Vous êtes ici :

Programmes du pôle de compétitivité Lyon Urban Truck and Bus (LUTB)

< Retour au sommaire du dossier

Logo de Lyon Urban Truck & Bus
© Lyon Urban Truck & Bus

Interview de Dominique Cesari

<< La situation du Grand Lyon est exceptionnelle en terme de modes de transports en commun : bus, tramway, métro, funiculaire… tous coexistent sur un même territoire. >>.

Dominique Cesari est directeur délégué de l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité ou INRETS (membre co-fondateur de Lyon Urban Truck and Bus) et directeur du programme Recherche & Développement de LUTB : « Sécurité et sûreté intégrées ».

Réalisée par :

Tag(s) :

Date : 15/02/2007

Pouvez-vous nous rappeler la genèse du pôle de compétitivité Lyon Urban Truck and Bus (LUTB) ?

Le pôle de compétitivité LUTB émane de l’appel à projet lancé à novembre 2004 par le gouvernement. Nous disposions de quatre mois seulement pour élaborer notre projet. Celui-ci émane en partie d’un cluster initié par la Région Rhône-Alpes qui existait déjà : « Automative cluster ». Les six membres fondateurs de LUTB : Renault Trucks, Irisbus, l’Institut Français du Pétrole, l’INRETS, le Grand Lyon  et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon,  se sont donc rapidement organisés pour construire le projet centré sur ces trois éléments-clés : le milieu urbain, le transport de personnes et le transport de marchandises. LUTB est aussi né de plusieurs constats. D’une part, la situation du Grand Lyon est exceptionnelle en terme de modes de transports en commun : bus, tramway, métro, funiculaire… tous coexistent sur un même territoire.

D’autre part, la géographie et l’urbanisation crée des contraintes fortes et très variées : il y a des zones très denses, d’autres très pentues, des fleuves à traverser, de nouvelles zones urbaines augmentant les distances à parcourir… Tout cela constitue un champ d’expérimentation très riche. Enfin, deux grands acteurs des véhicules industriels rattachés à des groupes internationaux, Renault Trucks (groupe Volvo) et Irisbus (groupe Iveco), sont présents en Rhône-Alpes. Ces deux grands groupes ont des activités R&D localisées en région et souhaitent les conforter en s’appuyant sur le tissu de recherche appliquée et de recherche fondamentale présent sur place. LUTB repose donc sur des bases solides. Le pôle a été labellisé en juillet 2005 et l’organisation s’est ensuite mise en place.

 

Comment ont émergé les différents programmes du pôle ?

Au départ, un groupe de travail composé des six membres fondateurs a cerné les différentes questions posées par le transport de personnes et de marchandises en milieu urbain et a fait converger les problématiques. Les besoins de mobilité se font de plus en plus sentir pour assurer le développement des métropoles. Les professionnels du transport doivent répondre à ces besoins et intégrer des contraintes : renforcer la sécurité et la sûreté des véhicules, améliorer les performances environnementales… Quatre programmes collaboratifs de R&D ont ainsi émergé : « motorisation et chaîne cinématique », «  sécurité et sûreté », « architecture et confort des véhicules industriels » et « systèmes de transport ». Parallèlement, trois programmes transversaux sont développés : la construction d’infrastructures d’essais mutualisés, la mise en place d’un groupe de réflexion permanent reliant l’aspect scientifique et les sciences sociales (le « Think Tank ») et l’organisation d’un congrès scientifique international LUTB.

 

Comment les plus petits acteurs ont-ils trouvé leur place dans l’organisation de LUTB ?

Une fois le pôle labellisé, l’association LUTB a été créée.  Le potentiel des acteurs  locaux, « en nombre et en poids », a été identifié très tôt dans le processus. Avec le Conseil d’administration, différents collèges ont été organisés, le collège d’industriels, le collège d’utilisateurs et le collège constitué par le cluster régional « Automative cluster », chacun comporte des places pour les PME. Parallèlement, des réunions de présentation du pôle en direction des acteurs locaux du transports ont eu lieu avec le double objectif : les informer sur les activités du pôle et les inciter à y apporter leur savoir-faire.

 

Des nouvelles technologies peuvent créer de nouveaux usages mais aussi répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles exigences. Cela semble clairement le cas pour le pôle de compétitivité LUTB qui s’appuie sur l’innovation pour répondre au besoin croissant de mobilité.

En effet, c’est pourquoi une « approche système » est privilégiée afin de comprendre le fonctionnement des systèmes de transports d’aujourd’hui et de demain et d’y apporter des solutions. LUTB souhaite apporter une valeur ajoutée aux systèmes de transport en utilisant les compétences des industriels, de la Recherche appliquée, des universités. Avec la mondialisation du commerce, l’innovation constitue la valeur ajoutée des produits et fait la différence par exemple, entre un camion produit en Inde et un autre produit en France. L’innovation est nécessaire pour entrer dans la compétition internationale : elle est vitale à la survie du secteur industriel mais également au bénéfice des usagers.

 

Les programmes de R&D développés ont-ils tous une dimension prospective ?

Tous les programmes de R&D prennent en compte les impératifs du futur mais le programme « systèmes de transport » est peut-être celui qui est le plus prospectif.

Le pôle a souhaité que les projets viennent essentiellement de l’initiative des industriels mais avec le programme transversal « Think Tank », des séances de créativité ont favorisé l’émergence de champs innovants et transversaux. Par exemple, le « Think Tank » a cerné des actions en direction des personnes les plus vulnérables. On peut agir au niveau des véhicules mais pas seulement. Diminuer les risques pour ces personnes signifie s’intéresser à leur propre perception du véhicule et à la manière dont le conducteur du véhicule les perçoit. Il s’agit également d’agir sur les usages, cela touche à des questions d’éclairage, d’infrastructures, de conception ergonomique… On peut aussi s’attacher à diminuer l’agressivité des véhicules (agressivités perçue et réelle) en diminuant l’impact des accidents, en utilisant des formes et des matériaux différents. Ce sujet concerne les principaux intéressés bien sûr mais il est important pour la société toute entière, et il modifie favorablement l’image des transports.

En bref, l’organisation du pôle permet de conduire des projets auxquels les industriels ne se seraient pas forcément tournés initialement et présente l’avantage d’en partager les risques entre les acteurs.

 

Quels sont les différents enjeux d’une aventure comme celle de LUTB ?

L’enjeu économique est évident. On observe un développement croissant du transport de personnes, or le déplacement individuel ne peut continuer à se développer ainsi indéfiniment : la question des transports en commun est donc cruciale. Elle excède largement l’aspect quantitatif, elle touche aux exigences de qualité et d’organisation (transports plus sûrs, plus fréquents, plus rapides…). Le transport de marchandises évolue lui aussi avec le développement de nouveaux modes d’achat et donc de distribution. Les achats sur Internet par exemple ont créé de nouvelles contraintes pour la livraison de colis, le stockage des marchandises, etc. Les membres du pôle avec leurs approches complémentaires sont à même d’accompagner ces différentes évolutions en prenant en compte les aspects techniques et organisationnels.

L’enjeu environnemental est aussi central dans les différents programmes du pôle. Des solutions innovantes peuvent être apportées pour réduire l’impact environnemental des véhicules (bruits, pollutions). A cela, on peut ajouter l’enjeu de sécurité. Nous nous efforçons d’intégrer des solutions de sécurité dans les véhicules de transports de personnes et de marchandises, par exemple en adaptant aux véhicules industriels les solutions mises en place sur les voitures.
Enfin, ces différents enjeux présentent l’avantage d’améliorer l’image des véhicules de transports en milieu urbain, qui sont encore bien souvent qualifiés de « dangereux », « polluants », « encombrants ».

 

Les pôles de compétitivité mettent en avant la notion de territoire. Les pôles soutiennent l’idée que le développement économique doit s’appuyer sur des spécificités locales : savoirs, savoir-faire… Quelles sont les spécificités locales sur lesquelles s’appuient LUTB ?

Les acteurs des véhicules industriels sont présents en région lyonnaise depuis plus d’un siècle. Marius Berliet a conçu et réalisé son premier camion en 1906 à Vénissieux. A la même époque, Louis Renault met au point l’ancêtre de l’autobus en région parisienne. Renault Trucks est directement issu de ce passé et de l’association de ces deux industriels. Irisbus est la conséquence du regroupement d’activité de construction de véhicules industriels autour de grands groupes européens. Leur siège est à Saint Priest et l’activité de R&D sur Saint Priest et Vénissieux. Quant à l’INRETS, nous avons déjà 22 ans d’existence à Bron et auparavant, deux organismes déjà présents depuis la fin des années 60 et qui ont fusionné pour créer l’INRETS, avaient déjà la même activité. Bien avant la naissance de LUTB, l’INRETS et Renault Trucks avaient déjà travaillé ensemble sur des questions de sécurité, d’environnement… Les collaborations avec Irisbus et l’IFP sont plus récentes.

 

L’INRETS intervient également dans d’autres pôles de compétitivité. Ceux-ci interagissent-ils entre eux ?

En effet, l’INRETS intervient dans les pôles transports des différentes régions dans lesquelles il est présent : le pôle i-Trans (Nord-Pas de Calais, Picardie) concernant les transports terrestres guidés, le pôle MOV’EO (Haute-Normandie, Ile-de-France, Basse-Normandie) concernant les automobiles et les transports collectifs, le pôle Ville et Mobilité durables (Ile-de-France). Tout ce qui favorise l’échange est positif mais cela ne doit pas alourdir le fonctionnement. Le PREDIT 4 (programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres) animé par le Ministère des Transports aidera certainement ces interactions.

 

La collaboration des acteurs d’un même secteur au sein d’un pôle de compétitivité est-elle une condition sine qua non pour innover et être compétitif à l’heure actuelle ?

L’organisation en pôle comporte de nombreux avantages dans la compétition internationale. Par exemple, LUTB offre la possibilité de mutualiser certains équipements, c’est même l’objet d’un programme transversal. Aujourd’hui, la R&D a besoin d’outils de développement et d’évaluation de plus en plus performants. Le développement de l’innovation est de plus en plus complexe. Ces outils exigent des investissements très lourds. Ensemble, nous pouvons partager certains équipements, les rendre accessibles à des acteurs plus modestes, les promouvoir... Ces moyens d’essais mutualisés sont nécessaires pour les quatre programmes du pôle. Cette mutualisation de moyens participe aussi à l’image du pôle et au rayonnement de la région : les équipements, comme les acteurs, sont plus visibles et susceptibles d’attirer de nouvelles entreprises ou de nouveaux laboratoires.

LUTB a augmenté la visibilité notre région. A l’été 2008, la direction générale de l’INRETS quittera Arcueil pour Bron, l’idée était là depuis longtemps mais il est certain que la création de LUTB ait pesé sur la décision.

 

L’organisation du pôle signifie aussi que les différents acteurs sont de plus en plus interdépendants ou que des acteurs concurrents travaillent ensemble. Un pôle de compétitivité ne rencontre t’il pas certaines limites ?

Cela aurait pu être le cas. Par exemple, en terme de produits, Renault Trucks et Irisbus sont concurrents à l’intérieur de leur groupe, mais tous deux avaient la volonté de conforter leurs activités R&D dans la région. C’est cette volonté commune qui importe dans LUTB et dans les programmes développés.

L’INRETS a la volonté de développer ses collaborations avec les industriels. De 2006 à 2007, l’INRETS a augmenté de 10 % ses ressources contractuelles. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous négligeons nos autres objectifs. L’INRETS a aussi la volonté de jouer un rôle fort au niveau régional, il intervient à cet effet dans le cluster de recherche « Transports, territoires et société ». L’INRETS s’implique aussi dans la création d’une filiale accompagnant des projets européens et souhaite conforter sa place dans l’espace européen de la recherche. Ces différentes activités se nourrissent entre elles, peuvent servir au pôle et permettent d’avoir une vision globale du secteur.

Les cultures différentes des acteurs peuvent parfois poser problème et l’organisation en pôle modifie certaines pratiques mais cela reste une opportunité de se développer, de s’adapter et de progresser.