Notre rôle c’est aussi d’accompagner et parfois d’aider à être critique. Ce qu’il faut garder en tête, c’est que ce qui est en ligne demande un effort de la part du public. De même que cela lui demande un effort de venir jusqu’à nous, dans nos murs.
L’autre grand mouvement, depuis 2 ou 3 décennies pour les institutions, c’est la question du rapport au grand public. Pour moi, cela ne veut rien dire le grand public, c’est une catégorie qui n’existe pas. Les institutions seraient fondées sur ce rapport au grand public, alors que youtubeurs et les formes numériques de médiation, parlent de leur communauté, de leurs abonnés. Les institutions ont à réfléchir sur leur public : il n’y a rien de mal à abandonner l’idée de grand public, et à faire évoluer notre rapport au public. La ménagère de moins de 50 ans, c’est la pub des 60’, c’est pas 2020 ! Aujourd’hui, on n’est plus dans cette logique-là, la ménagère n’existe plus - si jamais elle a existé un jour. On se doit d’avoir une relation au public différente.
Mais c’est une révolution copernicienne, car dans les CCST, il y a comme un plafond de verre, on n’arrive pas à élargir nos publics, on a du mal à être pris au sérieux par le monde économique, par exemple. Comment peut-on faire ? Est-ce qu’on peut s’appuyer sur ce qui se développe par la culture numérique ? Est-ce qu’on peut considérer le public comme une communauté d’intérêt qu’on cherche à élargir et à faire vivre plutôt que parler du public comme des gens qui ne connaîtraient rien et qui attendraient tout de nous ?
Tout cet environnement qui change, cela nous a incité à faire bouger les lignes, à faire des expérimentations. Si nous faisons toujours des expositions, des ateliers et des rencontres, cela impacte sur les méthodes des professionnels et provoque un rapport au public différent. Il faut que l’on intègre que le public connaît aussi des choses, qu’il a des savoirs et que cela doit changer notre manière de travailler.
Les études de public nous disent que nos institutions demeurent dignes de confiance. Elles sont une référence, dans un monde où on est submergé d’informations, où on ne sait plus qui croire. L’institution est toujours porteuse de sens. C’est aussi pour cela que les youtubeurs essaient de travailler avec les institutions, pour obtenir une sorte de labellisation ou de reconnaissance. Dans notre époque post moderne, tout n’est pas noir ou blanc, il y a toujours une ambivalence. Il y a de nouvelles formes de diffusion du savoir qui apparaissent, mais les formes plus classiques perdurent, elles vont même travailler ensemble…
Certes, l’institution doit s’analyser mais elle doit aussi comprendre ses forces. Il y a une alliance à trouver, par rapport à ces nouvelles formes, qui ont d’autres dispositions que les nôtres. Notre ambition, c’est de trouver des moyens de coopérer, plutôt que de combattre ou d’ignorer de tels phénomènes, qu’ils soient visibles sur Youtube ou ailleurs.