L’accueil des personnes précaires et sans-abri est une préoccupation constante des bibliothèques de Lyon. Entre mi 2013 et 2015, nous avons travaillé sur le règlement de visite, un règlement intérieur d’accueil au sein des bibliothèques. Il s’agissait de définir nos règles, de s’assurer qu’on n’excluait personne. A cette époque, nous nous sommes inspirés du travail réalisé par Serge Paugam au sein de la bibliothèque du Centre Pompidou [1]. Il a réalisé un important travail d’observation des personnes en précarité. Nous y avons bien retrouvé nos publics et nos problématiques.
Nous avons axé notre politique d’accueil auprès des personnes en précarité sur quelques axes forts :
- La bibliothèque, en tant que service public, doit proposer des services adaptés aux personnes en précarité (et quand les demandes sortent du champ de compétences, nous devons pouvoir les orienter vers d’autres structures, nous avons donc créé une boite à outil pour l’accueil des bibliothèques)
- L’accueil doit pouvoir s’adapter, trouver une forme de souplesse par des ajustements constants, pour ne pas exclure les personnes en situation de précarité.
Il fallait tout d’abord leur garantir l’accès à la bibliothèque. Le justificatif de domicile constitue pour eux un frein à l’inscription. Nous avons donc opté pour une déclaration sur l’honneur, sans besoin de présenter un justificatif de domicile. De la même manière, l’accès aux postes informatiques pour une heure peut se faire en présentant par exemple, une carte TCL. L’accès n’est pas soumis à présentation d’une pièce d’identité officielle. On s’adapte également aux besoins spécifiques des personnes. Des demandeurs d’emplois, par exemple, peuvent avoir besoin d’un poste informatique sur une plus longue durée, nous cherchons à répondre à ce besoin en fonction des possibilités.
On attire aussi l’attention sur leurs responsabilités, notamment dans le prêt de livres : comme tout le monde, ils sont responsables des livres qu’ils empruntent.
Nous devons aussi réguler. C’est en particulier le cas pour les personnes qui s’endorment à la bibliothèque. Les gens qui dorment dans nos établissements le font pour des raisons diverses et variées, allant du « petit coup de barre » à des gens qui viennent précisément à la bibliothèque pour dormir en journée. On intervient auprès de ces personnes dès lors que l’on constate une sieste prolongée car ce n’est pas notre vocation et que cela gêne les autres utilisateurs. Parmi les ajustements que nous avons réalisés, nous avons progressivement enlevé les canapés, qui permettent de s’allonger, pour les remplacer par des fauteuils. En outre, nous avons une règle d’intervention spécifique qui concerne le hall de la bibliothèque de la Part-Dieu où nous intervenons dans les 5 minutes car nous avons connu des situations avec jusqu’à une vingtaine de personnes installées, ce qui perturbait notre fonctionnement (et au final nuisait à notre vocation d’accueil tous publics).
Enfin, nous avons observé que de nombreuses personnes s’adressaient à nos agents pour régler des questions administratives qui les préoccupaient. Nous avons décidé de mettre en place un service d’écrivain public pour répondre à ce besoin.
La bibliothèque fonctionne comme un lieu un peu à part où les croisements et les rencontres sont possibles, ce que nous voulons conserver.
[1] Des pauvres à la bibliothèque, enquête au centre Pompidou, Serge Paugam, Camilla Georgetti, PUF Le lien social, 2013.