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Culture et quartiers : entre proximité et mobilité

photo de la fresque du quartier Beauregard, à Montbrison
Fresque sur un immeuble d'habitations du quartier Beauregard, à Montbrison, mise en place en 2019 et à dominante culturelle.© Cité Création et Forez Color // Le Progrès

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Nous vivons actuellement une mutation culturelle importante et rapide qui voit notamment ses sources dans l'accélération du processus d'urbanisation.

L'environnement immédiat du plus grand nombre est avant tout urbain. C'est là que les rencontres, échanges, conflits étant les plus nombreux, les idées se forgent avec plus d'acuité et se dessinent de nouveaux modes de vie et de nouvelles inscriptions de l'individu dans le monde.
Date : 29/12/1999

Dans la ville se profilent plusieurs territoires - matériels, intersticiels, virtuels - au sein desquels le quartier où l'on habite a une place particulière. Le quartier, lieu de vie, est aussi un espace imaginaire et culturel, où les habitants se forgent des valeurs communes par leurs échanges et leurs relations. Le bâti a un rôle important, aussi bien pour la qualité architecturale que dans la répartition équilibrée entre services et résidences. Mais par-delà l'espace fonctionnel, le quartier doit être espace relationnel, et c'est dans la qualité de ces deux espaces, dans leurs interactions, que réside la capacité à s'inscrire dans la cité, dans la vie citoyenne. Et pour la partie la plus pauvre de la population, qui est beaucoup moins mobile, la qualité de ces espaces est encore plus vitale.

Il nous faut donc expérimenter le territoire quartier. L'expérience de ce territoire a souvent une double fonction essentielle : d'une part créer des repères et des réseaux de connivence pour vivre au mieux le quotidien, d'autre part constituer des bases pour une véritable ouverture sur le monde.

Se créer des repères et des réseaux de connivence, c'est tout à la fois se situer au milieu d'un espace bâti - quartier historique, zone pavillonnaire, grand ensemble, espace intermédiaire - et s'inscrire dans un tissu relationnel et convivial. Ce tissu sera d'autant plus riche que la population du quartier sera diversifiée, aussi bien sur le plan social que sur le plan culturel. Et nous voyons se développer de nombreux projets culturels de proximité, où la notion de la rencontre avec l'autre est centrale et déterminante.

Mais par-delà la création d'espaces de convivialité dans des micro-lieux de vie, le quartier peut devenir, notamment pour les jeunes, un véritable terrain d'affirmation des identités et de leur mise en jeu dans le monde. Et c'est le plus souvent au travers des expressions artistiques que se cristallisent les aspirations à se dire et à dire autour de soi, pour explorer de manière active le monde qui nous entoure. Et nous l'observons tous les jours, que ce soit autour des danses urbaines ou des musiques actuelles, des créations visuelles ou des paroles artistiques.

Verticalité, multiculturalité, précarité, vitesse et mouvement, ont, parmi d'autres facteurs, favorisé une certaine urgence à imaginer et affirmer un autre rapport au monde, plus juste et plus vrai, moins uniforme et moins sectaire. C'est dans la proximité que s'apprend le quotidien. Ma rue, mon quartier, ma ville. Mais c'est dans la mobilité que s'écrivent les histoires. Entre ici et là-bas, entre hier et demain. Et se préoccuper de développement urbain, ce n'est pas seulement focaliser sur la proximité, mais c'est aussi envisager cette mobilité, analyser les relations centre et périphéries, territoires et réseaux, espaces physiques et espaces virtuels. C'est dans cette confrontation qu'émerge l'essentiel.

Portée au niveau du territoire, cette réflexion implique une articulation entre quartier et agglomération, entre développement local et travail en réseau.

De plus en plus nous observons la mise en place de projets culturels d'agglomération comme le Défilé de la Biennale de la Danse, l'Art sur la place, ou l'installation du Centre Chorégraphique National de Maguy Marin à Rillieux-la-Pape en lien avec d'autres collectivités locales de l'agglomération lyonnaise. On pourrait citer également d'autres actions dont le fonctionnement en réseau peut donner corps à un projet culturel d'agglomération, comme le développement des médiateurs du livre dans les bibliothèques-médiathèques, ou le développement des structurations autour des musiques actuelles qui sont aujourd'hui une forte préoccupation des partenaires publics.

Il y a dans les multiples propositions se développant dans l'espace urbain, tout à la fois une volonté de vivre au mieux son quotidien et de s'ouvrir à la diversité du monde. Les politiques culturelles publiques doivent savoir se situer entre proximité et mobilité. Il y a une réelle difficulté à mettre en place des projets qui se situent dans cette dynamique. Difficulté à faire travailler ensemble des partenaires d'horizon et de territoires différents. Difficulté de champ d'intervention des structures intercommunales et d'agglomération. Pourtant, et c'est ce à quoi nous incite les Contrats de Ville du prochain Contrat de Plan, - basées sur la question de l'agglomération -, il y a urgence à articuler le développement local à la notion de réseau. Il y a une responsabilité, notamment politique, à prendre en compte cet espace de confrontation et de rencontre entre le quartier et le monde. C'est là que nous dépasserons les simples projets de loisirs ou d'activités pour aller vers des actions développant dialogue, curiosité et sens critique, formant ainsi tout citoyen. C'est dans cet espace que le développement solidaire doit trouver des réponses. C'est bien là que se situent les véritables enjeux de notre devenir.