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Biotechnologies : positionnement international et son impact sur le territoire métropolitain

Interview de Philippe GRAND

<< BioSquare est la première manifestation mondiale en termes de "partnering event" >>.

Créée avec le soutien de la Commission européenne en 1999 dans le sillage de BioVision, Forum Mondial des Sciences du Vivant, BioSquare est une convention d’affaire annuelle qui se tient alternativement à Lyon (durant BioVision les années impaires) et à Bâle ou Zurich (les années paires). Elle attire chaque fois les principaux acteurs mondiaux des « biotechs ». 

Pour appréhender son positionnement international et son impact sur le territoire métropolitain, nous avons interrogé Philippe Grand d’Ernst & Young, qui a participé à sa création en 1998 et suit sa progression depuis son origine.

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Date : 03/12/2004

Quelle est la place de BioSquare parmi les conventions d’affaires internationales dans le domaine des biotechnologies ?

Il existe au moins deux critères pour évaluer la place de BioSquare. Le premier est celui du nombre de participants. En considérant les entreprises de biotechnologies et pharmaceutiques (et hormis les agences de développement et prestataires), BioSquare avec 1100 participants, dont 500 biotechs et 150 délégués des grandes groupes, représente une véritable prouesse après seulement cinq ans d’existence. Elle se situe donc au moins dans les trois premières manifestations mondiales dédiées au secteur des biotechnologies.
Derrière ces événements, on trouve en Europe une dizaine de conventions biotechs à caractère international, dont le carrefour des Biotechnologies en France ou BioEurope en Allemagne.
Le second critère est celui des rencontres en tête-à-tête (ou « meeting one to one »), « biotech to biotech », « biotech to pharma » et « biotech to finance ». Elles permettent aux entrepreneurs de biotechs d’entrer en contact en ligne avec les développeurs des grands groupes et des investisseurs en amont de l’événement. En 2004, BioSquare a enregistré plus de 3500 rencontres de ce type (hormis les rencontres opportunes sur place), largement devant BIO* (2200). BioSquare est la première manifestation mondiale en termes de « partnering event ». Ce succès considérable est le fruit d’une orientation stratégique qui révèle aujourd’hui sa pertinence. Nous l’avons proposée à Raymond Barre en 1998, lors de la conception de BioVision/BioSquare, car la présence des « big pharmas » favorisait les contacts entre les sociétés de biotechnologies et de l’industrie pharmaceutique. Le taux élevé de retour des participants à BioSquare d’une année sur l’autre, de l’ordre des deux-tiers, indique par ailleurs que les participants y trouvent leur compte. Le manque actuel d’espace pour organiser les rencontres est une des rançons de ce succès.

 

Dispose-t-on d’éléments concernant le nombre des accords établis à la suite de ces rencontres ?

Non, il n’existe pas de statistique sur ce point. Les sociétés de biotechnologies considèrent ces accords comme confidentiels et ne sont pas prêtes à communiquer facilement. On peut les comprendre.

 

Quel est le tarif d’entrée à BioSquare ?

Entre 1000 et 1500 euros, soit le même niveau de tarif que des manifestations de moindre envergure et un peu moins cher que BIO. Etant donné le nombre de rendez-vous réalisé par les entreprises (9 en moyenne, avec des pointes à plus de 35 rendez-vous sur 2,5 jours), cela peut être considéré comme rentable par les participants.

 

Est-il aujourd’hui possible d’envisager l’impact de BioSquare sur le développement des biotechnologies dans l’agglomération lyonnaise et en Rhône-Alpes ?

Il faut au préalable s’interroger sur les critères pertinents de mesure de l’impact du développement du secteur sur un territoire : quantité d’emplois créés, nombre de sociétés de biotechs en activité, ou encore implantation de sociétés de biotechs étrangères en Rhône- Alpes. Certes, constater que des entreprises de biotechnologies américaines s’installent sur le territoire rhônalpin constitue une belle assurance sur l’attractivité du territoire, comme dans le cas de la reprise de la société Sangstatt. Mais pourquoi viendraient-elles alors qu’elles sont déjà installées dans le Maine ou à San Francisco ? Leur intérêt est éventuellement d’établir des contrats de collaboration avec des entreprises de biotechs localisées dans la région lyonnaise, mais probablement pas de créer un établissement. Pourquoi se délocaliser alors que le partenaire est déjà sur place ? Congénitalement, les accords de collaboration « biotech to biotech » ou « biotech to pharma » génèrent peu de création de sites, d’établissements ou d’activités sur place. Ce constat n’est pas propre à BioSquare.

 

Néanmoins, de tels accords sont susceptibles de susciter des créations d’emplois chez chacun des partenaires ?

Effectivement. Cela m’amène à considérer un deuxième indicateur : l’emploi. On constate que la création d’emplois dans les sociétés de biotechs en Rhône-Alpes croît régulièrement, à un rythme supérieur à la moyenne nationale (un peu plus de 9% l’an). Mais il faut se poser la question du lien de causalité : les entreprises ne se développent pas seulement « à cause » de BioVision/BioSquare. Ces événements ont certes un effet positif d’entraînement, mais d’autres facteurs sont en cause.
Ensuite, le nombre d’emplois n’a pas une grande signification dans le secteur des biotechnologies. Il ne s’agit pas d’entreprises manufacturières à forte densité de main d’oeuvre. Le critère le plus pertinent est celui de la création de valeur. A titre d’exemple, si une entreprise est évaluée à 100 euros et en vaut 200 l’année suivante, la création de valeur s’établira à 100 euros. Ce critère est beaucoup plus pertinent que celui de l’emploi, car une entreprise de biotechs qui « découvre » un nouveau médicament peut se retrouver rapidement milliardaire ! En attendant, elle devra investir considérablement dans la recherche et développement. Mais comment établir la valeur d’une société ? Le critère de la valeur est pertinent, mais il n’est pas aisé de le qualifier d’une entreprise à l’autre et d’une année sur l’autre. Cela signifie que l’on ne sait pas répondre de manière rigoureuse à votre question de l’impact de BioSquare sur le développement des biotechnologies dans l’agglomération. Mais de manière qualitative, l’impact de la convention d’affaires sur le plan international est fort.

 

Quelle est la part des entreprises rhônalpines dans BioSquare ?

Elle s’établit à moins de 10%.

 

Doit-on considérer que c’est le signe que l’événement à une dimension internationale ?

Exactement, cela montre que l’événement n’a pas été encore suffisamment apprécié par le local en tant que passerelle vers l’international. BioVision et BioSquare ont en revanche un rayonnement qu’il est plus facile d’évaluer. BioVision et BioSquare attirent au total à Lyon, sur près d’une semaine, plus de 1000 entreprises, dont plus des deux-tiers sont étrangères ; forcément cela finit par consolider la position internationale de Lyon et de Rhône-Alpes. Aucun autre événement en Rhône-Alpes n’est capable d’attirer une telle proportion d’entreprises étrangères. Pollutec vient en deuxième position, mais compte moins d’entreprises étrangères.

 

La convention BioSquare rencontre-t-elle le même succès, quand, une année sur deux, elle se tient en Suisse et n’est plus couplée au forum BioVision ?

Le succès est le même, il n’y a pas de décrochement. On peut même constater une progression constante depuis l’origine. BioSquare a trouvé son rythme de croisière.

 

Les participants de BioVision se rendent-ils aussi à BioSquare et vice et versa ?

Les deux événements sont clairement distingués et relèvent de logiques distinctes. Il existe un public spécifique à BioSquare plus concerné par la concrétisation en service et produits des technologies actuelles. Les deux groupes ne vivent pas sur la même échelle de temps, tout en étant parfaitement complémentaires.
Le « public » de BioVision est d’une manière générale plus tourné vers les grandes questions relatives à la bioéthique et les développements du futur, avec une interaction forte entre science, société et industrie.

* Créé en 1993, le salon BIO International Biotechnology Convention &Exhibition est l'événement le plus important en Amérique du Nord pour lesbiotechnologies. Ce salon a lieu chaque année dans une grande ville des États-Unis ou du Canada (En 2004 à San Francisco). BIO, avec près de 17 000 participants en 2004, confirme sa place de première convention d’affaires du secteur. Ce salon est un événement majeur (60 pays représentés, 31 pavillons nationaux et 25 délégations officielles) et permet de faire le point sur le secteur des biotechnologies (financements, ressources humaines, aspects réglementaires et éthiques...) et de faire entendre les revendications de l'industrie.