L’emploi salarié à l’épreuve de trois mutations
Comment nommer les mutations de l’emploi salarié que tous nous percevons ? Pierre-Yves Gomez1 évoque tour à tour trois types de transformations, qui s’accélèrent actuellement et se conjuguent. La séparation entre le travail et le capital tout d’abord. Celle-ci contribue à rendre le travail invisible à ceux qui sont pourtant chargés de le piloter, de l’organiser, de le manager.
La distance croissante entre l’emploi salarié et l’organisation. Celle-ci abrite de moins en moins les salariés : 37% des cadres aux Etats-Unis ne sont plus attachés à une organisation. On sort de l’emploi salarié pour revenir, certes avec des moyens modernes, au travail à la tâche, comme du temps des Canuts…
Enfin, la robotisation de l’intelligence. Le fait de confier de plus en plus de tâches, y compris complexes, à des machines n’est pas neutre : disparitions d’emploi, investissements des machines à amortir, etc.
Anticiper plutôt que subir, voire changer de logique ?
Pierre-Yves Gomez appelle dans un premier temps à raisonner non pas seulement sur l’emploi salarié mais sur le travail en général, car même si des emplois salariés disparaissent, les activités humaines se transforment et perdurent.
Ne pas subir, c’est aussi considérer les aspects positifs des mutations (plus de souplesse, d’indépendance, d’agilité…) et son corollaire qui appelle à la plus grande vigilance : les difficultés des personnes les plus vulnérables à s’y adapter.
Quant à Bernard Gazier2, pour faire face aux mutations, il met en avant l’importance du dialogue social, qui se déploie en partie localement. Le territoire a également des ressources, des leviers à utiliser tels que la transversalité des activités, la proximité -pour répondre aux besoins d’ancrage, de communication, de culture collective…-, les réseaux de compétences et pôles d’activité, et la médiatisation des relations de travail, qui se répand et fait communiquer le travail salarié, le travail indépendant et le travail non marchand.
Le moment est peut-être venu de réfléchir à d’autres logiques de partage du travail à l’échelle territoriale. Investir les « marchés transitionnels du travail » suggère Bernard Gazier, c’est-à-dire aménager de façon systématique et négociée les marges de l’emploi (période de formation ou de congé parental, mi-temps, pré-retraite à temps partiel…) pour en faire des réelles transitions vers l’emploi. Et si, plus largement, adopter une logique d’expérimentation était une des réponses aux mutations du travail ?
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