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Marcel Mérieux, l’épopée pasteurienne

Portrait de M. Mérieux

Étude

L’histoire de la dynastie Mérieux fait partie intégrante de l’identité lyonnaise. Marcel Mérieux en est à l’origine.

Des premières découvertes pasteuriennes au démarrage de l’Institut Mérieux, il est le premier à instaurer des passerelles entre médecine vétérinaire et médecine humaine, entre milieu hospitalier et milieu industriel…

Son parcours, moins connu que celui de son fils Charles, est celui d’un génial précurseur.

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Date : 14/12/2007

De la soie à la microbiologie

Issu d’une famille de soyeux lyonnais, Marcel Mérieux fait ses études à l’Ecole de Chimie Industrielle fondée par Jules Raulin, un ami de Pasteur. Sa formation s’achève par un stage chez Carl Fresenius, en Allemagne, pays alors leader en matière d’industrie des colorants, savoir-faire indispensable à la teinte des étoffes. Lors de son retour à Lyon, Jules Raulin recommande à Emile Roux, Institut Pasteur, de le prendre comme assistant. Marcel Mérieux monte à Paris et découvre la microbiologie. C’est l’époque de la révolution pasteurienne : le traitement mis au point pour supprimer les germes responsables de l’altération du vin et du lait est baptisé du nom de son inventeur, Louis Pasteur. En étudiant le choléra des poules, celui-ci découvre que l’injection d’une préparation vieillie du microbe protège les animaux contre l’infection.

En 1885, c’est le célèbre épisode de la vaccination du petit Joseph Meister, sauvé après avoir été mordu par un chien enragé. Les avancées se succèdent à l’Institut Pasteur : le vétérinaire lyonnais Pierre-Victor Galtier prouve qu’il est possible de vacciner après et non avant l’inoculation du virus de la rage, en démontrant que la durée d’incubation du virus est plus longue que le temps nécessaire à l’immunisation active. Emile Roux invente le procédé d’atténuation des cultures rabiques par « vieillissement ». Louis Pasteur préconise également la mise en place de mesures d’hygiène dans les hôpitaux afin de limiter la contamination par des agents infectieux. Ce sont les premiers pas vers les méthodes de stérilisation. Marcel Mérieux s’imprègne de ce climat de découvertes et s’enthousiasme pour les premières expériences de sérothérapie utilisées contre la diphtérie. L’idée de se servir des animaux comme maillon d’une chaîne thérapeutique destinée à soigner les hommes va lui rester. Il fera sien ce grand principe de Pasteur : ne jamais séparer la médecine vétérinaire de la médecine humaine.

 

Zoom sur la contamination virale

Le virus est le plus petit des micro-organismes : sa taille ne représente qu’un dixième de celle d’une bactérie, elle-même large de 2 microns ! Il se compose d’au moins une ou plusieurs molécules d’ADN ou d’ARN (avec ou sans protéines associées) et d’une coque de protéine. Le virus infecte une cellule vivante en modifiant ses caractéristiques avec ses propres gènes. Puis, il emporte parfois avec lui des molécules de la cellule modifiée pour infecter une autre cellule. Il est à distinguer de la bactérie et du parasite. La bactérie est un organisme formé d’une cellule qui n’a pas nécessairement besoin d’une autre cellule pour vivre et se développer. Les parasites sont des animaux ou des végétaux qui vivent dans/sur un autre être vivant dont ils se nourrissent : poux, ténias…

Il existe des dizaines de milliers de virus différents qui infectent les hommes, les animaux, les plantes et même les bactéries ! Le nombre de ceux qui agissent sur l’être humain s’élève à quelques centaines : tous ne sont pas susceptibles de déclencher une maladie. Les virus se transmettent par voie aérienne, par l’eau, les aliments, par contact direct entre personnes, par des insectes ou des objets… Il y a contamination lorsque le virus parvient à pénétrer l’une de nos cellules. Il se colle à la membrane (l’enveloppe de la cellule) puis, soit il y fait un trou, soit il fusionne avec la membrane, soit il se fait gober par la cellule elle-même. Dans tous les cas, il libère ses constituants à l’intérieur. Il se multiplie alors à très grande vitesse dans la première cellule pour aboutir à la production de milliers de virus… Ceux-ci vont à leur tour attaquer les cellules voisines, puis d’autres, en voyageant à l’intérieur de l’organisme.

Notre système de protection comprend une barrière naturelle : la peau et les muqueuses. S’il y a contamination, des réactions immunitaires se mettent en place. Certains globules blancs dévorent le virus. Sa présence dans l’organisme va provoquer la multiplication de ces globules blancs. Et lorsque le virus tente de pénétrer une seconde fois dans le corps, les globules blancs qui lui correspondent sont plus nombreux et l’éliminent. C’est le principe même du vaccin.

 

Des débuts prometteurs

Son apprentissage à l’Institut Pasteur terminé, Marcel Mérieux revient à Lyon. Avec le concours du vétérinaire Henri Carré, il créé un laboratoire sous les combles de l’Hôtel-Dieu. Carré met rapidement fin à l’association afin de poursuivre sa carrière de chercheur. Marcel Mérieux fonde néanmoins l’Institut Biologique Mérieux en 1897. Spécialisé dans la lutte contre la tuberculose, la diphtérie, le tétanos et les fièvres puerpérales à streptocoques, il se distingue en respectant scrupuleusement les conditions d’asepsie requises. Avec son ami René Leriche, Marcel Mérieux organise également les premiers cours de bactériologie à Lyon.

En 1907 , l’héritage de sa mère lui permet d’acheter quelques chevaux à Caluire et de reprendre la sérothérapie : il est parmi les premiers à fabriquer de la tuberculine . Il invente une technique d’avant-garde permettant de dessécher les sérums et de les reconstituer, facilitant ainsi leur conservation. Marcel se rapproche de son frère qui lui propose de transférer le service d’analyses médicales dans son hôtel particulier, rue Bourgelat. En 1911, la qualité et la sécurité des sérums produits sont soulignées dans un rapport élogieux de la Commission des sérums. L’Institut Biologique Mérieux acquiert définitivement une légitimité et une reconnaissance dans le domaine de la santé. Marcel Mérieux obtient l’autorisation de préparer du sérum antitétanique à usage humain… peu avant que la première Guerre Mondiale n’éclate.

 

D’un fléau à l’autre

Incorporé comme chauffeur aux Services de Santé, Marcel Mérieux se trouve dans l’obligation de fermer son laboratoire. La société connaît de grands bouleversements. L’intensité des conflits conduit à de nécessaires adaptations de la médecine : transfusion sanguine, chirurgie d’urgence, antisepsie et transport des blessés font de grandes avancées. En 1917, Marcel Mérieux est réformé… et ruiné par les années de guerre. Grâce à l’héritage de son père, il parvient à acquérir une vingtaine d’hectares de terrain à Marcy l’Etoile pour y installer ses animaux producteurs de sérums. Le laboratoire de la rue Bourgelat rouvre ses portes.

En mars 1918, la grippe espagnole fait son apparition dans un camp militaire américain. L’épidémie se répand dans le monde entier et, en un an et demi, fait 2,5 fois plus de victimes que durant les quatre années de combats : plus de 20 millions de personnes sont emportées. Si les efforts pour juguler la grippe espagnole sont vains, le développement des maladies et les mécanismes physiologiques de défense de l’organisme sont, dans l’ensemble, mieux compris par la science. Et grâce aux efforts de Louis Pasteur, la vaccination prend un nouvel essor.

 

Lancement de l’industrie Mérieux

Au sortir de la guerre, l’une des priorités en santé publique est la lutte contre la tuberculose. Un dépistage systématique est pratiqué en milieu scolaire. La méthode utilisée est la cutiréaction : une microquantité de tuberculine est injectée sous la peau de l’enfant ; si le bacille tuberculeux est présent dans l’organisme, une réaction cutanée inflammatoire se manifeste. Pour être en mesure de répondre à la demande, l’Institut Biologique Mérieux recrute palefreniers, laborantins et conditionneurs… et renforce sa production de tuberculine. En 1921, le fameux BCG  est mis au point contre la tuberculose. Le dépistage obligatoire est maintenu dans les écoles.

En 1926, la région lyonnaise est touchée par la fièvre aphteuse. Agriculteurs et vétérinaires se trouvent rapidement démunis devant l’ampleur de l’épizootie. Marcel Mérieux fonde l’Etablissement Sérothérapique de la Fièvre Aphteuse, seule structure de ce type existant avec l’Institut Allemand de l’île de Riems. La propriété de Marcy l’Etoile est clôturée de barbelés et 12 bovins infectés sont isolés et alimentés par l’extérieur. Le sang prélevé sur ces bêtes sert à la fabrication de sérums anti-aphteux. Quelques 400 litres sont vendus par an, suffisamment pour enrayer l’épizootie locale.  

 

Cap sur le modernisme et la standardisation

En se dotant de chambres étuves, l’Institut abrite bientôt l’une des principales productions mondiales de bacilles de Koch, nécessaires à la fabrication de tuberculine. Marcel Mérieux innove en la cultivant en milieu synthétique. Les sérums fabriqués s’imposent sur le marché français de la médecine humaine (scolaire) et vétérinaire. Devant le succès rencontré, les gouvernements espagnols et argentins autorisent aussi la vente des produits Mérieux sur leur territoire. Les débouchés s’internationalisent. En 1935, 15 000 doses de tuberculine et 450 000 doses de sérums et vaccins vétérinaires sont produits. Avec une quarantaine d’employés répartis sur la chaîne de production, l’Institut Biologique Mérieux fait désormais parti du monde industriel.  

 

Etroite collaboration avec le monde hospitalier

Encore installé à l’Hôtel-Dieu, Marcel Mérieux dispense des cours de bactériologie aux médecins des hôpitaux. Nombreux sont les « patrons » alors intéressés par l’innovation en matière de diagnostic de laboratoire sur les épidémies de l’époque, la tuberculose et la syphilis. Avec le temps, Marcel Mérieux parvient même à faire entendre les théories pasteuriennes dans un milieu jusque-là sceptique. Antonin Poncet, grand chirurgien lyonnais, est le premier à assurer, sur ses conseils, l’asepsie des salles d’opérations. En échange, les médecins hospitaliers donnent des cours de biologie médicale à l’Institut Mérieux. A Lyon, l’intérêt du partage des connaissances entre médecine humaine et médecine vétérinaire est bien intégré.

 

Bibliographie

  • Virus Passion, Charles Mérieux, avec la collaboration de Louise L. Lambrichs, Robert Laffont, 1999
  • Musée des Sciences Biologiques Charles Mérieux. 309 avenue Jean Colomb 69280 Marcy l'Etoile