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Le projet de Programme Local de l’Habitat (PLH)

Interview de Rachel MIGNARD

<< Il existe localement depuis de nombreuses années un partenariat solide et des acquis dans le domaine de l’habitat >>.

Le Programme local de l'habitat (PLH) est un instrument de prévision et de programmation visant à répondre aux besoins en logements et à favoriser la mixité sociale. S'inscrivant dans le court terme, il a pour objet de répartir de façon équilibrée et diversifiée les logements sur le territoire des communes et entre les quartiers d’une même commune. A ce titre, il participe pleinement à la politique de diversité de l'habitat. Il constitue la procédure la plus structurée pour définir les politiques locales de l’habitat.
Plus précisément, comment  s'est élaboré le dernier PLH  de l'agglomération ? Rencontre avec Rachel Mignard, chef de projet à la mission Habitat du Grand Lyon.

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Date : 26/06/2006

Le projet de Programme Local de l’Habitat (PLH) a été arrêté à l’unanimité par le Conseil de Communauté du Grand Lyon en mars 2006. Vous en avez été l’une des chevilles ouvrières. Comment parvient-on à un accord de fond sur un projet aussi complexe ?

Le PLH n’en est encore qu’à son stade de projet arrêté : le document devrait être approuvé en janvier 2007 par l’ensemble des partenaires et du Conseil de Communauté, après une phase de concertation imposée sur le plan administratif par le Code de la construction et de l’habitation. D’ici là, il nous faut encore l’avis de l’Etat, qui reste garant des grands équilibres en matière d’habitat à l’échelle nationale — même si depuis janvier 2006, dans le cadre des délégations de politiques nationales, c’est le Grand Lyon qui gère les crédits d’aide à la pierre, c’est-à-dire le financement du logement social.

 

Mais la concertation a déjà eu lieu en amont, je suppose ? Le travail a commencé quand ?

Le précédent PLH  d’agglomération avait été approuvé en 1995, et actualisé à deux reprises, en 1998 et 2002. L’élaboration de ce second PLH a commencé en janvier 2004, avec le lancement des premières consultations de bureaux d’études. 
En juin 2004, nous avons présenté le programme d’études et la méthode selon laquelle nous souhaitions travailler, lors d’une plénière de la Conférence d’Agglomération de l’Habitat ( CAH ). La CAH est une instance de concertation politique qui existe depuis 1998. Elle rassemble tous les acteurs locaux de l’habitat et est copilotée par l’Etat et le Grand Lyon. Il s’agissait pour nous de réunir un maximum de partenaires autour de nos travaux. L’habitat est en effet un  domaine d’intervention extrêmement complexe, qui fait intervenir de nombreux acteurs à des niveaux différents : organismes HLM et opérateurs sociaux en général ; acteurs associatifs ( qui interviennent  en termes de gestion, de médiation et d’interface entre les demandeurs et les bailleurs ) ; services de l’Etat ; collectivités locales ( qui sont à la fois financeurs et décideurs : Région, Département, communes, Communauté Urbaine ). Le rôle du Grand Lyon, étant essentiellement celui de « chef de file », l’enjeu était de mener  un travail de coordination des études et d’animation permanente pour dresser un diagnostic partagé, identifier les priorités et les leviers d’action ; le tout en lien avec les autres services du Grand Lyon impliqués en matière de développement urbain (urbanisme, politique de la ville, aménagement…). Nous travaillons depuis longtemps à la mise en cohérence de nos analyses, mais le PLH marque un moment clef dans cette dynamique, notamment parce que nous avons réussi à poser un diagnostic sur les questions d’habitat à l’échelle de l’aire urbaine.

 

Vous avez d’emblée vu plus large que le territoire de la communauté urbaine ?

Oui, il nous paraissait essentiel d’élargir notre vision.  Parce que si nous sommes légitimes en termes d’action à l’échelle des 55 communes, rien ne nous empêche de porter un diagnostic à une échelle plus large — et d’ailleurs les textes nous y incitent. 55 communes, c’est déjà beaucoup, mais insuffisant pour couvrir le véritable bassin de vie que représente l’aire urbaine et c’est un petit territoire par rapport aux enjeux de l’habitat. Nous nous heurtons là à l’une des principales difficultés en termes de concertation, de gestion de conflits, d’arbitrage et de mise en cohérence des politiques publiques : à savoir la nécessité de travailler à des échelles de territoires qui ne sont pas toujours organisées sur le plan institutionnel et politique. En la matière, la dynamique  SCOT(1)  nous aide : nous avons travaillé conjointement avec les équipes du SEPAL(2) . Nos données et nos analyses sont cohérentes, notamment en matière de besoins en logements et de perspectives  de croissance démographiques ; deux aspects fondamentaux du PLH, qui trace en quelque sorte la « feuille de route » de l’ensemble des acteurs de l’habitat pour les sept prochaines années — l’objectif étant de répondre de la façon la plus satisfaisante possible aux besoins en logement des populations fragilisées par l’évolution des marchés immobiliers. C’est l’équation de base, à partir de laquelle nous avons déroulé le fil des analyses, du diagnostic et du programme d’action.

 

Comment traiter ce problème des besoins en logement, dans le contexte particulièrement tendu des marchés immobiliers à l’échelle nationale et locale ?

Le PLH vise à définir une politique locale en la matière, sachant que l’enjeu n’est pas de répondre à tous les besoins en logement, mais en priorité aux besoins des populations en difficulté. Pour ce faire, nous avons travaillé à partir de deux notions, qui constituent les entrées principales du PLH : l’attractivité de l’agglomération — à laquelle il faut contribuer et qu’il faut accompagner en matière d’habitat ; et la question de la solidarité et des équilibres entre les territoires. Nous avons eu des échanges très riches sur ce point avec nos partenaires de la CAH. Il semble exister une contradiction fondamentale entre ces deux termes puisque c’est en partie l’attractivité de l’agglomération qui exacerbe la crise du logement accessible que nous traversons. Cette crise est inédite. L’agglomération a en effet connu pendant de longues années une bonne régulation des besoins par le marché privé : dans un contexte relativement détendu, c’est le marché privé qui a répondu en majorité aux besoins sociaux et intermédiaires. Aujourd’hui, c’est terminé. L’agglomération lyonnaise, tout comme l’ensemble des grandes villes françaises, connaît une accélération sans précédent de la hausse des prix immobiliers. Or il ne peut y avoir d’attractivité durable de la métropole si celle-ci ne réussit pas à conserver une capacité d’accueil dans la diversité, source de richesse et de dynamisme. Ce constat, qui constitue le socle de base du PLH implique une politique solidaire ambitieuse en matière d’habitat.

 

Comment êtes-vous parvenus à faire partager cette analyse à l’ensemble des partenaires concernés ?

Le contexte de crise du logement nous a paradoxalement facilité la tâche, c’est une évidence. Il a permis de « décoincer » tout un tas de questions, et surtout d’aborder la problématique de l’habitat par l’entrée des besoins, dans leur spectre le plus large. Aujourd’hui, tous les ménages ou presque sont confrontés au problème du logement, soit directement, soit dans l’entourage familial ou amical. C’est la même chose chez les élus, et c’est l’effet « positif » des difficultés que l’on connaît : chacun est concerné, et prend conscience de l’enjeu d’une action publique ambitieuse. Le pays est entré depuis cinq ans  dans une crise durable, les besoins liés au vieillissement de la population, à la décohabitation, aux mobilités professionnelles (mobilités qui n’ont jamais été aussi importantes en France et qui vont continuer à s’accroître) vont s’ajouter dans les années à venir aux besoins auxquels on ne répond déjà pas suffisamment aujourd’hui. Les collectivités locales (Grand Lyon et communes) dépensent cinq fois plus qu’il y a cinq ans pour soutenir la production de logement social, qui certes a augmenté, mais pas autant en proportion. Nous avons ainsi été très nombreux à dire que les moyens alloués aujourd’hui à l’habitat au niveau national sont insuffisants ou inadéquats au vu des enjeux et de l’évolution structurelle du contexte. C’est un point de vue partagé localement, et cela est dit clairement dans le PLH, qui est un document politique, fruit des contributions de nos partenaires, des observations exprimées au cours des ateliers et rencontres que nous avons organisés, y compris entre les maires. Ainsi, au-delà des aspects normatifs imposés par la loi SRU (l’obligation pour les communes d’atteindre 20 % de logements sociaux dans leur parc de résidences principales), nos partenaires se sont très vite entendus sur le fait qu’il fallait incontestablement plus de logements sociaux pour répondre aux besoins mis en évidence.

 

À quoi tient ce consensus à votre avis ?

Sans doute au fait que, malgré la taille de l’agglomération, il existe localement depuis de nombreuses années un partenariat solide et des acquis dans le domaine de l’habitat. Les acteurs se sont construit progressivement une vision commune des choses. Cela se traduit par une « culture habitat », l’acceptation d’échanges contradictoires, une connaissance assez fine chez certains élus des enjeux de l’habitat. Cela m’a frappée lorsque je suis arrivée à Lyon, en 2003, après un premier poste à l’extérieur de l’agglomération. 

 

Mais sur quoi repose ce partenariat ?  Quels en sont selon vous les facteurs explicatifs ? 

Il existe à Lyon une tradition humaniste, qui s’illustre entre autres par une présence associative active, militante, ancrée dans des milieux sociaux et politiques différents (laïcs, chrétiens, etc…). Le réseau Habitat & Humanisme, l’association Notre Dame des Sans-Abris, l’ALPIL (Association Lyonnaise pour l’Insertion par le Logement), Forum réfugiés, l’Association Villeurbannaise pour le Droit au Logement (AVDL), le mouvement Pact Arim, etc… Ce milieu associatif est animé par des personnalités fortes comme Bernard Devert, André Gachet, Olivier Brachet… Il est composé de militants impliqués dans le débat local, et malgré des difficultés récurrentes de fonctionnement, une indépendance face aux institutions qui n’est pas toujours facile à trouver et à défendre, le réseau associatif parvient à maintenir une réelle pression sur les pouvoirs publics.
Les contacts sont réguliers. Cette permanence des échanges, a permis progressivement de construire un socle extrêmement riche qui a alimenté directement le PLH. 
Pour exemple, on peut citer la mobilisation d’acteurs de l’agglomération (des responsables associatifs, des élus, quelques organismes HLM, des militants…) qui, en janvier 2004, ont organisé les Etats Généraux du Logement. Cet événement, qui a coïncidé avec le lancement du PLH, a eu un gros succès. La salle du Conseil de Communauté était pleine, toutes les familles politiques réunies, en présence de l’exécutif du Grand Lyon, du Président Gérard Collomb, des maires d’arrondissements et des communes de l’agglomération, de représentants d’organisations professionnelles… C’est au cours de cette journée de débat qu’a été pour la première fois employé publiquement le terme de « crise du logement », devenu aujourd’hui presque galvaudé. Le débat a été riche, les confrontations réelles sur le dossier du renouvellement urbain et de la démolition de logements sociaux en particulier. L’un des mots d’ordre de la mobilisation était alors un moratoire sur les démolitions, au moment où l’Etat, le Grand Lyon et les communes annonçaient un programme de démolition/reconstruction de 600 logements sociaux par an.  
La journée a eu une incidence directe sur la structuration du PLH : elle nous a permis de médiatiser les objectifs que nous portions et de  donner suite aux attentes exprimées ce jour-là en faveur d’une concertation et d’une collaboration plus fortes sur le thème du renouvellement urbain. L’actualité du PLH était idéale et nous a permis en retour de prolonger les discussions au sein des ateliers que nous avons mis en place en 2004, dont un consacré entièrement au renouvellement urbain. Des jalons ont ainsi été posés, me semble-t-il, pour un renouveau de la concertation et de la participation citoyenne en matière d’habitat. Des points de vue divergents ont pu s’exprimer publiquement. Les  élus du Grand Lyon ont développé leurs arguments en faveur du renouvellement urbain, c'est-à-dire leurs objectifs et les actions destinées à améliorer la vie au quotidien des habitants des quartiers les plus en difficulté de l’agglomération : rééquilibrer les territoires, promouvoir le « vivre ensemble » et faire le point sur l’état d’avancement du renouvellement urbain (nombre de logements démolis, réhabilités dans les quartiers et reconstitués dans l’agglomération, montant en euros investis, nombre de ménages relogés, résultats des enquêtes de satisfaction…). Le déficit d’information et de pédagogie sur des dossiers aussi complexes et sensibles risque d’amplifier la polémique ; se mettre tous, à un moment donné, au même niveau d’information est primordial. De nos échanges est née la « Charte d’agglomération pour les relogements opérationnels », qui garantit aujourd’hui une méthode commune à tous les opérateurs, quels que soient les sites. Elle réaffirme la place centrale donnée aux locataires dans le processus, ainsi que les principes fondamentaux d’équité de traitement pour tous et de transparence. Elle est aujourd’hui annexée au PLH. Dans le même esprit, un observatoire du renouvellement urbain sera mis en place l’année prochaine.

 

Le milieu associatif local parvient donc à influer sur la décision publique ?

À enrichir le projet, on peut le dire comme ça, tout en jouant un rôle indispensable de contre-pouvoir. Dans sa diversité, le mouvement associatif cherche d’ailleurs à s’organiser pour peser davantage : les associations d’insertion par le logement ont créé récemment le Collectif Logement Rhône, une structure que nous appelions de nos vœux, qui va légitimement porter la parole associative à la Conférence d’Agglomération de l’Habitat, et qui, en retour, fait part sur le terrain des questions qui se sont posées en ce lieu… Nous avons besoin de cette représentation associative, qui joue un rôle actif d’interface avec une frange de populations en difficulté et qui porte un regard critique sur l’action des pouvoirs publics. Les associations sont notre ancrage dans la réalité sociale… Et c’est d’autant plus nécessaire pour une institution comme le Grand Lyon, qui à la différence des communes, n’est pas au contact direct des habitants. Cet ancrage dans la réalité, nous l’avons à travers les communes, mais nous l’avons aussi grâce aux associations. Nos rôles sont complémentaires.

 

Quel a été le rôle de l’État dans l’élaboration du PLH ?

Il existe dans cette agglomération un dialogue continu entre les collectivités locales et les services déconcentrés de l’Etat. Cela tient en grande partie à la qualité de nos interlocuteurs locaux. Non seulement ce sont d’excellents professionnels, mais ils sont en poste depuis longtemps. Ils maîtrisent les enjeux de l’agglomération, partagent avec nous le diagnostic et connaissent bien le jeu d’acteurs. Ce sont pour nous des interlocuteurs précieux, et l’on peut dire que le PLH en tant que projet collectif est aussi le fruit de nos discussions à ce  niveau. Les échanges permanents que nous avons ensemble nous permettent d’être en phase, d’agir et de réagir les uns vis-à-vis des autres de façon rapide, et par conséquent d’éviter tout blocage. De même qu’avec les associations, nous avons à la fois besoin de débats contradictoires avec l’Etat, et de faire converger nos actions. Par leur intermédiaire, nous pouvons faire remonter le point de vue de la deuxième agglomération de France au plus haut niveau de l’Etat, faire passer des idées et des messages qui peuvent peser sur certains choix en matière de programmation de financements par exemple. Nous souhaiterions  d’ailleurs que la CAH devienne davantage à terme un lieu de « lobbying territorial ». Les actions que nous mettons en œuvre localement n’agissent pour la plupart qu’à la marge. Leur efficacité peut être décuplée si elles relayent des politiques nationales convergentes, par exemple en matière de fiscalité et de régulation des marchés. Les options prises par l’Etat ces dernières années sont en profond décalage par rapport aux besoins. Il est donc nécessaire que les acteurs locaux maintiennent collectivement la pression sur l’échelon national. 

 

Concrètement, comment s’est déroulé le travail collectif  d’élaboration du PLH ? 

Chaque expertise a été conduite par un bureau d’étude, sous maîtrise d’ouvrage du Grand Lyon, avec un groupe de travail associé que nous avons essayé de composer le plus intelligemment possible par rapport aux thématiques traitées, sachant que les acteurs sont nombreux dans cette agglomération, ce qui fut notre  première difficulté : pour cela nous avions besoin de constituer un « noyau dur » afin d’avancer sur chaque problématique. Puis nous avons ensuite organisé des ateliers thématiques dans le cadre de la CAH, auxquels furent systématiquement invitées toutes les communes ( les élus, maires, les adjoints, nos interlocuteurs techniques... ), le Département, la Région…, tous les partenaires politiques et techniques concernés par le thème. À titre d’exemple, pour le logement étudiant, nous avons travaillé avec le Pôle Universitaire Lyonnais ; pour le logement des personnes défavorisées, nous avions réuni les services de l’Etat impliqués, la DDASS, la DDE, les associations, le Département… Ces ateliers n’ont été organisés qu’une fois le travail de fond avancé, mais pas complètement terminé : il ne s’agissait pas de faire de l’information descendante, il fallait organiser le débat et faire remonter des contributions. Chaque bureau d’étude est venu présenter les principaux éléments de diagnostic et les pistes d’action émergeantes. Ces restitutions étaient suivies de tables rondes avec des témoins ou des acteurs du domaine, qui réagissaient, livraient leurs points de vue, un animateur faisant fonctionner le débat avec la salle. Nous avons ainsi fait participer jusqu’à 100 à 150 personnes dans certains ateliers. 

 

Combien d’ateliers ont fonctionné ainsi ? Sur combien de séances ? 

Nous avons organisé 7 ateliers. L’atelier sur le logement intermédiaire a par exemple permis d’aborder la question de l’accession sociale, un domaine sur lequel la communauté urbaine est très peu intervenue jusqu’à présent. Faut-il ou non s’engager dans cette voie-là ? Comment définir une stratégie d’intervention ? Avoir un débat sur ce point était fondamental. Il était nécessaire que les positions des uns et des autres s’expriment publiquement, en présence de chacun et des communes dans leur ensemble. Un autre atelier a porté sur les besoins en logement et les marchés immobiliers. Nous avions invité les territoires voisins, les interlocuteurs de « l’InterScot » (qui va au delà du SCOT, jusqu’à Villefranche, Bourgoin, le Bugey, Saint-Etienne…), en leur proposant de venir prendre connaissance de nos analyses. Des experts nationaux sont intervenus. L’expérience a suscité beaucoup d’intérêt. Nous souhaitons continuer à travailler en ce sens, mobiliser régulièrement les acteurs du logement en présence les uns des autres. La prise de délégation par la Communauté Urbaine des « aides à la pierre » ( qui étaient auparavant gérées par l’Etat ) a renforcé la responsabilité de chef de file du Grand Lyon. De ce fait, nous nous devons de continuer à proposer un espace permanent de dialogue, d’information, de pédagogie, destiné à l’ensemble de nos partenaires.

 

Des conflits se sont-ils exprimés entre les communes de l’agglomération ?

Oui, bien sûr, d’autant plus que le PLH va loin dans la déclinaison des enjeux communaux. C’était une étape très importante pour nous qui ne sommes qu’un EPCI.  Cela n’aurait pas eu de sens de construire un document stratégique communautaire, sans préciser comment il devait être mis en œuvre concrètement dans les territoires communaux. Il était absolument fondamental que les nuances entre territoires soient identifiées, partagées avec les communes sur la base d’analyses objectives et traduites dans le document. Au-delà du diagnostic et de la synthèse de toutes les expertises qui ont été menées (réalisée par l’agence d’urbanisme, qui a été « l’ensemblière » du diagnostic), le PLH comporte une série de 55 fiches communales, qui sont construites comme des « mini-PLH » — avec à chaque fois un diagnostic, une série de données commentées, la présentation des enjeux du territoire et un programme d’action. L’objectif était que le tout soit lisible, utilisable rapidement et en permanence, en fonction des besoins des uns et des  autres. Ces fiches communales ont été présentées en conférence des maires — un moment clef de la négociation politique et de la construction des enjeux du PLH. Elles ont ensuite fait l’objet d’un dialogue avec chaque commune concernée, avec tous les contacts politiques et techniques nécessaires, jusqu’à la validation finale. Cela a été un moment de pédagogie et de concertation essentiel, au cours duquel se sont exprimés nos points de vue réciproques. Nous avons toujours réussi à dépasser nos divergences, lorsqu’il y en avait, grâce à l’échange et au temps que nous avions décidé de nous donner pour cela.

 

C’est-à-dire, plus précisément… ?

En exprimant nos points de vue avec objectivité. La démarche est avant tout pédagogique. Sur le problème de la densité urbaine par exemple, qui heurte certaines communes, nous n’avons pas « cédé », mais resitué en permanence l’objectif à une échelle inter-communale plus large. Nous avons rappelé quelles étaient les perspectives de croissance démographique de l’agglomération, et ce qu’elles impliquaient en terme de rythme de construction neuve dans certains secteurs du Grand Lyon. Nous avons également rappelé le principe d’  « égalité de traitement » entre les communes présentant des profils urbains et sociaux équivalents. Les priorités d’action devaient rester cohérentes entre elles. Puisque nous avions fait le choix de considérer cette problématique comme objectif un fort dans tous les territoires de l’agglomération, il n’était pas possible de soustraire cet objectif pour certaines communes seulement. L’un des enseignements de cette expérience, c’est que l’objectivité et le dialogue sont payants. En matière de logement social par exemple, ce n’est pas uniquement le respect de la norme de 20% qui nous importe, mais la réponse aux besoins. C’est cet argument qui fonde le rattrapage des déficits constatés dans l’agglomération. Il est aujourd’hui partagé par l’ensemble des communes.

 

Tous les PLH d’agglomération, en France, vont-ils aussi loin dans la déclinaison par communes ?

À ma connaissance pas encore, mais cela devrait se développer. Avec le recul, c’est très intéressant : c’est en effet parce que nous avons adopté cette méthode que le projet de PLH a pu être voté à l’unanimité. Parce que dans les échanges préalables avec les communes, nous renvoyions systématiquement au projet communautaire et aux enjeux d’agglomération. Nous présentions les différences qui existent au sein du territoire communautaire, et par conséquent les actions appropriées sur lesquelles s’engager. En octobre 2005, nous avons réuni tous les maires ; sur les 55 invités, 37 ont participé. Nous étions alors en train de finaliser les fiches communales. Cette étape leur a permis de s’exprimer à nouveau, de dire quelles étaient leurs priorités, mais aussi de bien comprendre quelle était la logique générale du travail.

 

N’y a-t’il pas là une particularité locale : le fait que de tels lieux de débat existent, que le conflit s’y exprime publiquement, et que l’on ait les outils ou le savoir faire pour les traiter ?

Même si la contradiction n’est pas toujours facile à accepter, c’est vrai qu’il y a localement un certain « courage » à ne pas chercher à éviter la confrontation. De toute façon, le conflit finit toujours par s’exprimer à un moment donné ou un autre — pas forcément dans les lieux organisés à cette fin d’ailleurs. Pour les ateliers les plus délicats du PLH, comme celui sur le renouvellement urbain, il ne nous a jamais été demandé de désamorcer le conflit, parce que les objectifs de l’action publique en la matière sont assumés avec conviction par nos élus. Au final, l’exercice du PLH et le fait d’être allé jusqu’au bout de la formalisation d’une stratégie renforce les élus. Mais il est vrai que tout cela n’aurait jamais pu avoir lieu s’il n’y avait pas eu une culture et un partenariat anciens. Nous nous sommes contentés de le faire fructifier et avancer. Le PLH est un point d’orgue dans un processus plus large de concertation et de dialogue. Chacun a fait progresser son propre point de vue, ce qui ne signifie pas que l’on a gommé les aspérités des différents points de vue, d’ailleurs...

 

Si le PLH est un point d’orgue dans cette histoire locale des politiques de l’habitat, il n’est pas un point d’aboutissement, j’imagine ?

Non, il reste beaucoup à faire pour surmonter les difficultés liées à la crise du logement et à l’effet de taille de l’agglomération. Sur certaines actions, nous avons plus de difficultés que d’autres agglomérations à harmoniser et capitaliser. Par exemple nous n’avons pas encore mis en place de fichier unique pour la demande de logement social. On y arrivera, le travail est en cours et les acteurs impliqués sont convaincus de la nécessité d’y parvenir. Mais le chantier n’est pas simple : il existe une trentaine d’organismes HLM, des milliers de logements réservés sur les contingents de l’Etat, des 55 communes, de la Communauté Urbaine, du Conseil Général, des collecteurs 1 %...  
Pour que le Grand Lyon joue effectivement son rôle de chef de file, nous devons continuer à proposer des lieux de discussion à nos partenaires, fournir l’écrin et la méthode pour que la concertation existe de façon permanente. Cet enjeu rejoint celui de l’évaluation en continu de nos actions. C’est l’objectif des prochains mois de la CAH : la proposition d’un programme de travail pour coller au mieux à l’actualité ; aux besoins d’échanges des acteurs de l’habitat et d’ajustement de nos actions dans la recherche d’une meilleure efficacité.

 

(1) SCOT = Schéma de Cohérence Territoriale

(2) SEPAL = Syndicat mixte d’Etudes et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise, qui a compétence pour élaborer, réviser et modifier le Schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il fédère en 2006 72 communes représentant 1,25 million d’habitants.