de se mettre en place pour améliorer l’accueil et l’orientation des publics en difficulté : un guichet unique, baptisé « Maison de la Veille Sociale », va centraliser toute la demande d’hébergement du Rhône. Elle pourra être créée grâce à la mutualisation de moyens de tous les établissements et d’un appui de la psychiatrie. Celle-ci est sollicitée car une partie non négligeable de la population en demande d’hébergement présente des troubles plus ou moins graves.
La coordination entre hébergement et services de soins est fortement souhaitée, y compris par les bailleurs sociaux et les foyers de travailleurs. Malheureusement, le dispositif de psychiatrie n’a pas beaucoup de moyens à distraire pour participer à ce travail d’appui : les contraintes budgétaires successives commencent à peser sérieusement sur ses capacités de réaction.
Les conditions de séjour dans les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale vont, en outre, être modifiées par l’entrée en vigueur de la loi DALO , n’est-ce pas ?
Oui. D’après cette loi, une personne hébergée en CHRS n’est obligée d’en sortir qu’à condition de se voir proposer une solution de logement pérenne. Autant vous dire qu’avec le déficit de places actuel du parc social et l’augmentation des loyers dans le privé, son application va être ardue ! L’offre générale de logements augmente très lentement, le marché est tendu, les champs de l’habitat social et du privé à prix raisonnable le sont aussi…
Du côté de la santé, les prises en charge à temps plein sont de plus en plus courtes, aussi bien en psychiatrie qu’en médecine, chirurgie et obstétrique. Contraintes budgétaires et nouveaux modes de prise en charge limitent de plus en plus la durée moyenne des séjours à l’hôpital. Les dispositifs d’accueil, quels qu’ils soient, se voient submerger de demandes. Cela déborde aussi sur les familles : même si elle a pris un coup durant les quarante dernières années, la solidarité familiale existe encore.
La solidarité tendrait à disparaître ?
Que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, les enquêtes faites par le CREDOC montrent une augmentation du nombre de personnes totalement isolées : ni famille, ni amis, ni voisins sur qui pouvoir compter en cas de difficultés. Les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses. L’ampleur du phénomène génère des besoins d’aide que les pouvoirs publics ne sont pas en mesure d’assurer…
Si l’on passe en revue le champ de « l’hébergement/logement », le financement de l’hébergement est du ressort de l’Etat, via la DASS. L’accompagnement social et l’hébergement des personnes handicapées relèvent du Département. Enfin, le logement dans le parc de droit commun se partage entre le privé (les régies) et le public (les HLM). C’est évidemment dans cette dernière catégorie que vivent le plus grand nombre… et là où l’on trouve le plus de personnes malades et/ou handicapées psychiques aux revenus modestes. Le dispositif des foyers de travailleurs, type ADOMA , ARALIS ou MAJO , présente lui aussi une forte concentration de locataires souffrant de troubles psychiques.
Pour quelles raisons ?
Ces foyers ont initialement été créés pour loger les ouvriers immigrés. A la demande de l’Etat, ils se sont massivement ouverts à un public en difficulté dans les années 80. Des personnes isolées, fragilisées par des ruptures familiales, souvent confrontées au chômage et bénéficiant des minimums sociaux , ont été accueillies. Beaucoup portent une grande souffrance psychique et présentent des troubles pathologiques parfois aggravées par des conduites addictives. Le fait de déménager dans un foyer signifie souvent changer de zone géographique dans l’agglomération : cela peut occasionner l’interruption d’un suivi médical, pour ceux qui en ont un.
A la différence d’ADOMA, ARALIS a développé une équipe interne de travailleurs sociaux qui apporte un soutien aux résidants. Depuis quelques années, ces organismes ont fourni des efforts considérables pour moderniser et humaniser davantage leurs structures d’hébergement. La plupart de ces foyers ont été transformés en Résidences Sociales. ADOMA a créé des Maisons Relais, où une maîtresse de maison joue un rôle de régulation sociale. Pour autant, le principe de la mixité des publics, très présent dans ce type d’établissements, n’est pas adapté au profil de tous. Une personne qui souffre de troubles psychiques peut être perçue comme inquiétante par l’entourage. Elle fait souvent l’objet de rejets, et, si elle montre des signes de vulnérabilité, être victime de violences. Dans ces lieux, les personnalités sont très variées, et certains locataires ont un passé judiciaire important…
Il existe également des associations d’aide à l’insertion par le logement ?
Oui, c’est la dernière grande "famille" du milieu de l’hébergement. Dans notre région, beaucoup de structures d’insertion et de promotion par le logement sont regroupées au sein de la FAPIL . Généralement spécialisées, ces associations ont en commun le fait de s’adresser à des publics en situation de précarité et en forte demande d’accompagnement social. L’hébergement proposé est supposé être transitoire : il est considéré comme une période d’adaptation vers une solution de vie plus pérenne et autonome.
En pratique, cela peut durer assez longtemps pour certains. Parmi les publics accueillis, il y a des personnes en situation de handicap psychique, mais qui ne présentent pas exactement le même profil que dans les foyers de travailleurs. Ainsi, du fait d’un déploiement d’activités ambulatoires très développé, la psychiatrie doit être en relation avec toute cette chaîne d’acteurs, allant de l’hébergement d’urgence au logement banalisé.
Au vu des besoins existants, les efforts de coopération, de concertation et de collaboration sur le mode d’appuis réciproques méritent d’être amplifiés.
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