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Un zèbre qui piaffe

Interview de Guillaume Villemot

© DR
Président du Mouvement Bleu Blanc Zèbre

<< Je ne sais pas si on peut réformer la puissance publique mais on peut l’emmener avec nous >>.

Impulser une véritable révolution solidaire, un large mouvement où chacun sera acteur des changements. Voilà l’objectif de Bleu Blanc Zèbre, créé début 2014. Depuis, l’idée a fait son chemin et a convaincu des partenaires comme le CESE, le Mouvement des entrepreneurs sociaux, la Ligue de l’enseignement, le Fonds Decitre, Vinci. Interview du président du mouvement, Guillaume Villemot.

Réalisée par :

Date : 28/06/2015

Bleu Blanc Zèbre appelle les citoyens à agir pour redonner de l’élan au pays. Qui sont les « Faizeux » que vous avez déjà réunis ?

Une centaine d’actions sont aujourd’hui présentées sur notre site internet. Elles couvrent un ensemble de secteurs d’activités qui vont du retour à l’emploi à la protection de l’environnement, en passant par le logement, l’éducation, la formation, la défense du pouvoir d’achat, le sport. Nous bénéficions de l’image positive d’Alexandre Jardin, avec qui nous avons lancé le mouvement il y a un an : des gens nous contactent spontanément pour nous présenter ce qu’ils font. Pour que leurs actions soient validées par notre comité de sélection et mises en ligne, elles doivent déjà exister. Contrairement à d’autres, nous n’avons pas de projets, nous n’avons que des actions réelles, qui ont fait leurs preuves.

Vous présentez la « société civile » comme un recours face au discrédit des partis politiques. Est-ce à dire que vous ne croyez plus en l’action publique ?

Notre enjeu est de faire ce qu’on appelle une révolution solidaire, c’est-à-dire de faire changer les choses sans exclure la moitié de la population. Distinguer société civile et société politique introduit une division qui, de mon point de vue, n’est pas souhaitable. Nous ne voulons pas faire contre, mais avec les gens. Et nous avons bien compris que travailler avec les maires et les élus de terrain était indispensable : ils sont au plus près des confrontations avec les citoyens. Ils prennent ses claques dans la figure tous les jours quand ils croisent un administré, après un cambriolage, quand la rue n’a pas été nettoyée, que les places manquent en crèche, que le logement est rare. Il y a vraiment un besoin de proximité. En revanche, le marché de la promesse politique est mort. Avec 8 % d’opinions positives de la part des Français, les systèmes existants, du type partis politiques, sont carbonisés. Pour rétablir la confiance et apporter des solutions à nos problèmes, il faut s’appuyer sur des personnes qui pensent à autre chose qu’à leur réélection. Des gens qui agissent sur le terrain, et qui ont des résultats. Prenez la Croix-Rouge, qui existe depuis 150 ans : elle n’a pas attendu qu’un ministre fasse passer une loi ou un décret pour agir. Mettons fin à ce bashing permanent qui consiste à dire que la France est un pays pourri, foutu, qu’on n’est pas bons. Ce pays est rempli de talents, d’initiatives formidables, des gens qui ont vraiment des capacités et agissent très concrètement. Nous disons donc aux élus : « Sur un certain nombre de sujets, laissez-nous faire à votre place, parce qu’on a des solutions qui fonctionnent, et qu’elles peuvent changer la donne. »

« Nous laisser faire », cela sous-entend que le personnel politique, ou les institutions publiques, freineraient les citoyens dans leur désir d’action ?

Oui. Ils vivent dans leur micro-monde, avec leurs propres préoccupations. L’action publique a une capacité de blocage hallucinante. Ce sont des freins inconscients : il y a une telle masse administrative, un tel poids de réglementations, que beaucoup de gens se retrouvent noyés dans les dispositifs publics. Ils agissent alors en les contournant. Plutôt que de demander des subventions pour tel projet, ils vont faire du crowdfunding. Malgré tout, je pense que nous avons besoin de ce relais que constitue la fonction publique. 55 % du PIB lui est consacré, en France : on ne peut pas l’ignorer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous menons toute une série de repérages auprès de fonctionnaires, pour trouver aussi auprès d’eux des bonnes pratiques à partager. On ne peut pas imaginer faire cette révolution solidaire si l’on n’embarque pas tout le monde. On a besoin de la puissance publique, mais il faut l’amener à évoluer.

Vous pensez qu’elle est réformable ?

Je ne sais pas si on peut la réformer. Je sais qu’on peut l’emmener avec nous. Les fonctionnaires sont des citoyens à part entière, qui sont souvent engagés personnellement dans leur quartier, à l’école, etc. L’Éducation nationale, l’armée, la gendarmerie, tout comme l’administration territoriale, regorgent de personnes pleines de richesses, et qui sont bloquées. La hiérarchie leur dit parfois clairement : « Si vous bougez trop fort, vous risquez d’avoir des ennuis ». Dans d’autres cas, les  gens n’osent pas, ne savent pas comment faire. Pour enclencher une prise de conscience globale, un véritable mouvement de masse, il faut faire sauter ces barrières, montrer qu’il existe une volonté partagée de transformer la société. Et ne pas laisser gérer cette aspiration par des partisans extrémistes. Je trouve excessivement dangereux que le FN crée des mouvements citoyens et aille, sous couvert d’une écoute « participative », infiltrer l’Éducation nationale, l’agriculture, la justice. Il est très risqué de laisser vacante cette place-là.

Votre action passe essentiellement par votre site internet ?

Nous sommes aussi très présents sur le terrain. À la demande de personnes qui nous relayent, nous organisons des « Cafés de zèbres ». Nous jouons un rôle de courroie de transmission entre différents acteurs et de mise en perspective des actions sur l’ensemble du territoire. Cela fonctionne à Nantes, à Chambéry, à Bourges, avec toujours cet enjeu de remettre les individus au cœur de la société et de montrer qu’ils sont des acteurs et pas uniquement des électeurs. Il existe localement quantité de solutions de bonne qualité, innovantes, que personne ne connaît. Or, ce qui est bon à Lyon peut marcher à Marseille, à Guéret ou à Ajaccio. Dans cette façon de construire, on peut gagner du temps. Il s’agit aussi de dire que nous n’avons pas de solution toute faite : lorsqu’un maire ou un groupe d’habitants identifie une problématique, nous pouvons l’aider à trouver des recours. La force de « Bleu Blanc Zèbre » est de réunir à la fois l’entreprise et le monde associatif. Pour résoudre un problème, on peut mettre côte à côte une petite association, une entreprise issue de l’ESS ou cotée en bourse, un Blablacar qui lève des centaines de millions d’euros et un Weemoove. Les deux ont la même vocation, en l’occurrence répondre à un souci de mobilité, de pouvoir d’achat et d’environnement pour les Français.

Pour simplifier et harmoniser les choses, nous avons créé des « bouquets de zèbres », animés par des bénévoles qui connaissent parfaitement leur univers et agrègent autour d’eux d’autres zèbres, en vue d’apporter une complémentarité de solutions. François Benthanane, par exemple, qui porte le bouquet de l’éducation, a monté la Web@cadémie, qui forme de jeunes bacheliers au métier de codeurs informatiques, et ZUPdeCO qui organise du tutorat de jeunes dans les cités par des élèves de grandes écoles. C’est un formidable technicien, qui s’est véritablement frotté aux réalités de terrain.

Vous signez des accords avec certaines municipalités. Qu’attendez-vous des élus locaux ou de leurs services ?

Simplement qu’ils nous aident à implanter des actions « Bleu Blanc Zèbre »sur leur territoire. Pour les Comptes nickel, par exemple, qui ambitionnent de re-bancariser les 2 millions de personnes sorties du système aujourd’hui, l’implication d’un maire consistera à organiser une réunion avec les buralistes de sa ville. Nous présentons la solution, puis les Comptes nickel prennent directement contact avec les commerçants.  Certains sujets sont plus compliqués, et plus longs à mettre en place… Dans tous les cas, une personne est identifiée dans la mairie comme étant notre interlocuteur, et nous l’accompagnons. On voit ce qui bloque, pourquoi les choses n’avancent pas aussi vite que prévu. Nous avons à ce jour signé plus d’une cinquantaine d’accords avec des villes ou des agglomérations, dont Paris, Lille, Bordeaux, Le Havre, Reims… À Lille, nous réfléchissons à la mise en place d’une mutuelle de proximité. Bordeaux est très avancée, parce qu’ils ont des lieux comme La Ruche ou Darwin, assez innovants en termes de solutions déjà éprouvées. Et nous avons également signé un accord avec l’Association des maires ruraux, pour couvrir les besoins de l’ensemble du territoire.

Laissez-nous faire, manifeste des faiseux, Alexandre Jardin, Robert Laffont, Avril 2015