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Les mécanismes de fonctionnement et les enjeux de développement du pôle Axelera

Interview de Marie-Emmanuelle FREOUR

<< Il a fallu mobiliser les acteurs de la filière chimie ainsi que ceux de la filière environnement et structurer la démarche en un laps de temps très court >>.

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Date : 16/04/2009

Entretien avec Marie-Emmanuelle Freour, Déléguée Générale d’Axelera

Propos recueillis par Geoffroy Bing (Nova7), le 17 avril 2009

Dans cette interview, Marie-Emmanuelle Freour nous ramène tout d’abord à novembre 2004, lorsque le Grand Lyon s’est mobilisé dans le cadre de l’appel à projet des pôles de compétitivité. Alors chargée de mission, elle a ainsi contribué à la mobilisation collective et à la constitution du dossier en vue de la labellisation pôle de compétitivité Chimie-Environnement. Depuis lors, elle en assure l’animation en tant que Déléguée Générale de l’association Axelera. L’occasion pour elle de nous expliquer les mécanismes de fonctionnement et les enjeux de développement du pôle Axelera.

 

Au moment du lancement de l’appel à projet par le gouvernement en novembre 2004, où en était la filière de la chimie lyonnaise ?

Au moment de l’appel à projet, un travail de réflexion avait déjà été enclenché par Vincent Allix, un autre chargé de mission, pour tester les acteurs de la filière sur leur volonté de travailler ensemble. L’IFP, Arkéma, Rhodia, Total faisaient déjà partie de la démarche. L’appel à projet du gouvernement a été lancé à ce moment, en novembre 2004, et a permis de cristalliser les énergies sur un travail de diagnostic stratégique et la définition d’actions plus concrètes de valorisation de la filière. Alors que la politique d’excellence autour des biotechnologies était déjà bien enclenchée depuis quelques années, la question se posait de la faisabilité d’une candidature autour de la chimie-environnement. La constitution rapide d’un noyau dur d’industriels et d’organismes de recherche a été décisive pour se lancer dans la démarche. En tant que chargée de mission, j’ai donc été mobilisée à plein temps sur la partie environnement et mon collègue Vincent Allix sur la partie chimie.

 

Concrètement, quelles ont été vos premières démarches ?

Dans un premier temps, il fallait prendre le pouls des acteurs de la filière et tester auprès d’eux l’idée et l’opportunité d’une organisation en pôle de compétitivité. Il s’agissait donc concrètement de démarcher et de prospecter les acteurs de la filière et de tester la pertinence de l’idée ! Nous avons profité du salon Pollutec qui se tenait également au mois de novembre pour aller à leur rencontre et établir si ce projet faisait sens pour eux.

 

Et ce projet faisait-il sens ?

L’idée est toujours  séduisante ! La plupart ont donc été séduits ! Après, la mobilisation est toujours plus problématique !

 

Combien de temps aviez-vous pour préparer votre candidature ?

Nous devions rendre les dossiers le 28 février 2005, ce qui nous laissait environ 3 mois pour constituer le dossier, à savoir faire un recensement des acteurs de la filière, établir des volumes critiques d’activités, de brevets, de centres de R&D, des atouts de visibilité internationale, etc. Par apport à la filière biotech qui avait fait depuis 5 ans l’objet d’une politique d’excellence du Grand Lyon, nous n’avions pas les mêmes acquis ni le même niveau de structuration et de connaissance de la filière chimie-environnement. Il y avait l’APPEL, une association qui réalise depuis plusieurs années un travail de promotion des éco-entreprises lyonnaises, Envirhônalp et l’UIC Rhône-Alpes (Union des Industries Chimiques) dans ce domaine mais il n’y avait pas eu de politique d’animation à proprement parler sur le concept d’une filière chimie et environnement. Il a donc fallu œuvrer pour la construire, la structurer et la rendre lisible en un laps de temps très court en prêtant aux acteurs de la filière un rôle de locomotive dans le projet.

 

Y a-t-il eu selon vous un moment décisif dans le projet ?

Oui, je pense en particulier à une réunion stratégique mi-janvier 2005 où nous avons réussi à faire venir des acteurs importants de la filière et où des personnalités ont manifesté un intérêt et un engagement fort pour le projet et qui ont décidé d’assurer le leadership dans la conduite des opérations. Ce fut certainement un point décisif dans la réussite du projet. Le Grand Lyon s’est alors placé dans une logique d’accompagnement de leurs actions et de pilotage du projet de candidature, les industriels jouant un rôle d’experts.

 

Quelle expertise ont-ils apportée ?

Ils ont décidé par exemple du positionnement du pôle et de son orientation « environnement » au vu des perspectives industrielles et des opportunités que cette orientation pouvait leur offrir. Ils ont joué un rôle décisif dans les orientations stratégiques du pôle et dans la définition de programmes collaboratifs qui en découlaient. L’orientation « environnement » a été par ailleurs largement soutenue par le Grand Lyon. De notre côté, nous nous sommes principalement occupés de la formalisation des atouts du territoire en lien avec leur stratégie.

 

En juillet 2005, Axelera est labellisé pôle à vocation mondiale. Que ressent-on à ce moment là au Grand Lyon ?

Un soulagement et un sentiment de fierté d’être dans les 15 pôles à vocation mondiale à côté de pôles comme Minatec qui était l’exemple emblématique du modèle défendu par l’Etat.

 

Les PME ne font pas partie du noyau dur des fondateurs d’Axelera. Comment faîtes-vous pour les raccrocher au pôle ?

En effet, les PME n’ont pas eu la capacité à dégager le temps nécessaire à la constitution d’un dossier, ce qui était attendu. Elles se sont donc rattachées dans un deuxième temps à la dynamique du projet de pôle, entraînée par les 5 membres fondateurs. Aujourd’hui, elles représentent 50% des adhérents du collège industrie et bénéficient du programme d’actions PACK-PME, véritable offre de services dédiée : réseau, accompagnement au montage de projets, formation à l’innovation, développement international

 

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de l’association Axelera ?

L’association Axelera a été créée un mois avant la labellisation du pôle. Sa création relève d’une décision collective entre les 5 fondateurs qui ont co-écrit un règlement intérieur, les statuts et les objectifs stratégiques du pôle. Au niveau de l’animation du pôle, et c’est une caractéristique du pôle, la valorisation temps-hommes représente la moitié du budget de fonctionnement, c’est-à-dire que des adhérents dédient du temps de certains de leur collaborateurs au service du pôle pour assurer des missions liées à la gouvernance, la communication, l’intelligence économique ou encore des missions d’ordre juridique notamment.

 

En tant que Déléguée Générale, quelle est votre fonction au sein de l’association ?

J’ai un rôle de pilotage et de coordination du pôle de compétitivité tant sur les projets technologiques que transversaux avec une volonté de développer le pôle en fonction des besoins des adhérents. Il faut voir le pôle comme un écosystème auquel il faut sans cesse impulser de l’énergie et encourager les interfaces. Pour cela, nous fonctionnons en partenariat avec les collectivités. Le Grand Lyon a été un partenaire pionnier, accompagné ensuite par la Drire, la Région, la Métro de Grenoble, les Conseils Généraux. L’association assure le fonctionnement de ces partenariats. A ce titre, nous arrivons à sortir des relations financeurs/financés pour entrer dans des relations plus horizontales qui, je crois, sont un facteur important de réussite du pôle. La dimension relationnelle est très importante. Il faut ensuite assurer la visibilité du pôle à travers des relations presse et des partenaires institutionnels.

 

Le partenariat avec le Grand Lyon a-t-il des spécificités ?

Nous nous réunissons environ deux fois par mois avec le Grand Lyon. Il met à notre disposition une offre de services qui va du conseil sur des orientations stratégiques, à des financements de programmes de R&D, en passant par la mobilisation d’acteurs sur des projets transversaux d’entrepreneuriat et essaimage par exemple. Et puis, nous avons aussi franchi un cap en associant les principaux partenaires financiers au conseil d’administration.
Il faut ajouter à cela, le rôle d’expérimentation que joue le Grand Lyon dans différents programmes de recherche menés au sein d’Axelera : le traitement de l’eau, la voirie, la dépollution des sols, le recyclage sont des prérogatives du Grand Lyon qui ont tout à gagner à travailler avec le pôle. Notre positionnement chimie-environnement facilite la collaboration du Grand Lyon en tant qu’expérimentateur. Pour les industriels, c’est une chance de pouvoir tester leurs recherches sur le territoire.

 

Certains parlent du risque d’essoufflement  des pôles de compétitivité. Qu’en est-il d’Axelera ?

La dynamique se maintient, nous avons relancé la stratégie du pôle en l’orientant «  marché ». Les « jeudis d’Axelera », inspirés des Biotuesday de Lyonbiopôle, sont du networking qui ont lieu tous les deux mois et permettent de conjuguer rencontres entre les acteurs, partage d’information et des projets entre les adhérents. L’association Axelera est précisément là pour entretenir la dynamique collective !

 

Les pôles ont été évalués au plan national en 2008. Que ressort-il de cette évaluation concernant Axelera ?

L’évaluation a été très positive. Le système de parrainage entre groupes et PME fait partie des points forts qui ont été relevés (6 actifs aujourd’hui). Par ailleurs, en plus de labelliser des projets, Axelera monte aussi des projets en mettant les acteurs autour de la table et en les faisant s’exprimer sur leurs besoins industriels, les orientant sur les bons laboratoires et en leur proposant une ingénierie financière en identifiant le bon guichet de financement. Ce rôle actif de l’association a été également repéré comme une bonne pratique.

 

Quels seront les axes stratégiques poursuivis par Axelera dans les années venir ?

Une nouvelle stratégie a été actée avec un comité de pilotage représentatif du pôle. Il y a trois ans, nous étions plus dans une logique « la chimie au service de l’environnement et l’environnement au service de la chimie ». Aujourd’hui, l’ambition est d’apporter de la valeur ajoutée à l’ensemble des filières économiques, que ce soit la filière de l’électronique, des transports, des énergies renouvelables, etc. Cela se traduit par des alliances avec les pôles Tennerdis et LUTB par exemple mais aussi à travers le ciblage de marchés dans lesquels la chimie-environnement peut contribuer à des projets innovants.
Nous projetons ensuite de matérialiser notre politique de moyens partagés avec un projet de plateforme (Axel’One) qui sera un lieu d’expérimentation, regroupant des outils partagés par les adhérents comme le fait Lyonbiopole avec le centre d’infectiologie. Aujourd’hui, il n’y a pas de lieu physique de rencontres alors que cela participe de la visibilité internationale et de l’efficacité du fonctionnement du pôle. C’est un projet ambitieux de 30 à 40 millions d’€ qui serait implanté dans la vallée de la chimie ainsi que sur le Plan Campus.
Par ailleurs, l’axe « visibilité internationale » sera central dans les prochaines années. Les partenariats avec d’autres clusters européens, et les aides apportées aux PME pour se développer à l’international seront renforcés.
Enfin, nous souhaiterions engager des missions d’ordre sociétale et pédagogique pour asseoir la filière chimie-environnement dans l’agglomération. Nous développons ainsi un axe « image, dialogue et engagement sociétal » avec un projet phare dès 2010 : une exposition interactive dans les collèges sur la chimie-environnement pour sensibiliser les jeunes à cette filière. Une autre idée pourrait être de monter un congrès auprès des enseignants qui sont prescripteurs dans les orientations des jeunes et peuvent véhiculer l’image de la filière chimie-environnement.