Pour nous c'était juste évident. Nous avons tout de suite commencé, en juin 1999, par un colloque international à l’Université Lyon 3 sur l'excision et l’utilisation du viol comme arme de guerre, des thèmes dont on ne parlait absolument pas à cette époque. En travaillant avec des consuls de pays d'Afrique sur ces questions, celui du Burkina-Faso, pays qui venait d’adopter une loi pénalisant l’excision et celui du Congo qui nous avait proposé de faire venir la maire de Brazza-Est pour parler du viol comme arme-de-guerre, du viol pour détruire une ethnie, avec des soldats auxquels on propose comme solde de violer des filles et des femmes. Tout de suite nous avons été sur ces questions qui se posent à l’échelle du monde. Et sur des questions sur lesquelles nous sommes interpellées.
Un exemple. En 2005, une partenaire d'origine iranienne vivant au Canada m’a alerté du risque de mise en place de tribunaux de justice islamique en Ontario. L’idée était que pour les droits familiaux, divorce, séparation, mariage, garde des enfants et héritage, les personnes musulmanes n'iraient plus vers les tribunaux canadiens, mais vers des tribunaux de justice civile religieux. Nos amies canadiennes nous ont dit, ce n'est pas possible, on va faire des grands rassemblements, elles nous ont demandé si on était prêt à les suivre en France. Nous avons fait le nécessaire, et en deux mois de temps, sans internet, nous avons réuni toutes les associations — on voit la différence avec aujourd’hui —, tous les partis politiques excepté l'extrême droite. En même temps qu'il y avait le rassemblement à Toronto, nous avons organisé un rassemblement à Paris, à proximité de l’Ambassade du Canada et demandé à rencontrer l'ambassadeur. Nous y sommes allés à quatre, deux hommes, deux femmes, dont Fadela Amara. D'autres rassemblements se tenaient en parallèle à Londres, à Stockholm, en Allemagne, mais ils ne regroupaient que des personnes de confession ou de filiation musulmanes. Quand les Canadiens ont vu le matin en se réveillant ces images de Paris, ça a eu de l'impact. J’avais répondu à énormément d'interviews dans des médias aussi bien francophones qu'anglophones. Ça c'est passé le jeudi. Le samedi, le premier ministre de l'Ontario a dit : « plus de tribunaux religieux ». Pareil, lorsqu’en France nous soutenons des personnes qui sont victimes de violence dans leur pays, l’impact est énorme. Regardez Asia Bibi qui est aujourd'hui citoyenne d'honneur à la ville de Paris et libérée. Quand on s'en est occupé il y a plusieurs années, au début on nous disait : « vous n’allez rien pouvoir faire. » On l'a fait et arrivé à des résultats. C'est pour ça qu'on continue.