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Les sciences de l’information et de la communication

Interview de Gerard REGIMBEAU

<< Aujourd’hui, on va vers une meilleure compréhension de ce qu’est la pensée complexe au sens d’Edgar Morin et l’histoire participe à ce mouvement >>.

Entretien réalisé le 23 juin 2010, propos recueillis par Marianne Chouteau

Gérard Régimbeau est professeur en Sciences de l’information et de la communication à l’Enssib (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) et mène ses recherches au sein du laboratoire ELICO . Il s’intéresse aux questions relatives aux médiations de l’information spécialisée en art contemporain, aux liens entre l’image, l’art et la médiation des connaissances, aux théories du document et aux médiations de l’information spécialisée à l’heure d’Internet. Il a entre autres, dirigé avec Caroline Courbières « Dimensions sociales du document » (Sciences de la société, n° 68, 2006). Il a par ailleurs publié (liste non exhaustive) : "L’information-documentation en art contemporain dans ses dispositifs  : cadre théorique et étude de cas » (Dispositifs  info-communicationnels : questions de médiations documentaires, Paris  : Lavoisier : Hermès Science, 2009), « Médiations iconographiques et médiations informationnelles :  réflexions d'approche », Communication (Université de Laval, Ed. Nota  Bene, 2007) et « Indexation de l’art abstrait : enjeux et questions », Culture et  musées (Ed. Actes Sud, 2007).

Comment l’histoire peut-elle jouer un rôle dans la construction des savoirs ? Mettre en perspective les connaissances aide-t-il à une meilleure compréhension des phénomènes scientifiques ? Comment une discipline aussi  jeune telle que les sciences de l’information et de la communication se positionne-t-elle par rapport à son histoire ou à l’histoire en général ? C’est, entre autres à ces questions que Gérard Régimbeau a répondu en s’appuyant sur sa pratique de chercheur en sciences de l’information et de la communication.

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Date : 22/06/2010

Votre métier de chercheur en sciences de l’information et de la communication vous a conduit à mener des réflexions sur le document, l’image et donc la médiation. Mais vous a t il conduit aussi à vous interroger sur le lien entre histoire et médiation ?

Au cours de mes recherches et notamment lorsque j’ai travaillé sur mon HDR(habilitation à diriger des recherches), j’ai resitué les problématiques liées à l’image dans les sciences de l’information et de la communication avec une priorité pour les sciences de l’information, puisque j’ai fait le lien entre production artistique et documentation. Ce travail se situe dans le prolongement, élargi, de celui que j’ai réalisé au cours de mon doctorat . J’avais en effet mené une réflexion sur l’indexation des œuvres d’art à partir d’un concept commun qui est celui de la « thématique ». En art, on parle de la « thématique plastique » d’une œuvre et en documentation, lorsque l’on veut extraire un contenu d’un document, on parle aussi de « thématique ». En faisant le lien entre ces deux types de thématique, j’ai cherché à établir un « dialogue » entre l’œuvre et la recherche d’information. Ces interrogations sont venues de mon expérience et de ma formation initiale [voir encadré ci-dessous]. En effet, après avoir suivi une formation en histoire de l’art, j’ai pratiqué pendant 15 ans les métiers des bibliothèques et de la documentation. Ce parcours m’a donc confronté aux problèmes d’indexation d’œuvres plastiques et de l’image. Ce parcours explique aussi que ma référence soit double. Dans un premier temps, je suis parti de l’histoire de l’art pour aller vers les sciences de l’information et de la communication (SIC). Je me suis référé à une méthode : celle de la critique des sources. Cela m’a permis de me placer face à mon corpus dans la même posture de recherche que celle de l’historien. Dans un second temps, j’ai importé cette méthode dans des problématiques de sciences de l’information et de la communication (SIC).

Toutefois, on a affaire à un mouvement paradoxal : beaucoup de chercheurs en sciences de l’information et de la communication viennent de l’histoire et utilisent donc les méthodes voire les problématiques de cette discipline. Mais, en contre-partie, peu d’historiens se penchent sur ce qui se passe en sciences de l’information et de la communication. Aussi, à travers mon travail, j’ai essayé de mener une réflexion qui soit utile sur les deux plans : dans ma discipline première qui est l’histoire de l’art et dans ma discipline d’accueil, qui sont les sciences de l’information et de la communication. Pour être précis, ce sont mes propres pratiques documentaires qui ont fait émerger les problématiques de recherche en sciences de l’information et de la communication ; mais ma méthode d’analyse est issue en partie de l’histoire de l’art.

 

Vous disiez tout à l’heure que l’histoire semblait peu s’intéresser aux sciences de l’information et de la communication et vous semblez trouver cela dommageable. Pourquoi ?

Les sciences de l’information et de la communication nous invitent à nous interroger sur les médias, la médiation, le « médiationnel », le médiatique, le médial (pour citer Hans Belting, un historien d’art). Il me semble que l’histoire aurait intérêt à s’interroger sur ces concepts afin de proposer une véritable critique des sources, à la fois dans le sens où l’entend la recherche en histoire et où l’entend la recherche que développent les sciences de l’information et de la communication. En effet, cette dernière fait intervenir le dispositif, la médiation, la sémiotique, par exemple, et donc prend en compte les dimensions culturelles et sémantiques.

Aborder le phénomène d’information, ce n’est pas pour le limiter à son acception médiatique ou informatique, les SIC ont acquis dans l’approche de l’information une forme de solidité heuristique  et une légitimité qui peut servir à une réinscription fertile dans les problématiques historiennes. C’est déjà en partie le cas, d’ailleurs, avec l’histoire culturelle mais par d’autres recours, sans référence directe aux SIC. Le concept de médiation, ses déclinaisons, et avec ses nuances, peut jouer un rôle pivot dans les références croisées entre SIC et histoire. Les bibliothèques, les systèmes d’information, l’organisation des savoirs sont des dispositifs de médiation.

De la même façon, les sciences de la communication ne se réduisent pas à des techniques de relations publiques ou « d’animation mondaine ». Elles ont, en revanche, pour objectif d’étudier ces phénomènes –là, au même titre que tout autre phénomène social et culturel. Les racines anthropologiques des études de communication aident aussi à jeter des ponts avec l’histoire mais ils restent peu empruntés en histoire.

Quant à la sémiologie , elle semble, elle aussi, peu intéresser la démarche historienne, mis à part, quelques historiens d’art ou du visuel.
Il faudrait faire une étude bibliométrique sur ces aspects mais le nombre minime de références aux SIC dans les travaux d’histoire se confirmerait. Il est vrai que les sciences humaines et sociales vivent sur des rythmes plus lents qu’en sciences, technologie et médecine (STM) et que cette réciprocité heuristique souhaitée n’est pas encore perdue !

 

Dans l’autre sens, pensez-vous que les sciences de l’information et de la communication se servent de l’histoire dans leurs problématiques ? dans leurs méthodes ?

Ce n’est pas une pratique généralisée chez tous les chercheurs. Les travaux en SIC qui ont pour objets la communication immédiate sont parfois trop éloignés des questions historiques. Mais on ne peut pas généraliser à toute la recherche en SIC. Certains chercheurs tels que Daniel Jacobi , Daniel Bougnoux , Yves Jeanneret  ou encore avant eux Jean Meyriat  à donner des conférences sur la théorie de la documentation à l’Ecole Pratique des Hautes études) pour ne citer qu’eux, prennent en compte la dimension historique lorsqu’ils travaillent. D’une autre manière, les prémices de la discipline ont été marquées par le CETSAS (Centre d’études Transdisplinaires : Sociologie, Anthropologie, Sémiologie), dirigé, entre autres, par Edgar Morin et sa fameuse revue Communications où la préoccupation historienne, au sens d’histoire immédiate mais aussi d’une histoire travaillée par l’anthropologie, était présente.

Mais, il faut bien se rendre compte que les SIC sont à la recherche de leur propre histoire. La discipline est jeune , elle a sans doute besoin aujourd’hui de trouver des racines. Robert Boure  a, en 2002, dirigé un ouvrage qui retraçait les origines de cette discipline. Maintenant : est-ce qu’il y a rencontre entre l’histoire en tant que discipline et les sciences de l’information et de la communication… ce n’est pas acquis. Il existe des exemples de recherches menées où il y a rapprochement entre les deux disciplines. Par exemple, l’ouvrage de Sylvie Fayet-Scribe , Histoire de la documentation en France, Culture, Science et technologie de l’information, 1895-1937, illustrait cette proximité, il s’appuyait sur du dépouillement d’archives et des analyses d’articles de revues ; qui empruntait là à des techniques purement historiques pour reconstituer la chronologie d’un objet.

Le lien peut également se faire via les historiens qui s’intéressent à l’histoire du livre, des bibliothèques, du document, des médias, de la presse et qui feraient donc, un lien entre l’histoire et les SIC. Mais l’un des enjeux de ces prochaines années est sans doute de réunir et de synthétiser ces travaux.  

 

 

Des bibliothèques aux sciences de l’information : Gérard Régimbeau en quelques dates

- 1982-1985 : Sous-bibliothécaire, Bibliothèque municipale de Toulouse.

- 1985-1997 : Bibliothécaire, Ecole supérieure des Beaux-Arts de Toulouse.

- 1996 : Thèse en Sciences de l'Information et de la communication : Thématique des œuvres plastiques contemporaines et indexation documentaire. Université Paul Sabatier, Toulouse 3, LERASS.

- 1997 : Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Paul Sabatier, Toulouse 3.

- 2006 : Habilitation à diriger des recherches en Sciences de l’information et de la communication : Le sens Inter-médiaire : recherches sur les médiations informationnelles des images et de l’art contemporain. Université Paul Sabatier, Toulouse 3, LERASS-MICS.

- 2008 : Professeur en Sciences de l’information et de la Communication, Enssib, ELICO,  Villeurbanne.

 

Vous évoquiez le fait que les SIC se retournent aujourd’hui sur leur propre histoire, ce qui pourrait paraître paradoxal étant donnée la jeunesse de cette discipline, pouvez-vous nous expliquer ce phénomène ?

Il s’agit d’un mouvement épistémologique général dans les sciences qui s’interrogent sur leur histoire, sur les concepts, sur les institutions et leur interinfluence. C’est un mouvement observé en sciences humaines et sociales mais également en sciences dites « dures ». L’histoire leur sert de « promontoire » pour envisager l’avenir. Les SIC ont trouvé là un sujet riche pour elles parce que, du fait de leur jeunesse, elles peuvent interroger leurs origines avec des sources vives. En effet, la plupart des acteurs de cette discipline ont participé ou assisté à son éclosion et peuvent prendre du recul sur leur parcours, sur leurs recherches, sur leur formation. C’est une chance incroyable pour une discipline universitaire et les chercheurs des SIC en ayant bien conscience, n’ont pas voulu laisser passer cette opportunité. C’est aussi une discipline qui a presque quarante ans aujourd’hui et qui rassemble des chercheurs de spécialités et de formations très différentes. Pour illustrer cela, je peux citer le travail entrepris par Viviane Couzinet . Cette dernière a dirigé, alors qu’elle était directrice de l’équipe MICS (Médiations en information et communication spécialisées) du LERASS, un ouvrage sur l’œuvre de Jean Meyriat , lui rendant ainsi hommage tout en expliquant en quoi ce chercheur et son travail ont eu un rôle dans la création des sciences de l’information et de la communication en tant que discipline. Ceci est d’autant plus intéressant que Viviane Couzinet a été une doctorante de Jean Meyriat. Lorsqu’elle a dirigé cet ouvrage, elle a pu ainsi obtenir pour ce livre des témoignages « en direct ». Ce livre est un véritable état des lieux de la discipline à un instant t. Ce qui reste spécifique aux sciences de l’information et de la communication est qu’il est possible de revenir sur l’histoire de cette discipline avec les acteurs qui l’ont créée, au moins en grande partie ; ce n’est pas le cas, bien sûr, en sociologie, en histoire ou en philosophie par exemple !

 

La jeunesse de cette discipline lui donnerait donc une spécificité particulière ?

Oui, en effet. C’est un avantage lorsque l’on se place du côté de l’interdisciplinarité. La jeunesse de cette discipline permet aux chercheurs de déplacer les frontières du savoir, d’utiliser des concepts ou des objets de recherche de l’une ou l’autre discipline d’origine et de les adapter aux problématiques des sciences de l’information et de la communication. Mais, en contrepartie, les chercheurs de cette discipline sont sans cesse ramenés à une espèce de justification : ils doivent prouver et justifier la scientificité de leurs objets d’étude, de leurs méthodologie, de leurs concepts, etc. Ceci nous ramène d’emblée au fait qu’une discipline acquiert aussi sa légitimité sur le long terme et donc via son histoire. Cela a des conséquences dans la reconnaissance des sciences de l’information et de la communication en tant que discipline scientifique mais aussi au niveau universitaire et institutionnel. En effet, si l’institution a du mal à comprendre les objets d’étude, les concepts et/ou les méthodologies des SIC, alors elle aura aussi du mal à créer des formations, des postes de chercheurs et à développer des programmes de recherche. Cela change évidemment, on n’est de moins en moins dans ce cas de figure mais on sait que la confusion entretenue entre Sciences et techniques de l’information et de la communication (STIC) et SIC peut entraîner des déplacements d’intérêts scientifiques ou financiers ! Il est vrai que les sciences de l’information et de la communication importent des concepts d’autres disciplines : elles sont vraiment interdisciplinaires, les chercheurs viennent de l’archéologie, de l’histoire, de la littérature, de l’informatique, etc. Si on prend juste le concept de « médiation », nul ne saurait en revendiquer la paternité. Cette interdisciplinarité permet aux chercheurs en SIC de bousculer de façon permanente les savoirs et de les redessiner aux vues de leurs propres problématiques.

 

Sciences de l’information et de la communication, qui sont-elles ?

Les sciences de l’information et de la communication s’intéressent aux rapports et pratiques de l’homme et de la société avec l’information et aux processus de communication mis en œuvre dans ces échanges. Elles sont à la convergence, dans leurs objets, leurs concepts et leurs méthodes de plusieurs sciences humaines et sociales (littérature, histoire, sociologie, psychologie, anthropologie, sciences politiques, linguistique, sémiologie, etc.), et, portant un intérêt particulier aux dispositifs et systèmes d’information en jeu dans la communication, croisent les recherches des sciences pour l’ingénieur (informatique, automatique, traitement du signal et télécommunications, etc.)
Cette discipline, s’est développée sur des théories issues, pour partie, de la cybernétique et des Média Studies (avec des chercheurs tels que Harold Innis puis Marshall Mac Luhan au Canada dans les années 1970 qui ont conceptualisé et analysé le développement exponentiel des moyens de communication), mais il faut aussi ajouter les apports de l’anthropologie, des Cultural studies, de la documentologie, de la bibliothéconomie et de la muséologie pour mieux comprendre son domaine tel qu’il s’est enrichi. En France, le Conseil National des Universités fonde la discipline sous la dénomination de 71e section en 1975. De nombreux scientifiques participent à la création et à la vie de cette section : Roland Barthes, Robert Escarpit, Jean Meyriat, Manuel Castells, Bernard Miège, Jacques Perriault, Philippe Breton, Anne-Marie Laulan, Baudouin Jurdant, Armand Mattelard, Jean Davallon, Serge Proulx, Yves Winkin, Yves Jeanneret, etc.
En France, la discipline des SIC rassemble les sciences de l’information (bibliométrie, documentation, bibliothéconomie, etc.) et les sciences de la communication (médias, organisations, culture, musée, etc.)
Aujourd’hui, elle représente en France près de 700 enseignants-chercheurs et plusieurs formations sur tout le territoire français dans les universités et grandes écoles

 

De fait, est-ce que l’histoire joue un rôle particulier dans cette reconstruction du paysage des savoirs ?

L’histoire a un rôle central dans de nombreuses problématiques et ce notamment du point de vue, justement, de l’axe spatio-temporel. On peut en effet s’interroger sur la naissance des concepts, leur évolution. On peut interroger les sciences de l’information et de la communication au regard des changements socio-culturels et économiques qu’une société peut rencontrer. Le matériau historique devient là un élément central à prendre en compte pour mettre en place une recherche et une argumentation. Pour moi, en tant que chercheur, l’histoire est toujours un point, un passage méthodologique obligé. Je ne peux pas passer outre, je ne peux pas construire une recherche sans me préoccuper de l’histoire des concepts ou les corpus que je vais étudier. Par exemple, lorsque je me suis intéressé à la revue d’art ou au catalogue d’exposition, j’ai regardé quels rôles ils ont tenu dans l’histoire et comment ils ont pu évoluer pour arriver à des types actuels qui passent par le papier ou le numérique. En fait, l’histoire permet une distanciation par rapport à l’objet de recherche que ce soit en sciences de l’information et de la communication ou dans les autres disciplines SHS. Mais, on peut également dire que l’histoire joue un rôle dans l’expérimentation dans le sens où elle permet de tester des hypothèses. Par exemple, lorsqu’on s’interroge sur la transformation des médias, on constate que dès le Moyen Age, on parlait de sur-information, qu’à chaque période, on retrouve les mêmes questions par rapport à la communication. Cela permet de mettre en perspective ce qui se passe avec Internet. Autre exemple encore, lorsqu’on travaille sur l’hypertexte, il est nécessaire de se pencher sur la notion de « concordance » du XIIIe siècle. L’histoire vient sans cesse réinterroger nos préoccupations contemporaines.

 

Pensez-vous que cette « ré-interrogation » est plus importante dans les sciences humaines et sociales que dans les sciences dures ?

Il y a une dimension dans les sciences dures qu’il n’y a pas forcément (mais peut cependant intervenir) dans les sciences humaines et sociales et cette dimension est l’expérience en laboratoire. Dans le cadre d’une expérimentation (dans le sens d’expérience), on peut dire que le scientifique n’a pas besoin de connaître les tenants et les aboutissants historiques de sa discipline. Mais lorsqu’il conceptualise, il est préférable qu’il sache dans quel contexte historique, il se situe… tout comme le chercheur en sciences humaines et sociales.
Si on veut comprendre tout ce que la science comporte de culturel et de social, on ne peut pas faire abstraction de l’histoire.

 

Donc l’histoire tiendrait le rôle d’expérimentation dans les sciences humaines et sociales ?

Si l’on dit ça, on se place dans une perspective où les sciences ne valident leurs hypothèses que par la répétition expérimentale. Or, on ne peut être si catégorique. Cela existe, c’est évident, mais il y a d’autres façons d’envisager la recherche. Il me semble que l’histoire serait davantage un outil de compréhension de la transformation plutôt qu’un outil de répétition. Il faut toutefois être bien conscient que dans la transformation, il y a des éléments qui se répètent et des éléments « hétérogènes ». On serait davantage face à un phénomène de compréhension plus contextualisé que face à un phénomène de vérification. Aujourd’hui, on va plutôt vers une meilleure compréhension de ce qu’est la pensée complexe au sens d’Edgar Morin et l’histoire participe à ce mouvement dans le sens où « com-prendre » un phénomène, c’est partir d’une multitude de points de vue. Mais là où l’histoire nous aide encore est qu’elle nous permet de saisir que nous comprenons un phénomène au regard de ce que nous saisissons sur notre époque contemporaine. Elle nous place dans une forme de relativité qui montre que le savoir à une époque peut être remis en cause à une autre. Cette relativité nous re-questionne sur notre savoir : en sommes-nous proches ou non ?

 

L’histoire vous permettrait alors d’émettre des hypothèses nouvelles ?

C’est sans doute un double mouvement. Quand on s’interroge sur des problématiques historiques, on se questionne également sur le présent ; et quand on se questionne sur le présent, on réinterroge également des problématiques historiques. Quand on va chercher dans l’histoire des moments ou des sujets qui peuvent éclairer des recherches sur un objet du présent, on n’est jamais sûr de ce que l’on va rencontrer. Ce n’est pas une démarche pour vérifier ; mais plutôt pour interroger. On n’est pas guidé par la certitude mais plutôt par le questionnement. Les sciences de l’information et de la communication ne sont pas uniquement penchées sur des objets contemporains. Elles peuvent très bien interroger le Moyen Age ou la préhistoire par exemple. Quand on interroge les communications à Rome, on peut très bien le faire du point de vue de l’histoire ou des sciences de l’information et de la communication. A ce propos, il est important aujourd’hui d’inculquer aux jeunes chercheurs en sciences de l’information et de la communication l’importance d’un regard rétrospectif sur l’histoire des concepts de leur propre discipline et sur l’histoire en général.