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La mise en place des Pôles de Recherche & d’Enseignement Supérieur "Université de Lyon"

Interview de Lionel COLLET

<< Lyon a tout de même une histoire universitaire, des succès dans les appels d’offre, un environnement socio-économique très favorable, un soutien de la part des collectivités locales. Nous disposons de tout ce qu’il faut pour réussir >>.

Interview Lionel Collet – Président de l’Université Claude Bernard Lyon 1, Président du PRES Université de Lyon.

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Date : 27/04/2008

Pouvez-vous décrire le paysage de l’enseignement supérieur lyonnais en mettant évidence ses spécificités historiques et actuelles ? 

Lyon s’est dotée tardivement d’universités. Mais, c’est une ville qui a une tradition de formation avec des écoles comme celle de médecine, l’Ecole centrale ou encore l’Ecole vétérinaire qui ont toutes plus d’un siècle. La création des « vraies » universités ne remonte qu’à la loi Edgar Faure – après 1968. 
Les grandes institutions publiques de l’enseignement supérieur lyonnais ont, à l’exception de l’Ecole Centrale, cinquante ans ou moins dans leur configuration actuelle : l’INSA vient de fêter des 50 ans, les deux ENS sont devenues lyonnaises grâce aux délocalisations : pour l’ENS-Sciences il y a 21 ans et pour l’ENS-LSH il y a 5 ans. Autour de sept établissements (trois universités, deux ENS, INSA, ECL), tous les autres ne sont pas sous la tutelle du ministère de l’enseignement et de la recherche. Par exemple, l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon dépend du ministère de l’agriculture, l’Ecole Nationale des Travaux publics dépend du ministère de l’industrie. 
L’enjeu est d’arriver à créer non seulement une cohabitation entre ces établissements mais également et surtout une synergie. A ce titre, on peut également rajouter à cet ensemble les établissements privés : l’Institut polytechnique de Lyon et l’Institut Catholique de Lyon. 
Chaque structure a, dans cet ensemble, son identité propre et sa personnalité morale. 

 

Comment le PRES « Université de Lyon » s’est-il mis en place dans cet ensemble ?

En avril 2006, la loi « programme pour la recherche » a permis la création des Pôles de Recherche & d’Enseignement Supérieur (PRES). Lyon a décidé très rapidement de s’engager dans ce dispositif et de créer un PRES large en intégrant les 3 universités, les 2 ENS, l’Ecole centrale et très probablement prochainement  d’autres établissements dont l’INSA et des établissements stéphanois. 
Le deuxième cercle est constitué par les établissements dits associés car ils ne délivrent pas le diplôme de doctorats. 
Le PRES « Université de Lyon » a été créé officiellement en mars 2007 sous la forme d’un établissement public de coopération scientifique. 

 

Quels sont ses objectifs?

Ils sont multiples. Le PRES a pour vocation de mieux montrer Lyon et de rendre plus efficace ce qui se passe en enseignement et recherche. Ainsi ont été transférées au PRES diverses compétences : les écoles doctorales, la valorisation via Lyon Science Transfert, et la politique internationale au niveau doctoral. 
Toutefois en août 2007, la loi Valérie Pécresse sur l’autonomie des universités a été votée. Cette loi ne fait allusion aux PRES que sur un seul point : la composition des comités de sélection pour recruter les enseignants-chercheurs qui peuvent associer plusieurs établissements et ce, notamment au sein d’un PRES. Aussi se pose la question depuis la loi Pécresse des missions des PRES par rapport au recrutement. En février 2008, Valérie Pécresse met en place « l’opération campus » . A Lyon, nous avons décidé que le PRES porterait ce dossier. 
De plus, la loi Pécresse permettra aux établissements d’obtenir la dévolution du patrimoine en d’autres termes, les établissements pourront être propriétaires de leur patrimoine immobilier foncier. Mais, il faudra être capable d’assurer la gestion immobilière de l’ensemble. 

 

Vous avez souligné tout à l’heure que pour être membre fondateur du PRES « Université de Lyon », il fallait que l’établissement puisse délivrer un doctorat, aussi que se passe-t-il pour les autres ? Comment les établissements du PRES vont-ils s’articuler et pouvoir travailler avec les autres ?

Tout d’abord, il nous fallait un critère pour les membres dits fondateurs. Le critère retenu par Lyon a été l’habilitation à délivrer un doctorat. Il y a des établissements – par exemple l’EM-Lyon – qui ne délivrent pas directement de doctorat mais qui sont associés dans une école doctorale. L’évolution des textes nous oblige à réfléchir sur les statuts des différents membres. 
Etre membre associé, cela veut dire être représenté au sein du Conseil d’Administration, nous avons 3 sièges pour l’ensemble des membres associés et c’est donc participer à ce titre à la vie du PRES. De plus, ces membres associés sont très souvent présents dans des écoles doctorales avec des établissements fondateurs. 

 

Que va changer la structuration en PRES des établissements Lyonnais ?

Tout d’abord,  une réalité quotidienne pour les étudiants. En effet, il n’y aura plus de carte d’étudiant par université ou école mais une carte d’étudiant unique pour le PRES dans son ensemble. 
Ensuite, toutes les publications des établissements du PRES ont comme première adresse « Université de Lyon », ce qui rend plus lisible la signature « Université de Lyon »  avec l’enjeu des classements internationaux. Les établissements français rencontrent des difficultés dans les classements internationaux liés aux critères retenus dont le nombre de Prix Nobel. 
Le fait de signer l’ensemble des publications « Université de Lyon » devrait permettre à Lyon de progresser mécaniquement dans les classements mais, ce n’est pas tout. Cela créé un sentiment d’appartenance, une cohésion entre les chercheurs. 
Aujourd’hui sur les 17 écoles doctorales des établissements lyonnais, bon nombre d’entre elles sont communes à plusieurs établissements. Il est donc plus simple que ce soit le PRES qui les gère. 
Par ailleurs, en ce qui concerne la politique internationale de doctorats, on ne peut pas avoir différentes politiques d’attraction en fonction de l’établissement où l’étudiant va être accueilli. Il nous faut harmoniser les offres sur le logement, l’accueil, etc. 
Pour la valorisation, le cas de figure est le même. Les établissements qui produisent beaucoup de résultats valorisables, n’en produisent toutefois pas assez pour que la structure de valorisation soit rentable. De fait, la mutualisation entre établissements paraît incontournable. 

 

Qu’en est-il pour les offres de formations ?

A ce jour, nous ne les avons pas transférées au PRES à l’exception de quelques masters internationaux. Cela signifie que chaque établissement est responsable de sa formation ce qui concerne les niveaux licence et master, les diplômes d’ingénieur ou ceux de docteur en médecine.

 

Y a t il des enjeux différents en fonction des établissements ? Par exemple, est-ce que Lyon 2 a le même intérêt d’intégrer le PRES que Lyon 1 ou une école d’ingénieurs ?

Les enjeux du PRES aujourd’hui sont à l’échelle de la vision que nous pouvons avoir de Lyon. Lyon est une grande ville mais pas d’une taille comparable à Paris et nous n’avons pas les moyens de nous disperser. L’enjeu à terme est de construire une structure de nature fédérale où chaque établissement garde sa personnalité mais avec une politique globale pour l’académie de Lyon. 
Si on prend le modèle de l’université californienne. Cette dernière est basée à différents endroits. Il y a U.C L.A, l’Université de Los Angeles, il y a aussi U C S F, l’université de San Francisco et il y en a d’autres. Certains avaient rêvé de créer une université sur ce modèle en Rhône-Alpes avec différents sites. Cela ne s’est pas fait parce qu’il y a encore des habitudes universitaires fortes. Toutefois, l’association Lyon et Grenoble pourrait être très forte. Elle représente aujourd’hui un enjeu incontournable pour l’avenir de l’enseignement supérieur en Rhône-Alpes avec à la clé la création d’un PRES Rhônalpin. . 

 

De fait, comment les projets du PRES vont-ils s’articuler avec ceux des pôles de compétitivités ou des clusters de recherche de la région Rhône-Alpes ?

Ce sont des ensembles connexes. Dans le conseil d’administration du PRES, siègent des chefs d’entreprises également présents dans les pôles. De plus, parmi les missions des pôles, il y en a une de formation. La logique veut donc qu’ils se retournent vers le PRES qui fédère les établissements afin qu’ils puissent s’orienter vers l’établissement qui correspond le plus à leur besoin. Le PRES devrait être donc l’interlocuteur qui peut répondre à la fois aux collectivités locales et territoriales, aux grandes entreprises et à toute structure qui en a besoin.
Le PRES de Lyon fait partie des neuf premiers PRES labellisés en France. Ce qui le distingue des autres c’est qu’il rassemble des universités, des grandes écoles, des écoles d’ingénieurs, des établissements publics relevant ou non du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et des établissements privés. Cette diversité fait son originalité mais également soulève la nécessité de réfléchir à une gouvernance appropriée. L’enjeu est de construire le paysage rhônalpin de l’enseignement supérieur et nous commençons dors et déjà en intégrant des établissements stéphanois.

 

Est-ce que les établissements ont modifié leur offre de formation à leur entrée dans le PRES ?

Oui, pour les écoles doctorales. Ces dernières ont été revues en terme de périmètre au sein du PRES afin qu’elles ne soient pas redondantes. Le raisonnement s’applique également à Saint-Étienne. 
Mais ce n’est pas sans difficulté. Derrière une école doctorale, il y a des allocations de recherche. Or, le fait d’avoir son école doctorale de site garantit à Saint-Étienne d’avoir des allocations doctorales pour ses élèves en thèse. Le fait de se retrouver avec Lyon peut présenter un risque. Ce n’est pas un sujet mineur pour une métropole. Il ne s’agit pas d’englober Saint-Étienne mais de trouver des solutions pour que les deux villes se retrouvent au sein du PRES. 

 

Que va-t-il se passer en terme de recrutement ?

Au moment de la rédaction des textes, l’idée était de développer une politique commune de recrutement et notamment au niveau des postes internationaux. Pour les recrutements de maître de conférence ou de professeurs des universités, des comités de sélection succèderont aux commissions de spécialistes. Dès que nous serons dans des domaines pouvant intéresser plusieurs établissements, ce sera avec le PRES que les comités de sélection seront créés. Cela risque d’être fréquent car les laboratoires lyonnais sont souvent mixtes par leurs rattachements à plusieurs établissements. Le PRES aura un rôle à jouer dans la composition des comités de sélection.

 

Les commissions de spécialistes disparaissent donc complètement ?

A partir du 10 Août 2008, elles disparaissent. Mais il ne faut pas oublier que les sections demeurent au Conseil National des Universités (CNU) et qu’avant de postuler il est nécessaire d’être qualifié dans sa section. 
Les prochains comités de sélection qui vont être mis en place ne vont pas tout à fait être comparables à ceux qui existaient jusqu’alors. Pour les postes interdisciplinaires, cela va jouer un rôle important. Le PRES interviendra d’ailleurs beaucoup sur ce type de postes.  

 

Quelles sont les personnalités extérieures dans le Conseil d’Administration du PRES ?

Il y a notamment le maire de Lyon, le président du Conseil Général, un représentant du Conseil régional, l’ancien commissaire européen, Philippe Busquin, le recteur de Barcelone, et des personnalités de l’industrie lyonnaise.

 

Comment les modifications engendrées par la création des PRES vont-elles s’organiser avec celles engendrées par la loi Pécresse ?

Avec la loi Pécresse, une modification très importante est que les universités vont obtenir un budget global. Si on prend l’exemple de l’université Claude Bernard-Lyon 1, son budget est d’environ 300 millions d’euros par an dont 200 millions d’euros de masse salariale. Jusqu’à présent, nous ne gérions pas cette masse salariale qui est gérée par le Ministère. La gestion portait sur les 100 millions restant. Au 1er janvier prochain, si l’université le décide, elle pourra gérer l’ensemble de son budget, masse salariale y compris, ce qui apportera une certaine souplesse. Par exemple, une UFR peut pour une année avoir plutôt besoin d’un ingénier de recherche que d’un maître de conférence, et l’inverse pour l’année suivante. A l’heure actuelle, il faut faire une demande spécifique au ministère en justifiant année par année les besoins. Avec la loi Pécresse, cela disparaît.  
La dévolution du patrimoine reste un dossier plus complexe parce que se posent aussi trois questions : celles de l’amortissement, des assurances  et de l’entretien de ce patrimoine. Donner le patrimoine sans donner les moyens de l’entretenir serait très dangereux pour les universités. C’est pour cette raison que la dévolution du patrimoine n’est pas obligatoire pour les universités. 

 

Il y a beaucoup de tensions autour de cette loi Pécresse et notamment sur les questions relatives au recrutement, pensez-vous que le fait de pouvoir recruter des chercheurs sur contrat remet en cause le statut de fonctionnaire des enseignants-chercheurs ?

Il y a beaucoup de choses décriées dans cette loi. Elle suscite beaucoup d’angoisses et de questionnements. Par exemple sur la disparition des comités de sélection ou sur l’augmentation des pouvoirs accordés au Président de l’Université et au Conseil d’Administration. Mais il faut voir que cette loi met également en place assez de garde-fous pour limiter les dérives possibles. En ce qui concerne les recrutements, la question est assez délicate. Mais ce qu’il faut savoir est qu’il existe déjà des postes contractuels et heureusement car il y a des disciplines qui n’existent pas au CNU. Par exemple à Lyon 1, nous enseignons la  kinésithérapie mais cela n’existe pas au CNU. Alors comment trouve-t-on nos enseignants ? Nous recrutons des professionnels à qui nous proposons un contrat. 
Ces contrats ne sont pas les meilleurs actuellement et la loi Pécresse nous permettra de mettre en place de meilleurs contrats. Mais l’idée est de savoir si l’on ne va pas transformer des emplois de fonctionnaires en emplois contractuels. C’est effectivement une grande crainte et cette dernière est assez fondée. Tout reposera sur la négociation de chaque établissement avec le Ministère lors de la mise en place du contrat quadriennal puisque c’est à l’intérieur de ce document que sera spécifié le nombre d’emplois requis. Un établissement qui fait le choix de perdre un emploi de fonctionnaire aurait la responsabilité de ce choix. Même s’il ne perd pas le budget, il perd définitivement l’emploi en question et ce n’est pas dans son intérêt. 
L’université a donc intérêt à garder ses postes de fonctionnaires et à en créer d’autres emplois.  Il ne s’agit pas d’un mouvement de remplacement. 

 

Quelle est aujourd’hui votre appréciation sur l’Université de Lyon ?

Il nous faut regarder ses succès après un an de fonctionnement.
Lyon possède deux Réseaux Thématiques de Recherche Avancée (RTRA) alors qu’il y en a seulement treize en France. De plus, il y a neuf Réseaux Thématiques de Recherche et de Soin (RTRS) dont trois à Lyon et deux instituts Carnot à Lyon.
L’attractivité de Lyon est une réalité.
Mais est-ce que cela suffit ? Certainement pas encore. Il y a des domaines comme la chimie, l’ingénierie où les forces sont très importantes à Lyon mais insuffisamment valorisées.
Regardons ce qui se passe ailleurs : les trois universités de Strasbourg fusionnent, les trois établissements du PRES d’Aix-Marseille sont également en train d’entamer une fusion. Lyon pourra-t-elle garder trois universités dans un paysage où les villes œuvrent pour la fusion de leurs universités ?
Lyon a tout de même une histoire universitaire, des succès dans les appels d’offre, un environnement socio-économique très favorable, un soutien de la part des collectivités locales. Nous disposons de tout ce qu’il faut pour réussir.
Nous devons aujourd’hui réfléchir au rôle du PRES face à des établissements autonomes. C’est un des grands enjeux de l’avenir du PRES sans remettre en cause son existence car les établissements ont besoin d’une structure de gouvernance fédérative. Par exemple, je ne trouverai pas choquant que le PRES puisse avoir une fondation fédérative qui pourrait être mise à disposition des différents établissements. A l’heure actuelle, le PRES ne peut avoir de fondation mais c’est sans doute des questions auxquelles nous nous devons de réfléchir. Il n’y a pas d’intérêt à ce que chaque établissement mette en place sa fondation.

 

Ce qui semble délicat est de faire s’accorder les attributions des établissements avec celle du PRES.

Oui, c’est exact. Mais en un an, nous sommes parvenus à mettre en place un Conseil d’Administration avec de nouveaux membres, à régler la question du budget, à structurer les personnels permanents du PRES, à monter le projet du plan Campus pour Lyon. C’est un bon bilan.