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La formation médicale continue

Interview de Georges GRANET

<< En fait, rechercher la qualité dans la pratique médicale renvoie à une question de fond : qu’est-ce que la société attend exactement des médecins ? >>.

Georges Granet est président de l’association Les Jeudis de l’Europe et membre de l’Union Régionale des Médecins Libéraux (URML). Nous faisons avec lui un tour d'horizon de la formation médicale continue : la réglementation, les organismes de formation, les différentes formes de formation continue dispensées, les modes de financement, la participation des organismes de santé sociale, son évaluation , les différentes pratiques de régulation.

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Date : 07/07/2004

Pouvez-vous nous présenter le contexte historique et législatif de la formation médicale continue ?

La formation médicale continue est née dans les années 60. Considérée comme une suite de l’activité universitaire, elle est alors dénommée Enseignement Post-Universitaire, EPU. Lancé en parallèle, le mouvement associatif date, quant à lui, de la même période mais connaît son véritable essor entre 1975 et 1985. On commence à parler de Formation Médicale Continue (FMC) vers 1980. En 1996, les ordonnances Juppé créent une obligation de formation pour les professionnels de santé assortie de sanctions en cas de non-exécution. Se heurtant à l’inertie des pouvoirs publics, la mise en œuvre de ces ordonnances n’a jamais eu lieu, principalement pour une question de coût. La loi du 4 mars 2002 renouvelle cette obligation, mais cette fois, sans caractère répressif. La valorisation de la formation médicale continue reste cependant insuffisante : peu ou pas de compensation financière lors des temps de formation, aucune reconnaissance en termes de plan de carrière ou de niveaux d’honoraires… Suivre des sessions de FMC relève donc du choix personnel de chaque praticien en fonction de son éthique professionnelle et de sa volonté de progresser.

 

Qui sont les dispensateurs de formation médicale continue ? Sur quels critères les professionnels de santé choisissent-ils leurs organismes de formation ?

Le médecin généraliste qui souhaite faire de la FMC passe généralement par le secteur associatif, premier producteur d’heures de formation continue. Une étude menée en 1997 montre que sur les 12 500 médecins comptés en Rhône-Alpes, 45 à 50% d’entre eux suivent régulièrement des formations en milieu associatif. L’antenne régionale de l’Union Nationale des Associations de Formation Médicale Continue (UNAFORMEC), premier mouvement en la matière, fédère entre 300 et 350 associations. Taille, nombre d’adhérents, modes et choix des thèmes de formation sont modulables en fonction des priorités et orientations des organisateurs. Le second grand pourvoyeur de FMC reste l’université, prisée des jeunes générations encore attachées au fonctionnement universitaire. Au final, les praticiens généralistes se dirigent vers tel ou tel formateur selon leurs affinités intellectuelles, relationnelles… et leurs implantations géographiques ! Il n’existe pas de lieu centralisateur d’informations sur l’ensemble des organismes de formation existant sur le marché. Pour les spécialistes, la situation est différente : ce sont des sociétés savantes nationales qui organisent des réunions et des congrès la plupart du temps au niveau international. La reconnaissance de ce type de FMC reste difficile à unifier et le financement des participations est très aléatoire. Suivant les professions, il peut y avoir quelques poches d’actions régionales, mais cela reste marginal.

 

Outre la FMC, quels choix s’offrent à un professionnel de santé qui souhaite actualiser ses connaissances ?

L’e-learning et la presse médicale sont des outils facilement accessibles, qui peuvent se révéler particulièrement utiles pour les professionnels isolés géographiquement. La fiabilité des formations universitaires par internet s’est améliorée grâce à la généralisation de comités scientifiques qui contrôlent l’information. Dans l’ensemble, l’e-learning reste cependant très « chronophage » pour les libéraux qui travaillent déjà en moyenne 12h par jour… La presse médicale, quant à elle, est de qualité variable : la teneur scientifique des propos de certaines publications reste à vérifier ! En fait, l’autoformation est efficace à partir d’un certain niveau d’acquis, sinon, la question de la validation et surtout de l’intégration des connaissances dans la pratique professionnelle se pose. C’est pour cette raison que de plus en plus de praticiens s’engagent dans des plans de formation.

 

Quels sont les modes de financement de la FMC ?

L’industrie pharmaceutique est la principale source de financement de la formation médicale continue. Attention à ne pas confondre « information » de l’industrie pharmaceutique avec « soutien » de l’industrie pharmaceutique ! Lorsqu’une entreprise fait de l’information en organisant, par exemple, un symposium, elle choisit les intervenants et les sujets de communications. Elle présente son matériel ou ses produits : l’information n’est pas toujours validée scientifiquement. Par contre, lorsqu’une structure de FMC fait appel au soutien d’une entreprise pharmaceutique, le cahier des charges est très précis : l’organisme de FMC conserve toute sa liberté dans le choix des intervenants et des sujets. Les éventuelles communications de l’industriel sont hors temps de parole scientifique et dans le cadre d’une exposition parallèle. En France, environ 70% des événements de formation médicale continue sont financées par l’industrie pharmaceutique. Aux USA, c’est presque 100% !

 

Quel type de participation proposent les organismes de santé sociale pour la formation médicale continue ?

La caisse nationale d’assurance maladie et les instances gérant la convention médicale prennent en charge ce qu’on appelle la « formation professionnelle conventionnelle » pour les seuls médecins généralistes. Cela ne représente qu’une faible partie de la globalité de la FMC ! Issues de conventions passées entre les syndicats médicaux et les caisses d’assurance maladie, ces instances font annuellement des appels d’offres auxquels répondent les structures de FMC selon un cahier des charges très précis. Les thèmes de ces formations rentrent régulièrement dans des préoccupations de santé publique ou des démarches de rationalisation des soins. Les médecins libéraux généralistes conventionnés qui participent à ces actions de formation sont indemnisés pour perte de ressources par les caisses de sécurité sociale. En 2003, 25% des médecins généralistes ont suivi des formations de ce type… Le législateur met actuellement en place les structures paritaires professionnelles qui organiseront dans les années à venir l’exercice de la formation médicale continue : les Conseils Nationaux de FMC qui seront relayés dans les régions par les Conseils Régionaux de FMC. Aujourd’hui, l’objectif de la FMC est d’augmenter la qualité des soins, ce qui, à moyen terme, est générateur d’économies de santé. Le point faible de ce système est sa relation directe avec la convention médicale dont l’existence de vie est souvent courte…

 

Existe-t-il un système d’évaluation de la FMC ?

La plupart des actions de FMC sont évaluées au minimum par des tests de satisfaction des participants et si possible par un audit… Pour l’instant, il n’existe pas d’organisme spécifiquement chargé de l’évaluation de la FMC. L’impact de la formation continue sur la pratique médicale reste difficile à apprécier, l’un des biais les plus fréquemment observé étant que les médecins tendent à choisir des formations sur des sujets sur lesquels ils sont déjà relativement performants… Les référentiels de certifications sont peu utilisés pour les formations médicales continues. Par contre, des labellisations de formateurs apparaissent : l’investissement bénévole des jeunes générations diminuant sensiblement, d’autres solutions vont devoir être inventées pour assurer la relève de la FMC associative… La labellisation de formateurs auxquels vont pouvoir faire appel les structures de formation en est une !

 

Existe-t-il d’autres pratiques de régulation du système de FMC ?

Oui, l’engagement des professionnels de santé dans une démarche de qualité, aussi bien en termes de pratique médicale que de formation continue. En région Rhône-Alpes, toutes les associations de FMC fédérées par l’UNAFORMEC adhérent à une Charte de Qualité. Une autre initiative est à mettre en parallèle : l’Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP), financée par les Unions Professionnelles Régionales. Cet audit volontaire d’un praticien par ses pairs permet la mise en évidence de ses points forts et de ses points faibles dans sa pratique médicale. Cela équivaut pratiquement à l’établissement d’un plan de formation individualisé ! En fait, rechercher la qualité dans la pratique médicale renvoie à une question de fond : qu’est-ce que la société attend exactement des médecins ? Avec une charge de travail en augmentation et un alourdissement administratif croissant, comment attendre des médecins qu’ils prennent le temps de réfléchir à leur pratique et de se former convenablement ? Une meilleure définition de l’activité médicale est nécessaire, non pas par décision descendante, mais par concertation transversale entre professionnels de santé, pouvoirs publics et associations de patients, le tout en s’appuyant sur des référentiels adaptés du type ANAES. Pour accorder toute sa place à la formation médicale continue, il faut se donner les moyens d’une véritable valorisation du médecin dit « vertueux » : plan de carrière, crédit d’impôt, financement individualisé de la formation…