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La création du bâtiment de l’hôtel de la communauté urbaine de Lyon

Interview de René GIMBERT

Photographie de l'hôtel de la Communauté urbaine de Lyon à son état actuel
L'Hôtel de la Communauté urbaine de Lyon, actuel Hôtel De Métropole (HDM).

<< L’aspect du bâtiment de l’hôtel de la communauté urbaine de Lyon est protecteur : le citoyen doit se sentir protégé, à l’abri de ce grand parapluie >>.

René Gimbert est architecte-urbaniste. Avec son associé Jacques Vergély, il se passionne dès la fin de ses études pour les métros et leur impact sur l’urbanisme. Il devient architecte-conseil de la SEMALY et participe aux études et à la réalisation des lignes A, B, C et D. Il fonde parallèlement avec son associé l’agence d’architecture et d’urbanisme Gimbert-Vergély qui diversifiera ses projets et construira beaucoup dans la région puis en France.

On leur doit notamment l’Hôtel de Communauté Urbaine de Lyon, de nombreux ensembles tertiaires et d’activités, des locaux d’enseignement et de recherche, des équipements culturels, sportifs, hospitaliers, des restructurations prestigieuses comme la CCIL, le Palais de Juridictions locales ou l’ENSSIB, de nombreuses plateformes logistiques sur tout le territoire national, des équipements hôteliers et enfin plus de 20 000 logements en Rhône-Alpes.

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Date : 11/01/2008

Pouvez-vous nous rappeler le contexte du concours d’architecture, les contraintes imposées par celui-ci ?

Le concours se déroulait  en deux phases. Le premier degré était  libre et donc beaucoup de projets furent  présentés. Le deuxième tour a été plus serré, le jury ayant pour mission de sélectionner six projets. Jeunes architectes, personne ou presque ne nous connaissait ! Nous étions confrontés aux collègues de la place bien installés ! Nous avons été presque les  seuls à proposer un bâtiment qui ne soit pas un immeuble de grande hauteur (IGH). Les autres équipes imaginaient souvent l’hôtel de communauté comme un point haut du quartier de la Part-Dieu. Nous avons pris le contre-pied.

Le grand responsable de l’hôtel de communauté urbaine a été son secrétaire général, Henri Meulet. Il a notamment pris une part importante dans la programmation du lieu. Un bureau d’études spécialisé est intervenu mais Henri Meulet a imprimé sa marque dans la rédaction du programme. Son idée était  de pouvoir disposer au maximum de plateaux paysagers, sur environ 70% de la superficie. Ce choix se justifiait par le  fait que la communauté urbaine venait d’être créée. C’était  un établissement en devenir, qui allait  « se chercher » un moment. L’expérience a montré qu’il avait raison. En effet, de petits changements dans l’organisation des blocs administratifs sont, depuis, couramment opérés, et à  la faveur d’une modification d’organigramme, il est plus facile de remanier un plateau paysager que des bureaux bien cloisonnés. C’est donc la contrainte des bureaux paysagers qui nous a guidé pour définir le bâtiment.

 

La réglementation sur les IGH a eu des conséquences sur votre parti pris architectural ?

Oui car dans un IGH , nous n’aurions pas pu réaliser le hall d’entrée. Dans un IGH, il faut que tout soit cloisonné, compartimenté, de manière à ce qu’un incendie ne se propage pas. Les matériaux sont également plus chers…

 

Votre parti architectural était  donc conditionné par la hauteur ?

Oui. Quand on est à quelques mètres près, c’est intéressant de jouer avec la réglementation…Au point de vue de l’organisation, quand nous concevons ce bâtiment, la résidence du Lac existait – un immeuble de qualité conçu par Jean Zumbrunnen – ainsi que le « M+M ». Ce bâtiment de bureaux illustre d’ailleurs bien les limites de la réglementation : il est classé immeuble de grande hauteur pour quelques mètres seulement ! Sur le site nous disposions donc d’une grande barre et d’un cube. Pour composer avec ceci, il valait mieux faire une « galette », quelque chose d’assez plat. Nous avons fait une maquette pour montrer que les trois volumes fonctionnaient bien ensemble et que l’on pouvait  aisément imaginer une extension.

 

Comment les accès ont-ils été imaginés par rapport aux liaisons piétonnes du quartier de la Part-Dieu ?

Quand nous avons participé au concours, nous étions sceptiques par rapport aux circulations piétonnes sur la dalle à sept mètres du sol, prévues dans le schéma de Charles Delfante. Etant donné que le bâtiment est implanté à l’extrême sud de la Part-Dieu, nous pensions qu’il fallait peut être mieux mettre en relation la dalle avec les trottoirs au niveau du sol de la rue Paul Bert. C’est la raison pour laquelle l’entrée de la communauté urbaine se situe à un niveau intermédiaire pour amorcer le lien. Ce niveau intermédiaire de 3,5 mètres est accessible aux engins de secours. C’est grâce à cette surélévation que nous avons calculé les 28 m de hauteur qui, au-delà, nous faisaient passer dans les normes des immeubles de grande hauteur…

 

La structure du bâti est-elle un guide pour son esthétique ?

Oui. Quatre piliers comprennent les circulations verticales et les services. Ils sont reliés en partie haute par les poutres caissons. A ces poutres caissons, il y a des suspends qui soutiennent les planchers. La rampe permet d’arriver à la plate-forme intermédiaire. Il faut que le public rentre dans l’hôtel de communauté urbaine en arrivant par les circulations piétonnes ou par la rampe sans s’en rendre compte. On peut passer sous le bâtiment. Nous avions même imaginé que les circulations publiques puissent traverser l’hôtel de communauté ! Dans un immeuble traditionnel du secteur privé, on fait toujours - et de plus en plus avec les contrôles d’accès - en sorte de bien marquer la transition entre le domaine public et ce qui relève du privé. Nous avons développé l’idée inverse.

L’hôtel de communauté, c’est la maison de tous, c’est une « super mairie » donc les citoyens peuvent rentrer, passer librement…L’aspect du bâtiment est aussi protecteur : le citoyen doit se sentir protégé, à l’abri de ce grand parapluie. L’ensemble est composé de deux parties bien distinctes : la « galette » comprenant toutes les parties accessibles au public et le bloc administratif, réservé aux agents. Entre la « galette » et le bloc administratif, on voulait ménager de la transparence. Le bloc administratif est un carré de 50 mètres de côté avec des plateaux paysagés de 2500 m². Ils peuvent donc être organisés librement. C’était pratiquement la première fois que l’on faisait des plateaux. Le dernier plancher utilisable est à moins de 28 m. La maîtrise de cette technique nous a permis de remporter plus tard la construction des bureaux de l’entreprise Hewlett Packard à L’Isle d’Abeau où les plateaux atteignent 5000 m².

 

Il paraît que ce bâtiment est parasismique ?

Oui, forcément puisque les planchers sont suspendus aux poutres caissons. L’intérêt des structures suspendues, c’est qu’elles sont hyperstatiques, à l’inverse des solutions isostatiques, portées par dessous. Etant tenu par le haut, le bâtiment réagit comme un pendule en cas de tremblement de terre. Il y a un polygone de sustentation énorme qui résiste à de fortes secousses. Le risque d’effondrement est donc moindre qu’avec des structures portées. La façade est entièrement suspendue par des câbles depuis le haut des quatre piles. Les travaux étaient assez spectaculaires, les quatre piles et les caissons en partie haute sont érigés dans une première phase puis les planchers métalliques sont ensuite suspendus.

 

Comment justifiez-vous l’emplacement de la salle du conseil ?

Contrairement à ce que beaucoup d’architectes avaient prévu, nous ne voulions pas laisser apparaître la salle du conseil en façade, à la manière d’un auditorium. La salle du conseil doit être au cœur de l’établissement. Deux poutres à l’entrée soutiennent la dalle avec une trame de 8,5 mètres. La salle du conseil est dessous. Pour supprimer tous les piliers, la structure est entièrement suspendue. La plupart du temps, le conseil se déroule le soir. L’idée est d’avoir une vue plongeante sur la salle des délibérations avec un halo de lumière quand le conseil siège…Un espèce de « périscope » permet de voir la salle du conseil depuis le dessus. Cette salle dispose également d’une entrée d’honneur, indépendante. Le déambulatoire est décoré par une tapisserie d’Aubusson.

 

Comment voyez-vous l’évolution du bâtiment ?

Les plateaux paysagers permettent une grande souplesse dans l’aménagement. Il y a aujourd’hui une promiscuité sur les plateaux plus importante qu’à l’origine. Des plantations ont également disparu. L’inconvénient des plateaux paysagers, c’est qu’on peut les remplir…Les matériaux absorbants installés procurent un grand confort acoustique. L’isolation du bâtiment peut toujours être améliorée. Les vitrages étaient très performants à l’époque mais on pourrait faire mieux maintenant comme imaginer des protections solaires extérieures. C’est toujours possible compte tenu de la simplicité de l’ouvrage.

L’une des caractéristiques d’AUREA, notre agence, c’est que mon associé et moi, nous nous sommes toujours appliqués à faire des choses simples. On constate que plus une architecture est compliquée et sophistiquée, plus les matériaux sont pauvres parce qu’à l’intérieur d’un budget donné, si vous en faites trop, il ne reste pas beaucoup d’argent pour la qualité des matériaux. Ce bâtiment est quand même assez simple, carré, orthonormé. Le fait qu’il soit suspendu nous a permis de pas être immeuble de grande hauteur ce qui est important sur le plan des coûts de construction. Cette économie fait que l’on peut mettre en œuvre des matériaux de qualité. L’accessibilité aux handicapés se pose avec le forum à 3,5 mètres. Maintenant que la logique de circulation est revenue au niveau du sol, il faudrait repenser l’accès. Un hall inférieur au niveau du trottoir pourrait être aménagé, relié directement à un autre hall à 3,5 m.Au niveau du concours, il était demandé de rendre possible des extensions.

Nous avions proposé de ne construire qu’une partie du bloc administratif. Comme il est suspendu, il est très facile de ne pas réaliser tous les éléments de plancher. Il suffit de prévoir de faire des réservations pour les extensions futures. Les extensions se réalisaient par le biais de trémies. Mais entre la rédaction programme et la réalisation du bâtiment, il s’est avéré que les besoins couvraient la totalité de la superficie donc le bâtiment a été réalisé dans son intégralité !L’extension du bâtiment est pourtant toujours parfaitement réalisable. Il peut être agrandi à la manière d’un mécano avec des éléments de plancher suspendus. Il en a d’ailleurs été question à une époque. J’avais suggéré des extensions dans le prolongement de la grande barre de logements. Une passerelle au-dessus de la rue du Lac reliait l’hôtel de la communauté urbaine à son extension.