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L'utilisation du numérique dans le champ éducatif

Interview de Claude BAUDOIN

<< Il ne peut y avoir de connaissances sans reconnaissance des personnes. On ne pense qu'au travers de sa langue, de sa culture et de son histoire >>.

Interview de Claude Baudoin, directeur du Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP) et conseiller pour les technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement (CTICE).

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Date : 30/06/2008

Tout d'abord, pouvez-vous nous rappeler les missions du CRDP ?
Le CRDP est un établissement public qui appartient au réseau national SCÉRÉN pour « Services Culture Éditions Ressources pour l'Éducation Nationale ». Placé sous la tutelle du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le SCÉRÉN regroupe le centre national de documentation pédagogique (CNDP), 31 centres régionaux (comme le CRDP de l'académie de Lyon, regroupant l'Ain, la Loire et le Rhône, et le CRDP de l'académie de Grenoble comprenant l'Ardèche, la Drôme, l'Isère, la Savoie et la Haute-Savoie), et 85 centres départementaux (CDDP) qui font partie des CRDP.Le CRDP de l'académie de Lyon s'adresse à l'ensemble de la communauté éducative. Outre les services administratifs, le CRDP dispose de deux départements : le département « production, édition, commerce » (DEC) qui est dédié à l’édition et à la (co-)production des ressources liées au monde de l'éducation (ressources papiers, audiovisuelles et numériques), à la promotion de ces ressources et à leur commercialisation. Ces ressources couvrent des champs thématiques très vastes. A titre d'exemple, nos trois derniers DVD sont une rencontre avec Michel Butor (l'auteur de « La modification », prix Renaudot 1957) à destination des lycéens, un DVD d'éducation à l'image et au son (« En matière d’animation » dans la collection nationale « Court(s) de cinéma ») s'adressant à des écoliers et des collégiens, et une version restaurée et complète d'un documentaire de Luis Buñuel (« Terre sans pain »), longtemps censuré, qui interroge sur la question de la représentation du réel au cinéma. Ce département est aussi engagé auprès d'autres acteurs institutionnels dans le cadre des "pôles de ressources pour l'éducation artistique et culturelle" (PREAC) autour du cinéma, du théâtre, et du design. Les PREAC donnent un cadre structurant pour organiser des formations, produire des ressources, développer des projets collaboratifs (Education nationale, Culture, collectivités territoriales) à destination de « personnes ressources ». Le département « ressources et technologies » (DRT) est dédié traditionnellement aux ressources documentaires (pédagogiques, culturelles, administratives), mais aussi à la mise en oeuvre des outils pédagogiques liés aux technologies de l’information et de la communication dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation (TICE),  de l’assistance des établissements scolaires à la veille technologique, ainsi que de l'animation et la formation aux usages (documentalistes, éducation à l’image et au son, TICE).

Le socle commun de connaissances mis en place par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'Ecole du 23 avril 2005 indique les sept domaines de compétences à acquérir pendant la scolarité. La maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication en fait partie. Actuellement, les TIC font-elles réellement partie du quotidien des enseignants et des jeunes ? 
Distinguons bien les TIC et les TICE, c'est-à-dire les TIC utilisées dans l'enseignement. La grande majorité des élèves utilisent les TIC, les enseignants également. Les équipements, les connexions haut débit se généralisent. Mais les usages pédagogiques restent encore limités et la France était en retard. En 2005, d'après un rapport de l'OCDE (analyse des politiques d'éducation), la France était en avant-dernière position européenne du point de vue de l'usage des TIC à des fins pédagogiques.  Les deux raisons principalement invoquées étaient le manque d'accompagnement de ce changement et le manque de moyens pour offrir un environnement numérique simple d'usage, sûr, fiable... Pourtant, les TICE ne cessent de se développer et ceci, dans toutes les disciplines. Certaines sont même pionnières en la matière, je pense en particulier aux disciplines professionnelles et technologiques (industrielles, tertiaires, techniques de laboratoires, sciences médico-sociales...) et à l'éducation physique et sportive (ex : usage de la vidéo, logiciels d’évaluation,..). L'enseignement général était plus en retard, mais les sciences, les arts plastiques, l'histoire, la géographie, les langues vivantes utilisent de plus en plus les TICE. Les mathématiques et les lettres ont également investi ces technologies : on peut citer l'association Sésamath qui a pour vocation de mettre à disposition de tous des ressources pédagogiques et des outils professionnels utilisés pour l'enseignement des mathématiques via internet, ou le site de Lettres (http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/lettres) de l’académie de Lyon.

N'y a t'il pas des limites dans l'utilisation des TICE (des matières où cela est impossible, où cela apporte peu de choses en définitive...) ?
Sincèrement je ne vois pas de discipline scolaire ou universitaire qui ne tirerait pas profit des TIC, à des fins de recherche, d’accès aux ressources, de pédagogie, de communication. Les principales limites sont celles des bons usages tels qu’ils sont définis dans le Socle commun des connaissances et des compétences : « une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible, une attitude de responsabilité dans l’utilisation des outils interactifs »..

Si les professeurs comme les jeunes utilisent couramment les TIC à des fins personnelles, pour quelles raisons les usages pédagogiques des TIC ne sont-ils pas davantage développés ? 
Même si les manques de matériel et de support technique, logistique, etc. ont considérablement reculé, ces freins existent encore. Il y a quelques années, l'arrivée de l'audiovisuel dans les établissements scolaires s'est heurtée aux mêmes difficultés : il n'y avait qu'une seule salle équipée d'un téléviseur et d'un magnétoscope, il fallait réserver la salle à l'avance, les cours réalisés avec l'aide d'un support visuel restaient exceptionnels, puis petit à petit, les lecteurs DVD se sont multipliés, les équipements sont devenus moins chers, permettant l'équipement de plusieurs salles de classes et l'usage s'est banalisé et davantage intégré dans le déroulement habituel des séquences de cours. Concernant les TICE, les équipements se développent rapidement dans de nombreux établissements équipés en réseau : salles permettant d’accéder à internet, équipées de vidéo-projecteurs, de tableaux numériques interactifs (TNI ou TBI), classes mobiles avec des ordinateurs portables, laboratoires de langues, visioconférences, etc. Le problème de maintenance est lui-aussi en cours de traitement par les collectivités territoriales. Le CRDP-CTICE, avec la DSI (Division des systèmes d’information) du rectorat, aide à développer les réseaux (administratif et pédagogique) dans les établissements scolaires. Les collectivités ont fait beaucoup d'efforts. Par exemple, pour la mise en réseau au sein des établissements scolaires, le Conseil général du Rhône a testé pendant un an deux solutions sur 12 établissements avant de choisir un logiciel libre porté par le ministère. Cette solution choisie, les services du CRDP-CTICE - où travaillent ensemble ingénieurs, professeurs et techniciens, alliant compétences technologiques et pédagogiques - ont été chargés du transfert de compétences nécessaires. 

Enfin, une autre raison est une reconnaissance non encore pleinement instituée (statut des enseignants) des fonctions assurées par les professeurs lorsqu’ils n’agissent pas devant les élèves. Mis à part ces contraintes techniques, quelles sont les autres barrières à lever pour le développement des TICE ?
Une raison, qu’on ose peu aborder, tant les représentations réductrices sont répandues, vient de l'apparente inversion de niveaux de compétences que les usages de l’internet et de l’informatique ont suscité au sein de la relation professeurs-élèves. Les élèves d'aujourd'hui ont toujours connu les claviers et les écrans (« digital natives ») : leur pratique est souvent plus fluide que celle de leurs professeurs. Pour autant, ils n’ont pas nécessairement une vision d’ensemble des ressources et des usages comparable à celle de leurs professeurs. Face à ce constat, les professeurs peuvent adopter deux postures : soit ils refusent ce nouveau type de rapport professeur-élève et de pédagogie moins « frontale », soit ils reconnaissent et valorisent les savoir faire de leurs élèves dans le cadre d’une relation triangulaire professeurs-élèves-écrans induite par un bon usage des TICE qui décentre la relation pédagogique et donne plus d’importance à la posture d’accompagnement.
Les Espace numériques de travail (ENT) développés par les collectivités territoriales en relation avec le CTICE et la DSI, en conformité avec le schéma directeur ministériel, permettent de développer de nouvelles formes de travail collaboratives, tant pour les élèves que pour les équipes enseignantes et les partenaires de la communauté éducative. Cela correspond à de nouvelles formes de travail, qui déplacent par ailleurs les espaces et les temps « scolaires » habituels ; on conçoit que cette évolution prendra du temps.
D’autre part, le chef d'établissement est le premier responsable pédagogique de son établissement, en compétences partagées avec les corps d’inspection pédagogique. Entouré par le conseil pédagogique, il élabore et met en œuvre la politique d’établissement. Le projet d’établissement, ou d’école, doit inclure, suite à une décision ministérielle récente (consécutive au  Rapport de la mission e-Éduc / mai 2008) « un volet numérique », en sus d’autres volets. Cet effort de mise en cohérence tout à fait nécessaire, est nouveau et complexe. 
Enfin, si la fracture numérique se réduit, l’établissement doit cependant s’assurer qu’aucun élève ne puisse bénéficier des équipements et des connexions lui permettant d’accéder à un ENT ou à d’autres services distants de l’établissement. Cette limite peut constituer un frein à l'usage pédagogique et éducatif des services en ligne. Toutefois des solutions locales existent : prêt de matériels portables, accès à des espaces publics numériques développés par des collectivités et des associations...

Le rôle du professeur doit donc évoluer face à des jeunes qui ont toujours connu ces nouvelles technologies ?
En effet, même si la pratique ordinaire de l'élève est équivalente ou supérieure à celle du professeur, celui-ci sera à même de conseiller, d'accompagner, de guider l'élève à travers une arborescence, une logique de recherche, une qualification de la ressource, des raisonnements différents, une éducation aux choix, et surtout une prise de responsabilité à différentes échelles de citoyenneté. Cette posture est très intéressante en termes de développement de compétences, d'aptitudes, car elle permet des simulations diverses, une démarche expérimentale (ex : expérimentation scientifique ; blogs de classe ; créations cinématographiques ; correspondance européenne avec e-twinning  ; jumelage électronique en ligne, gérés en académie par les CRDP et les délégués académiques aux relations européennes internationales et à la coopération ). Les TICE sont aussi de plus en plus utilisées dans les démarches d’accompagnement scolaire et éducatif dans et en dehors du temps de classe. On limite trop souvent les TICE à un moyen d'accéder à des ressources illimitées en ligne, c'est bien plus que cela !

En permettant d'approcher différentes formes de savoirs, les TICE seraient un moyen d'appréhender la complexité ?
En quelque sorte... Sur internet, l'élève est confronté à toutes sortes d’informations et de savoirs : les savoirs universitaires reconnus, des savoirs collaboratifs de réseaux, les savoirs populaires, les savoirs orientés à des fins commerciales ou partisanes destinés à pénétrer les consciences et/ou les porte-monnaie... Il est important de développer chez les jeunes les aptitudes et les défenses nécessaires pour évoluer dans ce foisonnement, afin qu'ils puissent discerner les catégories de savoirs et d’informations. C'est aussi à nous de montrer que les savoirs sont construits, qu’ils différent et évoluent parfois selon les époques et les contextes culturels, qu’il y a une pluralité de modes d’élaboration et de représentation de ces savoirs. 
Enfin, si l’École est d’abord un lieu de transmission de connaissances, il ne faut pas oublier les capacités et les attitudes (qu'on appelait hier les savoir-faire et savoir-être). On retrouve d'ailleurs ce découpage dans le Socle commun des connaissances : pour chacun des sept domaines de compétences à acquérir, des connaissances, des capacités et des attitudes sont à acquérir au cours de la scolarité obligatoire. Reprenons la compétence 4 «  La maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ». Il y a deux façons de travailler cet objectif : confier cette mission à un unique professeur (ex : technologie) ou faire en sorte que l'ensemble des professeurs s'en empare et l'utilise à l’intérieur des disciplines et des programmes. Bien entendu, la deuxième solution, préconisée institutionnellement, sera bien plus efficace pour apprendre aux élèves un usage sûr et critique des technologies de l'information. De nombreux élèves en ont donné de beaux exemples dans les cadre des TPE (travaux personnels encadrés). Certains enseignants, de toutes disciplines, en sont déjà convaincus et font évoluer les modalités de transmission de leur enseignement. Une révolution pédagogique est en marche.

Quelles sont les prochaines étapes en lien avec les TIC dans le champ éducatif en Rhône-Alpes ?
La généralisation des espaces numériques de travail (ENT) dans les établissements scolaires marquera certainement une nouvelle étape, et de manière connexe, des évolutions telles que les e-books (livres électroniques) ou des manuels numériques en ligne. Dans l'académie de Lyon, on trouve un ENT des collèges pour le Rhône, développé par le Conseil général du Rhône en partenariat avec le rectorat (CRDP-CTICE, DSI) de l'académie, laclasse.com, et un ENT pour les collèges de la Loire, le "cyberbureau". La Région Rhône-Alpes développe un projet d’ENT pour les lycées, en prenant en compte ceux existants dans les collèges, ainsi que les services distants créés par des lycées.. De nombreux établissements ont déjà leur propre site internet, mais il est plus pertinent d'avoir un outil commun à des échelles départementale et régionale pour faciliter la production et la diffusion de ressources par les établissements eux-mêmes, l'échange de bonnes pratiques, etc.
Ceci est tout à fait en accord avec le rapport de la mission e-Éduc. Le développement des ENT devrait déboucher rapidement sur des innovations concrètes telles que l'utilisation de cahiers de texte électronique (pour une meilleure information des familles, pour faciliter le travail des élèves absents, etc.) et l'augmentation des échanges numériques internes à l'établissement avec un objectif concret "zéro papier". 

Quels sont les autres acteurs actifs et prospectifs sur le sujet des TICE dans l'agglomération ? 
Ils sont nombreux : l'Académie de Lyon, l'Institut national de recherche pédagogique (INRP) et son  équipe Eductice, l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), les collectivités territoriales... 
Par exemple, le CRDP-CTICE, le CNDP (Agence nationale des usages TICE), les corps d’inspection pédagogique (IA-IPR et IEN ET-EG), et l'INRP travaillent ensemble sur les « scénarios pédagogiques » utilisant les TIC, inspirés notamment d'expériences canadiennes. Ces rencontres sont l'occasion de confronter les recherches en sciences de l'éducation et les pratiques quotidiennes.
L'accompagnement scolaire se poursuit également dans les écoles de la Ville de Lyon  (ATAC et TIC) avec le CRDP, l’Inspection académique du Rhône, et le CREF pour le versant associatif. 
A noter également le rôle de la chaîne de télévision éducative "Cap Canal" et son site en ligne, dirigés par Philippe Meirieu, ainsi que l’implication de la fondation "Entreprise et réussite scolaire" pour le premier degré (ex : les TICE et les TNI).

Grâce aux TIC(E), les savoirs scolaires sont de plus en plus confrontés aux autres types de savoirs, comment aider les élèves à s'y retrouver ?
D'une part, on ne peut plus raisonner en termes de simple hiérarchie de savoirs. Il s'agit d'ores et déjà de reconnaître les multiples sources de production de savoirs : les savoirs universitaires, les savoirs scolaires, les savoirs populaires, les savoirs éphémères, les savoirs d'autres cultures, etc. Bien sûr tout ne vaut pas tout, mais c'est dans la confrontation des différents types de savoirs que nous parviendrons à des savoirs « construits » ensemble, que l’on s’approprie. L'Ecole est à même de faire passer ce message auprès des jeunes et d’expliciter les fondements des savoirs. C’est peut-être l’un des premiers enjeux de démocratisation des études.
D'autre part, je pense qu'il ne peut y avoir de connaissances sans reconnaissance des personnes. On ne pense qu'au travers de sa langue, de sa culture et de son histoire. Reconnaître les différents modes de pensée et s'y adapter le cas échéant, font de l'Ecole un réel « passeur de savoirs », un traducteur des modes de pensée . Bien sûr, il ne faut pas pour autant figer ou enfermer une personne dans sa culture et son histoire. Il ne s'agit pas uniquement d'un dialogue interculturel, même si cette notion est controversée, il ne s’agit pas seulement de s’initier aux langues et aux langages de populations, mais aussi de prendre en considération les langages et les modes de pensée des disciplines scolaires, universitaires et des univers professionnels. 

Il s'agit donc de reconnaître les personnes, leurs modes de pensée pour faciliter l'apprentissage des différents savoirs scolaires...
Oui, croiser le culturel et l'individuel, l’universalité et l’unicité, permet d'améliorer la compréhension et de casser les représentations stéréotypées. Entrer dans les mathématiques par les jeux, l'informatique ou encore leur histoire,  change radicalement la manière de voir cette discipline. Grâce à différentes approches, les savoirs deviennent de moins en moins abstraits. Certains professeurs ont déjà adopté cette nouvelle posture professionnelle et ne perdent pas pour autant de vue les programmes : ils enrichissent juste leur démarche pédagogique par les savoirs de leurs élèves, d'autres approches, d'autres cultures... Cela ne signifie pas pour autant la fin des spécialistes, des experts disciplinaires, mais cela exige aussi plus de polyvalence, l’objectif d’un nouvel humanisme ou d’un nouvel honnête homme. Certaines entreprises l'ont d'ailleurs bien compris : elles embauchent des experts mais les invitent à développer leurs projets avec des créatifs, des usagers, etc., les incitant à « frotter et limer leur cervelle contre celle d'autrui » pour reprendre la formule de Montaigne. Faire de même dès l'école ne peut qu'aider les jeunes dans leur vie présente et future.

Les savoirs scolaires eux-mêmes doivent donc évoluer...
En effet, notre système a survalorisé la dimension « connaissances » et sous-valorisé les dimensions « capacité » et "attitude", dans la formation initiale comme dans la formation continue (il n'y a qu'à voir les retards en voie d’être comblées dans la reconnaissances des acquis de l'expérience). Il y a une marge de progression énorme dans les domaines des capacités et des attitudes. Celles-ci sont en outre très importantes en milieu professionnel. Bien sûr, il faut éviter de tomber dans l'écueil inverse : cela ne peut se faire dans le mépris des connaissances. Connaissances, capacités et attitudes, pour reprendre les appellations du Socle commun des connaissances, sont interdépendantes.

Dans l'ambition plus large de faire de l'agglomération une "métropole des savoirs", le décloisonnement des disciplines (sciences exactes, sciences humaines, arts...), la démocratisation culturelle et une participation croissante du grand public à la construction des savoirs font partie des défis à relever, quelles déclinaisons imaginez-vous en milieu scolaire ?
Le milieu scolaire, ouvert aux partenariats, mais respectueux des compétences de ses professionnels, peut préparer les jeunes aux dimensions que vous citez, en construisant des passerelles entre les champs disciplinaires afin de stimuler la créativité et en raisonnant en même temps en termes d'acquisition de connaissances, de compétences et d'attitudes (savoirs, savoir-faire, savoir-être). Cette triple dimension revient pour certains à retrouver l'unité du corps et de l'esprit, à (re)trouver une approche globale de la personne, à alerter les jeunes sur les deux écueils inverses à éviter : hiérarchiser de manière figée les savoirs et croire que tous les savoirs sont équivalents.
Enfin, il faut s'attaquer aux représentations, celles des jeunes (qui jugent parfois les savoirs scolaires trop compliqués, inutiles,...), celles des parents (qui expriment parfois des réticences face aux nouveaux apprentissages et/ou aux nouvelles méthodes pédagogiques différentes de celles qu’ils ont vécues comme élèves), et celles des professeurs (déstabilisés par l’évolution des demandes sociales). Ceux-ci ont aussi leur propre histoire qui influe sur leurs représentations d'un territoire, d'une culture, d’un langage, d’un mode de pensée, et donc leurs postures professionnelles.Permettez-moi de terminer par ces propos de Barbara Cassin (extrait de l'ouvrage cité précédemment ), directeur de recherche au CNRS ayant coordonné le "Vocabulaire européen des philosophies" qui, en réponse à une question, acceptait la définition de traducteur comme "passeur de modes de pensée" et ajoutait : "on ne parle et on ne pense bien dans une langue et dans un mode de pensée que si l’on s’aperçoit qu’il y en a d’autres".