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Jean DASTÉ (1904-1994)

Étude

La passion de la scène

Jean Dasté, né à Paris le 18 septembre 1904 dans un dépôt de fiacres - voilà un beau symbole pour un homme du spectacle ! -, voit son nom associé de façon identitaire, dans le domaine du théâtre, à celui de St-Étienne.
Date : 01/06/2006

Un grand comédien…

Initié par sa mère à cet art, il fréquente le Châtelet à 13 ans et est formé par son beau-père Jacques Copeau (1879-1949), à partir de 1924, à l’école du Vieux- Colombier. Il s’installe avec lui en Bourgogne où il joue dans « le groupe des Copiaus » jusqu’en 1929, puis joue, dans les années 1930, avec la « Compagnie des Quinze», celle des « Quatre-Saisons » et enfin à « l’Atelier de Barsacq  ». Pendant la guerre, il fonde le théâtre ambulant de « La Saison nouvelle ». Il est alors acteur aussi bien de théâtre que de cinéma. En effet, Jean Renoir le fait débuter en 1932 dans Boudu sauvé des eaux, puis lui donne des rôles secondaires dans Le Crime de M. Lange (1936), La vie est à nous (1936) et La grande illusion (1937), mais c’est Jean Vigo qui lui donne ses meilleurs rôles dans Zéro de conduite (1933) et L’Atalante (1934). A la mort de ce dernier, Dasté devient un peu le dépositaire de sa mémoire filmique auprès de la Nouvelle Vague dont Truffaut et Resnais sont les meilleurs représentants. Dans les années 1960, après deux décennies de théâtre, il renoue avec le cinéma sous la direction de Resnais dans Muriel ou le temps du retour (1963), La guerre est finie (1966), Mon oncle d’Amérique (1980) et L’Amour à mort (1984). Il joue également avec Truffaut dans L’enfant sauvage (1969), L’homme qui aimait les femmes (1977) et La Chambre verte (1978). Il a également un rôle dans Z (1969) de Costas-Gavras, Molière (1978) d’Ariane Mnouchkine, Une semaine de vacances (1980) de Bertrand Tavernier. Ses dernières apparitions à l’écran sont en 1987 dans Le moine et la sorcière de Suzanne Schiffman et en 1989 dans Noce blanche de Jean-Claude Brisseau. En 1993, il reçoit un Molière d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

 

… père d’un théâtre pour tous à St-Etienne…

En 1945, il est appelé à Grenoble où il crée « La Compagnie des comédiens de Grenoble ». Pas soutenu par les édiles locaux, il se rend, en 1947 à St-Étienne, à l’invitation de la municipalité avec laquelle il signe un contrat de longue durée. Il s’installe dans cette ville où il fonde et dirige « Le Centre dramatique de la cité des mineurs », devenu la Comédie de St-Étienne, deuxième Centre national dramatique de France. Avec Jean Dasté, St-Étienne devient le berceau de la décentralisation théâtrale. Cette troupe ne se contente pas de donner des représentations dans son théâtre, mais va vers le public en sillonnant la région stéphanoise. Par cette démarche, Dasté gagne au théâtre un public populaire qui vient y voir jouer du Shakespeare, du Tchékov ou encore du Molière. Le succès est au rendez-vous et amène Dasté et sa troupe à se recentrer sur St-Étienne où ils interprètent des auteurs contemporains, voire politiquement engagés, tels Sartre, Audiberti, Brecht ou Vinaver. Son goût pour l’expression théâtrale le fait s’intéresser au mime, au théâtre Nô japonais ou encore à la tragédie grecque. En 1970, il reçoit le Grand prix national du théâtre et quitte la direction de la Comédie de St-Étienne en juin pour redevenir simple acteur. Jean Dasté a été un des animateurs essentiels des années de reconstruction et de démocratisation culturelle à St-Étienne, en ouvrant le théâtre à des catégories sociales jusque-là peu concernées par cet art. Par sa passion, par ses innovations théâtrales, mais aussi par sa volonté d’associer culture et grand public, il a fidélisé un public. Après plus de 40 films et d’innombrables mises en scène, Jean Dasté meurt à St-Étienne, le 15 octobre 1994.

 

…et modèle d’engagement pour toute une génération

Il est à l’origine d’une nouvelle génération d’hommes de théâtre, à l’image de Roger Planchon et de Marcel Maréchal à Lyon. Pour eux, le théâtre est un moyen d’expression qui permet, au travers d’un texte, d’entrer en contact avec le public. Par sa réussite, Dasté a prouvé que dans une ville dite « ouvrière », il y a la place pour une culture de qualité, à condition que celle-ci prenne en compte les spécificités du public. Ã ce propos, il aimait à dire, « le théâtre n’a pas de mission, il est nécessaire comme l’arbre, il jaillit des profondeurs ». Il est donc normal que la comédie de St-Étienne porte désormais son nom, car Jean Dasté appartient au patrimoine de cette ville. La biographie de Jean Dasté est là également pour témoigner de l’engagement de l’artiste, engagement au quotidien pour mettre l’art à la portée du plus grand nombre, mais aussi pour rappeler que le comédien est aussi citoyen de son temps.

 

Bibliographie :
Danielle Teil et Roger Heyraud, St-Etienne et le Théâtre, Ed .X.Lejeune, 1990.