Oui, c’est vrai qu’il y a beaucoup de clichés et de méconnaissance, sur la Chine en général, et concernant les technologies en particulier. Principalement car il y a assez peu d’information, et qu’assez peu de gens lisent ou comprennent la langue chinoise, même si c’est en train de changer. Avec mon travail sur les réseaux sociaux en Chine, le premier thème sur lequel on m’attendait était celui de la censure, le fait que tout soit fermé, que les gens ne puissent pas parler, etc. Or, ce constat est ouvert à débat, la situation n’est pas si simple. J’ai le sentiment que cette perception est fortement liée à la dimension idéologique des technologies en général, et que la Chine joue un peu le rôle de « méchant » dans l’affaire. Jusqu’ici c’était comme ça, on m’a souvent fait le commentaire qu’il y a la « bonne technologie » qui est libératrice et la « mauvaise » qui relève du contrôle. Et la Chine c’est un peu cette dernière image. Alors que bien sûr, il faut nuancer cet avis.
La question de la copie est un second cliché qui perdure. Notamment, le fait qu’on dise que les industriels chinois ne savent que copier, qu’ils ont des difficultés à inventer, etc. C’est aussi lié à une méconnaissance de ce qu’il se passe là-bas. D’abord, si l’on s’intéresse un minimum à l’histoire mondiale des techniques, on se rend compte que même si les inventeurs sont souvent les gens les plus connus, ce n’est pas tant l’histoire des inventions qui compte que celle des usages. Les objets techniques se transforment petit à petit et puis, tout est, en fait, un peu de la copie, de la réappropriation. Et ce sont des processus très longs. De plus, quand on regarde des cas plus spécifiquement chinois, comme je l’ai fait par exemple avec Sina Weibo – une plateforme de microblogging – on constate qu’elle est sans cesse décrite comme « le Twitter chinois ». Or, lorsque l’on ouvre le site et qu’on l’utilise, on se rend bien compte que l’analogie s’arrête très vite. Certes, il y a une fonction de messagerie, un peu comme les microblogs mais derrière il y a une infinité d’autres choses, dont des jeux. Sina, l’entreprise qui porte Weibo est une société qui fait à la base des contenus, donc il y a une intégration forte avec les centaines d’autres services qu’ils possèdent, des forums, des news, etc. Par conséquent, cela n’a absolument rien à voir avec Twitter.
De la même manière, les médias occidentaux font souvent la comparaison entre WeChat et Whatsapp. Tous les deux sont un système de messagerie mais, l’origine du projet et l’entreprise qui porte ces projets sont très différents. WeChat est maintenant la plateforme de paiement la plus utilisée dans le pays, et quasiment au monde. Les usagers Chinois payent avec WeChat, ils se font des virements d’argent avec, l’utilisent comme plateforme de discussion, pour commander des taxis, c’est devenu une espèce de réseau social au cœur de la vie quotidienne des Chinois. Alors que Whatsapp reste un logiciel de messagerie, de discussion et d’échange de photos, ce qui est peu par comparaison.