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La politique culturelle menée à Lyon et dans l’agglomération

Interview de Manuel DA FONSECA

Point de vue de Manuel Da Fonseca, journaliste responsable du service culturel de l'hebdomadaire "Le Progrès de Lyon", sur la politique culturelle menée à Lyon.

Propos recueillis pour le Cahier Millénaire3, n° 19 (2000), p 75-76.

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Date : 15/03/2000

M. Fonseca, en tant que journaliste et donc en tant qu’observateur, comment voyez-vous la politique culturelle menée à Lyon et dans l’agglomération ?

Il n’y a aucune synergie entre les villes, aucune homogénéité. Chaque ville mène sa propre politique culturelle comme elle l’entend, sa propre programmation, son propre centre culturel. Chacune veut marquer son empreinte au niveau de la culture, car c’est le seul pouvoir qui lui reste, c’est là où elle peut marquer son identité. Il n’y pas une vie culturelle, mais des vies culturelles différentes.

 

Pensez-vous qu’une évolution se dessine ?

Je n’en vois pas, car ce phénomène se double d’une concurrence entre communes. Prenons l’exemple de Bron. Cette ville a un salon du livre depuis plus de dix ans, dont le gros succès a dépassé ses propres frontières et celles de l’agglomération. Mais d’autres villes, comme Lyon, ont
envie de créer elles aussi leur salon du livre. C’est pareil pour la BD : Brignais a créé un festival, et
maintenant il y a des festivals de BD un peu partout …

 

Et en termes de politique de la ville et de cultures émergentes, y a-t-il eu une évolution ?

Il a eu une prise de conscience depuis quelques années. Quelques communes ont mis des structures en place et ont fait venir des artistes. Au milieu des années quatre-vingt, la chorégraphe Maryse Delente s’est installée à Vaulx-en-Velin et a initié des enfants des écoles à la danse. Maguy Marin aussi, s’est installée à Rillieux… Mais tout ceci est resté isolé, au niveau de la municipalité. Pour les cultures émergentes, des choses existent aussi depuis la même époque, depuis les premiers incidents à Vénissieux, par le biais des associations locales. Elles ont permis à certains d’être reconnus. Mais je ne pense pas que ce soit véritablement efficace parce qu’on maintient les « jeunes» dans leur culture, on les empêche inconsciemment d’aller vers des choses culturellement différentes.

 

Que pensez-vous de l’idée d’« équipement structurant », qu’est-ce-que cela représente pour vous ?

L’Opéra, l’Auditorium, la Halle Tony Granier pourraient être des équipements structurants. Ces équipements drainent beaucoup de monde. Ils sont « structurants » parce que ce sont des choses énormes, mais uniquement pour cela. Beaubourg est un véritable équipement structurant au niveau de l’Ile de France et même de la France, parce que toutes les formes de culture s’y retrouvent. Ce qui n’existe pas dans l’agglomération lyonnaise.
Des lieux ont été créés dans l’agglomération qui auraient pu jouer un rôle semblable à celui de Beaubourg, mais ils ne l’ont été qu’en direction de la commune. Je pense à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. C’est une réalisation qui reste villeurbannaise, mais qui aurait pu aller bien au-delà si le débat avait eu lieu dans un cadre plus large que celui de l’équipe municipale, pour en faire une réalisation au service de l’ensemble des habitants de l’agglomération .
En fait, actuellement, le terme « équipement structurant d’agglomération» pour les communes, se résume à « comment financer un équipement ensemble ? »

 

Vous voulez dire que le problème est mal posé ?

Oui. On retrouve les mêmes choses dans toutes les salles de l’agglomération et là, c’est de l’argent fichu en l’air. A Caluire, en ce moment, il y a Laurent Gerra, et dans quelques semaines, il y a aura Laurent Gerra aux Célestins… En fait, c’est au niveau du contenu du projet culturel qu’il faudrait poser le problème. Et si on fait des « équipements structurants », les maires seront toujours tentés de
réaliser leurs propres projets.

 

Vous pensez que c’est une question d’image ?

Oui, l’image, à travers les projets culturels, est très importante pour les maires. Dans les programmes électoraux, on parle peu de la on en parle beaucoup, parce que cela valorise l’image du maire et de la ville. En ce moment, par exemple, il y a un encart dans le journal de Bron sur l’activité culturelle des mois à venir. Ce n’était pas le cas avant…
Au-delà de la notion assez politique d’ « équipement structurant », il ne faut pas oublier qu’une bonne partie de la culture, c’est aussi une culture de proximité. Il est donc normal que les municipalités aient aussi des projets. Certaines personnes n’ont pas envie de se déplacer, d’où l’avantage de petites salles un peu par-tout. Il faut des grands « phares » de la culture qui accueillent des personnalités et qui ont un rôle d’entraînement : par exemple, un grand théâtre autour duquel travaillent des petites troupes… Il faut des salles de proximité où les gens peuvent se rencontrer. Ce sont ces salles qui sont un peu laissées de côté, dans un état parfois lamentable, parce qu’elles sont gérées par des associations qui ont peu de moyens. Des « équipements structurants » au niveau de l’agglomération doivent justement permettre aux communes de dégager des moyens pour ces petites salles.