Vous êtes ici :

L’implication du Grand Lyon dans les pôles de compétitivité

Interview de Philippe PRUD'HOMME et Jean CHAPGIER

Logo du projet Water Supply and Sanitation Technology Platform
Projet Water Supply and Sanitation Technology Platform
Direction de l’Eau du Grand Lyon

<< Nous revendiquons une place d'acteur économique, au même titre que les autres industriels ? >>.

Aujourd’hui, les collectivités locales jouent souvent un rôle d’accompagnement des pôles de compétitivité sur leur territoire et contribuent au financement de certains des projets de recherche.

Philippe Prud’homme et Jean Chapgier de la Direction de l’Eau du Grand Lyon, présentent ici différentes modalités d’implication des collectivités publiques dans ces dynamiques de recherche.

Propos recueillis par Julien Casals (Nova 7) le 19 septembre 2007.

Tag(s) :

Date : 18/09/2007

Quelle est votre conception de l’implication d’une collectivité comme le Grand Lyon dans les pôles de compétitivité ?

Philippe Prud’homme : Je connais bien les pôles de compétitivité puisque je travaillais auparavant à la Direction des Affaires Économiques et Internationales du Grand Lyon, où j’ai eu l’occasion de piloter un certain nombre de ces projets, et notamment le pôle sur les transports, Urban Truck & Bus. J’ai par ailleurs été l’un des initiateurs du pôle Axelera, sur le thème de la chimie et de l’environnement. Dans le cadre d’une politique de développement économique, la collectivité a un rôle important à jouer pour rassembler autour d’une même table le monde de l’entreprise et le monde de la recherche, et puis pour mettre des moyens à leur disposition. C’est bien ce qu’a fait la Direction des Affaires Économiques pour les trois pôles de compétitivité – Axelera, Urban Truck & Bus et Biopole – qui, sans cela, auraient probablement eu du mal à voir le jour. Mais la difficulté est ensuite d’affirmer que le Grand Lyon n’est pas qu’une collectivité qui finance, mais qu’il peut aussi être un acteur à part entière dans ces projets. Nous avons notamment de réelles compétences dans le domaine des métiers urbains, avec les Directions de l’Eau, de la Voirie, de la Propreté.

Il faut savoir par exemple que la Direction de l’Eau est investie depuis de nombreuses années dans des politiques de recherche développement, au même titre que des entreprises privées. Sans doute cela n’a-t-il pas été suffisamment mis en valeur, mais cette Direction a une vraie politique de recherche développement, initiée dans le courant des années soixante-dix. Nous avons assez tôt identifié nos points faibles et travaillé avec le monde de la recherche. Cela nous a permis de développer des compétences techniques à la pointe sur la gestion des eaux pluviales, les problèmes de ruissèlement, les problèmes de pollution des eaux de pluie, la caractérisation des pollutions et leurs impacts sur les milieux… Depuis une dizaine d’années, cette collaboration avec le monde de la recherche s’est concrétisée par la création de l’Observatoire Terrain sur l’Hydrologie Urbaine (OTHU) auquel sont associés les laboratoires et les chercheurs des principales universités et grandes écoles de l’agglomération.

Lyon est vraiment reconnue comme une place au niveau international pour tout ce qui concerne la recherche sur la gestion des eaux de pluie qui est particulièrement problématique dans des régions fortement urbanisées. Aujourd’hui on maîtrise bien la gestion des eaux usées et leur traitement, même s’il y a des nouvelles pollutions, et c’est aujourd’hui dans le domaine des eaux pluviales que l’on attend beaucoup de la recherche. Comment améliorer la qualité des milieux naturels et protéger la ressource en eau ? Comment diminuer les risques d’inondation ? Comment diminuer les coûts de réalisation et d’exploitation du système d’assainissement urbain ? Comment mieux intégrer l’eau dans le paysage urbain ? Ce sont là les grandes thématiques sur lesquelles nous travaillons avec l’OTHU. Et la reconnaissance internationale de la compétence de Lyon sur ces questions se concrétise par la tenue, tous les trois ans, d’une convention internationale dont la dernière édition a eu lieu au mois de juin et a rassemblé plus de 700 participants avec 40 pays représentés. Au travers de l’OTHU, le Grand Lyon y est considéré dans le monde entier comme un acteur majeur.

Le Grand Lyon participe ainsi à des programmes de recherche, mais il est aussi gestionnaire de tous ses équipements dans le domaine de la gestion de l’eau et de l’assainissement, ce qui en fait une grande entreprise de services. Au sein d’Axelera et surtout du programme de recherche Rhodanos qui nous concerne plus directement, nous revendiquons donc une place d’acteur économique, au même titre que les autres industriels.

 

Comment est-ce que les entreprises qui travaillent avec vous perçoivent ce nouveau rôle que vous souhaitez prendre ?

Philippe Prud’homme : Ce n’est pas toujours facile, parce que l’on nous a d’abord considérés comme un financeur. Il nous a fallu faire comprendre et accepter que nous ne sommes pas uniquement des fonctionnaires au sens où l’entendent parfois certains acteurs économiques : la Direction de l’eau, ce sont 600 personnes qui travaillent au quotidien. Ces personnes sont des professionnels, qui ont certes un statut de fonctionnaires, mais ce sont d’abord des professionnels dans les métiers de l’eau. Nous sommes à l’origine d’inventions, d’innovations importantes dans notre domaine… Des brevets ont par exemple été déposés par des égoutiers du Grand Lyon. Nous n’avons pas à rougir face aux entreprises privées associées à Rhodanos. Il ne faut pas non plus oublier que le service de l’eau dans une collectivité comme le Grand Lyon n’est pas financé par l’impôt : nos ressources viennent de la redevance que les habitants paient au travers de leur facture d’eau, et nos dépenses doivent s’équilibrer avec ces recettes.

Nous avons donc aussi des obligations qui nous rapprochent encore des entreprises, même si notre finalité n’est pas orientée vers le profit et que nous n’évoluons pas pour l’instant dans un univers concurrentiel. Alors bien sûr que nous finançons ces pôles, mais nous les finançons parce que en attentons aussi un retour pour améliorer nos propres performances et nous permettre de rendre le meilleur service au moindre coût. Les grands groupes qui font partir d’Axelera l’ont à présent bien compris, et nous travaillons vraiment de concert avec eux dans le cadre de Rhodanos.

 

Concrètement, à quoi cela vous sert-il de participer à ces programmes de recherche ?

Jean Chapgier : Rhodanos a été défini sur des enjeux stratégiques qui nous concernent directement : développer des procédés et des produits innovants pour le traitement et le recyclage des eaux, développer des procédés et des produits innovants pour le traitement et la valorisation des boues et des sous-produits… On a fait au cours des dernières années beaucoup de progrès sur le traitement de l’eau, sur les procédés d’épuration, mais il est évident que plus vous produisez une eau pure, plus vous produisez en contrepartie de déchets. Et l’enjeu est à présent de mettre au point des traitements plus économes en production de déchets et de savoir comment valoriser au mieux les déchets produits. C’est un sujet qui nous intéresse directement au Grand Lyon.

 

Comment se passe votre collaboration avec les autres partenaires d’Axelera sur ce genre de thématique ?

Jean Chapgier : Sur la réduction de la production de boues biologiques dans les stations d’épuration, l’idée est par exemple d’utiliser un produit développé par Rhodia depuis quelques années, que les chimistes de Rhodia avaient uniquement pu tester en laboratoire. La Direction de l’Eau a ici proposé de poursuivre les recherches en mettant à leur disposition une station d’épuration, qui sera pour eux et pour nous un véritable terrain d’expérimentation grandeur nature. Nous mettons aussi nos équipes à disposition pour coordonner les travaux sur place. Nous avons participé au préalable à l’élaboration du cahier des charges, regardé les conditions dans lesquelles la station devait fonctionner, analysé les modifications à apporter à la station pour accueillir l’expérimentation… C’est un exemple concret de notre volonté de nous intégrer dans ce pôle au même titre que les autres industriels.

 

L’importance de votre implication est aujourd’hui reconnue par les industriels ?

Jean Chapgier : Tout à fait. Nous sommes par exemple en train de monter un consortium dans le cadre d’une réponse à un programme européen baptisé Water Supply and Sanitation Technology Platform, qui associera le Grand Lyon aux équipes de recherche et aux acteurs industriels de Rhodanos.

L’enjeu est de pouvoir répondre à des appels d’offres européens, et faire de Lyon une plateforme technologique dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, avec un laboratoire et un site sur lesquels les industriels pourront venir développer des produits innovants, les tester… Cela s’inscrit par ailleurs dans un contexte où apparaissent de nouveaux enjeux liés à la directive européenne sur l’eau. Elle fixe des obligations sur le bon état écologique des milieux, aux horizons 2015, 2021 et 2027 et il faut donc se préparer à ces trois grandes étapes.

Dans le cadre du programme Rhodanos, nous allons développer des connaissances et une meilleure compréhension des phénomènes pour faire un état des lieux et ensuite mettre en place des stratégies qui répondent à ces nouvelles obligations. Il y a par exemple aujourd’hui des masses d’eau superficielles et souterraines dont on sait déjà qu’elles ne répondent pas aux exigences de la directive. Il va falloir trouver des stratégies qui concernent à la fois les rejets urbains, mais aussi les rejets industriels et les pollutions diffuses agricoles.

Nous sommes donc obligés de travailler ensemble pour parvenir à un résultat ensemble ; on ne peut pas rester chacun de notre côté. Il y a des enjeux locaux, qui nous concernent directement au Grand Lyon, mais il ya aussi des enjeux industriels : si nous sommes capables de mettre au point des procédés, des matériels permettant de répondre à cette directive cadre, cela ouvrira aux industriels lyonnais des perspectives de marchés dans d’autres pays européens à qui ils pourront proposer le résultat des recherches développées au sein d’Axelera.