Le travail social et la prévention du radicalisme à l’heure du numérique
Interview de Johann Rony et Olivier Carbonnel
Assistants de service social et psychologue
Interview de Mathilde Philipp-Gay
<< Pour réussir une démarche laïcité, il faut installer de la cohérence et ça ne s'obtient que si les règles sont connues. Il faut donc commencer par-là >>.
Mathilde Philipp-Gay, maître de conférences en droit à l’Université Jean Moulin - Lyon 3, co-responsable du Diplôme Universitaire « Religion, Liberté Religieuse et laïcité » (Université Jean Moulin - Lyon 3 / Université Catholique de Lyon), revient sur les différentes interprétations du principe de laïcité et son application dans la fonction publique et le monde du travail.
Pour elle, trois principales visions de la laïcité se juxtaposent : une philosophique, une sociologique et surtout une juridique, qui doit être clairement définie et faire loi, en s'imposant sur les deux premières. Ainsi, aidés par une doctrine précise, les managers du service public, mais aussi ceux du secteur privé pourront accompagner leurs agents et collègues dans une stricte application de la loi. Cet apprentissage de la laïcité, elle le dispense déjà à une large majorité de cadres dans le D.U qu'elle dirige.
Comment définissez-vous la laïcité ?
Il faut distinguer plusieurs visions de la laïcité, liées à trois grands positionnements disciplinaires : philosophique, sociologique et juridique.
Selon l’approche philosophique, la laïcité est un concept et, comme tel, destiné à être en permanence discuté, renégocié, etc. Mais, si on lit les références philosophiques, on peut retenir deux grands éléments de définition. Le premier, c’est que la laïcité est un concept qui permet d’éviter l’imposition du religieux sur le politique. Cette dimension de sens de la laïcité, visant à détacher le politique du religieux, fait largement consensus. Le second élément de définition, est que le religieux doit sortir de la sphère publique pour être contenu à la sphère privée. Ce dernier point s’oppose avec la traduction juridique du principe de laïcité.
L’approche juridique reprend, le premier point de définition philosophique — la coupure entre État et religions — mais est attachée à la protection de l’expression religieuse des individus dans l’espace public. Contrairement à ce qu’on pense souvent, la liberté est la règle, la restriction est l’exception. Il est ainsi possible de débattre dans la rue, d’y manifester sa conviction ou sa religion, y compris d’y faire du prosélytisme, à condition qu’il ne soit pas abusif et violent. Tant qu’on ne porte pas atteinte à l’ordre public, on a le droit d’essayer de convaincre l’autre de ses croyances religieuses ou de ses convictions philosophiques.
Enfin, le troisième positionnement est sociologique. Il part lui-aussi du même principe de séparation de l’État et du religieux, mais avec l’idée qu’il est une façon pratique d’assurer le vivre ensemble, de s’assurer que le contrat social est bien respecté, etc.
C’est vrai qu’à première vue, il y a une opposition entre ces trois conceptions, mais je pense que cela peut être concilié. Il s’agit de trois situations différentes. Les philosophes, les analystes politiques, réfléchissent aux évolutions possibles de la laïcité, et à la manière dont elle est appliquée. Les sociologues, eux, sont là pour penser à sa finalité sociologique, c’est-à-dire le vivre ensemble. Les juristes ont pour tâche de comprendre comment se construisent les règles et comment elles sont traduites en droit. On a tort d’opposer ces visions. Il y a certes besoin d’un vrai débat sur la laïcité, mais à chaque fois, il faut essayer de bien comprendre la place de celui qui parle. Un philosophe n’aura pas le même type d’analyse qu’un juriste et tant mieux. Évidemment, ce sont des archétypes : il y a des juristes qui ont une sensibilité philosophique, des philosophes qui connaissent très bien le droit, etc., Mais il est vrai que le point de vue que l’on adopte change la façon d’analyser la laïcité, et je crois qu’on a besoin de ces trois façons-là de l’envisager.
Cela signifie que la laïcité c’est toujours un chantier ouvert ?
Pas complètement. Le sens, finalement, n’est pas remis en cause. En tout cas depuis le XVIIIe siècle, l’idée commune est que la laïcité permet de vivre ensemble, de faire en sorte qu’il y ait une idée commune, une chose commune. Ca, ça ne change pas, et c’est en cela qu’elle est une valeur républicaine fondatrice. En revanche, il peut y avoir des évolutions sur les modalités pratiques de la laïcité. Par exemple, aujourd’hui, son application tend vers une plus grande restriction de l’expression religieuse. Mais il y a aussi des questions qui se posent sur le financement des cultes, sur les rapports généraux entre l’État des cultes, etc. Il faut continuer à se poser des questions sur ce qu’on veut, sur la façon dont on va mettre en œuvre la laïcité, même si sa finalité, vivre ensemble, elle ne change pas.
Reste cependant cette ligne de tension, entre d’un côté ceux qui voudraient faire disparaître le religieux de l’espace public, et, de l’autre, ceux pour qui la laïcité signifie la garantie de pouvoir exprimer ses convictions, y compris dans l’espace public. Même si cela renvoie à des positions sociologiques ou philosophiques différentes, on sent la difficulté à s’accorder collectivement sur une conception.
Oui et non. Le débat, effectivement, existe. Mais que l’on s’accorde ou pas sur une position commune, ce n’est pas bien grave, c’est le propre des débats. En revanche, la traduction des principes dans le droit, et donc l’application des règles, ne fait pas problème. A part quelques points sur lesquels, il est vrai, il y a des difficultés d’interprétation, les règles juridiques sont vraiment très claires et relativement bien acceptées, sauf par des expressions minoritaires. Mais la plupart des règles, ne sont pas remises en cause.
On note cependant des difficultés liées à l’application de la laïcité. Par exemple, dans la fonction publique, des agents qui affichent des signes religieux ou font la prière, des managers qui ne sont très à l’aise avec les règles, etc.
Oui, mais il y a deux choses différentes, qui appellent deux constats. Le premier, c’est qu’on confond débat philosophique et application des règles. Il y a de la confusion parce que des points de vue différents existent, font débat, et donnent ainsi le sentiment que la laïcité est un concept mouvant, qu’on peut discuter, etc. Mais les règles d’application, elles sont relativement stables. Toutefois, et c’est le second constat que l’on doit faire, il y a une vraie méconnaissance des règles. C’est en train de se régler, d’une façon générale, par des formations de plus en plus nombreuses qui permettent d’éviter les situations que vous évoquiez.
Sur ce point, par exemple, la règle de droit est extrêmement claire : les agents de la fonction publique, et assimilés, c’est-à-dire les personnes qui gèrent un service public, sont soumises à une stricte neutralité. Elles ne doivent pas afficher leurs convictions religieuses dans le cadre de leur fonction, ce qui signifie par exemple qu’elles ne peuvent pas, par exemple, prier sur leur lieu de travail, même en pause, même si elles se cachent, etc. Si un manager sait que des agents pratiquent la prière, portent des signes religieux ou ont des débats religieux sur leur lieu de travail, il est fondé à les sanctionner, en appliquant un principe de proportionnalité, soit généralement, d’abord, un rappel de la règle. La neutralité attendue est telle que même l’agent qui n’est pas en contact avec le public y est soumis. C’est très clair, la règle n’est pas discutable ni soumise à interprétation. Bien sûr, un manager peut se dire qu’il y a plusieurs interprétations de la laïcité, et que telle ou telle pratique ne le gène pas, mais ce n’est pas ça qui est en cause. Sa conception philosophique de la laïcité ou sa conception de la religion, n’a pas à entrer en ligne de compte. Il doit faire respecter la stricte neutralité.
Mais l’idée qu’il y a des accommodements possibles, comme pour les cimetières ou les repas, peut effectivement le laisser penser que la règle n’est pas intangible.
Après les deux constats, que je viens de faire, j’en ferai un troisième. S’il y a des règles qui sont très claires et très faciles à appliquer, comme pour la cantine, d’autres le sont moins, par exemple pour les cimetières. S’agissant de la restauration scolaire, il revient à l’assemblée délibérante de la collectivité compétente de choisir si elle va mettre en place ou non des menus de substitution dans les cantines. Il y a un arrêt très clair sur la question. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’y a pas de conséquences juridiques du principe de la laïcité quant à la restauration scolaire. Cela signifie qu’un maire, qui dit que la laïcité interdit les repas de substitution à l’école, va substituer sa conception philosophique ou politique de la laïcité, à la conception juridique.
Ce qui est intéressant dans cet exemple, c’est qu’on le voit que des élus font référence à la laïcité pour prendre des positions qui contraires l’une à l’autre.
C’est pour cela qu’il faut vraiment distinguer la conception philosophique ou politique de la laïcité, de la conception juridique. Ce qui est malhonnête, c’est de faire croire que la conception philosophique est la règle, non. En l’occurrence, la règle, c’est que l’assemblée délibérante a le choix de prévoir ou pas des menus de substitution. Cela veut dire qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, et que ce pouvoir discrétionnaire fait, qu’effectivement, un maire ou un exécutif local pourront prendre des positions contraires à celle de la commune voisine. Mais ce qui est malhonnête, c’est de faire croire que c’est une règle juridique qui l’interdit ou qui l’impose. Il faut que les élus assument ce pouvoir discrétionnaire en disant : « C’est ma position politique sur ce point qui fait que je prévois un repas sans porc ». Je parle ici des menus sans porc, parce que pour le halal et le casher, c’est différent. Selon moi, cela contrevient au principe de non subventionnement des cultes d’autant qu’aucune loi ne permet de financer de manière permanente et régulière ce type de menus. Mais ça fait partie de ces règles qui sont encore débattues.
Vous disiez que pour les cimetières c’était différent. Pourquoi ?
Pour les cimetières, une règle est claire, c’est celle de l’interdiction de créer des espaces religieux délimités depuis 1905. Donc, il ne peut pas y avoir de carrés confessionnels délimités créés après 1905. Mais une circulaire a estimé en 2008 que, parce qu’il y avait de plus en plus de demandes de carrés confessionnels, il était possible de regrouper les défunts par confession tout en conservant le principe de non-délimitation. On ne peut pas créer un carré complètement clos où serait notée la religion concernée par le regroupement. Donc, selon cette circulaire, les regroupements sont possibles tant qu’ils ne sont pas délimités. Mais une circulaire est une interprétation du droit, et c’est vrai que la pratique s’est mise en place et répandue.
La circulaire précise qu’elle encourage ces pratiques « par souci d’intégration des familles issues de l’immigration ». Finalement la lettre de la loi est un peu détournée pour mieux assurer l’esprit de la laïcité ?
Je partage ce point de vue, qu’effectivement, c’est une sorte de détournement de l’esprit de la loi, et le fait que ce soit une circulaire qui le prévoit me gêne, même si une telle pratique ne semble pas expressément contraire à la loi. C’est effectivement un exemple d’aménagement
D’autres règles sont compliquées et donnent lieu à interprétation. De fait, il y a des jurisprudences contradictoires sur les accompagnants scolaires ou sur les crèches, selon qu’on considère qu’elles sont un élément de la culture ou un signe religieux. De même, quand il s’agit de juger de l’intention prosélyte ou non, de savoir si un vêtement est un signe ostensible, etc. Quels sont les pièges ?
Un piège, c’est justement la question de l’ostensible et de l’ostentatoire. S’agissant de la loi de 1905, il est intéressant de revenir à la volonté des auteurs qui était la pacification, et il me semble que son interprétation littérale est possible. L’article 28 de cette loi dispose que : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou exposition ». En 2004, la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques a introduit la notion de signes qui manifestent « ostensiblement » une appartenance religieuse. Il y a depuis un vrai mélange dans la société et dans la jurisprudence, parce que ce caractère d’ostensible a été utilisé pour interpréter la loi de 1905 alors qu’il n’y est mentionné nulle part. S’il y a une incohérence sur les crèches, c’est parce que des juges cherchent à établir si la crèche a été placée là de manière ostentatoire ou pas. Au lieu de se limiter à une lecture littérale de l’article 28 qui interdit sauf exceptions pour l’avenir de placer dans les bâtiments publics des signes ou emblèmes religieux. C’est doublement compliqué parce qu’il faut apprécier la subjectivité de la personne qui place le signe ou l’emblème, puis de la manière dont c’est reçu par le public !
Certains encadrants des collèges et lycées se trouvent aussi démunis face aux enseignants dont l’apparence physique et vestimentaire (barbe, vêtement, etc.) affiche leur religiosité. Comment faire sans entrer dans un conflit de religion ?
Le supérieur hiérarchique peut et devrait intervenir. Non contre la barbe en elle-même, mais par exemple, si elle est mal taillée, ou si la tenue est identifiée à un courant politique ou religieux. Ce sont des choses qui peuvent être reprochées à un enseignant dans la mesure où il gère un service public et est soumis à l’obligation de neutralité. Mais, encore une fois, cela implique toutes les formes de neutralité, y compris commerciale. C’est-à-dire qu’un fonctionnaire ne peut pas se mettre à défendre une entreprise en particulier. Cette obligation d’une neutralité large, permet d’enlever le caractère religieux particulier. La règle ne s’oppose pas à une religion ni aux religions, elle est simplement là parce qu’une personne représente l’État, le temps de son service. Après, en dehors du service, l’agent ou assimilé est libre d’exprimer ses convictions. En rappelant cela, ça fonctionne. Il ne faut plus avoir peur, je crois, de ces questions.
Vous avez déploré un déficit de connaissance à la fois sur la laïcité en général et sur les règles d’application. Le DU « Religion, liberté religieuse et laïcité », dont vous vous occupiez, propose justement une formation sur ces questions. En quoi consiste-t-il ?
C’est une formation civique, et non théologique, assez large. Elle permet d’abord de revenir sur l’histoire des religions et de la pensée en France, pour que les participants comprennent la diversité des opinions et des différents courants de pensée, et inclus également l’histoire de la sociologie. Elle aborde aussi les questions juridiques : droit des libertés fondamentales, laïcité, application de ce principe, droit des associations, etc. Enfin troisième phase, la pratique. On apprend aux étudiants à prévenir les faits religieux et on leur donne une méthodologie pour répondre aux tensions liées au fait religieux, parce qu’on remarque qu’avec des petits trucs, vraiment tout simples, on arrive à les désamorcer.
Quel type de petits trucs ?
En premier lieu, quand on est face à ce type de situations, il faut connaître son propre rapport au religieux, qui est différent pour chacun. Or, ce rapport au religieux peut conditionner la manière de répondre aux tensions religieuses. En second lieu, il faut connaître son rapport à la laïcité. Là encore, on a tous une opinion philosophique ou politique personnelle sur la laïcité. Il faut en avoir conscience pour savoir ce qu’il faut éviter ou privilégier dans la manière de répondre aux faits. Enfin, il faut connaître son rapport au conflit. Mieux on se connaît, mieux on parvient à gérer ce type de tension. Pourquoi ? Parce que dans 95 % des cas, les tensions ne sont en réalité pas des tensions religieuses. Il faut donc arriver à enlever le caractère religieux du fait qui cristallise en réalité d’autres choses. Reprenons l’exemple de tout à l’heure. Il y a des lieux dans lesquels il n’est pas possible de porter des vêtements qui évoquent le religieux, parce qu’il existe un règlement intérieur ou parce qu’il y a une dimension de service public. Lorsqu’il faut parler de cela avec la personne, il faut expliquer que ça n’a rien à voir avec la religion et que ça serait pareil pour d’autres tenues. Enlever le caractère religieux du fait pour faire comprendre que c’est d’abord et uniquement un problème de tenue, et parce que s’applique telle qu’hygiène ou de sécurité, etc.
Il y a également d’autres “trucs”, comme ne jamais décider seul mais privilégier une réponse collégiale, pour éviter que la réponse ne porte les représentations d’une seule personne. Et puis, il est important de privilégier le dialogue ; on ne discute pas de la religion, mais on écoute puis on explique le sens de la règle de droit. Ce sont quelques exemples.
Vous accueillez qui dans le DU ?
Pour les trois quarts, des cadres. Des cadres de la fonction publique en grande majorité et, depuis quelques années, des cadres d’entreprises. Le dernier quart se compose de responsables religieux. Ils n’exercent pas nécessairement un culte, mais ils peuvent avoir une association à vocation religieuse, cultuelle, même parfois culturelle mais en lien avec un culte. Beaucoup de musulmans, puisqu’on a un partenariat avec l’Institut français de civilisation musulmane, mais aussi des représentants d’autres cultes. On a par exemple, des prêtres étrangers, qui n’ont pas reçu leur formation en France et qui, de ce fait, ont besoin d’une formation civique.
Les cadres viennent parce qu’ils rencontrent des problèmes dans le cadre professionnel ?
Sans trahir le devoir de réserve que je m’impose, beaucoup arrivent en disant qu’ils sont là par intérêt personnel et qu’ils n’ont pas de difficulté dans le travail. Mais souvent, au fur et à mesure de l’avancée du cursus, ça change. Ils identifient des problèmes, des tensions, des points qui n’étaient pas clairs, etc. Après leur DU, la majorité des étudiants sont devenus des référents laïcité dans leur organisation ou des acteurs à part entière d’un processus qui a visé à pacifier le lieu de travail. Mais ça reste à être précisé par un bilan qu’on envisage de réaliser pour les 5 ans du DU
Vous intervenez également pour les collectivités locales et les entreprises. Quelles sont leurs demandes ?
La première demande, c’est la connaissance des règles. Je suis vraiment très étonnée du fait que, quel que soit le milieu dans lequel j’interviens, élus, agents des collectivités, agents de ministères, cadres d’entreprises, etc., il y a exactement les mêmes méconnaissances juridiques sur la laïcité. Par exemple, le principe de neutralité des agents publics est extrêmement mal connu, tout simplement parce qu’il y a une confusion fréquente entre la loi de 2004, qui s’applique à l’école publique, et le reste du droit de la laïcité. La plupart des fonctionnaires pensent, par exemple, que parce que les élèves des écoles publiques ont le droit de porter des signes discrets, ils peuvent également porter des signes non ostentatoires. Or les agents sont, eux, tenus à une stricte neutralité.
Deuxième type de méconnaissance, les usagers. Là aussi en partie à cause de la loi de 2004, on pense souvent, à tort, que les usagers sont soumis à la neutralité. Sauf exception particulière, les usagers ne sont pas soumis à la neutralité. En revanche, ils doivent respecter le principe de laïcité, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas troubler le fonctionnement du service.
Au-delà de ces deux exemples, il y a énormément de confusions.
Est-ce que les demandes sont de plus en plus nombreuses ?
En ce moment, la demande est très très importante. Mais je pense qu’on atteint un pic, tout simplement parce qu’il y a un développement des formations. Le CNFPT et d’autres organismes forment des formateurs, ce qui fait qu’un réseau se met en place. Les formations seront assurées beaucoup plus régulièrement et on va arriver à rattraper le retard. Mais, au-delà de la laïcité, il faudrait aussi éduquer à la liberté. Beaucoup des personnes rencontrées dans les formations pensent que la liberté, c’est pouvoir agir sans aucune barrière. Or une démocratie n’est pas un régime politique dans lequel vous pouvez agir conformément à votre propre détermination. C’est un régime dans lequel les limites sont définies à l’avance et respectent certains principes. Je pense que si on arrive à éduquer à la liberté, à réapprendre en particulier le droit des libertés fondamentales, on réduirait les tensions et on favoriserait un meilleur vivre ensemble.
Beaucoup d’entreprises ou de collectivités ont réalisé des guides ou mis en place des processus collectifs autour de la laïcité. Comment réussir une démarche laïcité ?
Pour réussir une démarche laïcité, il faut installer de la cohérence et ça ne s’obtient que si les règles sont connues. Il faut donc commencer par-là. Ensuite, il faut veiller à la cohérence dans leur application ; s’assurer qu’il n’y a pas de différence entre les services, et surtout, de différence qui tiendrait à la conception qu’un des encadrants pourrait avoir de la laïcité. Si la prière est autorisée dans un service et pas dans un autre, ce n’est pas en fonction de la règle juridique, mais seulement de la conception du manager. Ça ne peut pas fonctionner. Troisièmement, quel que soit le système retenu, il faut un organe de référence, soit un référent laïcité, soit, encore mieux, une commission laïcité. Elle peut avoir plusieurs champs d’actions identités, mais elle doit être compétente sur la question de la laïcité pour pouvoir vérifier la connaissance de la règle et la cohérence de son application. Il faut dont que cet organe soit formé pour venir en appui à ceux qui mettent en œuvre les règles.
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