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Le processus de contractualisation entre le Grand Lyon et les opérateurs privés en matière de services urbains

Interview de Stéphanie BURLET

Directrice des affaires juridiques et de la commande publique (DAJCP) à la Communauté urbaine de Lyon en 2012

<< Les démarches de Délégation de Service Public offrent un véritable espace de dialogue, de négociation et, au-delà, de partenariat avec les opérateurs >>.

Stéphanie Burlet est Directrice des affaires juridiques et de la commande publique (DAJCP) du Grand Lyon depuis janvier 2010. Elle était auparavant avocat au barreau de Lyon au sein du cabinet « Ernst & Young société d’avocats » intervenant en droit public, au plan du conseil comme du contentieux, dans les domaines suivants : droit des contrats (marchés publics, délégations de service public, contrats de partenariat…), droit de la fonction publique, organisation des relations juridiques entre les collectivités territoriales et leurs satellites.

Dans cette interview, Stéphanie Burlet nous présente les grandes étapes des processus de contractualisation entre le Grand Lyon et les opérateurs privés en matière de services urbains. Elle nous livre également son analyse des possibilités de dialogue et de négociation avec les opérateurs qui s’offrent à la collectivité dans le contexte des évolutions réglementaires actuelles.

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Date : 27/01/2012

Pour exercer ses compétences, le Grand Lyon est amené à solliciter l’intervention d’entreprises privées. Ceci est particulièrement visible en matière de services urbains (propreté, déchets, eau, voirie). La sollicitation des entreprises pose la question du choix du type de contrat et de la procédure de consultation du marché. Comment s’effectue ce choix au Grand Lyon ?

Tout d’abord, il est important de distinguer deux grandes notions. Pour faire simple, il y a d’une part la « commande publique » qui relève du code des marchés publics et dans laquelle nous sommes dans une logique d’achat. D’autre part, nous avons la « gestion externe » qui consiste pour la collectivité à confier la gestion d’un service ou d’un projet à un opérateur privé au travers de deux grands types de contrats publics, les délégations de services publics et les contrats de partenariat. 

Dans ce cadre, le premier critère de choix concerne le mode de rémunération de l’opérateur. Lorsque l’on a affaire à la mise en œuvre d’un service public pour lequel l’usager est mis à contribution financièrement et où cette contribution constitue une part substantielle de la rémunération de l’opérateur, la délégation de service public (DSP) apparait comme le choix le plus naturel. Si l’on n’a pas cette rémunération substantielle de l’opérateur par l’usager, la DSP peut alors être requalifiée en marché public. On comprend que ce principe de rémunération de l’opérateur par l’usager ne peut exister que pour certains domaines de compétences du Grand Lyon : l’eau, le stationnement ou encore certains équipements de type Centre des Congrès par exemple.
Ensuite est pris en ligne de compte la part de risque financier que la collectivité souhaite faire assumer à l’opérateur. Dans le cas des marchés publics, il n’y a pas en principe de risque pris par l’opérateur puisque la collectivité ne fait qu’acheter une prestation, sauf à ce que l’opérateur ait mal dimensionné son offre. Dans les DSP, l’opérateur assure le service, se rémunère sur l’usager et assume le risque d’exploitation, c'est-à-dire la variabilité du bénéfice tiré de l’activité. Toutefois, les DSP peuvent prévoir le versement d’une participation financière par la collectivité pour réduire ce risque d’exploitation. Enfin, en contrat de partenariat, le partage des risques est à négocier avec l’opérateur. Cela dit, cette question du choix des modalités contractuelles ne se pose pas pour des achats « simples » ou récurrents. En revanche, dès lors que l’on s’intéresse à des objets ou des projets plus complexes, à fort enjeux, par exemple la gestion du Boulevard Périphérique Nord de Lyon (BPNL), ce questionnement est incontournable : a-t-on intérêt à le gérer en régie, en marché, en DSP, ou dans le cadre d’un contrat de partenariat ?

 

Comment le Grand Lyon appréhende cette question ?

Une étude contextuelle est réalisée pour évaluer les différentes opportunités et risques de chaque option, en tenant compte des contraintes techniques, juridiques, financières et de ressources humaines de la collectivité. C’est en quelque sorte une évaluation préalable du mode de gestion qui permet à la collectivité d’expliquer pourquoi elle choisit tel ou tel mode de gestion d’un service ou d’un projet. Ensuite, il y a un ensemble d’étapes obligatoires comme la consultation de la Commission Consultative des Services Publics Locaux (CCSPL) et du Comité Technique Paritaire (CTP). Le processus se conclut par une délibération de l’assemblée communautaire sur la base de ces différents éléments. Du choix du mode contractuel découlent ensuite les modalités de consultation, puisque les possibilités ne sont pas identiques selon que l’on s’engage dans un marché public, une DSP ou un contrat de Partenariat.

 

Quelle est la part du politique dans ce choix des modalités contractuelles ?

Elle est incontournable et forte ! En particulier lorsqu’il s’agit de mettre en balance la gestion en régie et la gestion externe. A ce titre, il y a toute une histoire au Grand Lyon au travers de laquelle on a recherché un équilibre entre ces deux options. D’une manière générale, les élus sont étroitement associés au processus d’évaluation préalable de chaque mode contractuel. J’ajoute que cette implication des élus est proportionnelle aux enjeux politiques et financiers du projet. Dès lors que l’on a affaire à des projets non récurrents et porteurs d’enjeux, une procédure spécifique de choix contractuels, de passation et de négociation est mise en place. La logique est celle du cas par cas.

 

Quels services du Grand Lyon interviennent dans ce processus de choix des modalités contractuelles ?

De nombreux acteurs participent à ce processus. On retrouve bien évidemment la direction opérationnelle qui est directement concernée par le projet, la Direction de l’Evaluation et de la Performance qui conduit la procédure, la Direction des finances et la Direction des affaires juridiques et de la commande publique (DAJCP). Au niveau de la DAJCP, notre regard se porte sur les enjeux de sécurisation juridique du projet de contrat. En amont, il s’agit notamment de s’assurer que les projets de DSP ne présentent pas le risque d’être requalifiés en marché public, que les procédures de marchés publics respectent bien les seuils, les nomenclatures des prestations concernées et les procédures de mise en œuvre. Nous sommes également attentifs au choix des critères de candidatures et d’attribution des offres.

 

Un autre moment clé réside dans la définition des besoins de la collectivité. Comment cela se passe-t-il au Grand Lyon ?

Concernant la définition des besoins, les services opérationnels sont en première ligne. Ils sont les plus légitimes dans la mesure où ce sont eux qui connaissent leurs besoins et les solutions possibles. Ils s’appuient pour cela sur un travail de veille technologique assez poussé qui facilite la détermination des spécifications techniques des cahiers des charges. Toutefois, la DAJCP peut être amenée à intervenir dès ce stade. On peut distinguer deux cas de figure types. Lorsque les services envisagent de passer un marché public, ils peuvent rencontrer des difficultés pour définir leurs besoins, les moyens de les satisfaire, ou encore le dimensionnement des solutions à mettre en œuvre, etc. A ce moment là, la DAJCP peut venir leur prêter main forte en leur proposant de recourir à des procédures de passation moins classiques, c'est-à-dire plus ouvertes à la négociation avec les entreprises comme la procédure de « dialogue compétitif ». Nous présentons alors aux services les avantages, les contraintes, les risques des différentes procédures et le service concerné choisit celle qui lui parait la plus adéquate. L’autre situation type concerne les DSP. Ici, l’accompagnement de la DAJCP va être à la fois plus précoce et plus étroit dans la mesure où la définition même du cahier des charges suppose d’esquisser un projet de convention préfigurant le contrat qui sera conclu avec l’opérateur retenu. Ce travail de préparation du dossier de consultation en vue d’une DSP fait également intervenir la Direction de l’Evaluation et de la Performance (DEP) qui a en charge le pilotage des procédures et du suivi des gestions externes. Ensuite, la DAJCP intervient tout au long de la procédure de passation en accompagnement des autres services, par exemple dans la revue des documents contractuels et l’assistance à la négociation.

 

Revenons sur la procédure de « dialogue compétitif ». Quelle est sa spécificité ?

Le « dialogue compétitif » doit être justifié dans la mesure où il doit répondre à une des deux conditions suivantes : la collectivité n’est pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pour répondre à ses besoins ou elle n’est pas en mesure d’établir le montage juridique et financier adéquat. Il en résulte de facto que cette procédure ne trouve son application que pour des marchés revêtant une certaine complexité. Outre le dialogue avec les entreprises, cette procédure peut également permettre de passer d’une logique de cahier des charges technique, au travers duquel la collectivité définit la solution permettant de répondre à son besoin, à une logique de cahier des charges fonctionnel où la collectivité s’en tient à présenter ses besoins et objectifs sans se prononcer sur d’éventuelles solutions pertinentes. En permettant d’engager une discussion avec plusieurs entreprises simultanément, la procédure de dialogue compétitif vise alors à faire émerger la solution permettant de satisfaire les besoins affichés par la collectivité. On voit l’intérêt que peut revêtir ce type de procédure pour le Grand Lyon dès lors qu’il a à faire face à des besoins particulièrement complexes. Toutefois, le recours à cette procédure reste encore exceptionnel, notamment parce qu’elle demande plus de temps et est plus lourde à conduire. Or, le Grand Lyon, comme d’autres organisations, est soumis à des contraintes de temps, en particulier lorsqu’il s’agit de réaliser des projets inscrits au Plan de Mandat.

 

En dehors des questions de choix contractuels et de sécurité juridique, la DAJCP intervient-elle sur d’autres aspects en amont de la consultation du marché ?

On peut mettre en évidence une autre dimension de l’achat, la dimension économique. On considère ici la capacité de la collectivité à suivre l’évolution des offres et le positionnement des entreprises, évaluer l’organisation de la concurrence (taille et nombre d’entreprises), développer des relations avec les fédérations professionnelles pour prendre le pouls du marché, établir de bonnes estimations de coût des futurs projets.

De ce point de vue, la DAJCP intervient à la demande sur des besoins de sourcing, d’études sectorielles. Toutefois, que ce soit à la DAJCP ou dans les services opérationnels, cette fonction d’analyse économique pourrait encore être davantage développée et formalisée au Grand Lyon aujourd’hui. Il y a des marges de progrès importantes dans ce domaine qui apparait d’ailleurs très complémentaire de la veille technologique réalisée de longue date par les services opérationnels. Nous travaillons avec la ville de Lyon sur des échanges de bonnes pratiques en la matière dans la mesure où cette fonction Achat est beaucoup développée chez elle.
Aujourd’hui, l’enjeu pour la DAJCP consiste à recenser, animer et fédérer les initiatives des services communautaires en la matière. Cela devrait nous permettre par exemple de mettre en place une approche commune des relations avec les fédérations professionnelles auxquelles appartiennent les entreprises avec lesquelles le Grand Lyon travaille. Aujourd’hui chaque service développe ses propres relations avec ces acteurs. Or, on peut faire l’hypothèse qu’il serait judicieux que le Grand Lyon porte le même discours auprès de ces acteurs, en particulier sur les variantes, les offres anormalement basses, les critères de développement durable, l’insertion par l’économie, etc. D’ailleurs, il s’agit à la fois de renforcer les relations entre les fédérations et les services mais également avec les élus. Ces relations sont importantes pour faire passer le message du Grand Lyon, par exemple la contradiction entre le fait que les fédérations réclament davantage de commandes de la part de la collectivité et le fait que le Grand Lyon reçoit de multiples courriers d’entreprises indiquant qu’elles ne peuvent répondre aux appels d’offres communautaires en raison d’une charge de travail trop importante. A ce titre les fédérations peuvent jouer un rôle de médiateurs vis-à-vis des entreprises.

 

Comment se déroule ensuite la comparaison des offres et le choix des entreprises ?

Ce sont les services opérationnels qui examinent les candidatures et les offres et établissent un rapport d’analyse. La DAJCP reprend ensuite la main pour opérer une revue de ces analyses et organiser l’examen des offres par la Commission Permanente d’Appel d’Offres du Grand Lyon qui est composée d’élus et présidée par Michèle Pédrini.

 

Vient ensuite le moment de la formalisation du contrat avec l’opérateur privé. Comment se déroule-t-elle et dans quelle mesure donne-t-elle lieu à une négociation avec ce dernier ?

Je rappelle tout d’abord que l’on pointe là une autre grande différence entre marchés publics et gestion externe (DSP, PPP) : là où les DSP et les contrats de partenariat prévoient une négociation systématique avec les opérateurs privés, les marchés publics ne le permettent que dans certaines situations. Dans le cas des DSP, la négociation fait intervenir le service concerné, la DEP pour la partie financière, l’évaluation des risques afférents et les modalités de suivi du contrat, et la DAJCP pour la définition juridique des clauses du contrat. Sur ce plan, notre rôle est d’analyser et réagir aux propositions contractuelles de l’opérateur : par exemple, le calcul de l’indemnisation en cas de résiliation du contrat proposé par l’entreprise est-il acceptable ou non ? Mérite-t-il d’être discuté ou doit-il être rejeté d’emblée ? Pour les marchés publics, ce sont les services opérationnels qui conduisent la négociation éventuelle lorsqu’elle est possible et pertinente. Ils peuvent éventuellement demander l’aide de la DAJCP.

 

Les services sont-ils demandeurs de négociation ?

En DSP (délégation de service public), la négociation est incontournable donc la question ne se pose pas. Pour les marchés publics, on peut observer une certaine réticence. La négociation est perçue comme une source d’insécurité juridique. Lorsque l’on négocie, on peut avoir l’impression de s’exposer davantage au risque d’être suspecté de contrevenir aux principes d’égalité de traitement, de transparence, etc. édictés par le code des marchés publics. Autrement dit, dialoguer avec les entreprises candidates peut faire peur. De son côté, la DAJCP encourage la négociation lorsque celle-ci est susceptible d’apporter un plus pour la collectivité. A ce titre, nous proposons aux services une démarche pour conduire cette phase de négociation dans le respect des principes du code des marchés publics. Il s’agit alors de préciser les points sur lesquels portera la négociation, les objectifs et le calendrier de celle-ci sur chacun de ces points.

 

Quelles sont les principales difficultés inhérentes à la négociation avec les opérateurs privés ?

Si l’on se concentre sur les enjeux de sécurité juridique, on peut rencontrer des difficultés lorsque l’on s’aperçoit que plusieurs candidats ayant répondu à l’appel d’offres ne vont pas adhérer à plusieurs clauses essentielles du montage contractuel que nous avons élaboré préalablement. Ils vont trouver ce contrat trop dur pour eux sur le plan économique, technique, etc. Dans ce cas, ce qui est compliqué c’est de gérer des modifications substantielles du montage contractuel prévu initialement, situation qui peut remettre en question les conditions de la mise en concurrence initiale. En effet, certains candidats n’ayant pas postulé peuvent déposer un recours au motif que l’on a modifié les termes du contrat de telle façon que la mise en concurrence initiale est faussée et que, dans les conditions actuelles, ils auraient fait la démarche de postuler. Toute la difficulté pour la DAJCP est d’arriver à mesurer ce risque de recours : est-ce que l’on poursuit la procédure ou est-ce qu’il est préférable de la reprendre depuis le départ ? Peut-on se permettre de la relancer ? N’est-il pas dommageable pour la collectivité d’abandonner la procédure alors qu’elle a reçu une proposition excellente de la part d’un candidat ? Etc.

 

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le cadre juridique des relations entre la collectivité et les opérateurs privés ? En quoi ce cadre juridique est-il un frein ou un facilitateur de ces échanges ?

La première chose, c’est que nous avons l’obligation de respecter les grands principes du code des marchés publics : égalité de traitement des candidats, transparence, etc. En soi, ces principes peuvent apparaitre comme des contraintes qui limitent et rigidifient les relations que la collectivité engage avec les opérateurs. Cela dit, je suis convaincu que les démarches de DSP offrent un véritable espace de dialogue, de négociation et, au-delà, de partenariat avec les opérateurs. Par exemple les contrats peuvent prévoir des clauses qui permettent à la collectivité de bénéficier des innovations de l’entreprise, de se voir proposer des solutions plus pertinentes sur le plan économique, etc.
Par ailleurs, la collectivité est libre de nouer des relations avec les fédérations professionnelles et de réfléchir avec elles sur certaines évolutions technologiques, sur certaines solutions qui paraissent préférables du point de vue de la collectivité. Enfin, je pense qu’il est naturel pour la collectivité d’échanger avec les opérateurs dans le cadre de son travail de veille technologique, à l’occasion de salons professionnels, etc. Ces échanges informels ne sont pas interdits ! Au fond, ce qui est interdit c’est de prendre une offre spécifique à une entreprise et de l’intégrer purement et simplement dans un cahier des charges. En effet, dans ce cas de figure, d’une part on ne fait pas jouer pleinement la concurrence puisqu’il y a de fortes chances que l’on ne recueille qu’une seule offre, et d’autre part, la collectivité se rend dépendante techniquement et financièrement de l’opérateur en question. Il faut également considérer le fait que l’entreprise qui exposerait ainsi à la collectivité un savoir-faire ou une innovation qui lui est propre prend un risque. En dévoilant les principes de cette innovation, le cahier des charges peut donner des idées aux concurrents et il se peut que ce soit finalement un concurrent de l’entreprise de départ qui soit choisi.

 

Toutefois, si la collectivité repère une innovation particulièrement intéressante développée par une entreprise, comment peut-elle s’en saisir ?

Effectivement, il s’agit là d’une situation compliquée puisqu’on ne peut pas la reprendre telle quelle dans le cahier des charges. Pour autant, il est dommage d’attendre que tous les opérateurs aient repris cette innovation dans leur offre pour pouvoir en profiter. Mais la collectivité n’est pas complètement démunie face à ce type de situation ! Ce peut être en effet l’occasion d’engager un partenariat de recherche avec l’entreprise porteuse de l’innovation, de participer avec elle à un appel à projets européen, ou encore de permettre à l’entreprise de venir expérimenter son innovation sur notre territoire. D’une certaine manière, ces échanges non marchands peuvent apparaitre comme une première étape au travers de laquelle la collectivité va faire émerger et murir un nouveau besoin, lequel pourra faire ensuite l’objet d’un appel d’offres.

Par ailleurs, j’ajoute que la procédure de dialogue compétitif que j’évoquais précédemment peut être également un bon levier pour susciter des propositions innovantes de la part des entreprises. La différence c’est que dans la situation du dialogue compétitif, l’innovation n’est pas repérée et formalisée en amont au travers de la veille technologique et de la rédaction d’un cahier des charges fonctionnel. Elle émerge à l’occasion de la passation du marché, au travers des discussions avec les différentes entreprises candidates : le besoin que nous formulons vous parait-il pertinent ? Comment pensez-vous pouvoir y répondre ? En d’autres termes, le dialogue compétitif peut permettre d’enrichir le cahier des charges fonctionnel défini au départ par la collectivité et de faire émerger des solutions que la collectivité seule n’aurait pu imaginer. Encore une fois, le point sur lequel il faut cependant rester vigilant c’est de faire en sorte que le cahier des charges n’oriente pas la procédure vers un opérateur spécifique. Au total, nous avons deux approches de la mobilisation de l’innovation des entreprises qui paraissent très complémentaires. Charge à la collectivité de définir dans quelles situations chacune est la plus pertinente.

 

La collectivité peut-elle mettre en concurrence les entreprises dès le stade de la définition des besoins ?

Le code des marchés publics stipule qu’il revient à la collectivité de définir seule ses besoins. De fait, le Grand Lyon ne peut lancer un appel à projets pour recueillir les idées des opérateurs et rédiger ensuite un cahier des charges. Toutefois, on peut penser que ce tour de table existe malgré tout au travers des échanges informels entre les services opérationnels et les entreprises. Je souligne à nouveau le fait qu’il convient être attentif aux risques liés à ce genre de pratique. D’un côté, on retrouve le risque de spoliation des savoir-faire et des idées de l’entreprise. De l’autre, en faisant remonter en amont les opérateurs dans le processus, la collectivité prend le risque de diffuser de multiples informations sensibles et stratégiques aux opérateurs.

 

Les évolutions récentes du cadre réglementaire – apparition du Contrat de Partenariat, diffusion des principes de dialogue compétitif et de Contrat global de Performance au Code des Marchés Publics – ne poussent-elles pas justement dans le sens de la seconde approche que vous décrivez ?

Effectivement, le législateur souhaite semble-t-il renforcer les possibilités de dialogue entre la collectivité et les entreprises au sein des procédures de passation. Quelque part, le message porté par ces évolutions réglementaires pourrait être de dire aux collectivités : osez dialoguer ! On connait l’angoisse qui peut entourer la mise en œuvre des procédures de commande publique et de gestion déléguée, avec la crainte de placer la collectivité et les personnes concernées en situation d’insécurité juridique. En instituant des temps d’échanges avec les candidats, le législateur tend à montrer que le principe de dialogue est acceptable et souhaitable sous certaines conditions. Ensuite, il me semble que le deuxième motif de ces évolutions réglementaires concerne l’innovation : faire en sorte de diffuser plus rapidement de l’innovation auprès des collectivités.

 

Si l’on s’arrête sur le dispositif de Contrat de Partenariat, qui est emblématique de cette nouvelle approche des échanges collectivité/entreprises, le Grand Lyon a-t-il défini une « doctrine » particulière ? 

Il n’y a pas de posture établie au Grand Lyon par rapport à cet outil. Jusqu’à présent, il n’y avait pas eu réellement d’objets se prêtant à ce type de contrat. Il s’agit d’une procédure relativement lourde et longue qui demande un gros effort d’anticipation de la part de la collectivité. J’ajoute que le Contrat de Partenariat représente une toute autre culture de la relation avec les opérateurs que ce que connait aujourd’hui la collectivité en raison de la forte dimension financière de ce type de contrat. Mes précédentes fonctions m’ont d’ailleurs donné l’impression que cette approche était en train de se diffuser aux DSP. Sur certains gros contrats de DSP, notamment en concession, la figure du banquier est de plus en plus présente dès lors que des investissements importants sont en jeu.

 

La collectivité n’est-elle pas démunie lorsqu’il s’agit de négocier ce type de contrat à forte dimension financière ?

Il est clair que ces démarches ne se font pas sans assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) : une AMO juridique, une AMO technique et une AMO financière.

 

Pour conclure, il semble que les entreprises se montrent de leur côté de plus en plus proactives et n’attendent plus le stade de l’appel d’offres pour faire des propositions aux collectivités. Le Grand Lyon connait-il une multiplication des offres spontanées de la part des entreprises ?

Oui, c’est effectivement un phénomène qui monte en puissance. Nous avons affaire généralement à des offres globales. C'est-à-dire qu’elles ne se limitent pas à  un objet précis mais proposent plutôt une manière de concevoir la ville qui englobe une multitude de prestations aujourd’hui traitées de façon séparées par la collectivité. C’est la logique de l’offre intégrée pour prendre en charge la gestion d’un territoire… Face à ces offres, le Grand Lyon a aujourd’hui du mal à prendre du recul et se positionner. Soit il s’agit de prestations dont on profite déjà. Soit il s’agit de prestations complètement nouvelles mais pour lesquelles nous ne disposons pas encore nécessairement de points de repère en termes de besoins, de pertinence technique ou économique. Un autre versant de ces offres spontanées concerne des demandes d’expérimentations : telle ou telle entreprise a besoin d’un territoire pour tester une innovation. Un bon exemple de ce type de démarche est celui du projet lancé par le Grand Lyon avec le NEDO  sur la Confluence.