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Les évolutions de la robotique industrielle

Interview de Yvan BAROU et Bruno SALIQUE

Dirigeants Nexodia

<< Le robot industriel n'est plus isolé dans une cellule entièrement paramétrée, mais en interaction avec l'opérateur, capable d'évoluer dans un environnement humain >>.

Interview réalisée par Geoffroy Bing le 3 février 2011

Messieurs Yvan BAROU et Bruno SALIQUE travaillent ensemble depuis plusieurs années dans le domaine du levage et de la manutention. Ils ont crée la société NEXODIA en février 2010 qui a pour vocation de concevoir et de réaliser des machines spéciales pour l'industrie. La société propose également des prestations en ingénierie et études techniques.
Yvan Barou et Bruno Salique nous invitent à prendre en compte les évolutions de la robotique industrielle. Loin du bras articulé isolé et programmé sur les longues séries des chaines de production, la robotique industrielle se veut de plus en plus évolutive, polyvalente et en interaction avec l’homme. Sous le terme de cobotique, une logique d’assistance à l’homme semble prendre le pas sur la logique de substitution. Il n’est pas interdit de penser que les questions que la robotique soulève dans le monde industriel se retrouveront demain dans la robotique de service au domicile.

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Date : 03/02/2011

Votre domaine d’activité est celui de la machine spéciale. Pouvez-vous nous dire ce qu’est une machine spéciale ?

C’est une machine que l’on ne trouve pas dans les catalogues ou du moins qui nécessite une adaptation pour coller à 100% au besoin du client. C’est du « sur mesure » en quelque sorte. Le besoin d’une machine spéciale émerge lorsque le client souhaite développer un nouveau produit ou mettre en place un nouveau procédé industriel.

 

Comment se déroule cette démarche sur mesure ?

Classiquement, nous définissons le besoin, réalisons une étude de faisabilité, apportons une assistance sur la rédaction d’un cahier des charges, et travaillons ensuite avec des partenaires pour la conception et l’assemblage de la machine. La machine est très souvent programmée et paramétrée dans son futur environnement de travail, chez le client.

 

Quelle différence faites-vous entre une machine spéciale et un robot ?

Je dirais que le robot est d’abord plus mobile. Pour nous, un robot a pour principale caractéristique d’être doté de plusieurs axes de déplacement dans l’espace. Par ailleurs, il interagit davantage que la machine spéciale avec son environnement et en particulier avec l’homme. Avant, on ne pouvait pas implanter un robot sans barrières mécaniques autour. Maintenant, les robots sont équipés de scrutateurs de zone qui dispensent de mettre des barrières de protection. Le robot est de moins en moins tout seul dans sa cage. L’homme peut travailler à proximité et coopérer avec lui. Enfin, l’autonomie du robot est un élément qui le distingue de la machine spéciale. Dans l’industrie, on conçoit de plus en plus de robots qui, par la vision, sont capables d’analyser leur environnement et de prendre des décisions. Ils sont employés notamment sur de la supervision de pièces, ou pour faire du tri. Le robot arrive à faire des choix par lui-même.

 

Cela annonce-t-il de nouvelles sources de productivité dans l’industrie ?

C’est tout l’objectif. La productivité et la sécurité sont les maitres mots sur ce type de machine. La robotique ne vise pas d’emblée une substitution de l’homme mais une interaction plus forte entre le robot et ce dernier. Par conséquent, les couches ergonomie et design du robot deviennent centrales. Par ailleurs, l’évolution vient également du fait que le robot industriel n’est plus uniquement envisagé sur des grandes séries, sur des tâches très répétitives. Les marges de progrès au plan de la productivité se situent sur des petites ou moyennes séries. Aujourd’hui, la tendance est donc à faire travailler ces robots aussi sur des tâches moins répétitives, à les rendre plus souples dans leur programmation, plus évolutifs et polyvalents dans leur champ d’intervention.
Vous soulignez la tendance à une proximité plus forte de l’homme avec le robot.

 
 

Est-ce là ce que l’on appelle la cobotique, c’est-à-dire une robotique d’assistance à l’homme dans le milieu industriel ?

Oui, on s’oriente de plus en plus sur des robots suffisamment « intelligents » pour travailler en coopération avec l’homme, c’est-à-dire capable de lire la présence et le geste humains pour mieux compléter ce geste. Le robot industriel n’est plus isolé dans une cellule entièrement paramétrée, mais en  interaction avec l’opérateur, capable d’évoluer dans un environnement humain. Il peut réaliser diverses tâches, travailler sur deux postes simultanément, il est capable d’alerter l’opérateur qu’une pièce est défectueuse. Il est beaucoup plus évolutif. On gagne en souplesse et en polyvalence. Ceci ne signifie pas que les questions de sécurité ne se posent plus. Dans l’industrie, l’interaction entre l’homme et le robot fait toujours peur ! Le risque de collision, les questions de sécurité sont très souvent évoquées par nos clients mais on sait de mieux en mieux les traiter. On peut supposer toutefois que ces craintes se reporteront dans la robotique de service à la personne.

 

Est-il pertinent d’observer ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine de la robotique industrielle pour anticiper le développement de la robotique d’assistance à la personne à domicile ?

D’une certaine manière, cela laisse entrevoir le chemin qu’il reste encore à parcourir. Dans le monde industriel, nous sommes confrontés aux problématiques d’interactions homme-machine et à la peur du robot depuis longtemps. Je pense que ces questions se posent de la même manière, et même de façon exacerbée, lorsqu’il s’agit d’envisager la robotique au domicile. C’est sans compter également les freins financiers qui sont d’un autre ordre que dans l’industrie. C’est encore un domaine où il faut trouver le marché et créer un besoin. Aujourd’hui, on a l’impression que toutes les tâches unitaires sont robotisables. Regardez par exemple la voiture qui peut aller se garer toute seule sur une place de parking.  En revanche, il est certainement plus difficile d’intégrer cette fonction multitâche en un seul robot. Par ailleurs, les finalités sont différentes. Dans l’industrie, le but n’est pas de développer un robot pour la personne elle-même, mais de gagner en productivité sur une chaine de production. Dans le domaine du service, c’est autre chose, la personne est au centre. La notion de service dans la « robotique de service » reste floue à nos yeux. Après tout, nous vendons des « solutions de productivité », c’est une forme de service aussi !