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Le rôle d'une Direction du Foncier et de l'Immobilier dans une collectivité locale comme le Grand Lyon

Interview de Nicole SIBEUD

<< La maîtrise de l’étalement urbain se gère au travers des outils de planification territoriale… La politique foncière doit anticiper et accompagner ces orientations, c’est bien un levier d’action au service des politiques d’agglomération >>.

Réalisée par :

Date : 30/09/2005

Interview réalisée par Geoffroy Bing et Brigitte Yvray-Danguis- octobre 2005

Pouvez-vous nous expliquer brièvement pour quelles raisons la Direction du Foncier & de l’Immobilier (DFI) est rattachée à la Délégation générale au développement économique ? Peut on en déduire que l’action foncière du Grand Lyon est principalement tournée vers l’action économique ?

La réponse doit être nuancée. En effet ce rattachement correspond finalement, à une période, au début du mandat de Raymond Barre, où le Grand Lyon s’est positionné plus fortement sur le plan économique. L’enjeu du foncier pour mener des actions dans le domaine économique était majeur tant en ce qui concerne la production d’offre de sites d’accueil d’activités sur le territoire, que sur l’opportunité et la capacité à accompagner les projets de développement d’entreprises. Cela ne veut pas dire que la direction du foncier et de l’immobilier n’agit que pour le développement économique puisqu’elle est chargée de toutes les acquisitions nécessaires aux projets (voirie, eau, projets urbains, espaces public) et aux politiques communautaires dont les actions en faveur du logement social qui mobilisent des moyens financiers et humains importants au sein de la direction.


 
Aujourd’hui comment sont répartis les budgets consacrés aux acquisitions foncières ? 

Les budgets d’acquisitions toutes directions confondues se sont élevés, en 2005, à 45 millions d’euros, la part la plus importante étant consacrée aux acquisitions préalables aux opérations de voirie et d’aménagement urbain. Une part importante de nos moyens financiers de réserves foncières est consacrée au logement social.

 

Avec quelles autres directions de la Communauté urbaine travaillez-vous ?

La Direction du foncier et de l’immobilier travaille en tant que prestataire de service pour le compte de tous les services de la Communauté urbaine qui ont besoin de foncier ou d’immobilier pour mener à bien leur projet ou pour leurs propres besoins de fonctionnement. Pour leur compte, elle achète, vend et gère le patrimoine privé en attendant la réalisation des opérations de voirie, d’aménagement urbain ou pour les « grands projets ».

 

Depuis quelques années les prix du foncier se sont envolés. Dans un tel contexte de flambée des prix, comment la collectivité peut-elle maintenir sa politique de réserve foncière ? Cela a-t-il modifié vos façons de travailler ?

La hausse des prix impose nécessairement de resserrer les modalités d’intervention et notamment à fixer des priorités pour utiliser au mieux les moyens affectés. Par exemple, auparavant, à partir du moment où une DIA  se situait sur un emplacement réservé de voirie, il y avait préemption systématiquement sur réserves foncières. Désormais, la préemption n’est mise en œuvre que si l’opération est programmée dans le cadre de la Programmation Pluri annuelle d’Investissements (PPI). En contrepartie, et pour éviter la mobilisation de foncier pendant de longues périodes lorsque le projet concerné est décidé et financé, il y a recours aux autres moyens d’acquisition opérationnels que sont l’acquisition amiable ou la DUP, si nécessaire. Ces modalités d’intervention « juste à temps » reviennent, somme toute, moins cher que d’acheter par anticipation, au prix fort, avec de surcroit, la nécessité de gérer le bien immobilier préempté. Ainsi, nous nous intégrons parfaitement à la programmation opérationnelle des autres directions. Finalement, cela oblige les directions opérationnelles à rendre plus lisible leur programme de travaux.

De même, cela oblige à une plus grande coordination entre directions et chacun se recentre sur son métier. Ce contexte difficile a aussi eu quelques vertus, entre autres celle d’éviter des dépenses inutiles ou prématurées. Pour les réserves foncières, les enveloppes budgétaires doivent être consacrées à des interventions sur des secteurs stratégiques, par anticipation. Une réflexion prospective est menée par les services du Grand Lyon pour définir quels seront ces secteurs à l’horizon des 10 prochaines années, sur lesquels nous devons concentrer nos réserves foncières. Nous y travaillons avec nos collègues urbanistes dans le cadre des travaux menés pour le futur schéma directeur (SCOT). Pour ce qui concerne le logement social à partir des objectif du PLH et du besoin de production de logement social, rendu plus difficile par l’augmentation des prix du foncier, le Grand Lyon a mis en place une intervention spécifique et volontariste, destinée à prendre en charge le surcoût foncier. Ce choix d’intervention a été fait pour deux raisons, d’une part en raison de la flambée des prix qui rendait difficiles les acquisitions foncières pour les organismes et, d’autre part, car le financement du logement social, via des subventions d’équilibre aux organismes, obérait de plus en plus le budget de fonctionnement de la collectivité.

Finalement, nous privilégions la solution qui consiste à mettre à disposition du foncier, qui émarge sur le budget d’investissement, la collectivité prenant à sa charge directement le surcoût foncier au lieu de financer un déficit. Cette option présente un avantage supplémentaire dans la mesure où, la collectivité met à disposition le bien, sur la base de contrats de longue durée - 50 ans - ce qui lui permet de se préserver un patrimoine et de garder sa capacité de renouvellement urbain à long terme.

 

A quel moment cette politique de réserves foncière, pour le logement social, a-t-elle été mise en œuvre, pouvons-nous, d’ores et déjà, en évaluer les résultats ?

Cette politique, initiée en 2004, a permis, cette même année, d’initier des programmes qui n’auraient pas pu se réaliser sans l’intervention du Grand Lyon ce qui représente 400 logements sociaux. Parallèlement, dans ce domaine là, nous évoluons aussi dans nos modes d’acquisitions. Nous sommes passés d’une posture passive, qui consiste à acheter uniquement par préemption, à une posture plus « offensive », en négociant, en amont avec les acteurs du marché immobilier. De ce point de vue, nous sommes désormais repérés et reconnus par ces acteurs comme des partenaires incontournables.

 

Et en ce qui concerne vos autres domaines d’intervention, en matière d’urbanisme et  dans le secteur économique, vos stratégies d’acquisitions ont-elles évolué ?

En matière d’urbanisme nous avons dû nous adapter aux nouvelles modalités de désignation des aménageurs qui imposent de prendre en charge les acquisitions dans les projets avant que l’aménageur ne soit titré. En ce qui concerne le domaine économique et pour compléter ce que nous avons évoqué en début d’entretien, plusieurs types d’interventions sont possibles :
- anticipation par la constitution de réserves foncières sur les secteurs qui constituent de futurs pôles de développement économique ;
- accompagnement à la relocalisation et au maintien d’entreprises sur l’agglomération par l’acquisition de tènement industriels ;
- implication dans des opérations immobilières, notamment sous forme de pépinières ou de plateforme technologie en cohérence avec la politique de pôles d’excellence.

 

Comment appréhendez-vous la gestion immobilière du patrimoine du Grand Lyon ? En la matière des évolutions sont-elles à prévoir ?

La gestion immobilière est un métier à part entière, qui mobilise d’autres compétences que celles requises pour le foncier. Et, il est vrai que c’est un métier que nous avions quelque peu négligé, jusqu’à présent. Pour cette raison, depuis deux ans, nous travaillons à l’organisation et la professionnalisation de cette mission, tant sur le plan de la gestion locative que de la maintenance technique. Mais au-delà de cette vision opérationnelle qui nous occupe prioritairement pour des raisons évidentes de maintenance et de sécurité, il conviendra aussi d’intégrer une vision stratégique pour conduire une politique patrimoniale maitrisée en cohérence avec les politiques d’agglomération.

 

Le Grand Lyon intervient également en matière de logement d’urgence, pouvez-vous nous préciser votre intervention, en la matière ?

Nous travaillons en lien avec les associations qui œuvrent dans ce domaine, l’Alpil, l’Aslim, l’HHR, dans le cadre de protocoles d’accord. Ces protocoles prévoient notamment qu’en contrepartie des logements que la collectivité met à disposition pour le logement d’urgence, les associations s’engagent à accompagner les personnes relogées.

 

Et concernant l’occupation illicite ?
 

Sur ce sujet sensible, le Grand Lyon a opté, à partir des premières expériences irrégulières, pour une position très rigoureuse de procédure en demandes d’expulsion systématiques. Pour deux raisons, d’une part parce que si ces logements ne sont pas loués, c’est qu’ils ne peuvent pas l’être pour des raisons d’insalubrité ou de problèmes de mises aux normes et d’autre part, car le propriétaire doit garder la maitrise de décider qui peut occuper les logements qui lui appartiennent. Néanmoins, des actions de coordination en lien avec l’ALPIL sont systématiquement mises en place dans le cas d’occupation par des demandeurs d’asile.

 

On parle souvent des méfaits de l’étalement urbain, la politique foncière fait-elle partie des outils qui permettent de le limiter ?

La maitrise de l’étalement urbain se gère par anticipation, au travers des outils de planification territoriale, le PLU en l’occurrence. Puisque le PLU, c’est le document qui fixe les orientations politiques dans le domaine de l’urbanisme. L’action foncière vient en accompagnement de la mise en œuvre de ces orientations, c’est bien un levier d’action au service d’une politique.