En France, le fait de privilégier certains quartiers est vu comme une mesure de discrimination positive. Or l’application du principe d’égalité conduit à attribuer une somme identique à tous les quartiers. Même les élus communistes, à Bobigny ou dans le 20ème arrondissement de Paris, ont privilégié une répartition équilibrée. Au Brésil, la répartition des ressources se fait au moyen de critères favorisant les quartiers ayant le niveau social le plus bas, le moins d’infrastructures, une moindre qualité de vie urbaine et tout est fait pour favoriser la participation des groupes les plus défavorisés. La question des inégalités se pose différemment : améliorer la qualité de vie des quartiers populaires passe par la fourniture d’infrastructures urbaines de base (éclairage public, routes, assainissement, etc.) et d’équipements et services sociaux. Bien sûr, ici les situations sont moins inégales et les besoins sont différents, plutôt orientés sur les questions de logement, d’emploi, donc quelque part hors d’atteinte des budgets participatifs. Ceci étant, les choses peuvent évoluer.
La politiste Alice Mazeaud du CEJEP à l’Université de la Rochelle s’est intéressée au budget participatif des lycées de Poitou-Charentes. A l’usage, il est apparu que ce budget avait des effets quasi anti-redistributifs. Il a donc été décidé d’introduire des critères de justice sociale qui seraient adoptés collectivement. Une journée de rencontre entre tous les acteurs (personnels enseignants, agents techniques, lycéens) devait permettre de débattre et d’adopter ces critères. En amont, plusieurs critères avaient été proposés et chaque lycée avait arrêté son choix, plutôt en fonction de ses propres intérêts. Ainsi, le risque était grand que les lycées les plus nombreux fassent bloc en adoptant un critère de nombre d’élèves. Au cours de la journée, les tables de travail mélangeaient des représentants de chaque lycée et chacun devait présenter et expliquer devant les autres le choix fait par son lycée. Or c’est difficile de défendre publiquement un intérêt égoïste. A la fin des échanges, ce sont les critères conduisant à plus de justice sociale qui ont été adoptés, en favorisant les lycées situés en zone rurale et ceux qui comptent parmi leurs effectifs le plus fort pourcentage d’élèves issus de milieux socioculturels défavorisés. La manière de procéder est donc essentielle. On se rapproche des expériences brésiliennes dans lesquelles le règlement du budget participatif est adopté par les membres et donne lieu à des débats fournis sur ce qu’il faut prioriser et la manière de le faire. Se confronter à la réalité des autres permet aussi d’améliorer la solidarité. C’est notamment ce qu’a montré le travail de Julien Talpin à Séville, où une phase de visite en bus des différents quartiers permet de mieux comprendre les demandes, comme dans les expériences brésiliennes.