Veille M3 / Un jour, la ville sans Lune ni l’Autre ?
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La Lune, symbole d'une altérité radicale à notre monde ?
Interview de Alain LOVATO
<< Ce n'est pas à l'administration d'écrire l'histoire de l'art à la place des artistes >>.
Propos d' Alain Lovato, artiste plasticien, président de la MAPRA (plus de 800 adhérents en Rhône-Alpes), secrétaire général de la Maison des artistes (17 000 adhérents en France).
« Rives de Saône comme 8e Art sont de belles initiatives. Elles donnent aux artistes l’opportunité de s’exprimer en public, et au public la possibilité de rencontrer des œuvres dans leur espace de vie. Par principe, on applaudit. Malheureusement, dans ces deux projets, nous retrouvons le schéma classique bien français, où il est impossible qu’une initiative territoriale importante ne passe inéluctablement sous le contrôle du Ministère de la culture via les DRAC, Direction régionale des affaires culturelles.
A un moment - sous prétexte de participation financière - un projet né d’un territoire pour ce territoire et financé en majorité par lui, se retrouve finalement objectivement recentralisé sur Paris. La pyramide se reforme sur ce vieux système générateur de pensée unique.
Nous sommes pour des petites pyramides, des circuits courts et ouverts qui fonctionnent, se nourrissent en interactivité avec les d’autres. En France, le décideur privé ou élu a souvent peu de culture dans le domaine des arts visuels, d’où la faiblesse du mécénat et la remise des clefs aux experts de l’Etat de projets territoriaux.
(…) Entendons nous bien, nous ne disons pas que l’Etat par la DRAC n’a pas naturellement sa place, mais simplement une place égale aux autres partenaires.
Le citoyen du Grand Lyon, celui de Rhône-Alpes n’aurait-il pas naturellement droit dans le domaine culturel, au financement de l’Etat, sans que sous prétexte de cette participation le projet soit automatiquement inféodé à la pensée du Ministère et à ses choix artistiques ?
Nous entendons par choix restrictifs la non prise en compte de la diversité de la création, comme de l’existence des artistes travaillant en Rhône-Alpes. Lyon, Grand Lyon, et plus largement Rhône-Alpes sont après Paris / Ile-de-France, les zones où il y a le plus grand nombre d’artistes. On ne fera croire à personne qu’il n’existe pas d’artistes susceptibles de participer en proportion à ces projets ?
(…) Pas de confusion : nous ne sommes pas pour réaliser des études de marché ou des référendums populaires pour le choix des artistes et des œuvres ! Il y a une responsabilité politique pour amener l’art dans l’espace public, et particulièrement dans les quartiers moins favorisés. Mais ce n’est pas à l’administration d’écrire l’histoire de l’art à la place des artistes en définissant dans les 360° de la création actuelle quel est le segment qui doit être montré aux publics. Ils se trompent de mission.
Si toutes les initiatives d’accompagnement des publics sont à mettre en œuvre, nous pensons que la prise en compte de la diversité de la création est la meilleure possibilité de jeter des passerelles entre le grand public et la création contemporaine. Dans ce large éventail de l’offre, il y a des démarches, des langages d’œuvres d’accès moins difficiles que d’autres. Et des esthétiques de sensibilités diverses dans lesquelles le public peut se retrouver et véritablement participer au débat.
S’appuyer sur des œuvres, sans complaisance, sans être de qualité inférieure, mais écrites par des signes et des vocabulaires plus perceptibles, permettent - de marche en marche - de se projeter vers des œuvres plus difficiles d’accès.
Si on veut que le public ne soit pas dans le rejet systématique, peut-être faut-il aussi, dans certains contextes, éviter d’installer des œuvres qui coûtent finalement cher au regard de leur vie très éphémères, et ne fonctionnent que peu de temps, comme on l’a vu le long de la ligne de tramway à Lyon.
Par une commande publique sans discrimination en tenant compte des diversités, le décideur public a une responsabilité immédiate et historique : celle de faire - sans concession - se rencontrer la réalité de la création d’une époque avec le public le plus large par la recherche de passerelles possibles.
(…) Par une diversité de supports et d’univers, la création n’a jamais été aussi large. Dans toutes ces différences, il existe des œuvres pertinentes et de grande qualité. Nous sommes attentifs à ce que cette diversité soit prise en compte, particulièrement dans la commande publique. Or, aujourd’hui beaucoup de créateurs ne postulent plus aux appels à artistes en particulier sur les 1% car ils estiment que tout est complètement coincé. Le choix des commissions constituées majoritairement de représentants d’institutions, porte toujours sur les mêmes types de choix.
Le marché privé, celui de proximité, n’étant en France pas très actif, le marché institutionnel est d’autant plus fort avec une véritable puissance de l’argent public. Un projet dans le cadre de la commande publique avec appel à artistes, est une question posée à l’artiste en fonction des divers paramètres spécifiques au contexte. Chaque créateur y apporte sa réponse. C’est cette réponse qui doit être avant tout appréciée et éventuellement choisie. Le choix doit porter sur la qualité et la pertinence du projet, sa faisabilité et sa pérennité minimum. Il ne doit pas être sur le nom de l’artiste, son âge, sa place dans le marché de l’art et son positionnement par rapport aux lieux institutionnels ou assimilés.
Aujourd’hui, on ne va pas chercher des projets mais une marque. C’est plus facile pour communiquer. Le décideur veut un vecteur de communication au détriment de la diversité qui demande de creuser et de chercher à fonctionner autrement. En porte à faux avec une vraie politique culturelle, il y a trop souvent une dichotomie entre les discours et la réalité de terrain. »
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