Vous êtes ici :

Les services publics et l'accueil aux usagers : quand il est question de qualité

Interview de Jean-Pierre VIALAY

Directeur de la Qualité du Service Public de la Ville de Lyon en 2006.

<< Il s’agit de passer d’une logique administrative à une véritable culture de service rendu à l’usager >>.

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 02/11/2006

Pouvez-vous nous présenter votre direction ?
La Direction de la Qualité du Service Public de la Ville de Lyon fait partie de la délégation des services au public et de la sécurité, placée sous l’autorité de Madame Isabelle Mercier. Elle regroupe principalement les services et les canaux d’information en contact direct avec les usagers : les mairies d’arrondissements, le centre de contact Lyon en direct, le service courrier, et le service de la Gestion Urbaine de proximité. Dans ce cadre elle anime deux chantiers transversaux au sein de la commune : le Plan d’Excellence de l’Accueil et le Groupe Projet Internet appelé à développer les e-services.Notre objectif principal est de gérer, maintenir les performances de qualité dans ces services qui sont tout particulièrement en lien avec le public, l’usager, le client. Ce lien entre les services et l’usager s’effectue à travers quatre canaux : le téléphone, le courrier, Internet et l’accueil physique. C’est à partir de ces 4 canaux principaux que nous travaillons à la fois pour répondre aux demandes des usagers.

 

Dans votre démarche, que recouvre le terme « qualité » ?
Comme nous l’entendons, une démarche qualité se traduit par la poursuite de quatre objectifs : améliorer la demande ou la réponse faite à l’usager, mettre en place des process ou des procédures pour garantir cette réponse, engager un contrôle qualité pour vérifier le respect de la mise en œuvre des procédures et enfin créer de nouveaux services. A termes, nous souhaitons arriver à de véritables engagements de l’administration auprès des usagers.

 

Pouvez-vous citer un exemple illustrant votre démarche ?
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est celui du « Plan  Excellence de l’Accueil » mis en œuvre dans les mairies d’arrondissement. L’accueil est une mission essentielle qui conditionne la relation entre l’administration et les usagers. Cependant, bien accueillir ne s’improvise pas et les pratiques d’hier ne sont peut être pas les plus adaptées aux attentes et besoins d’aujourd’hui. C’est pourquoi, à la suite d’une étude conduite en début de ce mandat, une démarche a été identifiée afin  de redéfinir  les relations entre l’administration locale ( Mairie d’arrondissement ) et les usagers. Cette étude qui a mobilisé par le biais de focus groupe différents publics a permis de conduire 5 chantiers principaux.
- l’organisation de l’accueil des usagers pour un accueil plus convivial et confidentiel
- le développement d’une culture " relation citoyen " pour une meilleure réponse aux attentes des Lyonnais
- la gestion des appels téléphoniques
- le développement des e services
- le pilotage de la satisfaction des usagers.Au travers de ces 5 priorités, le changement fondamental qu’il s’agit d’accompagner est celui de la redéfinition des relations entre  l’administration et les citoyens. Il s’agit de passer d’une logique administrative à une véritable culture de service rendu à l’usager, d’une administration basée sur l’offre de service à une administration soucieuse de la réponse à la demande. Cette « révolution est en cours », les personnels des mairies d’arrondissement en sont les moteurs. Force est de constater qu’ils s’engagent avec enthousiasme dans ce projet qui donne une autre ambition à leur mission.

 

Qu’est-ce qui vous a guidé dans la mise en œuvre d’une nouvelle organisation de l’accueil des usagers ?
Ce que nous cherchons avant tout c’est à créer un contact convivial et efficace, apporter la bonne réponse dans les meilleures délais possibles en respectant deux grands principes, la convivialité et la confidentialité.  Pour cela nous intervenons sur l’organisation de l’accueil et sur l’aménagement des locaux. Nous avons revu l’ensemble  des points de cheminement de l’usager, depuis son arrivée jusqu’à son départ : de l’accueil-l’orientation,  en passant par l’attente puis le traitement de la demande. Ainsi, nous avons différencié l’accueil physique et l’accueil téléphonique pour ne pas perturber les prises de contacts, identifié des points contact afin de répondre à tout ce qui touche au cadre de vie. La gestion du temps d’attente et de traitement de la demande est en passe d’être généralisée à partir d’un logiciel permettant de gérer les moments d’attente et d’affluence, et d’améliorer le confort de l’usager. Parallèlement des aires affectées à l’attente ont été aménagées sur les plateaux. Une mairie d’arrondissement a même modifié ses horaires de fonctionnement en ouvrant une soirée par semaine.

 

Comment fonctionnent ces espaces d’attente ?
Les personnels des mairies d’arrondissement ont constaté au cours de ces dernières années que les usagers supportaient de plus en plus mal l’attente. Nous vivons dans une période d’instantané, d’immédiateté et cette réalité s’impose à l’administration. C’est pourquoi, les démarches qualité prennent autant d’importance. C’est un impératif que de répondre plus vite, que de limiter l’attente, le temps de traitement et surtout de s’assurer de la qualité du traitement pour qu’aucun défaut (manque d’une pièce, donnée mal saisie, photo non conforme…) ne vienne ralentir la procédure. Nous souhaitons maintenir le temps d’attente moyen à cinq minutes et l’organiser pour qu’il soit agréable. C’est pourquoi,  nous avons pour projet  d’introduire dans les aires d’attente des documentaires liés à la vie de l’arrondissement. Des quotidiens sont mis à disposition, des jeux et des jouets sont installés pour les enfants.

 

Comment répondre à cet impératif de réduire sans cesse les délais ?
A l’arrivée de l’usager un ticket mentionnant l’heure d’arrivée et le motif de la demande lui est remis. Ces données ainsi que le temps de traitement de la demande sont saisis par l’agent municipal au départ de l’usager. Centralisé en temps réel, l’ensemble des données des agents permet de repérer plus finement les types de demandes, les temps de traitement… et au responsable de plateau de répartir au mieux le personnel pour répondre à la réalité des demandes et ainsi de diminuer les délais.

 

La question d’une plus grande flexibilité des horaires d’ouverture des mairies d’arrondissement est-elle aussi un impératif ?
Chaque mairie d’arrondissement a ses propres horaires. Elles sont ouvertes le samedi matin à l’exception du huitième arrondissement qui a expérimenté un fonctionnement en fin d’après midi de 16h30 à 20 heures. Cette expérience se révèle concluante tant en terme de fréquentation que de qualité. L’accueil est en effet plus serein. Certaines mairies ont des permanences entre 12 et 14  heures, cependant comme le samedi matin, on constate une faible fréquentation. Je pense que les demandes sont différentes d’un arrondissement à l’autre et qu’il convient de s’adapter au mieux aux particularités de chaque secteur. Pour cela il est essentiel de bien connaître la demande et ses évolutions. Par ailleurs, je pense que la plus grande flexibilité nous sera offerte, non pas par de plus larges plages horaires, mais par une bien plus grande utilisation d’Internet. C’est en effet par cet outil que nous pourrons simplifier au mieux la vie de nos concitoyens. Le site de la ville en général et des mairies d’arrondissement en particulier est impérativement amené à évoluer tant pour faciliter l’accès à l’information que pour réaliser des démarches administratives ou encore pour exprimer des plaintes ou des réclamations. 

 

Ainsi, la relation entre les services publics et les usagers devient quasi exclusivement une cyber-relation ?
En 2003, lorsque nous avons réalisée notre étude auprès des usagers, 47% d’entre eux disposaient d’un accès Internet mais seuls 4% l’avaient déjà utilisé dans leur relation à la Ville. Je suis certain que ces chiffres ont déjà bien augmenté et qu’ils augmenteront encore fortement demain. Le Net va révolutionner l’administration. On a du mal aujourd’hui à faire face rapidement à l’importance des demandes d’actes d’état civil. Pour une telle démarche, il est évident que l’utilisation d’Internet est LA solution. Elle évite à des personnes qui aujourd’hui habitent à l’autre bout de la France ou du Monde de se déplacer, elle permet de lutter contre l’inexorable usure des registres d’état civil et simplifie la vie quotidienne des habitants qui aspirent peu à consacrer leur temps en démarches administratives… Cependant, je ne qualifierai pas la relation entre les services et le public de cyber-relation. Internet n’est qu’un outil que les fonctionnaires et les usagers utilisent pour communiquer entre eux. Et, cette relation s’améliorera avant tout grâce à l’investissement des services, à leur engagement auprès du public.  

 

Cette notion d’engagement semble être essentielle, vous pouvez préciser ce qu’elle recouvre pour vous ?
En effet, elle l’est. Elle est l’aboutissement d’une démarche de qualité de service apporté au citoyen et de certification. Elle s’inscrit dans la dynamique de « révolution culturelle » que j’évoquais précédemment. Elle participe à donner une autre ambition au service public en général et aux missions des agents municipaux en particulier. C’est en sens que nous avons travaillé sur le plan d’action « Excellence de l’accueil ». Les engagements doivent être précisés et lisibles pour les usagers. On peut imager trouver un panneau à l’entrée d’une mairie d’arrondissement précisant les cinq engagements retenus pour l’année en cours : la mairie s’engage à ouvrir deux fois par semaine jusqu’à 20 heures, à limiter le temps d’attente à 5 minutes, à vous accueillir de façon conviviale, à respecter les délais de traitement de vos démarches administratives, à répondre à vos demandes d’information, vos plaintes ou vos revendications sous un délai de trois semaines maximum. L’accueil et la gestion de la demande ne sont pas au cœur des préoccupations or une administration moderne est une administration proche des citoyens et performante pour ses usagers. Pour une collectivité, s’engager à être performante, c’est, outre la qualité apportée dans la gestion de la demande au bénéfice du public, asseoir une image valorisante et attractive. C’est également induire des relations plus respectueuses des citoyens et ainsi leur permettre d’avoir une plus grande confiance en leur collectivité. Pour moi, il y a là un réel enjeu démocratique. La municipalité de Barcelone est à ce titre exemplaire. Elle considère la plainte comme un cadeau, comme une belle opportunité de remise en question et de progression, nous avons encore du chemin à parcourir…