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L’OMS fait de Genève une tribune incontournable des acteurs internationaux de la santé

Interview de Isabelle NUTTAL

<< Il y a aujourd’hui un ensemble de fondations et d'organisations qui sont venues renforcer l’action de l'OMS et de ONUSIDA. Et ce n’est pas anodin si elles s'installent à Genève >>.

Crée en 1948, l’Organisation Mondiale de la Santé est aujourd’hui un des fleurons de la « Genève Internationale ». Acteur majeur dans la production de standards et de normes sanitaires, elle est parvenue progressivement à mettre la santé au centre de l’agenda international. Isabelle Nuttall, responsable principale, Bureau du Directeur général de l'OMS, nous explique dans quelle mesure l’OMS a su s’entourer de partenaires, faisant de Genève une tribune incontournble des acteurs internationaux de la santé.

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Date : 26/09/2007

On s’aperçoit que la santé occupe aujourd’hui une place importante dans les débats internationaux sur le développement. L’OMS y est certainement pour quelque chose…

L’OMS s’est beaucoup battue en effet pour que la santé fasse partie des priorités de l’agenda politique et que cela ne soit pas juste une question concernant les médecins. On se rappelle de la Session extraordinaire qui a été consacrée au SIDA à l’Assemblée Générale des Nations Unies à New-York en 2001. C’était vraiment la première fois que, grâce à l’impulsion de l’OMS, un thème de santé était discuté à l’Assemblée Générale. Le monde a compris aujourd’hui que la santé est un facteur clé pour faire reculer la pauvreté. 

 

En quoi le regard sur l’OMS a-t-il changé depuis lors ? Et est-ce que cela a impacté l’image de Genève ?

L'OMS a toujours eu un rôle central dans l'amélioration de l'état de santé des populations. Nos 193 Etats membres attendent de l'OMS l'élaboration de politiques de santé publique, et des recommandations sur diverses questions qui peuvent aller de la vaccination à la santé maternelle, à la réponse aux épidémies et aux maladies infectieuses. Ces dernières années, l'OMS a gagné en visibilité, en tout cas auprès du grand public.  En effet, nous avons tous en tête l’épidémie de SRAS et le rôle central qu’a joué l’OMS sur le plan de la coordination internationale, et plus récemment la gestion de la grippe aviaire et les risques d'une pandémie de grippe. En ce qui concerne également la recrudescence des maladies chroniques, la lutte contre le tabagisme par exemple, l'OMS est très active. De ce point de vue, Genève a une position privilégiée dans le sens où elle est en lien direct avec une organisation internationale qui est la référence dans le domaine des standards, des normes et du conseil aux institutions nationales de santé. Les acteurs genevois ont, du fait de cette proximité géographique, le privilège d’accéder plus directement à ces informations et le contact est plus direct avec les experts de l'OMS. C'est vers Genève que des centaines de délégués et d'experts convergent chaque fois qu'il y a une Assemblée de l'OMS ou des réunions importantes sur la santé publique. A chaque fois que nous avons des délégués venus du monde entier qui arrivent à l’OMS, cela remet la santé au cœur des débats à Genève.

 

Concrètement l’OMS a-t-elle un effet d’entraînement auprès d’acteurs locaux ?

Il y a aujourd’hui un ensemble de fondations et d'organisations qui sont venues renforcer l’action de l'OMS et de ONUSIDA comme acteurs principaux de la santé. Et ce n’est pas anodin si elles s'installent à Genève. Je pense notamment au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (Global Fund) ou à l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination connue sous le nom de GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization). Ces fondations bénéficient de façon évidente d’une masse critique d'informations par la présence à Genève de nombreux acteurs d’envergure internationale. Pour se faire voir et se faire entendre, mieux vaut s’installer à Genève. En outre, l’OMS dispose d’un mécanisme d’accréditation des fondations et d'ONG qui peuvent assister aux  réunions et contribuer aux débats.

 

Concrètement, comment l’action du fonds global s’articule-t-elle avec l’OMS ou ONUSIDA ?

Le Fonds global a été créé pour financer les trois maladies tueuses que sont la tuberculose, le paludisme et le sida. Son action consiste à mobiliser de l’argent et le mettre à disposition des Etats membres qui en font la demande. Il y a un mécanisme tripartite qui se met en place où la partie technique revient à l’OMS et ONUSIDA. La partie financière est du ressort du Fonds global et la mise en œuvre à l’Etat. L’OMS en revanche n’est pas là pour donner de l’argent aux Etats, elle est là pour apporter une expertise technique indispensable.  L’argent vient d’ailleurs  du Fonds global ou de la Banque Mondiale ou d'autres bailleurs de fonds.

 

L’OMS a donc un ensemble de partenaires à Genève ?

L’OMS ne peut pas faire tout toute seule et agit comme un catalyseur et coordinateur. Elle s’entoure de collaborateurs et de différents partenaires. Ceci étant dit, l’OMS n’est que le porte-parole de ce que ses Etats membres veulent faire. Son mandat est mettre en application les résolutions qui ont été votées par les Etats membres. Nous travaillons avec des agences des Nations Unies telles que l'UNICEF, le PAM, le FNUAP, OCHA, l'Agence de l'ONU pour les Réfugiés, les Droits de l'Homme. Des partenaires tels que MSF, des fondations, des académies, des centres de recherches et des universités. C'est très varié et cela constitue une masse non négligeable d'expertise, de connaissances et de réseaux. 

 

Quels sont les rapports de l’OMS avec l’industrie pharmaceutique ?

Le rôle de l’OMS est de mettre en avant ce qui est nécessaire et ce dont les populations doivent disposer pour pouvoir être en bonne santé. Il y a plusieurs cas de collaboration de l'OMS avec les  industries du médicament. Si l’on prend le cas du vaccin contre la grippe saisonnière, deux fois par an, l'OMS réunit ses experts et les producteurs de vaccins pour décider de la composition du vaccin pour l'année suivante qui sera fabriqué et utilisé par des millions de personnes de l'hémisphère sud et nord. Par ailleurs, par l'intermédiaire de l'OMS, certains fabricants font des donations (en médicaments ou en cash) à des pays pour lutter contre certaines maladies telles que la maladie du sommeil. Et puis, l'OMS, par ses actions de plaidoyer et de négociations, travaille à faire baisser les prix des médicaments pour qu'ils soient accessibles aux populations vulnérables et pauvres. Nous incitons aussi les industriels à ne pas oublier la R&D sur de nouvelles molécules pour des maladies qui frappent de façon disproportionnée les pays pauvres. C'est le rôle de l'OMS de mettre ces questions de santé publique au centre du débat et de se battre pour que les maladies qui tuent des millions de personnes en Afrique ou ailleurs bénéficient de la recherche avancée. Il y a aussi des maladies pour lesquelles les traitements existants ne sont plus efficaces parce qu'ils ont développé des résistances (comme pour la tuberculose et le VIH) d’où la nécessité de mettre en place des médicaments de deuxième et même de troisième génération. Nous avons des échanges permanents avec l'industrie. Dans cette relation, l’OMS joue aussi un rôle d’alerte par rapport à des maladies qui ne sont pas suffisamment prises en compte par l’industrie. On les stimule aussi pour faire de la R&D sur des produits qu’ils délaissent, faute de marché…

 

Comment voyez-vous évoluer le rôle du bureau de l’OMS basé à Lyon ?

En juin 2007, le Règlement Sanitaire International (RSI) est entré en vigueur. Le RSI constitue le cadre légal international qui régit un système de veille sanitaire au niveau mondial. Le bureau de Lyon est chargé de renforcer les capacités des pays pour la mise en place du RSI par le biais de conseils pour la veille sanitaire, la mise en place de laboratoires pour détecter et diagnostiquer les maladies qui doivent être notifiées et la formation du personnel dans les pays dans des domaines tels que l'épidémiologie et les techniques de laboratoire. Les maladies ne connaissent pas de frontières et c'est en étant préparé au niveau local et international que l'on peut limiter les dégâts. Le Règlement est un ensemble complet et éprouvé de règles et de procédures qui contribueront à mieux protéger le monde contre les menaces pour la santé. Le Règlement fixe un cadre d’engagement et de responsabilité pour les Etats et l’OMS visant à limiter la propagation internationale des épidémies et des autres urgences de santé publique en perturbant le moins possible les déplacements, les échanges commerciaux et la vie économique. C’est donc une fonction très importante dévolue au bureau de Lyon. 

 

L’OMS a-t-elle redéfini sa ligne stratégique pour les années à venir ?

La nouvelle directrice générale, le Docteur Margaret Chan, a été nommée récemment. Jusqu’à aujourd‘hui, des efforts conséquents ont été faits sur des programmes ciblant des maladies particulières (lutte contre le paludisme, la tuberculose, le sida). Ces efforts doivent continuer mais l’on sait pertinemment maintenant que tous ces programmes ne pourront avoir de résultats que s’ils reposent sur des systèmes de santé qui fonctionnent bien. Dans les pays en  développement, il y a un manque criant de personnel de santé et des faiblesses dans les systèmes de santé. De façon parallèle à la poursuite d’objectifs sur des maladies identifiées comme particulièrement importantes, on va donc faire énormément d’efforts pour avoir des systèmes de santé qui fonctionnent avec des financements adéquats ! Et puis, l’année prochaine, nous fêterons le 60e anniversaire de la naissance de l’OMS ! Ce sera un grand moment  pour faire le bilan de nos actions et voir aussi les défis futurs.