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Le tourisme urbain à Lyon

Interview de Pascal VISINTAINER

<< Aujourd’hui, il ne suffit pas de se doter d’équipements performants, le faire savoir est essentiel. C’est après la construction que tout commence ! >>.

L’agglomération lyonnaise connaît depuis quelques années une véritable métamorphose (grands projets, croissance du tourisme d’affaires, développement de l’événementiel...). Mais pour atteindre le niveau des grandes métropoles européennes, une progression importante s’impose. Celle-ci exige du temps, d’importants moyens financiers et humains et une grande cohérence des actions engagées. Pascal Visintainer est à la tête de la Direction Marketing de Maison de la France. Ce groupement d'intérêt économique traduit la volonté de partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales, les acteurs privés du tourisme et les acteurs économiques. Il est placé sous l'autorité du Ministère délégué au Tourisme. Il assure la promotion de la destination France sur le territoire national et à l'étranger. 

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Date : 03/11/2006

Quelle est l’image de Lyon en France et à l’étranger ?
Pendant très longtemps, l’image touristique de Lyon au niveau international a été très faible, voire inexistante, ce qui peut paraître anormal en raison de sa place de 2ème ville française. Par exemple, Bordeaux est davantage connue même si le nom est plus associé au vin et qu’à la ville elle-même. Lyon était peu connue mais lorsque c’était le cas, l’image d’une ville de passage, embouteillée et industrielle était prépondérante. Depuis une dizaine d’années, des efforts considérables ont été réalisés : le tourisme est tout d’abord mieux considéré, Lyon accueille de plus en plus de salons, de congrès, etc, les compétences lyonnaises en matière de recherche, de biotechnologies sont de plus en plus visibles.
On ne peut pas passer sous silence le classement au patrimoine mondial de l’humanité qui apporte une véritable reconnaissance au patrimoine historique et culturel de la ville ; il convient donc de savoir exploiter au mieux cet atout important
Enfin, les résultats de l’Olympique Lyonnais ont fait aussi beaucoup pour rendre visible Lyon aux yeux du grand public. L’ensemble de ces raisons, et bien d’autres encore, donnent et donneront à Lyon une image plus cohérente, l’image d’une ville plus authentique et ouverte vers l’avenir. Mais cette évolution n’est pas encore suffisante, la preuve est faite lorsque l’on accompagne des journalistes ou des tour-opérateurs à Lyon, ils sont surpris. Certes, ils sont surpris "en bien" mais cela montre bien le déficit d’image. Le phénomène inverse a lieu à Barcelone par exemple. Depuis les Jeux Olympiques de 1992, cette ville bénéficie d’une image positive, forte, dynamique, si bien que les visiteurs sont parfois déçus par les quelques problèmes rencontrés.

Comment peut-on expliquer le retard de Lyon par rapport à d’autres métropoles européennes ?
Le potentiel de Lyon est énorme mais les acteurs manquent de moyens pour l’exploiter et le faire savoir. Par exemple, l’inauguration de l’Amphithéâtre n’a pas eu la résonance qu’elle aurait dû avoir. Un tel équipement justifiait une meilleure couverture presse nationale, un plan de communication international ciblé, etc. Aujourd’hui, il ne "suffit" pas de se doter d’équipements performants, le "faire savoir" est essentiel. C’est après la construction que tout commence ! La Fête des Lumières est un autre exemple : c’est un événement qui pourrait avoir un retentissement européen, voire international. Or, ce n’est pas encore suffisamment le cas.
Concernant le tourisme d’affaires, pendant longtemps, l’hôtellerie a souffert d’un manque de capacité par rapport aux ambitions de la ville. L’offre hôtelière s’est bien améliorée, notamment avec l’ouverture du Hilton et du Concorde, mais il manque un « grand porteur », un hôtel avec un minimum de plusieurs centaines chambres, évitant ainsi aux organisateurs de congrès d’avoir à séparer leurs congressistes dans plusieurs établissements. L’aéroport de Lyon Saint Exupéry progresse mais cela reste insuffisant : les problèmes de liaison avec le centre ville devraient être réglés depuis longtemps.

Les diagnostics pour le tourisme d’affaire et le tourisme d’agrément sont-ils les mêmes ?
Brièvement, on peut dire que les infrastructures nécessaires au tourisme d’agrément existent déjà, il n’y pas de réelle sous capacité. Les efforts doivent se porter sur les services, les produits proposés à la vente, l’image de la ville… Pour le tourisme d’affaires, les concurrents sont forts et progressent vite et il manque des infrastructures à Lyon. Pour l’instant, il faut faire émerger la destination, les moyens doivent donc être importants.

Identifiez-vous d’autres freins pour le développement du tourisme de la métropole lyonnaise ?
Le principal frein en France est que nous avons tendance à adopter une démarche protectrice plutôt que volontariste. Nous tentons de répondre à la demande en construisant des hôtels, en améliorant nos aéroports… mais le décalage est permanent et nous sommes bien souvent en retard par rapport à d’autres métropoles. Une concurrente comme Dubaï développe une stratégie bien différente : elle crée l’offre, le fait savoir au monde entier et c’est l’offre qui crée la demande. Il est possible que même Paris connaisse des difficultés à l’avenir : Paris n’a qu’un seul grand centre des congrès alors que Barcelone en a déjà trois ! Encore une fois, il y a un vrai potentiel à Lyon, c’est le rôle de la collectivité de se fixer des objectifs, de se donner les moyens et de créer la demande.
Un autre mal français à combattre est un problème culturel : la notion de service est sous-estimée, voire dévalorisée. En Asie, c’est le contraire : accueillir les touristes le mieux possible est extrêmement valorisant et valorisé. La qualité des prestations s’en ressent. Les commerçants et les restaurateurs devraient se sentir davantage concernés par la problématique du tourisme. Ce sont les principaux bénéficiaires du tourisme. Certes, des efforts ont été faits mais il reste une marge de progression.
Enfin, internet est incontournable, il modifie la manière de consommer du tourisme comme la manière de communiquer. L’OT du Grand Lyon a fait un gros travail dans ce sens pour s’adapter. Aujourd’hui, un site internet doit informer, séduire, permettre la réservation du voyage, fidéliser la clientèle. Cela signifie actualiser les données, faire vivre, proposer des newsletters, travailler le référencement… Le nouveau site de Maison de la France répond à ces différents objectifs. Trois mois après son lancement, il totalisait déjà 2,5 millions de visites/mois, notre objectif est de doubler cette fréquentation.

Quelles sont, selon vous, les principales métropoles concurrentes de Lyon ? 
Le secteur est extrêmement concurrentiel et une chose est certaine : les qualités intrinsèques d’une ville ne suffisent pas. Elles doivent bien sûr être conservées mais il faut y ajouter un accueil de qualité, une offre hôtelière, un programme événementiel riche… L’évolution de Lyon ces dernières années est visible mais d’autres villes ont aussi considérablement progressé. Prague a réellement un avantage concurrentiel avec un centre historique exceptionnel et des infrastructures totalement rénovées, Barcelone également. Sur le plan national, des villes comme Bordeaux, Marseille, Montpellier et bien sûr Lille ont évolué considérablement et représentent des concurrentes sérieuses. On peut également citer Miami qui propose 30000 chambres, plusieurs centres de congrès, un parc d’attractions, associés à un service de qualité  et un ensoleillement exceptionnel.
Aujourd’hui, le tourisme est devenu un produit de grande consommation. Par conséquent, les touristes ont une approche de consommateurs, ils peuvent comparer un week-end à Prague et un nouveau téléviseur. Les destinations sont concurrentes mais elles connaissent aussi la concurrence des activités de loisirs de proximité, des équipements, etc.

Connaissez-vous en France ou à l’étranger des métropoles dont la stratégie touristique est particulièrement pertinente ? 
L’exemple de Lille est remarquable tant au niveau de l’organisation des acteurs locaux que des résultats. Lille avait une image médiocre, elle bénéficie aujourd’hui d’une image très positive, de ville en mouvement. Lille s’est dotée de moyens humains, financiers et de temps pour arriver à ce niveau là. Leur organisation en amont et après leur candidature aux Jeux Olympiques est exemplaire. Elle repose notamment sur un programme événementiel régulier avec "Lille 2004" puis "Lille 3000". Les organisateurs de "Lille 2004" ont géré l’événement proprement dit, en associant les artistes, les acteurs locaux et les habitants à chaque étape de l’événement. La Ville de Lille a géré la communication et la promotion de l’événement et a ainsi fait progresser considérablement la notoriété de la ville. La collaboration entre la Ville, l’office de tourisme et le Comité régional du tourisme a porté ses fruits.

Comment pourrait-on optimiser le travail des différents acteurs lyonnais, l’OT du Grand Lyon, le CDT, le CRT, etc… ?
Il faudrait tout d’abord définir une stratégie commune à moyen terme, la mettre en œuvre et le faire savoir. Il faut ajouter à cela des moyens humains, financiers (ou une mise en commun de moyens) et se donner un peu de temps. L’OT du Grand Lyon emploie de bons professionnels mais paraît manquer de moyens. Or, pour une meilleure visibilité nationale et internationale, il faut communiquer plus souvent, sans forcément devoir rechercher des partenariats privés, investir en permanence et être réactif. Les progrès se mesurent sur le moyen terme. Le tourisme mobilise des fonds publics et exige donc une exemplarité dans leur utilisation. Le retour sur investissements doit être visible.

Selon vous, quelle est l’échelle territoriale la plus pertinente pour travailler en matière de tourisme urbain ?
Mettons-nous à la place du touriste, celui-ci ignore les frontières administratives. Il me semble évident que l’office de tourisme doit être un office de tourisme communautaire.