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Créer de réelles conditions d’insertion pour les publics les plus éloignés de l’emploi

Interview de Jean-Luc MARTINEZ

Adjoint au Maire de Décines

<< Lorsque l'on aide les gens à régler leur problème d'emploi, on les aide aussi à en atténuer bien d'autres. De mon point de vue, l'emploi est l'élément central d'une politique de solidarité… >>.

Propos recueillis par Catherine Panassier, le 8 mars 2012

J-L Martinez est Adjoint au Maire de Décines délégué au développement économique, à l’emploi et à l’insertion de 2008 à  2012 – Premier adjoint en charge du développement urbain depuis mars 2012, Président d’Uni-Est.

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Date : 08/03/2012

Jean-Luc Martinez : présentation

Né en 1965, ce Décinois a travaillé plusieurs années comme cadre commercial dans le domaine des biens et équipements pour entreprises et collectivités, puis a été chef d’exploitation régional dans celui de la propreté urbaine mécanisée avant de devenir conseiller en ressources humaines. Fils de militant communiste et syndical, très jeune il s’engage à son tour dans le militantisme associatif puis politique et devient conseiller municipal de Décines en 1995, adjoint au Maire en 2001 puis premier adjoint et conseiller communautaire en mars 2012. Animé par une forte envie d’agir concrètement pour la vie sociale locale et les populations les plus en difficulté, il était « naturel » qu’il prenne la présidence d’UNI-EST la structure porteuse du PLIE-Plan Local d’Insertion par l’Economie de l’Est Lyonnais.

 

Insertion et emploi à Décines et dans l’Est lyonnais : repères

 

La Maison de l’Emploi de Décines
Les professionnels de la Maison de l’Emploi accompagnent les demandeurs d’emploi dans leur démarche de recherche : consultation des offres, informations sur le marché du travail et le monde économique - aide à la rédaction de CV et de lettres de motivation – mise à disposition d’ordinateurs, téléphones et photocopieurs - ateliers personnalisés sous forme de modules (entraînement à l’entretien d’embauche, image de soi, entretien téléphonique, etc) - aide aux créateurs d’entreprises et d’activités. Au fil du temps, la Maison de l’Emploi a tissé des relations avec de nombreuses entreprises dont certaines s’impliquent directement dans la vie de la Maison, à l’occasion de séances d’information sur des métiers mal connus et sur les secteurs qui embauchent, mais également pour organiser des simulations d’entretien ou des visites d’entreprises. La Maison de l’Emploi travaille avec les entreprises pour identifier précisément les besoins en recrutement et rechercher le profil le plus adapté parmi l’ensemble des personnes accueillies. Une fois présélectionnée, la personne rencontre directement l’employeur sur le poste de travail. Cette mise en situation directe se révèle particulièrement intéressante car elle permet de vérifier concrètement la pertinence du recrutement et d’aller plus vite qu’un recrutement classique.

Au sein de la Maison de l’emploi, la Mission Locale : un espace dédié aux jeunes de 16 à 25 ans (accueil, formation et accompagnement à la recherche d’emploi). L’action de la Maison de l’Emploi s’inscrit dans le dispositif du PLIE et de la Politique de la Ville et s’effectue sous la responsabilité du service économique de la Ville de Décines.

UNI–EST
Le Plan Intercommunal pour l'Insertion et l'Emploi de l'Est Lyonnais - UNI-EST - fait l’objet d’un protocole d’accord 2008/2012 entre l’Etat, la Région, le Département, et les communes de l’Est Lyonnais pour mettre en cohérence les interventions publiques au plan local afin de favoriser l'accès ou le retour à l’emploi des personnes les plus en difficulté. Il couvre 15 communes du Grand Lyon découpé en Conférences des Maires avec Villeurbanne, Rhône Amont (Vaulx-en-Velin, Décines, Meyzieu), Porte des Alpes (Bron, Chassieu, Saint-Priest, Mions), Portes du Sud (Saint-Fons, Vénissieux, Feyzin), Rillieux-la-Pape - Plateau Nord Val de Saône, ainsi que Givors Grigny et la communauté de commune de Condrieu. Il constitue le volet emploi insertion du contrat de ville pour les quartiers relevant de la Politique de la Ville. Le PLIE de l’Est Lyonnais est géré par l’association UNI-EST présidée par Jean-Luc Martinez. Cette association créée 1993 compte 40 salariés. Elle gère de nombreuses missions liées aux questions d’emploi et de la formation.

Dans cette interview, Jean-Luc Martinez présente le travail accompli à Décines avec la maison de l’emploi et plus globalement dans l’Est de l’agglomération à travers UNI-EST.
Il présente également sa vision de l’emploi et de l’insertion et le nécessaire travail en finesse pour créer, à l’échelle du territoire de l’agglomération lyonnaise, de réelles conditions d’insertion pour les publics les plus éloignés de l’emploi.
 

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A l’échelle communale, comment abordez-vous les questions du développement économique et de l’insertion ?

Pour bien appréhender les questions d’emploi à l’échelle d’un territoire, il convient tout d’abord de bien connaître le tissu économique dans sa globalité, mais aussi dans ses singularités. C’est indispensable pour construire une organisation qui couple économie et emploi et agir pour l’emploi de tous. Nous préférons employer ce terme à celui d’insertion qui peut laisser sous entendre que certaines personnes seraient inemployables. Nous avons retenu le parti pris de ne pas être que dans le traitement social du chômage. C’est pourquoi nous avons mis en place une organisation technique, un service qui lie l’économie à l’emploi pour très concrètement faire coïncider l’offre et la demande. Les outils au service de cet objectif sont réunis dans un lieu unique, celui de la Maison de l’Emploi où, autour d’un espace ressource commun, différents services ou associations interviennent en fonction des publics ou des problématiques à l’exemple de la mission locale ou du guichet unique pour les entreprises. Notre principe est d’accueillir aussi bien des demandeurs que des créateurs d’emploi. C’est pourquoi nous développons un service aux entreprises pour faciliter leurs démarches que ce soit dans la recherche de fonciers disponibles ou de prestataires de service, ou encore pour leur installation et le recrutement de collaborateurs. On compte déjà plus d’un millier d’activités économiques et de commerces sur Décines et la chargée de relations entreprises prospecte chaque jour pour que de nouvelles implantations puissent se concrétiser dans de bonnes conditions et offrent de nouvelles possibilités d’emploi.

 

L’Est lyonnais regroupe les communes qui abritent la majorité des  ménages les plus précaires de l’agglomération et les publics les plus éloignés de l’emploi. Et, cette population est la plus affectée par la crise et sa durabilité. Face à un tel constat, quels ont été les principaux axes de réflexion et d’action qui ont guidé l’action d’UNI-EST ?

La vocation d’UNI-EST est de coordonner les politiques communales en faveur de l’emploi dans l’Est lyonnais. Nous sommes tous très conscients que les enjeux de l’emploi ne se posent pas à l’échelle de chaque commune, mais au niveau du bassin de vie. Les principaux axes de notre réflexion nous ont conduit à poser clairement les problématiques communes à nos différents territoires. Par exemple, nous travaillons sur la mobilité des demandeurs d’emploi, une question majeure et pourtant trop souvent négligée. Dans la ville centre cette question est bien sûr moins criante, mais dans l’Est de l’agglomération elle demeure essentielle même si grâce à l’arrivée du grand stade, les transports en commun et notamment le tramway se sont largement développés. Et, notre axe de travail principal est d’aller chercher « le marché caché de l’emploi ».

 

Qu’entendez-vous par aller chercher « le marché caché de l’emploi » ?

Les grandes entreprises sont dotées de directions de ressources humaines qui savent anticiper l’évolution de l’emploi et cerner leurs besoins présents et futurs. C’est plus difficile dans les petites entreprises où le dirigeant est à la fois, le gestionnaire, le directeur commercial, le responsable technique ou encore le directeur des ressources humaines. Et quand il décide de recruter, il le fait souvent dans l’urgence face à un besoin qui s’impose. On s’aperçoit alors qu’il est utile de bien connaître les entreprises locales pour réagir au mieux et au plus vite, voire parfois de travailler en amont avec elles. Ce sont principalement ces petites structures qui embauchent, d’ou l’importance de travailler avec elles, de bien les connaître et d’entretenir des relations pour articuler au mieux l’offre et la demande. C’est dans cet esprit que nous avons mis en place le recrutement directement sur le poste de travail. Cette procédure permet de mieux cerner les attentes concrètes de l’employeur et les compétences à mobiliser et donc d’aller plus vite. Cette démarche  rassure le chef d’entreprise, le décharge du souci lié à la complexité des dispositifs de recrutement et évite des échecs aux demandeurs d’emploi. C’est un vrai plus pour tout le monde. Pôle Emploi n’est pas toujours en capacité de réaliser un travail de rapprochement en proximité. La situation de l’emploi s’est fortement aggravée avec la crise, et bien que l’emploi soit de sa compétence, l’Etat ne donne certainement pas les moyens suffisants à Pôle Emploi d’accomplir ses missions d’accompagnement des publics vers l’emploi. Pôle Emploi explose sous les demandes, chaque conseiller gère entre 100 et 400 personnes et, de fait, ne dispose pas de suffisamment de temps pour accompagner les publics et prospecter les entreprises.
Or, si nombre de personnes se sont socialement construit un réseau qui peut les aider dans leur recherche d’emploi, parce que l’on connaît tous autour de nous quelqu’un qui, à un moment ou un autre de sa carrière, est confronté à cette question, de nombreuses autres personnes, notamment dans les quartiers populaires, n’ont pas accès aux réseaux de l’emploi et, de fait, ont d’autant plus besoin de structures d’accompagnement.
C’est pourquoi nous travaillons dans la proximité pour être efficaces, en connaissant bien et en entretenant des relations constructives aussi bien avec les entreprises qu’avec les personnes. 60 à 80 personnes par an suivies à la Maison de l’emploi de Décines trouvent ainsi une solution. A l’échelle du PLIE UNI-EST, sur les 5000 personnes accompagnées, on compte environ 40% de sorties positives, c’est à dire qui ont un CDD de plus de six mois ou un CDI. Ce travail de rapprochement de la demande et de l’offre d’emploi permet d’apporter des solutions aux publics en difficulté en s’appuyant sur des moyens spécifiques permettant d’accéder au marché du travail. Pour moi, cette démarche consiste aussi à aller chercher le marché caché de l’emploi.

 

Malgré un contexte économique difficile, l’agglomération lyonnaise semble mieux résister à la crise que d’autres métropoles. Comment analysez-vous la dynamique économique de l’agglomération ?

La situation géographique de Lyon est un atout majeur, nous sommes à un carrefour entre de grands axes européens et nous bénéficions d’excellentes dessertes que ce soit par la route, le rail ou l’air. Cette géographie a permis à Lyon tout au long de son histoire d’assoir une tradition industrielle. De grandes entreprises, je pense à celles de la vallée de la chimie ou à Renault Trucks, mais aussi les pôles de compétitivité lui permettent d’avoir un rayonnement national et international. Par ailleurs, Lyon bénéficie d’un réseau riche et dense de PME et TPE qui sont aujourd’hui les principaux créateurs d’emploi.

 

Au delà de favoriser le développement économique, quel rôle le Grand Lyon peut-il jouer dans une dynamique d’emploi ?

Lorsque l’on aborde la question du rôle du Grand Lyon en matière d’emploi, on pense immédiatement au développement économique. Cependant, si l’on peut se réjouir de la création de richesses, on peut aussi se demander à qui elles profitent. Nous sommes dans une agglomération tenue par la gauche et les communes de gauche qui composent l’agglomération sont nombreuses à l’Est. Quel est l’intérêt de développer des richesses qui ne profiteraient pas à tous les habitants ?
Par ailleurs, à l’échelle de l’agglomération, l’approche de l’emploi est segmentée et divisée en trois dispositifs, trois PLIE : le PLIE du Sud Ouest Lyonnais, celui de Lyon et le plus important des trois par sa taille UNI-EST. Les trois structures ont parfois des projets en commun, mais il serait intéressant de viser une plus grande mutualisation de moyens pour dégager encore plus de financements pour les bénéficiaires des fonds européens et surtout pour développer et porter une vision commune de l’emploi à l’échelle de l’agglomération. Je suis vraiment partisan d’un débat d’agglomération sur une mutualisation voire une fusion des trois PLIE en un seul comme cela existe déjà à Valence, Grenoble ou Marseille.
Enfin, l’évolution donnée à la taxe professionnelle ne profite pas au dynamisme économique. En effet, lorsque que les communes en tiraient directement profit, elles avaient réellement intérêt à se battre pour le développement d’activités sur leur territoire. Aujourd’hui, au-delà de l’offre d’emploi qu’elle peut représenter pour les administrés, les communes peuvent s’interroger sur l’intérêt d’accueillir une nouvelle entreprise qui peut par ailleurs générer des nuisances et être tentée de laisser l’entreprise solliciter la commune voisine. Le Grand Lyon pourrait peut-être jouer un rôle régulateur sur cette question.   
Plus globalement, on peut se demander si le Grand Lyon ne devrait pas prendre la compétence emploi. Bien sûr, cela entraîne inévitablement des problèmes de coût, on sait comment se traduisent les transferts de compétences entre l’Etat et les collectivités... Cela pourrait également générer une crainte de perte d’autonomie des communes dans le traitement de ces questions.  Mais cela permettrait aussi de travailler à la bonne échelle, notamment pour les publics les plus éloignés de l’emploi. Actuellement, il est difficile de travailler conjointement avec les autres PLIE sur les offres d’emploi. Il faut bien l’admettre, faute de dispositif d’agglomération, nous sommes aujourd’hui plus en concurrence qu’en complémentarité.

 

Ne serait-il pas plus pertinent d’inscrire cette prise de compétence à l’échelle de la métropole aujourd’hui en construction ?

Je pense qu’il faudrait d’abord bien structurer les choses à l’échelle de l’agglomération, tout en gardant effectivement la perspective de la métropolisation. Ces positionnements vont dépendre de la réforme territoriale qui sera mise en œuvre dans les années qui viennent. Personnellement je pense que la région et l’agglomération sont de bons échelons pour appréhender les questions économiques et de l’emploi.

 

De votre point de vue, faut-il répartir l’emploi dans les différents territoires de l’agglomération ou faciliter la mobilité des personnes, et dans l’un ou l’autre cas, comment faut-il agir ?

Je ne sais pas répondre à cette question. C’est le secteur privé qui crée la richesse, les collectivités n’ont qu’un pouvoir d’incitation. De plus, la géographie a une importance déterminante. Il est bien plus facile de créer de l’activité à l’Est ou au Sud-Est de l’agglomération, là où les réseaux de transport sont bien développés, que dans les Monts ou les Coteaux du lyonnais. J’ai tendance à plus croire à la facilitation de la mobilité des individus. UNI-EST conduit un travail expérimental sur cette question dont je souligne à nouveau toute l’importance dans l’accès à l’emploi. Le Grand Lyon devrait peut-être reprendre cette expérimentation dans le droit commun et demander au Sytral de s’investir sur cet enjeu. Il ne suffit pas de répondre en termes de tarification pour régler les problèmes de mobilité. Il y a un vrai et grand travail à conduire sur les liaisons entre les bassins de vie et les bassins d’emploi. Un ouvrier habitant Vénissieux ne peut aujourd’hui accepter un emploi à Rillieux que s’il possède une voiture et certaines personnes qui travaillent avec des horaires décalés sont également bloquées par l’amplitude actuelle des horaires.

 

L’accès à l’emploi n’est pas qu’une question de qualification, mais aussi de capacité à se rendre disponible, notamment pour les femmes qui élèvent seules des enfants. Comment la collectivité peut-elle aider les familles monoparentales ?

Les familles monoparentales et notamment les femmes seules avec enfants constituent le profil type du public le plus en difficulté pour accéder à l’emploi. A Décines, on propose d’abord à ces femmes de faire une VAE – validation des acquis de l’expérience. Car elles ont eu souvent des parcours chaotiques et sont sans diplôme, mais elles ont pu exercer différents métiers et il convient de valoriser ces acquis. Certaines s’orientent ensuite vers de nouvelles formations, d’autres vont directement vers l’emploi. Dans l’un ou l’autre cas, on travaille avec elles également pour trouver des modes de gardes qui souvent nécessitent d’être adaptés à des horaires décalés. C’est dans l’objectif d’offrir des places en crèche à horaires larges que nous envisageons d’acheter des places dans le futur centre de la mutualité qui va venir s’implanter à Décines. Il faut absolument aujourd’hui croiser les financements publics, para–publics et privés pour construire ce type de service adapté aux temps de la vie moderne. Nous avons tenté de mobiliser les réseaux d’assistantes maternelles, mais ces dernières sont tellement sollicitées qu’elles préfèrent choisir des familles à horaires moins difficiles. Nous pouvons également aider les femmes à passer leur permis de conduire et, dans certains cas, nous leur mettons un véhicule à disposition pour faciliter leur recherche d’emploi. Et puis nous sommes en lien avec les associations pour les droits des femmes qui peuvent compléter l’accompagnement.

 

Les jeunes, notamment ceux issus des grands quartiers d’habitat social, sont les plus concernés par le chômage. Comment, à l’échelle du Grand Lyon, est-il possible d’agir en faveur de ce public ?

Dans les quartiers, on trouve en fait deux principales catégories de jeunes, ceux qui sont sortis du système scolaire sans diplôme et ceux qui ont poursuivis des études mais qui ont des difficultés d’accès à l’emploi parce que la situation est difficile, mais aussi parce qu’ils portent un nom et ont une adresse qui suscitent des réactions de rejet chez les employeurs. C’est pourquoi je suis tout à fait favorable au CV anonyme et à toute démarche de discrimination positive. Il faut forcer les portes, c’est une impérieuse nécessité et s’il faut des lois ou des quotas pour y arriver, alors il ne faut pas hésiter.
Pour les jeunes sans diplôme ou qualification, les possibilités d’accès à l’emploi à travers les clauses d’insertion dans les marchés publics sont de bons outils. Il faudrait cependant que l’on soit encore plus vigilants sur ce qui leur est proposé, se soucier réellement du contenu des missions qui leur sont attribuées, de leur utilité pour les jeunes pour véritablement leur permettre de se rapprocher de l’emploi. Par ailleurs, il est important de noter que les jeunes qui habitent un quartier sensible CUCS ont plus de chances d’être aidés que ceux qui habitent en dehors. Les prises en charge sont plus difficiles lorsque l’on sort des quartiers prioritaires de la Politique de la Ville.

 

Dans un souci de justice, faudrait-il prioriser une approche centrée sur les publics plutôt que sur les territoires ? 

L’approche territoriale demeure incontournable car les quartiers « CUCS » concentrent des populations en difficulté. Cependant, cette approche n’est pas suffisante et doit être complétée par une approche centrée sur les personnes. Cependant, celle-ci doit s’envisager pour l’ensemble des personnes en difficulté. Je suis assez réticent à la catégorisation des publics car elle peut conduire à nier la diversité des situations dans chaque catégorie, à une certaine stigmatisation, et surtout à opposer des publics les uns aux autres.

 

Conduire une politique d’emploi, notamment en faveur des publics les plus précaires, est-il selon vous, l’élément central d’une politique solidaire ?

Je me suis rendu compte que lorsque l’on aidait les gens à régler leur problème d’emploi, on les aidait à en atténuer bien d’autres. L’accès à l’emploi permet de retrouver une autonomie financière et une dignité. Mais il permet aussi souvent de réduire considérablement des problèmes de santé ou de logement. C’est pourquoi je fais parti de ceux qui sont favorables à la réduction des temps de parcours d’accès à l’emploi. Certains professionnels ont parfois tendance à considérer les personnes encore fragiles, trop éloignées de l’emploi, insuffisamment prêtes pour entrer dans une démarche de recherche active. Or, il faut prendre des risques, mesurés certes, mais il faut oser. Parfois, je me demande si les professionnels ne sont pas trop prudents dans leurs accompagnements. L’emploi est essentiel pour les personnes et, de fait, l’emploi est effectivement un élément central d’une politique solidaire.

 

De votre point de vue, faut-il demander une contrepartie sous forme d’heures hebdomadaires de travail aux bénéficiaires d’allocations chômage ou du RSA, cela ne faciliterait-il pas leur insertion dans l’emploi ?

Mettre en avant ce type d’idée relève de la démagogie. C’est tout simplement oublier que les chômeurs ne sont pas responsables du chômage. Bien sûr, il y a des tricheurs, des personnes qui peuvent profiter du système, et il faut leur faire la chasse, mais l’enjeu est de se concentrer sur l’immense majorité des personnes qui aspirent tout simplement à vivre décemment.  C’est un principe de base de notre modèle de solidarité français et il est primordial de ne pas le remettre en cause  aujourd’hui alors que nombre de nos concitoyens connaissent des situations particulièrement difficiles.