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L’intervention du Grand Lyon en matière de politiques d’emploi et d’insertion

Interview de Alain BLUM

Mission « développement économique solidaire »

<< Le Grand Lyon n'a pas engagé de réflexion globale pour envisager de façon conjointe le développement des activités et celui des emplois » insertion, emploi, métropole, maison de l'emploi >>.

La lutte contre le chômage constitue plus que jamais une priorité politique à l’échelle nationale. Quels sont les enjeux spécifiquement territoriaux des politiques de l’emploi aujourd’hui ?

La question de l’emploi a une dimension éminemment territoriale dans la mesure où les demandeurs d’emplois ne sont pas hors-sol, ils vivent dans des territoires. Des territoires où le maire est souvent en première ligne pour faire face au problème du chômage, lequel constitue un enjeu politique de taille puisqu’il constitue une préoccupation majeure de nos concitoyens. J’ajoute que la prise en charge des chômeurs se fait évidemment à l’échelle locale, par exemple dans les agences de Pôle emploi qui correspondent à des bassins d’emploi. Pour faire court, la réalité du chômage se manifeste d’abord et avant tout au niveau des territoires et la territorialisation constitue un principe essentiel des politiques de l’emploi et de l’insertion.

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Date : 11/07/2013

La Communauté urbaine de Lyon conduit, depuis 2005, des politiques d’insertion par l’activité économique. Pouvez-vous nous brosser un panorama des actions conduites aujourd’hui ?

Au moment où je suis arrivé au Grand Lyon en 2004, la question d’une prise de compétence de la Communauté en matière d’emploi a été posée. A l’époque, il a été décidé de laisser cette compétence au niveau des communes afin de rester sur une gestion de proximité, au plus près du terrain. Le Grand Lyon quant à lui s’est positionné en tant que coordinateur de certaines actions en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi. Une mission chargée des questions d’insertion s’est alors structurée et a évolué au fil du temps. Aujourd’hui, la mission « développement
économique solidaire » est transversale à la Délégation générale au développement économique et international (DGDEI) et à la Direction de l’habitat et du développement solidaire urbain (DHDSU).

Cette mission a désormais quatre axes d’intervention. Elle poursuit tout d’abord des actions d’agglomération en matière d’insertion par l’économie. Il s’agit par exemple de favoriser la mobilité des publics en insertion avec la mise en place d’une plateforme mobilité emploi insertion, qui donne accès à un service de transport à la demande, à un service de location de véhicules à tarifs sociaux, à des autoécoles sociales pour passer le permis, à une formation à l’usage du vélo, etc. Nous menons également des actions pour lutter contre la fracture numérique, pour faire de la participation à des projets culturels un levier d’insertion, pour favoriser l’orientation socio-professionnelle. De même, nous pilotons l’observatoire emploi, insertion, cohésion sociale d’agglomération. Enfin, le Grand Lyon est l’une des rares collectivités à généraliser la clause d’insertion dans ses marchés publics.

Un autre axe d’intervention concerne le développement économique dans les quartiers relevant de la politique de la ville, c’est-à-dire ceux où le taux de chômage est le plus élevé. A ce titre, nous animons les développeurs économiques intervenant dans les quatre zones franches urbaines que compte le Grand Lyon. On retrouve les champs classiques du développement économique : la gestion des parcs d’activités et de l’immobilier d’entreprise, les relations avec les chefs d’entreprise, etc. Un autre volet de notre action dans ces quartiers réside dans la déclinaison du dispositif « Lyon Ville de l’Entrepreneuriat » qui existe sur l’ensemble de l’agglomération, mais dont 60 % des structures d’accompagnement sont basés dans les quartiers inscrits en politique de la ville.
Un troisième axe d’intervention concerne la territorialisation des politiques d’emploi, avec en particulier la mise en place de réseaux territoriaux à l’échelle des conférences des maires pour coordonner les actions des différents partenaires en faveur de la gestion territoriales des emplois et des compétences. Il s’agit de casser la verticalité de certains dispositifs, comme ceux liés à Pôle emploi, et d’apporter de la lisibilité aux entreprises et aux demandeurs d’emploi. Nous participons également aux instances des différents contrats territoriaux emploi formation du Conseil régional qui couvrent le territoire du Grand Lyon.

Enfin, dernier axe d’intervention, l’économie sociale et solidaire (ESS), où l’on trouve le soutien à l’entrepreneuriat, et notamment aux coopératives d’activité et de production, la professionnalisation des acteurs, le soutien à l’émergence d’un pôle d’innovation sociale d’agglomération, le pilotage de l’observatoire de l’ESS.

 

Aujourd’hui, quelles sont les coopérations développées par le Grand Lyon avec les différents acteurs intervenant sur le champ des politiques de l’emploi ?

Concrètement, la mise en œuvre des actions que j’évoquais précédemment implique pour le Grand Lyon de développer de multiples partenariats, avec Pôle emploi, les services de l’État, les missions locales, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), les maisons de l’emploi, la Région, l’Union régionale des SCOP, l’agence d’urbanisme, etc. Selon les cas, ces partenariats impliquent de participer à des comités de pilotage, de construire des stratégies partagées, de définir des financements communs.
 

A-t-on une idée claire de « qui fait quoi » entre ces différents acteurs ?

C’est une bonne question ! Au niveau des partenaires, chacun sait ce que fait l’autre. Seulement, on peut penser que c’est loin d’être le cas du point de vue des publics auxquels on s’adresse, à savoir les demandeurs d’emploi et les entreprises. Le problème aujourd’hui réside dans la multiplicité des dispositifs à l’échelle locale.
En dépit des partenariats, le manque de lisibilité et de synergie est patent. Nous sommes sur des dispositifs trop parcellisés pour qu’ils puissent atteindre pleinement leurs objectifs.

 

Comment voyez-vous évoluer la situation dans les années à venir ?

Il est évident que le rôle du Grand Lyon se trouve interrogé. Une évolution logique serait que la Communauté urbaine, à l’instar de ce qui ce fait à Nantes ou à Strasbourg, joue davantage un rôle d’ensemblier. De mon point de vue, c’est l’un des enjeux de la future Métropole. Ceci implique que le Grand Lyon prenne la compétence emploi en complémentarité de sa compétence développement économique. Il parait également souhaitable d’aller vers un Plan local pour l’insertion et l’emploi d’agglomération, en lieu et place des trois PLIE existants, vers un pilotage commun des dix missions locales que compte l’agglomération, vers le partage d’une stratégie commune en faveur de l’emploi avec les services de l’État, la Région et les communes.

Cette évolution est aujourd’hui largement revendiquée par les maires de l’est de l’agglomération. À Lyon et dans les communes de l’ouest, c’est moins évident. Quoi qu’il en soit, je pense que les marges de progrès sont là, dans la simplification du paysage des politiques de l’emploi.

 

Le territoire d’agglomération apparaît donc comme un périmètre pertinent pour organiser ces politiques ?

Il faut rester pragmatique et lucide. Il n’est pas question de remettre en cause l’action de proximité qui reste fondamentale face à la problématique du chômage. Ce qu’il faut rationaliser, ce ne sont pas les implantations de terrain mais bien les structures juridiques. L’enjeu consiste à inscrire les actions de proximité dans le cadre d’une stratégie d’agglomération partagée entre des organismes structurés à cette échelle. Autrement dit, il faut arriver à articuler une vision d’ensemble à des dispositifs adaptés aux situations particulières rencontrées dans l’agglomération. Le plus important est le résultat en termes d’emploi et d’insertion. Aller vers plus de lisibilité serait une première avancée.

 

Un récent rapport parlementaire met justement l’accent sur les maisons de l’emploi comme organisme ensemblier. Est-ce que cela aurait du sens d’envisager une maison de l’emploi d’agglomération ?
Effectivement, les maisons de l’emploi ont cette vocation fédératrice tant au niveau des actions en faveur de l’emploi que de l’articulation avec les politiques de développement économique. La maison de l’emploi et de la formation de Lyon joue déjà ce rôle fédérateur à l’échelle de la commune de Lyon. On pourrait effectivement imaginer de faire la même chose au niveau de l’agglomération. C’est ce qui se passe par exemple à Nantes. Mais il y a une incertitude sur la pérennité des maisons de l’emploi, qui coûtent très cher à l’État et dont le développement a été stoppé en plein vol.

 

En prenant en charge les compétences du Conseil Général, et notamment la gestion du RSA, la future Métropole n’est-elle pas incitée à agir fortement sur le terrain de l’emploi ?

Oui, c’est une évidence. À l’heure actuelle, la prise de conscience est politique plus que technique. Au niveau des élus, le problème du chômage prend évidemment une importance croissante. En revanche, on ne peut pas dire que la collectivité soit aujourd’hui fortement mobilisée sur la question. La politique de développement économique reste centrée sur les stratégies de filière, les pôles de compétitivité, le développement et l’implantation des entreprises, etc. La mission « développement économique solidaire » occupe une place modeste. En d’autres termes, le Grand Lyon n’a pas engagé de réflexion globale pour envisager de façon conjointe le développement des activités et celui des emplois. Pourtant, il y a de vraies synergies à trouver. Pour faire en sorte que le dynamisme économique de l’agglomération profite davantage aux demandeurs d’emploi grand lyonnais. Mais aussi pour s’assurer que les politiques d’accompagnement individualisé et de gestion territoriale des compétences permettent de soutenir et d’anticiper le développement des activités économiques. D’ailleurs, on se rend bien compte que les entreprises sont demandeuses d’un meilleur accompagnement pour faire face à l’évolution de leurs besoins en matière de gestion des emplois et des compétences. La Métropole devrait sans doute donner un coup d’accélérateur dans ce sens. En même temps, tout changement institutionnel demande de la patience. Le mariage des cultures du Conseil Général et du Grand Lyon prendra du temps.