Depuis quelques années, la gouvernance est devenue un horizon d'action largement partagé par les professionnels de la chose publique, qu'ils soient élus, techniciens, cadres. Par gouvernance, on entend généralement un style de politique publique reposant, non plus comme auparavant sur la primauté de l'élu dans la décision, mais sur la concertation, la mobilisation de la société civile, … Gouvernance rime souvent, du moins dans les représentations dominantes, avec pluralisme politique.
On ne détaillera pas ici sur les conditions politiques, administratives et scientifiques qui expliquent en grande partie l'engouement actuel autour de la gouvernance urbaine (Jouve 2001 ; Le Galès 1995).
On se limitera à rappeler que la mise en œuvre des lois de décentralisation,
l'intégration européenne, la recomposition de l'Etat, une demande de participation plus importante des " habitants/citoyens/usagers ", de même qu'une attention plus forte des sciences sociales à la littérature nord-américaine, constituent autant d'éléments qui favorisent la recherche de nouveaux modes d'action publique pour les décideurs et de nouveaux schémas explicatifs pour les scientifiques.
La gouvernance urbaine en Europe s'est développée sur ce " terreau ".
La prospective territoriale, en tant qu'exercice politique et administratif
pluraliste conduisant à la confrontation de points de vue sur les futurs possibles d'une collectivité locale, constitue en cela un terrain d'observation privilégié pour mettre à jour et analyser ces nouvelles formes d'action publique.
C'est ce que cette contribution veut envisager en se focalisant sur l'agglomération lyonnaise (1.3 million d'habitants), troisième métropole française après Paris et Marseille, où à partir dans la seconde moitié des années 1990 plusieurs exercices de prospective, visant des finalités différentes, ont été menés avec des succès divers. L'objectif est ici de comprendre en quoi la prospective territoriale peut constituer et à quelles conditions une forme aboutie de gouvernance urbaine c'est-à-dire un mode de délibération dans lequel le politique ne se définit pas à travers l'usage de la domination mais davantage par la recherche de la concertation. On sait depuis les travaux d'A. de Toqueville sur la démocratie aux USA (Tocqueville 1842) ou encore ceux plus récents de R. Putnam sur la performance des régions en Italie (Putnam, Leonardi, Nanetti 1993) que l'efficacité des collectivités locales dépend en grande partie du degré de mobilisation de la société civile.
Le cas de Lyon et des travaux de prospective montrent que la question de la structuration de la société civile est centrale et que d'elle dépend à la fois la réussite de ces travaux et l'avènement d'une nouvelle forme d'action publique plus transparente et partagée.