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Les nouvelles mobilités

Interview de Gilles VESCO

Portrait de GILLES VESCO
Vice-président du Grand Lyon en charge des nouvelles mobilités

<< L'alternative au véhicule individuel se joue dans la combinaison des modes >>.

Que recouvrent les « nouvelles mobilités » ?

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Date : 14/05/2012

Que recouvrent les « nouvelles mobilités » dont vous avez la charge au Grand Lyon ? Quel changement de paradigme indique selon vous le glissement sémantique de transport à déplacement puis aujourd’hui mobilité ?

Les nouvelles mobilités se définissent par défaut : c’est tout ce qui ne relève pas de la voiture individuelle thermique et du transport en commun classique.

De nouveaux modes arrivent qu’on appelle les TPI, Transports publics individuels. C’est à Lyon qu’on les a crédibilisés pour la première fois au monde avec la création de Vélo’v ! Ces nouveaux modes comme vélo’v ou car2go sont des objets roulants serviciels.

Quelle importance revêt l’information dans les nouvelles mobilités ?

Essentielle ! L’information fait partie intégrante des nouveaux modes. On le voit bien avec i-TCL, les écrans en direct… Il s’agit d’une information à la fois interstitielle et instillée dans les modes.
Je pense que l’information sur les mobilités sera 50% de la mobilité. C’est le sujet informé, « baskets aux pieds » et smart phone en poche, qui devient le centre de la mobilité. D’ailleurs la marche à pied représente 50% de part modale à Lyon et Villeurbanne.

L’information permet de redonner un sentiment de liberté aux usagers en déplacement : plus on donne de l’information – alertes SMS, applis, écrans i-TCL, etc. -, plus on donne de la liberté, et plus on rend accessible le réseau de transport en orientant l’usager. Cette liberté, les gens croyaient l’avoir au volant d’une voiture mais ils ne l’ont plus car la voiture crée de l’immobilité, de la congestion.
En mettant de l’information dans les transports en commun, on les conforme mieux à la demande. On prend en compte le point de vue de l’usager, on améliore le confort et on crédibilise le réseau. C’est sur ce principe qu’ATOUBUS a remis à plat les130 lignes du réseau.

L’information ne peut plus être « de conformation » ; elle est ciblée, en temps réel, embarquée, spécifique, fiable et interactive. Les usagers concourent eux mêmes à la création de l’information. L’information est à ce point importante que la fluidité de l’information sera la fluidité de la ville. D’ailleurs information et déplacement sont à ce point liés aujourd’hui que Google est devenu le premier transporteur mondial. L’information est elle même transport.L’information ne peut plus être « de conformation » ; elle est ciblée, en temps réel, embarquée, spécifique, fiable et interactive. Les usagers concourent eux mêmes à la création de l’information. L’information est à ce point importante que la fluidité de l’information sera la fluidité de la ville. D’ailleurs information et déplacement sont à ce point liés aujourd’hui que Google est devenu le premier transporteur mondial. L’information est elle même transport.

L’information n’est-elle pas au cœur du projet de création d’une centrale de mobilité par le Grand Lyon ?

C’est grâce à l’information numérique que l’on peut créer une centrale de mobilité. Il s’agira d’une évolution du site info trafic dans lequel on intègre vélo’v, car2go pour favoriser l’intermodalité. Elle sera déclinée en web radio, en site internet, en applis smart phone, en call center et à terme en guichets physiques. Elle intégrera progressivement les applications du démonstrateur Optimod.
Les TPI constituent-ils l’avenir principal de la mobilité ?

Je pense que les nouveaux modes que ce sont les TPI - auto partage, co voiturage, vélo partage – assureront l’essentiel des déplacements hors TC. A la condition qu’ils se fassent sur le mode du one way : on n’est pas obligé de remettre l’engin là où on l’a pris. Le reste ne sera que complémentaire.

Avec les TPI, on assiste à un changement majeur. Grâce à l’information, on transforme un moyen de déplacement en un service, car cette information permet de le partager, d’en démultiplier la propriété. Car le partage créé le partage : utiliser un vélo crée l’opportunité d’une utilisation pour un autre usager, en fournissant une place libre et un vélo disponible.

Quelle est la politique du Grand Lyon en matière de mobilité ?

Elle consiste à mieux individualiser les transports partagés et mieux partager les transports individuels et l’espace public. Car la cause finale de tout cela consiste à mieux partager la ville.

Il s’agit de mieux partager l’information pour mieux partager les modes de déplacement pour mieux partager l’espace public c’est-à-dire la ville. Car en rééquilibrant l’espace public, on rééquilibre les modes : il s’agit d’une action croisée.

Car dans l’espace public, que se passe t’il entre les modes ? Il faut de l’information multimodale pour accorder les ruptures, articuler les différents modes. L’intermodalité suppose une proximité des stations et une interface monétique : avec un même titre on peut passer d’un mode à un autre dans un même périmètre.

Le but est de développer les alternatives à la voiture individuelle qui aura toujours droit de cité mais sous d’autres formes. Pour un trajet de porte à porte, on est obligés de combiner les modes donc il faut une bonne information. L’alternative au véhicule individuel se joue dans la combinaison des modes.

En quoi les nouvelles mobilités répondent-elles à un enjeu de rééquilibrage ou de meilleur partage de l’espace ?

Il faut rééquilibrer l’espace public pour passer d’un mode à l’autre, créer de l’espace pour de nouveaux modes. A Lyon, on a créé 350 stations Vélo’v qui ont été prises sur des places de stationnement.
La voiture prend 80% de l’espace public. Elle est très topophage en circulation et en stationnement. Or l’espace public est très rare et très cher. Dans le même temps, la voiture ne représente que 37% de part modale à Lyon – Villeurbanne. C’est un gap qu’il faut resserrer.

Pour cela, on crée des lieux sans vitesse et / ou sans voiture, avec des pistes et des bandes cyclables, des sites propres de bus, etc. Tout un « sol facile », une bande marchante confortable, lisse, sans obstacle, avec une visibilité d’accès. Le Confluent est basé sur le concept de ville marchable. On va de Perrache à l’Hôtel de Région en un quart d’heure. A raison de deux trajets quotidiens, on a fait sa demi heure de gym douce et gagné des années de vie.

On prend donc de l’espace à la voiture pour des modes alternatifs. J’inclus car2go dans les modes alternatifs car chaque véhicule car2go remplace jusqu’à huit voitures individuelles et tourne cinq fois plus. C’est un cercle vertueux. Plus il y a de l’espace public dédié plus il y a des modes alternatifs plus il y aura de l’espace public. L’information multimodale permet donc de rééquilibrer l’espace public. C’est au moins aussi important que les modes eux mêmes, elle favorise leur attractivité dans une interaction permanente.

Multimodalité et intermodalité sont donc les maîtres mots de la politique du Grand Lyon ?

Le pari du Grand Lyon c’est que toutes ces alternatives qui vont se rajouter, loin de se soustraire, s’additionnent, mieux, se potentialisent. Chaque fois qu’on renforce une alternative, ça renforce toutes les autres. Vélo’v ne vole pas de clients aux TC. De même pour les usagers de Car2go : à Ulm, chaque abonné continue à faire 1000 km par an en TC. Dès qu’on commence à lâcher une voiture, ça fait du bien à tout le monde.

Une voiture coûte 5000 € par an. De plus en plus de gens découvrent qu’ils n’en ont pas ou plus les moyens et qu’en étant urbains, ils n’ont pas besoin de voiture.

Dans quelle mesure les préoccupations environnementales pèsent-elles sur les mobilités ?

Grâce aux ITS, Systèmes intelligents de transports, on pourra mettre des capteurs dans le sol qui captent le trafic en temps réel. On obtiendra ainsi une sorte de Mappy piéton et tous modes. Avec un calculateur de temps (théorique, réel et prédictif), de la trajectoire, de la sécurité, du budget mais aussi des émissions de CO2. On va vers l’ère de l’open data où toutes les données seront publiques. Les données seront mises à disposition au bénéfice de la mobilité urbaine. Le partage de l’information, des modes et de l’espace public devient le paradigme de la mobilité urbaine. Car in fine, il s’agit de partager l’air qu’on respire. Or avec 73 jours de pollution par les particules fines à Lyon, soit deux fois plus que le seuil de tolérance en Europe, ce n’est plus possible.

Les nouvelles mobilités, intelligentes, à la fois personnalisées et partagées instaurent un nouveau rapport au temps…

Grâce au système d’attente prédictive, psychologiquement on attend deux fois moins, le temps devient utile : vous réfléchissez, vous téléphonez ou envoyez des SMS. La maîtrise de l’espace temps sécurise. De même, le temps de la mobilité va de plus en plus être productif. Que font les gens pendant la mobilité ? Ce serait intéressant de le savoir, de lancer des études sur ce sujet. C’est un enjeu important car rendre utile le temps de la mobilité permet une meilleure acceptabilité. On pourrait développer des séquences de formation ou de loisirs sur ces temps de mobilité.

Anticipez-vous sur le développement de l’électro mobilité ?

Développer les déplacements en mode électrique n’est pas seulement un objectif, c’est déjà une réalité. D’abord dans les Transports en Commun : sur les 1,4 millions de trajets qui se font chaque jour sur le réseau de Transports en commun lyonnais, 73% se font en mode électrique. Le reste, ce sont les bus, et on travaille sur des bus hybrides. Ainsi, à Lyon, plus d’un million de trajets chaque jour se font en électro mobilité. La voiture est aussi déjà à l’ère électrique. Aujourd’hui, c’est là, ça arrive, il faut l’accompagner, l’aider. On a par exemple besoin de préparer l’arrivée des voitures électriques dans les parcs de stationnement LPA.

Dans le Grand Lyon, on travaille également sur la location longue durée de VAE, Vélo à Assistance Electrique. On a conçu le vélo électrique comme un mode de transport alternatif supplémentaire.
On a besoin de l’électro mobilité en ville, car c’est synonyme d’une rue moins bruyante, moins polluée et moins stressante.

Quelle sera la voiture de demain ?

La voiture de demain devra être électrique avec un carburant vert ou au gaz de préférence renouvelable, ou à l’hydrogène qui permet de stocker l’énergie renouvelable. Car il ne faudrait pas que le développement de l’électro mobilité urbaine dont nous avons besoin favorise le développement de l’énergie thermique et nucléaire. Au contraire, cela doit constituer un effet levier pour accompagner la production d’énergies renouvelables.

La voiture de demain aura toujours droit de cité mais elle ne tiendra plus le haut du pavé. Car on y met des contraintes, des limitations, comme les zones 30 ou les zones de rencontre (zones 20). On n’est pas propriétaire mais locataire de l’espace public, où il doit y avoir un respect du plus faible. Elle sera partagée pour limiter l’emprise de la voiture en ville, libérer de l’espace public.

Le projet NEDO à Lyon Confluence – qui propose en auto partage une flotte de véhicules électriques alimentées en énergie photovoltaïque -  incarne bien cette électro mobilité partagée.