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Les jardins familiaux dans la région lyonnaise

Interview de Bernard JUSTET

<< Il existe trois mille parcelles de jardins familiaux dans l'agglomération lyonnaise et ce nombre augmente actuellement >>.

Les jardins familiaux  fleurissent un peu partout notamment dans l'agglomération lyonnaise suite à une demande croissante. Outre l'intérêt cultural, ils ont un intérêt social et pédagogique important. Quid des ces jardins ?
Rencontre avec Bernard Justet, président de l'association des jardins familiaux de Bron et président du Comité des Jardins Familiaux du Rhône.

Réalisée par :

Date : 01/11/2005

Qu'est-ce qu'un jardin familial ?
C'est une parcelle de terre mise à disposition de la famille, soit du père, soit de la mère, pour leur permettre de jardiner. Les attributaires sont en charge de l'entretien de la parcelle qui leur est confiée à condition qu'ils ne commercialisent pas les fruits de leur travail. La production est en effet réservée à un usage familial. Les jardins familiaux ont l’intérêt de générer une vie de groupe par l'organisation spontanée de repas conviviaux, de temps informels et de travaux collectifs organisés une à deux fois par an pour l'entretien des parties communes.

Les associations de jardins familiaux développent-elles des activités qui dépassent le cadre familial ?
Oui, tout à fait, d'autres activités peuvent se greffer autour. Par exemple, un jardin scolaire est en place au Fort de Bron depuis 1995. La classe de CE2 de l'école Ferdinand Buisson vient au jardin pour développer un projet pédagogique qui évolue chaque année. Le contenu pédagogique a d'ailleurs été validé par l'Éducation Nationale. À la demande des enfants, un inventaire de l’avifaune a notamment été réalisé avec l'assistance du Centre Ornithologique de la Région Rhône-Alpes, le CORA, à l'échelle de la ville. Trois cents enfants ont participé à ce travail qui est né au jardin. Cette action a d'ailleurs été primée par la Fondation Nicolas Hulot. Quels autres projets avez-vous pour les jardins familiaux de l'agglomération ? Nous sommes en train de créer des parcelles pour accueillir six à sept personnes à mobilité réduite à Bron. Le projet se monte avec l'aide de la ville, du Grand Lyon et de la Région Rhône-Alpes. L'ouverture devrait avoir lieu à l'automne 2006. Nous souhaitons également réaliser une mare pédagogique pour développer une approche de la biodiversité pour les scolaires de la ville de Bron. L'association Naturama pourrait être en charge de l'animation.

Les projets menés autour des jardins ne se ressemblent-ils pas tous un peu ? Ne craignez-vous pas leur banalisation ?
Non, car nous constatons que les actions menées ont toujours autant de succès. Nous les varions pour cela. Nous ciblons les jeunes publics parce qu'ils ont un impact fort sur les parents. Quand par exemple ces derniers viennent sur le site des jardins de Bron, ils cherchent une ferme pédagogique. Nous leur expliquons alors que leurs enfants travaillent à partir d'un simple jardin. Cela montre bien que les enfants véhiculent des propos et des images qui dépassent le cadre même de cet espace.

Comment votre fédération gère-t-elle la demande croissante de parcelles et l'attente ?
Les parcelles peuvent se libérer quand l'adhérent est dans l'incapacité de faire face aux responsabilités qui lui incombent. Quant à la fédération, elle cherche de son côté à développer le nombre de jardins familiaux ou des jardins en pied d'immeubles. Cela est difficile compte tenu du prix du foncier, bien que l'on constate un accueil de plus en plus positif de ce genre de projet depuis les "années 90", tant de la part des collectivités territoriales que des bailleurs sociaux.

Combien existe-t-il de jardins familiaux au niveau de l'agglomération lyonnaise ?
Il existe trois mille parcelles aujourd'hui dans l'agglomération et ce nombre augmente actuellement. En effet, si quarante parcelles existent aujourd’hui à Vénissieux, une cinquantaine de plus vont voir le jour dans cette commune d'ici 2007. Une trentaine sont en cours de création à Villeurbanne. D'autres se créent également à Gerland, avec cinq nouvelles parcelles, et rue Challemel-Lacourt où le nombre va passer de trente-cinq à quarante jardins familiaux. À Feyzin, des jardins vont être créés par l'Association des Jardins du Lyonnais. Par ailleurs, des études sont en cours, notamment à Vaulx-en-Velin concernant des jardins en pied d'immeuble.

Quels types de projets développez-vous en pied d'immeuble ?
Ce type de projet est assez différent des jardins familiaux traditionnels puisqu'il s'agit là de micro surfaces. Une quinzaine de parcelles devraient ainsi voir le jour au bas des immeubles que nous visons en partenariat avec l'OPAC de l'Ain à Rillieux. Un partenariat est également en cours avec la SACVEL. La gestion de ces parcelles devrait a priori être assurée par le Comité Local du Rhône.

Depuis quand existe la fédération des jardins familiaux ?
La fédération a 106 ans. C'est l'Abbé Lemire, alors député d'Asbruck, qui a créé la Ligue du Coin de terre et du Foyer dont le nom a ensuite été modifié. La fédération compte 28 000 adhérents répartis entre les associations des jardins familiaux, les comités locaux et les jardins qui sont en gestion directe au sein de la région Paris Île-de-France. La fédération dispose aujourd'hui d'un bureau d'études efficient qui intervient auprès des collectivités locales et des bailleurs sociaux pour assurer l'interface entre eux et les associations. Dans le Rhône, une délégation de trois personnes joue ce rôle : Jean Fabre, Monsieur Planet, responsable des jardins familiaux à Rillieux et moi-même.

Comment s'explique la création du Comité Local du Rhône ?
Nous avons constaté que des communes peuvent être porteuses de projets de création de jardins tout en ayant des questionnements relatifs au mode de gestion approprié. Le Comité Local a donc pour vocation de prendre en gestion des jardins en relation avec les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux créateurs de ces structures.

Qu'est-ce que le jardin familial a de familial ?
Depuis vingt ans, nous accueillons à Bron des couples et des familles monoparentales et demain nous aurons des personnes pacsées !. Cette possibilité dépend des associations de jardins familiaux. Certains responsables ont plutôt tendance à penser que les jardins doivent conserver leur caractère familial au sens traditionnel du terme. Ce débat se pose aussi lorsqu'une personne devient veuve. Faut-il lui laisser la parcelle de son conjoint décédé ? À Bron, nous avons décidé d'accéder positivement à ce type de demande. Des procès ont cependant eu lieu où le conjoint survivant a été débouté. En effet, le jardin est bien la contrepartie d'une adhésion à une association, il ne s'agit pas d'une location. Cette adhésion est nominative bien que la personne puisse en bénéficier avec sa famille.

Le cadre du fonctionnement des associations a donc évolué ?
Oui, et cela s'est fait tout naturellement. Il a fallu stipuler dans le règlement de l'association qu'il fallait habiter Bron pour avoir un jardin et que l'entretien de la parcelle s'arrêtait à la fin de l'année culturale en cas de déménagement. On note aussi une autre évolution : l'ouverture des jardins à des actions ou des projets qui rayonnent à l'échelle du quartier ou de la ville.

En quoi ces jardins ont-ils un rôle dans la préservation de la qualité de notre environnement ?
Ils représentent des échantillons de la biodiversité. Ce sont des espaces éducatifs, des lieux pédagogiques, des lieux où se tisse le lien social. Ce sont des espaces clos où les déambulations sont néanmoins possibles pour les visiteurs si une personne de l'association est déjà sur les lieux. Ces jardins sont sources de nombreux échanges de plants et de pratiques agricoles. Pour ma part, je souhaite que ces espaces favorisent la convivialité. Qu'en est-il des échanges de savoir-faire ? Ils se font tout naturellement. Chaque fois que j'ai une demande d'adhésion, je prends le temps d'apprécier si la personne a un savoir-faire particulier et d'évaluer son niveau de connaissance en matière de jardinage. Je la mets ensuite en relation avec une personne de l'association. Chaque personne a un peu sa spécialité en fonction de ses origines culturelles, sociales. Certaines personnes sont compétentes pour tel type de culture, d'autre vont connaître les techniques pour amender la terre, etc.

Arrive-t-il que certaines personnes soient exclues des jardins ?
En effet, il peut arriver que des personnes se démotivent et n'entretiennent plus leur jardin. Dans ce cas, je les rencontre pour comprendre ce qui se passe et proposer des solutions d'entraide. Je n'ai parfois pas le beau rôle car si l'adhérent ne coopère pas pour mettre en œuvre ces solutions, il arrive qu’il soit mis fin à son contrat d'adhésion à la fin de l'année culturale. Nous ménageons une période d'essai d'un an et évitons les échanges tendus en prenant ces situations en compte avant qu'elles ne se dégradent. Il arrive aussi que le contrat d'adhésion prenne fin de manière anticipée lorsque le règlement n'est pas respecté et notamment lorsque des paroles agressives sont échangées ou que des actes violents ont lieux. Je constate en effet tous les jours que les jardins sont à l'image de la société et de ses dérives.