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L'avenir du cinéma en salle

Interview de Karine COHEN-SOLAL

Portrait de Karine Cohen-Solal
Chef de projet « serious game et nouveaux usages » à Imaginove.

<< D'un point de vue technologique, tout finit par devenir possible [...] Le modèle économique reste à trouver dans un monde dont les usages évoluent très vite >>.

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Date : 30/09/2009

En quoi consiste Imaginove ?

Imaginove est le pôle de compétitivité ou cluster des filières de l’image en mouvement (jeu vidéo, cinéma audiovisuel, animation et multimédia) en Rhône-Alpes. Il fédère plus de 200 entreprises autour  d’un objectif commun : développer les synergies entre ces filières en favorisant l'anticipation et en stimulant l'innovation des professionnels. 

 

Les nouveaux usages de l’image (nomadisme, dématérialisation, home cinéma…) compromettent-ils l’avenir du cinéma en salle ?

Je ne crois pas. Les multiplexes ont un bel avenir devant eux ! Leur format d’écran et leur équipement « surround » permet d’entourer les spectateurs dans un univers sonore et visuel qu’on ne retrouve pas chez soi. Et puis aller au cinéma, c’est une sortie culturelle et un moment de convivialité !

La problématique se pose surtout pour nos adhérents qui exploitent de petites salles – pas forcément classées art et essai – et qui notent une chute assez nette de leur fréquentation. Quelles solutions mettre en place pour trouver un modèle rentable et pérenne pour eux ?

L’une des pistes est la diversification d’exploitation des salles. Au Québec par exemple, ils ont déjà commencé à retransmettre des opéras. On réfléchit ensemble à la capacité de diffuser des événements, culturels, sportifs, ou autres, pour que la salle devienne un lieu de partage. Cela implique quelques changements de pratiques : si elle doit retransmettre des matchs de foot par exemple, la salle ne doit plus être ce lieu qui impose le silence et le calme !

 

En quoi la diversification des supports de consommation de l’image a-t-elle un impact sur les contenus ?

La façon de concevoir les contenus documentaires évolue déjà avec Internet et la téléphonie mobile.
En effet, le temps d’écoute et la lecture des contenus sur un support mobile est beaucoup plus court que sur un support traditionnel. De ce fait, il faut repenser la façon de découper le montage, et cadrer différemment : un petit écran impose de limiter les paysages et de proposer davantage de gros plans.  

Certains réalisateurs et storyboarders intègrent d’ores et déjà ce double traitement, comme par exemple, pour le grand écran et pour les écrans mobiles. Ils anticipent les deux formats de consommation du public dès la préparation du tournage et tournent des prises de vue qui peuvent être spécifiques à chaque support. A terme, cela génèrera sûrement des économies d’échelle, mais pour l’instant, le modèle économique n’est pas encore trouvé !

A Imaginove, nous allons mettre en place un groupe de réflexion avec nos adhérents qui sont créateurs de contenus pour réfléchir aux répercussions de ces nouveaux usages de consommation sur les contenus à proposer au public.

 

On parle beaucoup de cross média (passage de contenus d’un média à un autre), voire de trans média (conception de contenus pour une pluralité de supports) ; ces expériences sont-elles déjà à l’œuvre au sein des adhérents d’Imaginove ?

Depuis trois ans, Imaginove fait se rencontrer les gens des différentes filières de l’image : animation, jeux vidéo, audiovisuel (dessin animé et live action). L’idée était notamment de les associer pour la partie cinématique des jeux vidéos (les séquences d’images animées qui font la transition entre les phases de jeux).  

Mais une réelle collaboration de co-production entre deux filières de l'image demeure complexe.
Jusqu'à il y a quelques années, les marchés du jeu vidéo, de l'animation et du cinéma étaient clairement dissociés. Ainsi, leur modèle économique et leur source de financement n'étaient pas les mêmes, leur public était distinct. Les nouveaux usages imposent depuis quelques années une remise en question et un rapprochement entre ces différents acteurs.  

Aujourd’hui, ces modèles de cross média s’appliquent très majoritairement sur les très gros budgets : c’était le cas par exemple pour Arthur et les mini-moys produit par Luc Besson. Mais ce n’est pas encore vrai pour les acteurs de taille plus modeste.

De plus, des studios de jeux vidéo multimédia se sont mis à développer des séries de dessins animés au sein de leur propre studio. Mais la réciproque n’est pas vraie… C’est dommage car certains métiers dans l’animation traditionnelle apporteraient beaucoup de réalisme et de poésie aux jeux vidéo.

Imaginove encourage ce rapprochement des filières de l’image, pour l’instant assez étanches les unes aux autres. La crise que traverse actuellement ce secteur favorise les rapprochements et les acteurs de l'image mesurent depuis quelques années l'intérêt de se rencontrer et de réfléchir à des réalisations communes.

Ainsi, nous organisons le 2 novembre un groupe de réflexion autour de « Transmédia » qui réunira des professionnels, toutes filières de l'image confondues. Le 8 octobre dernier, nous avons également réuni une quinzaine d’écoles proposant des cursus autour de l’image en mouvement et une quarantaine d’entreprises de toutes les filières de l’image. A voir la facilité avec laquelle les étudiants et entrepreneurs échangeaient leurs cartes, on se dit qu’il suffit peut-être d’une simple mise en contact pour faire tomber bien des barrières.

 

Pensez-vous que, grâce à l’évolution des technologies à l’œuvre dans les jeux vidéo, le cinéma nous propose un jour « le film dont vous êtes les héros », c’est-à-dire une vraie interactivité avec les spectateurs ?

Je pense qu'à terme, les jeux vidéos vont devenir de vrais films interactifs, avec une qualité d'image semblable à celle que l'on voit dans le cinéma.

Néanmoins, je ne crois pas que l'interactivité remplacera totalement la consommation du cinéma : quand je vais au cinéma, je ne suis pas du tout dans la même disposition d'esprit que face à un jeu vidéo ; j’ai envie de me laisser porter, par une histoire, un univers, une esthétique…

En revanche, d’un point de vue technologique, tout finit par devenir possible. Par exemple,  des tests de projection de jeux vidéo en salle ont été effectués, avec un petit boîtier donné à chaque spectateur lui permettant d’influer sur le contenu par une progression en arborescence et non en linéaire. Le spectateur avait ainsi le choix du final cut du film.

Des prototypes existent, donc les deux mondes vont bien finir par se rejoindre !
La grande problématique, c’est surtout le modèle économique qui reste à trouver dans un monde dont les usages évoluent très vite.

C’est là tout l’intérêt d’Imaginove, d’essayer d’avancer sur les modèles économiques en faisant réfléchir ensemble une diversité d’acteurs économiques.