C’est une question que je me pose, à laquelle je n’ai pas de réponse. C’est un vrai sujet. Quand on est sur des phénomènes d’exclusion, énormément de gens vivent dans la marginalité, c’est là une explication à la radicalité, et à la colère sur les thématiques de genre et de transidentité. Je me rappelle une scène mémorable, au sens où elle a marqué les esprits. En 1994, Act Up était invité sur un plateau télé, au moment du Sidaction. Il y avait tellement de colère emmagasinée, que le ministre sur scène s’est fait traiter de tous les noms, parce que la France était en train de négocier avec les laboratoires américains, pour faire réduire le prix des traitements, qui, on le savait à l’époque, sauvaient des vies. La France a mis deux ans à négocier le prix des médicaments, et pendant ces deux ans il y a eu énormément de morts, alors qu’aux États-Unis ils étaient sauvés. Celle colère-là finalement s’est apaisée avec le temps dans les milieux homosexuels, et on la retrouve sur les questions de transidentité. Comme ceux qui avaient l’impression d’être la génération perdue dans les années 1990 par rapport au Sida, des jeunes d’aujourd’hui se disent, c’est foutu, on ne reconnaitra jamais mon genre, ou ma transidentité pour ma génération! Ils sont très en colère. J’ai ce même ressenti, celui d’une génération perdue qui se bat pour des droits, mais qui viendront plus tard pour eux.