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Charles-Henry TABAREAU (1790-1866)

Lyon 1er - Place Gabriel Rambaud - Monument aux Grands Hommes de la Martinière - buste de Charles Henri Tabereau
Lyon 1er - Place Gabriel Rambaud - Monument aux Grands Hommes de la Martinière - buste de Charles Henri Tabereau© Gnrc

Étude

Figure emblématique du bon pédagogue, Charles-Henry Tabareau est né à Béziers en 1790 dans une famille établie à Lyon depuis longtemps. Alors pourquoi Béziers, parce qu’appartenant à une famille de « postiers », associés à la Ferme royale de la poste, ses parents sont amenés à se déplacer. Son oncle Jean est directeur de la poste à Lyon et possède un beau domaine, « La Volontaire » sur le plateau de la Duchère, propriété qui plus tard passe dans la famille Gillet et sur laquelle est construit dans les années d’après Seconde Guerre mondiale le lycée de la Martinière-Duchère. Le nom de Tabareau associe à la fois une méthode pédagogique et une institution scolaire, La Martinière.

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Date : 26/11/2007

Le premier directeur de l’école de la Martinière

Il fait ses études au lycée de Lyon et est admis à Polytechnique. A sa sortie, il devient officier du génie, mais ayant participé aux 100 jours, il est demi solde après 1815 et rentre alors à Lyon. Installé place Sathonay, il donne des cours particuliers de chimie. Devenu membre de l’Académie de Lyon en 1823, son ami  Jean-Baptiste Raymond (1765-1837), inventeur du « bleu Raymond » lui fait obtenir un cours de chimie au Conservatoire des Arts. Pensant alors établir une école technique à Lyon en utilisant le legs du major Martin, il se tourne alors, au début de l’année 1826, vers Jean de Lacroix-Laval, nouveau maire de Lyon, qui fait accélérer le recouvrement de l’héritage du major Martin, suspendu par les banques anglaises depuis 1802. Si Tabareau défend le projet, c’est qu’il est chargé, depuis août 1822 dans le cadre d’une commission associant la municipalité et l’Académie, d’établir le mode de recrutement des élèves de la future Ecole des arts et métiers. Le 9 janvier 1826, la municipalité créée une école dite « La Martinière provisoire », dont Tabareau est, à la fois, le directeur provisoire et le  professeur de mathématiques, en attendant que toutes les formalités de l’hoirie soient réglées. Le local est aussi provisoire puisque l’Ecole est logée au palais Saint-Pierre. Cette entente entre le pédagogue Tabareau et l’édile Lacroix-Laval est soutenue par les milieux économiques lyonnais qui réclament plus de techniciens à un système de formation qui produit plutôt des littéraires. Un cours de chimie et un de dessin sont aussi créés. Après la révolution de 1830, le maire Prunelle et le négociant Arlès-Dufour continuent à soutenir Tabareau et son école scientifique élémentaire qui a pour vocation à former un personnel capable de répondre aux besoins de l’industrie lyonnaise en train de se diversifier. Le 29 novembre 1831, l’Ecole est officiellement créée par ordonnance royale et l’ancien cloître des Augustins lui est accordé. Le 2 décembre 1833, l’école municipale de la Martinière quitte le Palais Saint-Pierre pour s’installer dans ses nouveaux locaux. Tabareau abandonne alors son poste de directeur de l’Ecole provisoire et redevient simple professeur, ce qui correspond plus à ses compétences et à ses aspirations pédagogiques nouvelles, exposées dès 1828.

 

La méthode Tabareau

La réputation de Tabareau réside dans sa méthode pédagogique pour l’enseignement des mathématiques. Cette nouvelle méthode repose sur des exercices simultanés, avec des données condensées en quelques lignes, le tout accompagné d’une personnalisation du travail de chaque élève. Pendant que le professeur écrit l’exercice au tableau, les chefs de table ou brigadiers distribuent des ardoises. Chaque démonstration mathématique est fractionnée en une multitude de « tranches », dont la compréhension de chacune est vérifiée par un exercice que les élèves doivent réaliser sur une ardoise. Donc, à la fin d’une tranche, le professeur dicte des exercices différents pour éviter le copiage. Au commandement « ardoises », chaque élève fait ses calculs et écrit son résultat sur son ardoise. Au bout de quelques minutes, le professeur donne un premier coup de baguette et les élèves arrêtent d’écrire. Les brigadiers ramassent les ardoises et les déposent dans des casiers correspondant aux élèves de la classe. Le professeur soumet alors un deuxième exercice, tandis que les brigadiers distribuent de nouvelles ardoises. Pendant que les élèves travaillent au nouvel exercice, le professeur corrige l’exercice précédent. La séance de cours se continue selon cette succession d’enseignement théorique et d’exercice pratique. Les élèves sont ainsi associés à la démarche pédagogique qui a pour ambition de leur faire découvrir le raisonnement scientifique. Cette pédagogie active, qui permet de parler de méthode Tabareau, est illustrée par des maquettes, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Lyon.

 

Une méthode reconnue et diffusée

Tabareau rédige dès 1828 un opuscule où il parle d’Exposition d’une nouvelle méthode expérimentale appliquée à l’enseignement populaire des sciences industrielles, désignée sous le nom de méthode nouvelle. A plus de 70 ans, il rédige, en 1863, son Exposé de la méthode Tabareau, fondée à l’école de la Martinière, pour l’enseignement préparatoire des mathématiques et utilité de son adoption pour les classes élémentaires de l’enseignement secondaire. En 1857, Désiré Girardon, son neveu et professeur à la Martinière et à la faculté des Sciences de Lyon, décide, en accord avec le négociant Arlès-Dufour, de créer une Ecole centrale lyonnaise pour l’Industrie et le commerce qui repend les méthodes de la Martinière, celle de Tabareau pour les mathématiques et celle de l’architecte Louis Dupasquier pour l’enseignement du dessin. Il y a alors complémentarité entre la Martinière, école « polytechnique » élémentaire, et l’Ecole Centrale, une sorte de Martinière supérieure. Tabareau meurt le 15 août 1866 à l’Hôtel-Dieu et est enterré à Loyasse. Peu de temps après sa mort, en mars 1870, la ville de Lyon reconnaissante donne son nom à une place et une rue à la Croix-Rousse.

 

Tabareau est bien un novateur pédagogique, contemporain de l’abbé Noirot qui, lui, innove en matière d’enseignement littéraire et philosophique, en mettant au point une méthode expérimentale pour l’enseignement des sciences industrielles, méthode où l’élève ne fait pas qu’apprendre et subir le cours, mais découvre une démarche et comprend la finalité de la matière enseignée. Dans une ville qui « pense avec les main  », selon la belle formule de Philippe Dujardin, Tabareau est le père de l’enseignement technique de qualité dispensé par la Martinière. Celle-ci a donné à Lyon une grande partie de ses capitaines d’industrie de la fin du 19ème siècle. Sa transformation en lycée l’a certes banalisée, mais ne l’empêche pas de continuer à former des générations d’élèves scientifiques de qualité.

 

Bibliographie :
Roland Saussac, « Institutions à visée professionnelle », dans Guy Avanzini (dir.),  Education et pédagogie à Lyon de l’Antiquité à nos jours, Clerse, 1994.