Vous êtes ici :

Métropole et action sociale

Interview de Chantale BRUN

Directrice adjointe en charge des ressources et des Services locaux de solidarité etTerritoire, Agglomération Grenobloise

<< Pour progresser, il ne suffira pas de changer de cadre, de passer du département à la métropole, il faudra aussi changer l'approche des métiers, des postures et des missions. Et, ce sera bien le travail de prévention qu'il conviendra de renforcer plutôt que de s'obstiner dans une gestion, de plus en plus difficile, du risque. Il serait fort dommageable de rater cette opportunité de reconstruire l'action sociale au sein d'une approche plus globale >>.

Contexte grenoblois : décentralisation des services dans les territoires
Assistante sociale de formation, Chantale Brun1 a d’abord exercé des missions d’encadrement de travailleurs sociaux en région parisienne en tant que directrice de CCAS et d’action sociale à Chanteloup les Vignes et à Sceaux, responsable de circonscription à Levallois-Perret avant d’être directrice adjointe de l’action sociale au conseil général du Lot, puis directrice adjointe du territoire « Porte des Alpes » à Bourgoin-Jallieu, et désormais directrice adjointe du Territoire de l’Agglomération Grenobloise (TAG) au conseil général de l’Isère. 
Selon Chantale Brun, la décentralisation de services divers sur un territoire donné et dans une structure commune peut permettre un partage de cultures, une réflexion, une plus grande prise de recul, et sans que les professionnels perdent leur spécificité, un partage de bonnes pratiques et la mise en place de méthodes de management ou de fonctionnement. Tout dépend de comment la réorganisation est conduite, du manageur, et de comment les agents sont impliqués.

Propos recueillis dans le cadre de la démarche « Grand Lyon Vision Solidaire » et plus particulièrement pour le chantier « Les politiques sociales : comment ça marche ? » 

 

Réalisée par :

Date : 30/03/2014

Quelle définition donnez-vous des politiques sociales ?

Une politique sociale est une politique publique que l’on distingue des autres, et notamment des politiques urbaines (habitat, aménagement urbain…) bien qu’elles ne s’opposent pas.

Aujourd’hui les politiques sociales sont très cloisonnées et découpent l’individu en  catégories, par dossiers. Elles ne sont plus adaptées aux réalités. Il est même difficile de parler de politique sociale, puisqu’il s’agit avant tout d’un ensemble de dispositifs qui s’empilent et qui ne sont pas toujours cohérents entre eux. Par exemple, le RSA socle est un dispositif d’insertion. Cependant, une personne suivie pour le RSA (Revenu de Solidarité Active) peut bénéficier par ailleurs d’une mesure pour ses enfants de l’ASE (Aide sociale à l’enfance), mais les deux aides ne sont pas pensées ensemble. Elles ne sont pas gérées globalement alors qu’une personne est un tout et que l’insertion ne peut être que globale.

Ce cloisonnement empêche de prendre en compte la complexité des situations des personnes. L’accompagnement est morcelé et de fait moins efficace. Ceci est très souvent vrai au sein des différents services des conseils généraux, mais aussi, et peut être surtout, entre les différents partenaires impliqués dans le champ social. Un CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) peut conduire des actions identiques à celle d’un département et ainsi générer de la confusion pour l’usager. Par exemple, à Grenoble, le département mène une politique de PMI (Protection maternelle infantile) ambitieuse et de son côté, la ville développe une politique de petite enfance, sans que ces politiques soient pensées en cohérence ou en complémentarité. Les exemples sont infinis.

 

Quelle différence doit-on faire entre politique sociale et action sociale ?

Une politique sociale est légiférée, elle s’applique au niveau national. Elle peu également être votée par une collectivité au niveau local. Une politique sociale relève d’une décision politique. Généralement, elle se définie par le public à qui elle s’adresse : personnes âgées ou handicapées, enfance, famille. Elles ont pour objectif de réduire les inégalités en aidant les plus fragiles et d’accompagner les personnes dans les démarches d’accès aux droits, d’insertion et d’autonomie.

L’action sociale est plus large, elle regroupe des aides légales mais aussi toutes autres formes d’aides et s’envisage sur des catégories plus fines de publics.

Les politiques nationales représentent un socle commun, mais les départements et les villes, et demain les métropoles, complètent plus ou moins ces dispositions. D’ailleurs ce fonctionnement questionne la notion d’équité sur laquelle Jean Marie Delarue nous alertait déjà il y a 20 ans.
L’action sociale, comme son nom l’indique, est active, c’est une dynamique, une mise en musique de différentes politiques et de divers dispositifs à des niveaux infra nationaux.

 

Le service social est-il l’une des composantes de l’action sociale ?

Le service social est effectivement une composante de l’action sociale. Mais la notion même de service social me semble obsolète. Elle enferme sur la réponse à la personne et s’oppose à l’idée de polyvalence.

 

Comment peut-on définir le métier d’assistant social ?
Pour simplifier, on peut distinguer les assistants sociaux de catégories, qui interviennent dans les écoles ou les entreprises, des assistants sociaux de polyvalence, de secteur. Ces derniers répondent à l’ensemble des demandes sur un secteur, un territoire. Leur mission est de prendre en charge ou d’orienter. Ils ont également une mission obligatoire qui ne se situe pas uniquement dans la réponse aux personnes mais dans l’évaluation, l’aide à la décision et l’action pour la protection de l’enfance.

Pour être efficaces, ils doivent avoir à leur actif un panel de connaissances complet, ce qui est quasiment impossible aujourd’hui compte tenu de la multitude de dispositifs et d’acteurs, de la spécificité de l’action sociale propre à chaque territoire et des évolutions permanentes des politiques comme de l’ensemble des dispositifs.

Depuis le milieu des années 1980 le métier n’a pas connu d’évolutions  marquantes si ce n’est qu’avant les professionnels étaient plutôt militants et qu’aujourd’hui ils sont plutôt gestionnaires. Il y a plus de distanciation. Les professionnels reçoivent les personnes et en fonction de leur situation, les intègrent dans tel ou tel autre dispositif. C’est d’ailleurs ainsi que leur travail est évalué. On compte le nombre de dossiers RSA, FSL (Fond de solidarité logement) ou d’APA (allocation personnalisée d’autonomie) que chaque professionnel effectue en un temps donné. 

 

Quelle distinction doit-on faire entre aide et accompagnement ?

L’aide est une prestation accordée à un moment donné. L’accompagnement est une prise en charge de A à Z. L’objectif est de rendre les personnes autonomes, c’est ce vers quoi on doit tendre. Cela passe par l’écoute, le soutien pour passer à l’acte à travers par exemple le contrat d’engagement pour l’emploi dans le cadre des suivis RSA.

Ce travail mériterait une plus grande remise en cause des postures des travailleurs sociaux qui sont encore trop dans une attitude de pouvoir sur l’autre. On est bien loin de l’empowerment, de la reconnaissance des capacités des individus, de la considération du pouvoir d’agir de l’usager. On est bien loin de la co construction de parcours. La formation n’a pas changé, la relation à l’usager peine a évoluer.

 

Pourquoi, selon vous, la formation des travailleurs sociaux et notamment des assistants sociaux, n’a pas suffisamment évolué ?
Le ministère des affaires sociales est décideur en la matière. Or, il reste focalisé sur les connaissances à acquérir et n’engage pas une approche métier.
De plus, tous ceux qui accompagnent la formation (moniteurs de stages, professionnels de terrain…) sont encore beaucoup dans l’oralité. La culture de l’oralité dans le travail social est particulièrement ancrée. Or, la transmission du savoir par l’oral ne permet pas de construire solidement, d’évoluer suffisamment ; de fait, le travailleur social reste sûr de lui et a du mal à se mettre dans une posture « contractuelle » ou l’usager peut être un autre soi.
C’est pourquoi il peut être intéressant de mélanger des travailleurs sociaux avec d’autres professionnels comme, par exemple, des ingénieurs en aménagement ou autres pour questionner les métiers, les postures, les pratiques. Pour progresser, il ne suffira pas de changer de cadre, de passer du département à la métropole, il faudra aussi changer l’approche des métiers, des postures et des missions.

 

Comment les évolutions des politiques sociales peuvent impacter le travail social ?

Les politiques sociales et leurs évolutions impactent déjà et grandement le travail social. On l’a bien vu avec ce qu’a lancé Martin Hirsch au niveau du RSA, ou au moment de la loi de 2005 sur le handicap, ou encore en 2007 avec l’évolution de la politique enfance. Chaque modification significative de loi se diffuse sous forme de procédures, de nouveaux dispositifs qui viennent se rajouter sans qu’ils soient pensés en lien avec les autres dispositifs existants, sans qu’ils constituent des éléments d’une boite à outil qui viendrait aider quelqu’un qui accompagne quelqu’un d’autre. L’absence de vision plus globale du monde social enferme dans des procédures à appliquer au cas par cas.

 

L’enchevêtrement des politiques, des dispositifs et des acteurs dans le domaine social et médico-social n’est-il pas un obstacle pour améliorer la qualité du travail social ?

Effectivement, cet enchevêtrement est un véritable frein, c’est un vrai problème. Face à la masse de dispositifs liés aux politiques sociales et à la multitude des partenaires, les travailleurs sociaux ont eux mêmes énormément de difficultés à se repérer. Bien souvent, et on a notamment pu le constater dans les quartiers en politique de la ville, les acteurs concernés par une même politique ne se connaissent pas. Pire, ils sont entretenus dans un système de concurrence plus que de partenariat. En effet, par le biais des appels à projets, il y a à la clef les aides, les subventions pour conduire telle ou telle action et plus globalement pour faire vivre la structure dans laquelle ils ont leur emploi. Dans une période où les finances se raréfient, les tendances au repli sont inévitables. Par exemple, les services du département et ceux du CCAS se disputent les financements pour l’hébergement d’urgence. Cette situation de concurrence permanente, et non de complémentarité, pervertie l’action des services, empêche la réflexion partagée et participe d’une part, à une réponse à l’usager peu qualitative (car construite dans le tiraillement et les différents positionnements de plusieurs administrations) et d’autre part laisse les différents intervenants très désemparés.

 

Comment pourrait-on améliorer les choses ?

Il faudrait simplifier et clairement mieux répartir les missions. La première chose serait peut-être de limiter les acteurs et les guichets. Mais là, on se heurte à des acteurs qui ont peur de perdre, qui ont peur du changement et qui s’arque boutent sur ce qu’ils ont. Soit on dit par exemple que la commune prend totalement la compétence de la petite enfance, alors le département ne fait plus rien dans ce domaine. Soit on fusionne les services pour redéfinir et conduire cette politique ensemble. Fusionner permet d’être plus efficace et probablement d’être plus dans un esprit de service public que dans une dynamique de concurrence. Ce qui est vrai et possible pour la petite enfance, l’est aussi pour les personnes âgées, les personnes handicapées ou la famille. Par contre, la protection de l’enfance doit être pensée à part. D’autant qu’aujourd’hui elle envahit les débats et fait l’objet de grandes préoccupations.

 

La protection de l’enfance suscite plus de questionnements que le vieillissement de la population et la perte d’autonomie qui lui est liée ?

Certes la population vieillit et ce phénomène est massif et bien sûr impacte fortement notre société et le travail social. C’est surtout un problème de finances car les travailleurs sociaux savent gérer cet accompagnement dans l’âge et souvent dans l’isolement et la dépendance. L’APA (allocation personnalisée d’autonomie) est assez simple à définir et à mettre en œuvre. Les aides se déclinent en fonction du degré d’autonomie de la personne. Elles permettent le maintien à domicile (aide ménagère, soins médicaux) ou l’entrée en établissement. Si elles sont en situation de précarité, les personnes âgées peuvent aussi bénéficier d’aides financières pour la vie quotidienne mais aussi pour adapter leur logement à leur handicap. Par ailleurs différentes associations ont pour objet de lutter contre l’isolement des personnes âgées.
La protection de l’enfance se situe dans un autre registre. Il ne s’agit plus de répondre à une demande selon une procédure bien établie (même si ces dernières existent et structurent les interventions des professionnels et la prise de décision de la collectivité) mais d’agir en fonction de l’évaluation que l’on fait d’une situation.

La question de la protection de l’enfance a tellement mis en difficulté les travailleurs sociaux et leur hiérarchie à travers des cas révélés dans la presse ces dernières années qu’elle est aujourd’hui au centre des préoccupations. Ces faits révèlent également l’importance des politiques de prévention. Car c’est bien le travail de prévention qu’il conviendrait de renforcer plutôt que de s’obstiner dans une gestion, de plus en plus difficile, du risque. On voit ici toute l’interaction entre réalité sociale et politique sociale, et l’importance des choix politiques.

Ce n’est pas en élargissant la palette de dispositifs que l’on améliorera la protection de l’enfance, car ces dernières années le législateur et les collectivités ont beaucoup œuvré pour une meilleure réponse aux situations de protection de l’enfance, mais bien en agissant en amont, en conduisant une véritable politique de prévention.

Les travailleurs sociaux ont beaucoup progressé dans leur méthode et manière d’appréhender les situations. Cependant, aujourd’hui, compte tenu de la pression qui leur est imposée, ils ont du mal à penser et à effectuer leur mission sereinement. La protection de l’enfance vient parfois « emboliser » l’ensemble de l’intervention sociale. En fait, les mesures prises à l’issue de ces « affaires » protègent le législateur mais pas le travailleur social.
Si la métropole doit intégrer dans ses compétences la protection de l’enfance, celle-ci doit vraiment faire l’objet d’une réflexion et d’un traitement spécifique, son transfert ne paraît pas aussi simple que celui de la PMI, de l’action sociale ou des services en charge des personnes âgées.

 

Outre l’idée de fusionnement de services, que faudrait-il faire pour améliorer la mise en œuvre des politiques sociales dans un souci de simplification ?

Le social aujourd’hui est multi guichets et multi fichiers.
Depuis quelques années, la Caf délègue l’accueil et la gestion des attributions des aides aux CCAS et aux départements. La Caf n’effectue pratiquement plus de travail social, d’accueil et d’accompagnement. Les CCAS sont censés être plus focalisés sur l’accueil des personnes isolées et les départements sur l’accueil des familles. Cependant, l’importance des exceptions de part et d’autre rend la répartition des compétences inopérante.

Un seul guichet permettrait de ne plus avoir à se soucier de fausses répartitions, serait plus simple pour les travailleurs sociaux et plus lisible pour les usagers. Nous pourrions également imaginer la mise en place d’un dossier unique et de fichiers uniques. Il conviendrait cependant de faciliter l’accompagnement des personnes dans la constitution de leur dossier ou l’orientation vers le bon interlocuteur. Un dossier bien rempli ou une personne bien orientée est une garantie supplémentaire d’un bon accompagnement. A l’inverse, un dossier mal constitué génère beaucoup de difficultés. La plupart des dossiers sont constitués sur la base de ce que déclarent les usagers, à l’exemple du dossier RSA. Or, les informations peuvent être fausses, involontairement ou pas, et vont induire un travail supplémentaire. De plus, le temps de constitution d’un dossier est une occasion pour mettre à jour une situation et en évaluer les points faibles et les points forts. Et, le travail social ne se réduit pas à l’octroi d’aides financières et à la gestion de dossiers.

 

A quelle échelle faudrait-il penser les guichets uniques d’accueil ?

Il est difficile de décréter arbitrairement une échelle, il faut d’abord tenir compte des bassins d’activité. Si l’on travaille avec un géographe ou un démographe, on n’obtient pas le même découpage que si l’on est dans une logique politique, par canton. La taille d’un bassin d’activité peut varier. Celui de Fontaine qui abrite 70 000 habitants me semble être d’une taille pertinente. Les cantons de Grenoble aux alentours de 40 000 habitants me semblent trop petits, insuffisants pour avoir l’étoffe nécessaire pour garantir efficacement la continuité du service public. Un service de 50 agents pour 70 000 habitants est un service suffisamment important pour avoir en interne une belle dynamique et rester un service à taille humaine.

Il est impératif de penser la fusion dans un esprit de proximité. Certains peuvent penser qu’avec les moyens modernes de transport et le progrès des services en ligne, un seul guichet central pourrait suffire. Ce serait oublier que nombre de personnes ont de vrais problèmes de mobilité et ne viendraient pas. De plus, pour garantir le service public il est essentiel de territorialiser l’action publique dans un souci d’égale qualité de service dans tous les territoires.  

 

Début 2015, la Communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône vont fusionner leurs compétences et créer la métropole de Lyon. Que pensez-vous que le mariage, de politiques et services urbains et de politiques et de services sociaux, puisse apporter au territoire et à ses habitants ?
Si l’on entre dans cette réflexion par un exemple, je prendrais celui de la politique de la ville où le département est encore très peu impliqué et où les partenaires « sociaux » ne rencontrent pas les partenaires « urbains ». Le fait que demain, l’ensemble de ces agents se regroupent dans une même collectivité pourra probablement permettre un meilleur dialogue, une plus grande collaboration.

Dans un nouveau cadre d’intervention, de services et de dispositifs mieux articulés entre eux, plus en cohérence, on peut imaginer une amélioration pour l’usager quant aux prestations et aux accompagnements délivrés.
Ainsi, en matière de logement, une meilleure structuration entre l’offre et la demande pourrait sans doute faciliter l’accès au logement, adapter plus finement les réponses, les types de logement, les choix d’implantation de programmes de construction, et à travers une meilleure prise en compte du vieillissement et du handicap, une meilleure prise en compte des questions d’accessibilité ou d’équipement. Même si cela existe déjà en partie, le rapprochement et la mutualisation de services de collectivités ou organismes qui ont aujourd’hui chacun leurs propres modalités de fonctionnement et de décisions, devrait faciliter et fluidifier les prises de décisions et faire en sorte qu’elles soient en cohérence avec l’intérêt des citoyens.

Dans le domaine de l’emploi, le rapprochement entre les activités économiques et les personnes en demande d’emploi pourrait également faciliter l’insertion de ces dernières. 

Par exemple, en matière de santé publique, les départements travaillent peu avec les hôpitaux or ils reçoivent de plus en plus de personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Le fait que les élus métropolitains siègent dans les Conseils d’administration des hôpitaux pourrait peut-être engendrer une approche partagée de ces problèmes.
Plus globalement, des politiques de prévention, par le sport et la culture, à travers des schémas d’animation publics pourraient améliorer la situation de nombre d’enfants et jeunes.

La fusion et la mutualisation peuvent générer plus de transversalité et d’interactions entre les observations et les évaluations des uns et des autres et conduire à la définition de politiques communes. Ces derrières pourraient permettre de toucher des personnes qui ne fréquentent pas les services, de réinventer certaines fonctionnalités qui n’existent plus depuis que l’Etat est moins fort, et de recréer du collectif. Par exemple, le désengagement de la CAF dans la gestion des centres sociaux qui sont désormais le plus souvent associatifs a conduit les communes à plus les intégrer dans leur politique socio éducative. Nous pourrions aller encore plus loin. Car le risque de la fusion est de laisser des compétences flotter, des compétences non reprises qui dégraderaient la qualité du service public. Le transfert de compétences s’envisage dans la contrainte budgétaire, à travers la masse salariale, par service, par type de prestation, par catégorie, avec des logiques plutôt gestionnaires. Penser le transfert et la fusion de ce seul point de vue occulterait la possibilité de penser les transferts de compétences de façon plus globale, plus cohérente, plus transversale et d’imaginer de nouvelles approches, moins thématiques et plus collectives.
Il serait fort dommageable pour les usagers et pour la société dans son ensemble de ne pas réfléchir aux modalités de ce futur mariage de différentes politiques et différents services ; cela signifierait l’échec d’une opportunité de reconstruire l’action sociale au sein d’une approche plus globale.

1- Dans ces dernières fonctions, elle a notamment été en charge en 2012 de la préfiguration et de la réorganisation des services du territoire. A Bourgoin Jallieu comme à Grenoble, elle a accompagné la mise en œuvre de la réorganisation des services du conseil général dans les territoires (agents des routes en Nord Isère et l’ensemble des services concourant à la mise en œuvre du social au TAG), et animé la mise en place des services locaux de solidarité. Dans les douze périmètres définis pour la nouvelle organisation du TAG, les services locaux de solidarité regroupent toutes les compétences sociales du territoire et devraient en accueillir d’autres à terme. La réorganisation des services conduite en 2012 a notamment permis de passer d’une organisation thématique à une organisation territoriale, d’une déconcentration de services sociaux (ASE, Action sociale, PMI, Autonomie, etc.) à une décentralisation des services dans les territoires dans un souci d’approche globale, de proximité avec les populations, de meilleure gestion et d’économie de moyens (notamment immobiliers), de polyvalence et de partenariat avec différents partenaires, et plus particulièrement dans le domaine social avec les CCAS. 
Pour les chefs de services, le bilan est positif car la réorganisation leur permet une prise en charge plus globale des bénéficiaires des services, d’être en plus grande responsabilité, en position de manager et de décideur de proximité. De plus, l’approche plus large ainsi induite redonne du sens et de l’intérêt à l’action. Les usagers sont également satisfaits de bénéficier d’un guichet unique du département sur leur territoire. 
Par contre, les travailleurs sociaux sont plus critiques sur l’entremêlement des services, la polyvalence, le partage des ressources, et notamment des secrétariats, le changement de posture de managers qui ne sont plus uniquement des conseillers techniques ou des experts, ou encore le mélange des publics usagers et leur partage des mêmes espaces.