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Un self made man à la stéphanoise

Interview de Antoine GARCIA

<< Pour recevoir, il faut savoir donner >>.

Par Bernard Cuny - décembre 2007.

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Date : 01/12/2007

Issu de la formation professionnelle continue
Avec son BEP de mécanique générale en poche à 18 ans, Antoine Garcia entre en 1982 dans la société MIJNO à Saint- Etienne, comme des dizaines d’autres jeunes de sa génération. Avec l’aide de son patron, il va reprendre ses études en cours du soir qui le mèneront au Brevet Professionnel, au Bac F1 et enfin à Math Sup via le CNAM pour valider un DUT. « Je suis un pur fruit de la formation continue qui aujourd’hui n’existe plus ou beaucoup moins, à part le CNAM, et c’est dommage, c’est une belle école de la vie. Au niveau des écoles, c’est plus rentable aujourd’hui de monter des formations en apprentissage », explique Antoine Garcia avec un réel regret dans la voix. Pour le jeune patron stéphanois, c’est la période où il a donné beaucoup de lui-même mais reçu aussi beaucoup des autres, au sein de l’entreprise ou des structures de formation. C’est à cette époque que les graines de sa culture d’entreprise ont été semées.

Devenir patron
En juin 2004, Antoine Garcia quittera MIJNO dont il est le responsable commercial et des achats. Il aura gravi tous les étages de l’entreprise. « J’avais fait le tour de l’entreprise et je voulais aller plus loin. C’était peut-être aussi la crise de la quarantaine ? En tout cas, je ne voulais pas changer d’entreprise pour changer, je voulais autre chose. J’étais devenu très indépendant en montant des dossiers d’offre globale et je voulais le faire pour mon propre compte ». C’est là que le réseau des amis de la mécanique a joué : « Dans la mécanique, on se connaît tous. J’ai fait comprendre que je cherchais une entreprise à reprendre. Ensemble, nous avons analysé les offres du marché pour trouver le meilleur site et les meilleurs montages, mais en gardant le secret pour ne pas plomber nos relations. Les réseaux, ça marche dans les deux sens si on tient compte des autres. C’est une forme de respect, même si les règles ne sont pas écrites ». Antoine Garcia jettera son dévolu sur la société VINEIS dont il est aujourd’hui le président.

Parrainage
Le réseau jouera une nouvelle fois pour l’accompagner dans son démarrage. Lauréat de Loire Entreprendre, il bénéficiera d’un prêt d’honneur de 15 000 euros, mais ce n’est pas l’argent qui a intéressé le plus Antoine Garcia : « Loire Entreprendre m’a donné un bon coup de pouce. Ce n’est pas tant pour le prêt d’honneur, même si c’est bon à prendre, c’est plus pour l’accompagnement par un chef d’entreprise. J’ai eu la chance d’être parrainé par Michel Laroche de MOB Outillage pendant deux ans. On dit qu’un chef d’entreprise est seul, mais il faut être apte à communiquer dans les réseaux qui nous entourent  et ne pas avoir peur de parler ».

Les réseaux en question
« Les réseaux, ça n’est pas fait que pour les affaires. Ça permet de connaître mieux les gens qui nous entourent, le milieu dans lequel on vit. Cela étant, pour recevoir, il faut savoir donner ». Pour Antoine Garcia, le ou les réseaux ont une autre dimension à plus long terme que le strict affairisme : « Si quelqu’un rentre dans un réseau pour ne faire que des affaires, ça ne marchera pas. Un réseau c’est plus que cela, c’est retrouver des gens, partager de l’expérience, s’entraider, discuter. Ensuite, bien sûr, ça aide à faire des affaires, mais ce n’est pas le but premier ».
Membre actif du Club d’entreprises du Gier, il mesure l’importance de ces lieux de réunion et d’échange : « J’ai fréquenté le Club Gier avant d’être chef d’entreprise quand j’étais salarié. Je me suis bien entendu avec eux, et là, j’ai rencontré des gens formidables et motivés. Ce sont eux qui m’ont donné l’envie de me mettre à mon compte. Ils m’ont fait partager leur passion pour l’entreprise, ils m’ont donné envie d’entreprendre et de créer ».

Renvoyer la balle
Sans parler de dette à l’égard de ceux qui l’ont aidé pendant sa formation ou pour monter sa propre entreprise, Antoine Garcia veut renvoyer l’ascenseur. C’est le club Gier qui lui a donné cette opportunité en lui offrant la présidence de la commission formation : « la formation, ça me tient à coeur. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à la formation continue et à mon ancien patron qui m’a aidé à me former et qui m’a fait progresser dans l’entreprise. J’ai de la reconnaissance aujourd’hui pour tous ceux qui m’ont aidé à cette époque. C’est donc naturel que je fasse aujourd’hui la même chose pour les jeunes qui arrivent ».

L’image de la mécanique
L’image de l’industrie mécanique s’est dégradée avec le temps. Alors que la réalité est bien différente, on imagine des ateliers noirs proches des cartes postales du 19ème siècle. Ce déficit d’image, qui colle aux semelles du bassin stéphanois, est très pénalisant pour les industriels qui ont de plus en plus de mal à inciter les jeunes à choisir ce métier même si aujourd’hui la blouse blanche se porte plus souvent que le bleu de chauffe. Antoine Garcia, très conscient de ce problème, vient de proposer un plan de travail tendant à améliorer l’image de ce métier auprès des jeunes. Pour le coup, il élabore à son tour un réseau allant des chefs d’entreprises aux organismes consulaires en passant par les collectivités locales. C’est un nouvel apprentissage pour Antoine Garcia, et non des moindres : « Aujourd’hui nous lançons un grand programme au niveau du Club Gier avec l’aide de l’UIMM, des collectivités locales dont Saint-Étienne Métropole et de l’inspection académique. C’est une campagne de sensibilisation destinée aux jeunes afin de leur prouver que la mécanique offre aujourd’hui des métiers d’avenir avec des emplois de proximité et des salaires attractifs et une sécurité d’emploi ». « Contrairement à une idée reçue », explique Antoine Garcia, « nous avons des métiers pérennes. Lors d’une récente réunion d’entreprises de mécanique du bassin, la majorité des entreprises présentes avait une moyenne d’âge de 30 ans et certaines existent ici depuis 60 ans ».

Le réseau de la création et de l’innovation
Antoine Garcia vient de déposer son premier brevet d’invention, il y a quelques semaines. Il s’agit d’une machine d’orthodontie destinée à torsader les fils sur les dents lors de la pose d’un Braket. Là aussi, le réseau a joué à plein, les uns pour l’aider à mettre sa machine au point, les autres pour l’aider à le déposer. Le bassin stéphanois, compte tenu de la diversité, de la taille, de l’histoire et du nombre de ses entreprises, se prête sans doute plus qu’ailleurs à ces concepts de réseau. La sous-traitance devrait, par essence, conduire chacune des entreprises à n’avoir de contact qu’avec ses donneurs d’ordres ou ses intégrateurs. Il n’en est rien et c’est la pratique inverse qui perdure.
En déposant son brevet d’invention, Antoine Garcia renoue avec une caractéristique qui fit du bassin stéphanois l’endroit de France où le nombre de dépôts de brevet était le plus important. Là aussi, la boucle est bouclée.